« L’Eucharistie: Pain qui nourrit soutient et dilate le cœur » par Mgr Follo


Mgr Follo, 28 juin 2020 © Anita Sanchez

Mgr Follo, 28 Juin 2020 © Anita Sanchez 

« L’Eucharistie, Pain qui nourrit, soutient et dilate le cœur », par Mgr Follo

Par MGR FRANCESCO FOLLO

« L’Amour n’est pas une dépendance, mais un don qui nous fait vivre »

Mgr Francesco Follo invite à « comprendre que l’Amour n’est pas une dépendance, mais un don qui nous fait vivre, en purifiant notre cœur », dans ce commentaire des lectures de dimanche prochain, 29 août 2021.

« La religion proposée par Jésus n’est donc pas réductible aux rites extérieurs, à une morale ou à une doctrine ; il s’agit de la révélation du visage de Dieu dans l’humanité de Jésus qui vient nous dire qu’une loi, aussi grande ou petite qu’elle soit, a du sens et de la valeur seulement si elle naît de l’amour, si elle est accompagnée par l’amour et si elle se consume dans l’amour. Le Christ et son Évangile portent l’amour et sa loi au cœur de l’homme et ils le recréent », explique notamment l’Observateur permanent du Saint-Siège à l’UNESCO à Paris.

Comme lecture patristique, Mgr Follo propose un passage de saint Irénée de Lyon.AB

L’Eucharistie est le Pain qui nourrit, soutient 

et dilate le cœur

1) Religion pure avec des cœurs purifiés.

Dans le passage de l’Évangile d’aujourd’hui – chapitre 7 de Marc – Jésus aide le peuple et les disciples (et, par conséquent, nous) à approfondir le concept de pureté et les lois de la pureté.

Mais n’oublions pas qu’on n’entre pas dans la juste relation (= religion pure) avec Dieu en se souciant de la pureté extérieure des corps, si l’on ne sait pas garder la vérité du cœur.

Le cœur, en effet, est le centre unificateur de la personne et permet de dépasser toute fausse alternative entre l’esprit et la chair, entre les gestes extérieurs et les intentions intérieures. Se purifier c’est réconcilier ce qui est divisé, disharmonieux, fragmenté en nous. Le cœur est aussi un lieu de rencontre entre nous et Dieu. Dieu reste loin si nous l’invoquons des lèvres sans descendre à sa rencontre au fond de notre cœur, demeure de Dieu. Enfin, le cœur est un lieu de rencontre avec l’autre, parce qu’il est source de cet amour en quoi, pour l’Apôtre Jacques, la religion pure consiste : à visiter les orphelins et les veuves en détresse (cf. Jc 1, 27 – seconde lecture de la messe d’aujourd’hui). En fait, les mauvaises pensées qui sortent de l’intérieur sont tous des signes de division et jettent la division : en nous-mêmes, avec Dieu, avec les autres.

Ce n’est donc pas ce qui entre dans l’homme qui le contamine, mais ce qui sort de son cœur. Dans le langage biblique, le cœur est le lieu des décisions, où se fait le choix entre le bien et le mal, entre Dieu ou nous-mêmes. Le premier devoir de l’homme est de garder son cœur en ordre.

Les pharisiens convaincus que la religion venue de Dieu consiste en un rituel public se scandalisent de voir quelques-uns des disciples du Crist « prendre leur repas
avec des mains impures
 » (Mc 7,3). Ces objecteurs du Maître, en croyant obéir aux lois de Dieu, ne mangeaient qu’après s’être lavé les mains. (Mc 7,3). Ils identifiaient la fidélité au « Dieu qui est proche de nous » (Dt 4, 7), dont parlait Moïse, avec ces « autres pratiques » auxquelles ils étaient attachés « par tradition » (Mc 7,4).

La première chose qu’il faut remarquer est que Jésus n’enseigne point à désobéir à la loi. Mais il enseigne à combattre l’hypocrisie et le formalisme, à donner plus d’importance aux dispositions du cœur, plutôt qu’aux gestes et rites extérieurs. D’une part donc, le Christ condamne le fait que le cœur des hommes s’éloigne de Dieu, ces derniers pensant l’honorer avec l’observance scrupuleuse des règles prescrites par la loi ; d’autre part, le Crist enseigne que la pureté n’est jamais une question de mains lavées ou de lèvres purifiées par des rites, mais elle est une question de cœur.

Aucun aliment venant de l’extérieur et entrant en l’être humain ne pourra le rendre impur, car il n’arrivera pas jusqu’au cœur, mais dans le ventre et finira ensuite dans les égouts. Ce qui nous rend impur, dit Jésus, est ce qui vient de l’intérieur, ce qui, à partir du cœur, sort pour empoisonner le rapport humain.

Ce qui est souillé, immonde ou impur, ce n’est pas ce qui vient de l’extérieur, mais les mauvaises actions et intentions, qui viennent d’un cœur méchant et éloigné de Dieu. Dieu n’est pas présent là où le cœur est absent car il est distrait, enfermé dans la peur.

Comment faire revenir le cœur à Dieu ? Comment s’approcher de Lui ?

On s’approche de Dieu « avec le lavage des aumônes, des larmes et des autres fruits de justice qui rendent le cœur et le corps purs pour pouvoir participer aux mystères célestes » (Saint Bède le Vénérable).

La religion proposée par Jésus n’est donc pas réductible aux rites extérieurs, à une morale ou à une doctrine ; il s’agit de la révélation du visage de Dieu dans l’humanité de Jésus qui vient nous dire qu’une loi, aussi grande ou petite qu’elle soit, a du sens et de la valeur seulement si elle naît de l’amour, si elle est accompagnée par l’amour et si elle se consume dans l’amour. Le Christ et son Évangile portent l’amour et sa loi au cœur de l’homme et ils le recréent.

Le culte chrétien n’est pas réductible à l’exécution de certains rites pour une commémoration d’évènements passés, et de même il ne s’agit pas d’une expérience intérieure particulière, mais il s’agit essentiellement d’une rencontre avec le Seigneur ressuscité en la profondeur d’un cœur purifié et attiré par une présence qui, gratuitement, se fait rencontre et, gratuitement, se fait reconnaître.

Il faut comprendre que notre salut (on peut aussi dire notre bonheur, car le reflet humain de la grâce du Christ est le plaisir de Sa grâce) ne dépend pas de bonnes œuvres accomplies selon la loi. Benoît XVI a souligné que le salut ne dépend pas des œuvres bonnes accomplies selon la loi ; des œuvres bonnes, comme bonne et sainte est la loi (cfr. Rom 7, 12). Mais le salut dépend du fait que Jésus était mort aussi pour chacun de nous pécheurs: « (Il) m’a aimé et s’est livré lui-même pour moi » (Gal 2, 20), et Il était et il est ressuscité. Comme Saint Paul le fait, l’important c’est que notre cœur reconnaisse que nous sommes « un rien aimé par Jésus Crist ». « Je suis un rien » dit Saint Paul de soi-même à la fin de la Deuxième Lettre aux Corinthiens (2Cor 12, 11) et dans la Lettre aux Galates : « (Il) m’a aimé et s’est livré lui-même pour moi » (Gal 2, 20). Un cœur ainsi humble et contrit est un cœur pur et pratique une religion pure et vraie.

2) Cœur[1] virginal 

La vraie religion commence avec le retour au cœur, auquel Dieu parle dans la solitude, comme dit Osée 2, 16 : « je vais l’entraîner jusqu’au désert, et je lui parlerai cœur à cœur ».

Si le désert est le lieu préféré par Dieu pour nous parler, néanmoins il est important de se rappeler que Dieu a différentes façons de parler (cfr. Lettre aux Hébreux 1,1). Dans cette méditation je vais en souligner trois.

La première d’entre elles est la nature. Le ciel et la terre chantent la gloire de Dieu et l’être humain peut la saisir, la comprendre et l’admirer. La première façon de parler de Dieu est donc la réalité. La création que Dieu nous a donnée est le don qui nous parle du Donateur.

La deuxième façon est la Parole, l’histoire, la Bible, la Révélation, où Dieu communique directement par Lui-même.

La troisième façon est la parole du Christ en notre cœur, à l’intérieur du cœur de chacun de nous. C’est le cœur qui se réjouit, ce sont les yeux qui deviennent lumineux, c’est la douceur que l’on ressent à l’intérieur. C’est-à-dire que Dieu parle surtout au cœur, en donnant les sentiments qui font vivre: sentiments de joie, de lumière et de douceur qui donnent signification, direction et sens à la vie.

Il est donc fondamental de comprendre quelle est la Parole qui devient Pain, qui devient vie et quelle est la parole qui devient mort. Pour faire cela, un cœur vierge est nécessaire. Parce que ce n’est pas seulement avec l’intelligence que l’on comprend la parole, mais aussi avec le cœur, qui nous la fait entendre et aimer. Et quand quelqu’un a la Parole dans le cœur et l’aime librement, il la réalise[2].

Pour les vierges consacrées dans le monde il s’agit là d’une réalisation apostolique. Elle est authentiquement apostolique non parce qu’elle comporte une « œuvre spécifique d’apostolat », mais parce qu’elle se rapproche de l’enseignement et de l’action des apôtres, pour servir l’Église dans le monde. Le Préambule du Rite de consécration des Vierges affirme : « Ainsi le don de la virginité prophétique et eschatologique acquiert la valeur d’un ministère au service du peuple de Dieu et il insère ceux qui sont consacrés dans le cœur de l’Église et du monde » (Préambule, 2). Dans l’Église chaque don et charisme acquiert le visage d’un ministère. Dans le cas de la virginité consacrée ce ministère, donné et vécu à travers une consécration publique, est un « travail » de service, et donc ministériel, et un témoignage « au cœur de l’Église et du monde ». Dans l’Église locale, les vierges consacrées représentent « l’existence chrétienne entant que qu’union matrimoniale (/ conjugale) entre le Christ et son Église, qui est le fondement soit de la virginité consacrée soit du sacrement du mariage » (Préambule, 1), c’est-à-dire dans les deux vocations dans lesquelles est représenté l’amour du Christ. L’amour virginal est un « rappel à la fugacité (/ condition transitoire) des réalités terrestres et anticipation des biens à venir ». (Préambule, 1) à l’intérieur des évènements du monde. Ainsi la vierge consacrée est icône de l’Église locale « présente dans le monde et néanmoins pèlerine » (Préambule, 1). Les vierges consacrées sont icônes parce qu’elles montrent comment il est possible suivre le Christ-Époux, dont elles écoutent la parole avec constance et dont elles se nourrissent dans l’Eucharistie. Avec l’intellect et le cœur nourri du Christ, ces femmes vivent et travaillent dans le monde en y apportant avec un cœur vierge l’Évangile de la virginité, « en grandissant en l’amour à Jésus et dans le service aux frères, ministère fait avec dévouement libre, cordial et humble » (cfr. Préambule). Cette humilité adhère de plus en plus à la virginité du cœur de celui qui permet qu’en elle  tout « est » donné, tout est disponibilité de son être à Dieu.

Lecture patristique

saint Irénée (+ 200)

Contre les hérésies 4, 12, 1-2  (SC 100, 508-514)

La tradition des anciens, que les Juifs affectaient d’observer en vertu de la Loi, était contraire à la Loi de Moïse. Voilà pourquoi Isaïe dit: Tes marchands mêlent ton vin avec de l’eau (Is 1,22), montrant par là que les anciens mêlaient à l’austère commandement de Dieu une tradition diluée, c’est-à-dire qu’ils ont instauré une loi altérée et contraire à la Loi. Le Seigneur l’a montré clairement quand il a dit: Pourquoi transgressez-vous le commandement de Dieu au nom de votre tradition (Mt 15,3)? Ils ne se sont pas contentés de violer la Loi de Dieu par leur transgression, en mêlant le vin avec de l’eau, mais ils lui ont aussi opposé leur propre loi, qu’on appelle aujourd’hui encore la loi pharisaïque. Ils y omettent certaines choses, en ajoutent d’autres, et en interprètent d’autres à leur guise, toutes pratiques auxquelles se livrent notamment leurs docteurs.

Résolus à défendre ces traditions, ils ne se sont pas soumis à la Loi de Dieu qui les préparait à la venue du Christ. Ils ont même reproché au Christ de faire des guérisons le jour du sabbat. Cela, avons-nous dit, même la Loi ne l’interdisait pas, puisqu’elle guérissait d’une certaine façon en faisant circoncire l’homme le jour du sabbat. Cependant ils ne se reprochaient pas à eux-mêmes de transgresser le commandement de Dieu par leur tradition et leur loi pharisaïque, alors qu’il leur manquait l’essentiel de la Loi, à savoir l’amour de l’homme pour Dieu.

Cet amour est, en effet, le premier et le plus grand commandement, et l’amour du prochain est le second. Le Seigneur l’a enseigné quand il a dit que toute la Loi et les Prophètes dépendent de ces commandements (cf. Mt 22,36-40). Et lui-même n’est pas venu donner de commandement plus grand que celui-là. Mais il a renouvelé ce même commandement, en ordonnant à ses disciples d’aimer Dieu de tout leur coeur et leur prochain comme eux-mêmes. <>

Paul dit aussi: La charité est la Loi dans sa plénitude (Rm 13,10) et, quand tout le reste disparaît, la foi, l’espérance et la charité demeurent, mais la plus grande de toutes, c’est la charité (1Co 13,13). Ni la connaissance, ni la compréhension des mystères, ni la foi, ni la prophétie (cf. 1Co 13,2) ne servent à rien sans la charité envers Dieu. Si la charité fait défaut, tout est vain et inutile. C’est la charité qui rend l’homme parfait, et celui qui aime Dieu est parfait dans le monde présent et dans le monde à venir. Car nous ne cesserons jamais d’aimer Dieu, mais plus nous le contemplerons, plus nous l’aimerons.

[1] Le mot « cœur » dans la Bible est utilisé presque mille fois. Rarement (dans 20% des cas) est utilisé pour indiquer l’organe physique qui bat dans la poitrine de l’homme.

A la question : « pourquoi Dieu nous à donné un cœur ? », la réponse  la plus commune est : « Pour aimer ». Dans la Bible la réponse est que Dieu nous a donné un cœur pour penser et pour connaître : « le Seigneur ne vous a pas donné un cœur pour connaître, des yeux pour voir, des oreilles pour entendre ? » (Dt 29, 3). Le premier sens du mot « Cœur » dans la Bible est donc celui de comprendre, connaître et savoir : « Apprends-nous la vraie mesure de nos jours : que nos cœurs pénètrent la sagesse » (Ps 90, 12) ; « Or, il y avait quelques scribes, assis là, qui raisonnaient en eux-mêmes [dans leurs cœurs]… Jésus leur dit : « Pourquoi tenez-vous de tels raisonnements [dans vos cœurs]? » (Mc 2, 6) ; « Esprits sans intelligence ! Comme votre cœur est lent à croire tout ce que les prophètes ont dit ! » (Lc 24, 25).

Le deuxième sens que la Bible donne au mot cœur est mémoire. Aussi en Italien le mot ri-cord-are (rappeler) vient de cœur. Dans la Bible le cœur et la mémoire sont liés et ils font aussi une forte référence à la vie de foi : rappeler signifie être fidèles. « Sache donc aujourd’hui, et médite cela en ton cœur : c’est le Seigneur qui est Dieu, là-haut dans le ciel comme ici-bas sur la terre ; il n’y en a pas d’autre » (Dt 4,39); « Ces paroles que je te donne aujourd’hui resteront dans ton cœur » (Dt 6,6) ; « Tous ceux qui les apprenaient les conservaient dans leur cœur et disaient » (Lc 1,66. 2,19. 2,51).

Enfin le mot Cœur est utilisé dans la Bible aussi pour indiquer les sentiments ; mais tous les sentiments, non seulement l’amour. Joie, désir, gratitude : « mon cœur et ma chair sont un cri vers le Dieu vivant ! » (Ps 84, 3) ; amertume : « Mon cœur en moi s’est brisé … mon cœur se plaint comme une flûte» (Jr 23,9. 48,36) ; confiance : « Le Seigneur est ma force et mon rempart ; à lui, mon cœur fait confiance » (Ps 27) ; l’amour de Dieu pour nous et notre amour pour Lui : « Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’Unique. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. Ces paroles que je te donne aujourd’hui resteront dans ton cœur.» (Dt 6, 4-6).

A cause de cette richesse de sens souvent dans la Bible le mot cœur représente la personne dans sa totalité : « Mon cœur exulte à cause du Seigneur … » = « J’exulte à cause du Seigneur  … » (1Sam 2,1).

Le sens est le même mais quand on remarque le cœur, la personne est vue en son intériorité : pensées, sentiments intimes, projets secrets et la rationalité-même, c’est-à-dire la raison avec laquelle l’homme choisit de vivre sa vie, demeurent pour la Bible dans le cœur humain. Le cœur de l’homme est vraiment le lieu où l’être humain est vraiment et totalement soi-même, sans masques, ni hypocrisies : « Je mettrai ma Loi au plus profond d’eux-mêmes ; je l’inscrirai sur leur cœur » (Jr 31,33 ss). Ensuite,  de façon anthropomorphe cette vision du cœur appliquée à Dieu Lui-même : « Mon cœur se retourne contre moi ; en même temps, mes entrailles frémissent » (Os 11,8).

[2] Pour la Bible le cœur n’est pas seulement une image littéraire qui symbolise sentiments et émotions, au contraire il est le lieu où se concentre tout notre être, la partie intérieure de nous-mêmes, d’où nos décisions ultimes naissent et où l’on vit nos expériences décisives. Le cœur est la source de tout ce que l’homme est ou il décide d’être ou de faire :

« Mon cœur m’a redit ta parole : « Cherchez ma face. » » (Ps 27,8) ;

« Déchirez vos cœurs et non pas vos vêtements, et revenez au Seigneur votre Dieu » (Jl 2,13) ;

« Parce que ce peuple s’approche de moi en me glorifiant de la bouche et des lèvres, alors que son cœur est loin de moi » (Is 29,13) ;

« Les hommes regardent l’apparence, mais le Seigneur regarde le cœur » (1Sam 16,7) ;

« Car c’est du dedans, du cœur de l’homme, que sortent les pensées perverses : inconduites, vols, meurtres » (Mc 7,21) ;

« Car là où est votre trésor, là aussi sera votre cœur » (Lc 12,34) ;

« Car c’est avec le cœur que l’on croit pour devenir juste » (Rm 10,10).

Source: ZENIT.ORG, le 26 août 2021

Rite syro-malabare : le pape invite à avancer dans l’unité

Rite syro-malabare

Rite Syro-Malabare, @Wikimedia Commons/Rahul Payyappilly

Rite syro-malabare : le pape invite à avancer dans l’unité

Lettre au Synode des évêques de l’Eglise orientale

Le pape François exhorte l’Eglise syro-malabare à mettre rapidement en œuvre le « mode uniforme de célébrer » l’Eucharistie – la Sainte Qurbana – dans une lettre envoyée à l’archevêque majeur et aux évêques du Synode de l’Eglise syro-malabare, en date du 3 juillet dernier.

Publiée ce mardi 6 juillet 2021, la lettre adressée aux évêques, prêtres, diacres, religieux et laïcs souligne l’importance de cette mise en œuvre « pour le plus grand bien et l’unité de votre Eglise ».

Là où l’unité et la confiance ont prévalu, fait observer le pape, « les normes approuvées pour la célébration eucharistique ont porté un fruit considérable, y compris pour l’évangélisation ».

Conscient des difficultés, « qui nécessitent un discernement permanent », le pape encourage les évêques syro-malabares à « persévérer » dans « leur “marche ensemble“ ecclésiale avec le peuple de Dieu ».

Voici notre traduction de la lettre en anglais du pape François.

Lettre du pape François

A l’attention des évêques, des prêtres et des diacres, des religieux et des laïcs de l’Eglise syro-malabare

Chers frères et sœurs dans le Christ,

Le Saint-Siège considère, avec une approbation et un encouragement particuliers, l’accord conclu à l’unanimité par le Synode des évêques de l’Eglise syro-malabare en 1999 – et entériné à plusieurs reprises les années suivantes – sur un mode uniforme de célébrer la Sainte Qurbana, estimant qu’il s’agit là d’un pas important vers une stabilité et une communion ecclésiale accrue dans l’ensemble du corps de votre Eglise bienaimée. Les efforts concertés en vue de l’application de cette évolution favorable au cours du grand Jubilé de l’an 2000 ont donné une confiance joyeuse dans votre Eglise sui iuris à mon saint prédécesseur le pape Jean-Paul II.

En dépit de certaines difficultés, qui nécessitent un discernement permanent dans la vie de votre vivante Eglise, les normes approuvées pour la célébration eucharistique ont porté un fruit considérable, y compris pour l’évangélisation des lieux, en particulier les éparchies missionnaires, où toute la communauté s’est unie dans une observance paisible et priante, interprétant le consensus continue de la hiérarchie comme un fruit du Saint-Esprit.

J’encourage vivement les évêques syro-malabares à persévérer et je confirme leur « marche ensemble » ecclésiale avec le peuple de Dieu, confiant que « le temps est plus grand que l’espace » (cf. Evangelii Gaudium, 222-225) et que « l’unité prévaut sur les conflits » (cf. Ibid., 226-230).

Je saisis volontiers l’occasion de la reconnaissance de la nouvelle Raza Qurbana Taksa pour exhorter tous les clercs, les religieux et les fidèles laïcs à procéder à une mise en œuvre rapide du mode uniforme de célébrer la Sainte Qurbana, pour le plus grand bien et l’unité de votre Eglise. Que l’Esprit-Saint favorise l’harmonie, la fraternité et l’unité parmi tous les membres de votre Eglise tandis que vous travaillez à la mise en œuvre de cette décision synodale.

En vous confiant tous à l’intercession de la Bienheureuse Vierge Marie, du saint patriarche saint Joseph et de l’apôtre saint Thomas, je vous donne volontiers ma bénédiction apostolique. Je vous assure de ma proximité dans la prière et vous demande, s’il vous plaît, de prier pour moi.

© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

Source: ZENIT.ORG, le 6 juillet 2021

La « permanence eucharistique » selon Vera Grita, par Elisabeth de Baudoüin

Vera Grita, par Elisabeth de Baudoüin © Salvator

Vera Grita, Par Elisabeth De Baudoüin © Salvator 

La « permanence eucharistique » selon Vera Grita par Elisabeth de Baudoüin

« Un formidable chemin de sanctification », à l’école de Don Bosco

Elisabeth de Baudoüin publie chez Salvator « Vera Grita, une vie eucharistique »: c’est le premier livre en français sur Vera Grita (1923-1969), une laïque consacrée, coopératrice salésienne, dont la cause de béatification a été ouverte en Italie, dans le diocèse de Savone, en 2019.

Les paroles du Christ à Vera Grita sont en quelque sorte une explicitation pour aujourd’hui de l’intuition spirituelle de Thérèse de Lisieux ou de Faustine Kowlaska: Jésus-Eucharistie demeure dans le baptisé entre deux communions, il ne l’abandonne pas. C’est la révélation d’une « permanence eucharistique » d’autant plus bouleversante après l’expérience des confinements sans accès à la communion: mais le Christ était là. Et… à enseigner aux enfants de la Première communion…

Elisabeth de Baudoüin a été journaliste spécialisée dans les questions religieuses. Elle est auteur de trois livres publiés chez Salvator : « Les saints nous conduisent à Jésus », avec le p. François-Marie Léthel, ocd (2017), « Thérèse et François » (2019) et « Vera Grita, une vie eucharistique » (2021).

Zenit – Le message que le Christ confie à Vera Grita pour saint Paul VI, que l’on vient de fêter le 29 mai, est très fort, en pleine crise des années 60… Qu’est-ce que le Christ demande à Paul VI ?

Il lui demande expressément d’approuver, bénir et diffuser dans le monde entier l’Œuvre des tabernacles vivants, qu’il vient apporter à l’humanité par le biais de cette mystique italienne. Le Christ affirme vouloir « recouvrir la terre » de tabernacles d’un genre nouveau : des hommes et des femmes qui le porteront, Lui, Jésus Eucharistie, non seulement en eux, grâce à la communion, mais, pour certaines âmes appelées et préparées, sur eux, dans une custode Le gardant. En pleine crise de 68, où l’Eucharistie est tellement attaquée, Il exhorte ce pape si critiqué et qu’il confirme dans sa mission, à être le premier de ces tabernacles vivants et ambulants, en Le portant en lui et sur lui à travers ses voyages apostoliques. A ce pape novateur, génial inventeur de ces voyages, il demande de multiplier ces derniers pour pouvoir sillonner avec lui les routes de monde, à la rencontre de l’humanité souffrante et perdue. Coïncidence ou signe que le pape, à qui ont été remis les messages de Vera, les a pris au sérieux ? Les voyages apostoliques hors d’Italie vont s’intensifier, durant les années qui suivent. C’est aussi sous le pontificat de ce pape mal aimé que vont être institués ces « christophores » que sont les ministres extraordinaires de la sainte communion : les laïcs qui portent sur eux Jésus Hostie pour le donner aux malades ou aux personnes en fin de vie.

Le Christ révèle à Vera Grita ce qui était déjà une intuition de Thérèse de Lisieux ou de Faustine Kowalska : la « permanence eucharistique » de Jésus dans celui qui est baptisé, et en état de grâce, et qui communie. Comment est-ce dit dans les écrits de Vera Grita ?

Le Christ dit textuellement qu’il veut « l’adhésion » du tabernacle vivant « à sa permanence eucharistique dans son âme ». Il l’encourage par ailleurs à cultiver cette permanence à travers le souvenir, le dialogue habituel et familier avec Lui, la communion fréquente et l’action de grâce après la communion. « Cette âme m’aura toujours et chaque jour, je renouvellerai en elle ma présence eucharistique, je l’augmenterai grâce à la sainte communion », insiste-t-il. Se trouve ainsi confirmé ce que sainte Faustine Kowalska a déclaré quelque trente ans plus tôt : « J’ai appris que la sainte communion demeure en moi jusqu’à la communion suivante. La présence de Dieu demeure dans mon âme, vivante et perceptible (…). Mon cœur est un vivant tabernacle, dans lequel est conservée l’Hostie vivante [1]. » Quant à Thérèse de Lisieux, qui regrettait tant de ne pouvoir communier plus souvent, son intuition de la permanence eucharistique se traduisait par cette supplique à Dieu : « Restez en moi comme au tabernacle, ne vous éloignez jamais de votre petite hostie ».

Est-ce qu’il n’y a pas là une vraie révolution pour la vie eucharistique des baptisés ? Un message pour la fête du Saint-Sacrement ?

Ces trois mystiques – pour ne citer qu’elles – s’inscrivent en faux contre une opinion, largement répandue dans l’Eglise, qui veut que la présence réelle de Jésus dans l’Hostie consacrée ne perdure que quand celle-ci est conservée dans le tabernacle « de pierre », pour les malades ou en vue de l’adoration eucharistique. Pour la communion, c’est une autre affaire : pas de « permanence », mais une présence fugitive, qui s’évanouit, dès que les espèces du pain se sont dissoutes dans le corps. Pour autant, la permanence eucharistique constitue moins une révolution qu’un retour à la source, celle de l’Evangile, où le Christ lui-même affirme : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi je demeure (du grec menei, rester) en lui ». Ceci dit, le fidèle qui communie et prend conscience de cette permanence ne peut plus vivre comme avant. Cela l’engage, vis-à-vis de lui-même et du prochain. En ce sens, c’est un formidable chemin de sanctification. « Au tabernacle vivant, j’ouvrira la voie de la sainteté », a déclaré le Christ à Vera. C’est une belle promesse, à relayer au moment de la fête du Saint-Sacrement !

Vera Grita était une laïque, institutrice et coopératrice salésienne : autrement dit les pieds sur terre et dans la belle spiritualité de Don Bosco ?

Vera Grita a été marquée par les salésiens dès son enfance : Ce sont les filles de Marie Auxiliatrice, la branche féminine de la congrégation fondée par don Bosco, qui l’ont préparée à sa première communion, en Sicile. Elle en a gardé un attachement très fort à ces deux piliers de la spiritualité salésienne que sont la communion et la confession fréquentes. En 1944, elle vit une tragédie qui change le cours de son existence : le 4 juillet, elle est piétinée par la foule lors du bombardement de la ville de Savone par l’aviation anglo-américaine. Son corps est massacré et cette ravissante jeune fille de 21 ans, jusque-là en parfaite santé, vivra désormais clouée sur la croix. Elle va alors puiser dans la foi les forces nécessaires pour surmonter cette épreuve et supporter la souffrance physique, qui ne la lâchera jamais. Grâce à ses qualités de courage et de détermination et une intense vie de prière, enracinée dans l’Eucharistie, elle réussit à mener une vie presque normale. Elle passe même le concours pour devenir « maîtresse d’école » et le réussit. Malgré ses difficultés, qu’elle ne met jamais en avant et sur lesquelles elle reste très discrète, elle exerce ce métier avec talent et passion jusqu’à sa mort, en 1969, à l’âge de 46 ans. Entre temps, cette jeune femme de plus en plus priante et proche des salésiens s’est consacrée dans le célibat et, en octobre 1967, elle est devenue coopératrice salésienne. C’est alors que commence l’expérience mystique hors norme qu’elle vit pendant deux ans et qui sera à l’origine de l’Œuvre des tabernacles vivants.

[1] Cf. Petit journal 1302, 29 septembre 1937.

Source: ZENIT.ORG, le 5 juin 2021

21.03.2021 – Homélie du 5ème dimanche du carême

Nous voudrions voir Jésus 

Homélie du 5ème dimanche du carême

Par l’Abbé Jean Compazieu

Textes bibliques : Lire

Tout au long de ce Carême, nous entendons la Parole de Dieu qui ne cesse de nous appeler à revenir vers lui. Avec la première lecture, nous découvrons qu’il a fait alliance avec son peuple. Mais ce dernier n’a pas respecté le contrat. Il a préféré faire confiance à d’autres divinités ou même à sa propre force. En se détournant de son Dieu, il rejette sa protection ; il court à sa perte. Ce texte est toujours d’actualité. Il nous renvoie à notre vie et à celle de notre monde. La tentation est grande de se tourner vers d’autres dieux qui s’appellent argent, recherche du pouvoir, désir de posséder toujours plus. Mais le prophète continue à nous renvoyer à l’essentiel : le Seigneur mettra sa loi au fond de nous-mêmes. C’est en nous tournant vers lui que nous trouverons le vrai bonheur.

Or voilà que dans l’évangile de ce dimanche, nous voyons cette promesse en train de se réaliser. Quelques grecs venus à Jérusalem vont trouver Philippe pour lui dire : Nous voudrions voir Jésus. Ce dernier va le dire à André et tous deux vont le dire à Jésus. Ces Grecs, ce sont des étrangers. Ils nous font penser aux mages venus d’Orient pour se prosterner devant lui. C’est une manière de dire que la bonne nouvelle annoncée par le prophète n’est pas réservée aux seuls membres de son peuple. Elle est offerte à tous les hommes de tous les pays et de toutes les générations. Comme Philippe et André, nous venons à Jésus pour lui présenter tous ces hommes et femmes en quête de vérité. C’est cela qui doit orienter notre prière.

En réponse, Jésus leur propose de le voir dans sa gloire. Et sa gloire, c’est la croix. Nous allons entrer dans la grande Semaine Sainte. C’est l’heure que Jésus attend depuis le début de sa mission. Ces grecs vont voir un homme comme les autres hommes, affreusement bouleversé de perdre sa vie. Ils verront la mort de Celui qui est l’auteur de la vie, un homme élevé au-dessus de tous et cloué sur une croix. Ce Jésus élevé de terre connaîtra la gloire puisqu’il attirera tous les hommes à lui.

Nous voudrions voir Jésus… Oui, c’est vrai. Mais c’est surtout lui qui voudrait nous voir et nous attirer à lui. Or trop souvent, c’est nous qui lui tournons le dos. C’est ce qui se passe chaque fois que nous organisons notre vie en dehors de lui. Nous n’accueillons pas l’amour qui est en lui. Nous voyons bien ce que cela donne. Nous assistons à des conflits qui n’en finissent pas de durcir les cœurs. Nous avons besoin de quelqu’un qui nous aide à sortir de la logique de la rancune et de la haine. Seul Jésus peut nous apprendre à aimer comme lui et à pardonner. Lui seul peut nous délier du mal.

“Nous voudrions voir Jésus.” L’évangile nous dit que nous devons le reconnaître là où nous ne pensions pas le trouver et sous les traits que nous n’avions pas imaginés. Il est dans ce malade que nous ne pouvons pas visiter sur son lit d’hôpital à cause de la pandémie ; il est dans ceux qui, à cause de la crise, n’ont plus de travail, plus de logement, plus d’espérance. Tout ce que nous faisons pour le plus petit d’entre les siens, c’est à lui que nous le faisons.

Alors c’est vrai, cela vaut la peine d’aller à sa rencontre. Avec lui, la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres, aux prisonniers et aux exclus de toute sorte. Il est celui qui fait miséricorde aux pécheurs. Son salut est offert à tous. Lui-même nous dit qu’il n’est pas venu pour juger le monde mais pour le sauver. Son Évangile est un message d’espérance et d’amour qu’il faut proclamer à temps et à contretemps.

Ce Jésus que nous voudrions voir est aussi aux côtés de ceux et celles qui s’engagent dans la lutte contre la misère. Chaque année, des hommes, des femmes et des enfants s’organisent en lien avec le CCFD Terre solidaire pour faire de ce dimanche une journée de prière, de partage et de collecte d’informations sur les peuples du monde. Des chrétiens prennent l’initiative de jeûner et de se priver pour mieux partager avec les plus pauvres. En raison de leur situation précaire, ces derniers savent bien que l’homme ne peut pas s’en sortir seul. C’est pourquoi, un peu partout dans le monde, des gens s’organisent pour vivre différemment. Ils veulent construire une Église qui se met au service des autres. C’est cette Église-là qui nous permettra de rencontrer Jésus.

Par l’Eucharistie, c’est l’heure de Jésus qui se poursuit. Prions-le pour qu’il nous entraîne dans son amour; cet amour qui va jusqu’au bout.

Source: DIMANCHEPROCHAIN.ORG, le 13 mars 2021

La présence du Christ dans l’eucharistie est-elle réelle ?

OSTENSOIRE
© Sidney de Almeida – shutterstock – Ostensoire.

La présence du Christ dans l’eucharistie est-elle réelle ?

Par le Père Nicolas Buttet 

C’est par amour que le Christ a voulu se donner en dépassant les lois de la physique, par la « transsubstantiation ». Notre foi grandit dans la lutte entre ce que l’on perçoit sensiblement et ce que l’on croit spirituellement.

Le Christ a dit à ses apôtres « Faites ceci en mémoire de moi ». La folie de son amour, c’est le sacrifice de la messe. Ce n’est pas seulement un souvenir pour nous émouvoir, c’est un fait : Jésus vient s’offrir à nouveau pour nous sur l’autel comme il le fit sur la croix. Au moment où le prêtre prononce les paroles : » Ceci est mon corps livré pour vous – ceci est la coupe de mon sang versé pour vous », s’opère le grand acte qui nous sauve. Car ce n’est pas le prêtre qui prononce ces paroles, mais c’est le Christ, par la bouche du prêtre. À ce moment précis de la messe, c’est comme si deux millénaires d’histoire étaient balayés et que nous étions contemporains de Marie et de Jean au pied de la croix. De sorte que chacun et chacune peut vraiment faire l’expérience existentielle de la folie de l’amour de Dieu pour nous. Il livre sa chair, il verse son sang. Il a versé tout son sang, rien que pour moi. À ce moment-là, nous touchons ce grand mystère.

Présents au pied de la croix et de l’autel

Par ce fait que la croix et l’autel sont contemporains, nous sommes véritablement en contact immédiat avec le Christ. Nous ne faisons pas un voyage dans le temps, mais nous sommes réellement et spirituellement présents au pied de la croix, au pied du Golgotha, avec Marie et Jean et on voit la folie de l’amour de Dieu pour nous et ce pardon qui va jaillir de son cœur par le sang qui coule comme un flot de miséricorde pour laver les péchés du monde et inonder le cœur des hommes de l’amour du Père.

C’est un « mémorial » et non un nouveau sacrifice, comme si celui de jadis était insuffisant et qu’il fallait y rajouter quelque chose. C’est le même Christ rendu présent parmi nous et qui se donne avec les dispositions d’oblation qui étaient les siennes le soir du Jeudi Saint. On appelle cela un « mémorial », non en ce sens qu’il nous aiderait seulement à nous souvenir de ce qu’il a fait pour nous, mais parce que s’actualise en lui l’évènement initial : nous faisons mémoire devant Dieu de ce qu’il a opéré jadis et nous savons qu’alors il le réalise, selon sa promesse. Voilà pourquoi la participation à la messe est vraiment une grande chose. Même si la communion en est l’aboutissement normal, il y a déjà un grand bienfait à nous unir au sacrifice du Christ par la foi et l’amour. Si nous ne pouvons pas communier, nous pouvons déjà le rejoindre dans le don nuptial qui est le sien. Et puis nous profitons de toute la richesse que l’Église a déployée autour de ce moment décisif : chants, lectures, présence de nos frères, enseignement.

Il nous l’a dit

L’engagement du Seigneur est si total qu’il va jusqu’à nous donner réellement son corps et son sang, non en figure, mais en réalité, il ne se contente pas de dire : « je t’aime », il le prouve, il se donne à nous concrètement, charnellement, dans l’Eucharistie. C’est ce que l’on appelle la présence « réelle » parce qu’elle prend l’apparence d’une chose (res). Elle est la seule de ce type. Jésus est présent au milieu de nous de bien des façons : par sa parole, par nos frères, dans la liturgie, etc. Mais il n’y a que là que la présence atteint cette densité et ce réalisme. Ce que nous voyons comme une chose posée au milieu des autres choses est en réalité une personne vivante. Il prend le risque de se cacher dans une apparence si déconcertante pour que notre rencontre avec lui se fasse dans la foi.

Le mystère de la foi, par excellence

Que voit-on, quand on est un spectateur extérieur et qu’on ne croit pas ? Presque rien ! Et pourtant il est là. Saint Thomas d’Aquin nous dit que sur la croix sa divinité était cachée, mais que tout le monde pouvait voir son humanité, eh bien, là, même son humanité est voilée. C’est le mystère de la foi par excellence. Sa joie, ses délices, c’est de demeurer parmi les enfants des hommes et c’est son désir le plus cher. Il est venu il y a 2000 ans en prenant chair de la Vierge Marie, il a vécu avec nous, il a souffert, il est mort, il est ressuscité, il est monté au ciel. Et alors, il a voulu remplir cette promesse de demeurer avec nous jusqu’à la fin des temps et en même temps, nous manifester le plus grand amour. Il a donc inventé cette chose absolument prodigieuse pour que l’on n’oublie jamais la folie de son amour et pour qu’il reste avec nous tous les jours jusqu’à la fin des temps, que l’on puisse le rencontrer personnellement, corporellement aujourd’hui, sous tous les cieux, dans tous les temps de l’histoire des hommes.

La transsubstantiation

L’Église appelle ce grand miracle la transsubstantiation. C’est un mot savant pour nous dire que toute la réalité du pain et toute la réalité du vin sont changées dans le Corps et le Sang adorables du Christ, Jésus ne s’ajoute pas à une réalité existante, il en prend la place. Il ne se fait pas pain, le pain cède la place à Jésus, même si les apparences demeurent. Car le Seigneur n’a pas permis que le vin dans le calice perde ses propriétés alcooliques ou que le pain ne comporte plus de gluten, sans quoi nous n’aurions plus besoin de la foi : le miracle serait constatable par n’importe qui.

Nous prenons au pied de la lettre la parole du Christ : « Ceci est mon corps. » On ne dit pas « ce pain est mon corps », ce qui serait faux théologiquement ; ni « ce pain contient mon corps », ni « ce pain représente (ou symbolise) mon corps ». Non. C’est très difficile à exprimer, ceci est un neutre, une chose encore indistincte, car, tant que l’on n’a pas dit le « est », c’est encore du pain, et dès que l’on a dit le « est », cela devient le Corps du Christ. Donc, « ceci, ce que vous voyez là, cette chose que l’on ne peut pas qualifier parce que cela va vite changer, est véritablement mon corps ». Et tout d’un coup, quand les paroles sont dites, c’est le Corps du Christ ; alors il faut se prosterner et adorer.

Pendant combien de temps ?

« La présence eucharistique du Christ commence au moment de la consécration et dure aussi longtemps que les espèces eucharistiques subsistent » (Catéchisme de l’Église catholique, n. 1377). Ainsi la présence réelle de Jésus au Saint-Sacrement est-elle tributaire du maintien des espèces (espèces = ce qui apparait, c’est-à-dire le pain et le vin). De sorte que quand les espèces sont altérées, sont changées ou disparaissent, il n’y a plus de présence réelle, à proprement parler. C’est encore un abaissement auquel Jésus a dû se soumettre : sa présence dépend des hommes et parfois leur manque de soin, leur oubli, leur maladresse peut faire disparaître ce fragile support qui le relie à nous.

Un défi à nos sens

« Le grand miracle qui se produit à la messe est un miracle qui défie toutes les lois physiques » nous dit saint Thomas d’Aquin. Le théologien recense sept ou huit lois physiques qui sont bousculées par ce qui se passe quand les paroles de la consécration sont prononcées et que, tout d’un coup, un bout de pain devient Dieu et un peu de vin devient Dieu. La philosophie elle-même balbutie devant ce mystère. Descartes a essayé de construire une théorie philosophique de l’Eucharistie, mais il a échoué. Même les termes de « substance » et d’« accidents » que nous employons pour tenter de dire ce qui se passe dans la consécration sont utilisés en un sens inusité : normalement c’est la substance qui demeure et les accidents qui se modifient (un homme en vieillissant reste toujours le même homme, mais ses cheveux blanchissent par exemple) ; dans l’Eucharistie, c’est l’inverse : les accidents (c’est-à-dire ce que l’on voit du pain et du vin) restent inchangés, mais la substance a complètement changé : c’est le Corps du Christ !

Notre foi grandit dans cette lutte, admettre qu’il peut y avoir un pont entre ce que je perçois sensiblement et ce que je crois spirituellement dans ma foi.

Les raisonneurs peuvent se moquer : au musée de l’athéisme à Moscou, ne montrait-on pas naguère une hostie (consacrée ou pas ? on ne saura jamais) dans une vitrine avec l’inscription « Dieu des chrétiens » à côtés des pierres sacrées ou des totems des religions traditionnelles ? C’est pourtant le même Jésus tout entier qui est dans chaque hostie. Il reste entier dans chaque parcelle quand on partage l’hostie. C’est là un premier miracle. Mais le plus grand miracle, c‘est que nous puissions croire à ce qu’il nous a dit : il y a un tel décalage entre ce que l’on voit et ce que l’on croit, et pourtant nous pouvons le rejoindre par notre foi, être sûr, vraiment sûr, qu’il est là !

Depuis 2.000 ans

Par l’acte de foi en l’Eucharistie, notre foi grandit dans la foi que transmet l’Église depuis deux millénaires. Nos sens nous permettent de voir l’hostie, ils voient les apparences qui sont toujours là. Ce n’est pas facile de faire l’acte de foi de nous dire que c’est Jésus qui est présent, c’est difficile. Et notre foi grandit dans cette lutte, admettre qu’il peut y avoir un pont entre ce que je perçois sensiblement et ce que je crois spirituellement dans ma foi. Dans l’acte de foi en l’Eucharistie, ma foi rejoint la foi gardée dans toutes les Églises apostoliques d’Orient et d’Occident depuis 2000 ans, cette foi qui est celle de tous les saints, de tous les docteurs, de tous les Pères de l’Église. Saint Thomas d’Aquin explique que si on n’a pas la foi sur un seul article de foi, on n’a pas la foi du tout, car la foi consiste à reconnaître la foi de l’Église et à y adhérer, parce que c’est l’Église qui la porte depuis toujours et non parce que notre petit cerveau y consent. Voilà pourquoi les vérités de foi sont d’un niveau de certitude bien supérieur à toutes nos certitudes personnelles.

Un jour, j’expliquais à des enfants ce qu’était la communion et l’un d’eux m’a arrêté en disant : « Arrête d’expliquer, c’est Jésus. » Une autre fois, je préparais un enfant de 7 ans à sa première communion, en faisant avec lui un moment d’adoration ; l’enfant me dit : « Nicolas, c’est fou de penser que c’est Jésus devant nous. » Alors que je cherchais une réponse intelligente pour lui dire : « C’est vrai, tu as raison », l’enfant répondit lui-même : « C’est la toute-puissance de Dieu » qui avait fait changer un bout de pain en hostie. Dieu peut se faire tout vulnérable et tout pauvre. À un enfant qui prépare sa communion, il faut lui montrer que c’est vraiment Jésus et le laisser croire que Dieu peut se faire tout vulnérable et tout pauvre.

Un cadeau pour la communion et pour l’adoration

La présence réelle et continue de Jésus dans l’Eucharistie permet à la fois de le manger et de le recevoir dans la communion eucharistique et aussi de prolonger cette communion en l’adorant et en trouvant cette consolation prodigieuse d’être avec lui, comme cela, tout simplement près de son Cœur. L’adoration eucharistique n’a pas tout de suite existé dans l’Église, mais elle est la conséquence d’une prise de conscience de plus en plus nette de la présence réelle de Jésus dans l’hostie sainte. On a beaucoup dit qu’elle suppléait la communion devenue rare dans le peuple chrétien (beaucoup, même dans les monastères, ne communiaient que quatre ou cinq fois par an). Mais on peut aussi voir qu’elle a eu pour effet de faire renaître chez les chrétiens fervents le désir d’une communion beaucoup plus fréquente : quand on a longuement contemplé le Corps de Jésus, comment ne pas désirer le recevoir en soi ?

On voit ce qui arrive quand la communion prise à la hâte et sans vraie préparation n’est vue que comme un rite de la messe, on perd le sens de la rencontre avec quelqu’un qui est notre Dieu.

L’adoration correspond à un moment très important de notre démarche d’amour vers Jésus. L’amour se nourrit des regards posés sur l’être aimé, il a besoin de paroles échangées pour se comprendre, pour partager l’intime de son âme. Comment nous priverions-nous de cela avec Jésus ? La communion n’est qu’un instant, même si on essaie de la prolonger dans une action de grâce. Elle a besoin d’être précédée et suivie de cette rencontre du cœur que rend possible l’adoration. On dit d’une maman qui regarde avec affection son enfant qu’elle le « mange des yeux ». Nous avons besoin de manger Jésus de nos yeux avant de le manger physiquement dans la communion. Il faut grandement se réjouir que les catholiques redécouvrent aujourd’hui l’adoration. Pendant des années, il était de bon ton de dire : « L’Eucharistie est faite pour être mangée et pas regardée » comme si l’un ne menait pas à l’autre ! On voit ce qui arrive quand la communion prise à la hâte et sans vraie préparation n’est vue que comme un rite de la messe, on perd le sens de la rencontre avec quelqu’un qui est notre Dieu.

La communion sacramentelle

La communion est ce moment très fort où nous ne formons plus qu’un avec lui, aucune image ne peut rendre cette unité. La communion à l’Eucharistie est « le centre et le sommet de la vie chrétienne » (Vatican II). Pour saint Thomas d’Aquin, « la communion sacramentelle en elle-même est vectrice de toutes les grâces, puisque ce sacrement est l’unique sacrement non seulement qui communique la grâce, mais qui contient l’auteur de la grâce. » Tous les autres sacrements ne font que communiquer la grâce, ils sont des vecteurs, des transmetteurs de la grâce. L’eau du baptême avec les paroles du baptême, la sainte huile et les paroles prononcées pour la confirmation ; mais dans le Saint Sacrement, c’est et la grâce et l’auteur de la grâce qui est là, Jésus est réellement présent. Ce qui fait de l’Eucharistie le sacrement par excellence. C’est le sacrement source de tous les autres sacrements : « En vérité, en vérité, si vous ne mangez pas mon corps et ne buvez pas mon sang, vous n’aurez pas la vie en vous » (Jn 6, 53). Les Pères de l’Église disaient que c’est une revanche sur le péché originel car, de cet arbre magnifique au jardin d’Éden, où le fruit semblait beau à voir et bon à manger, nos pré-parents ont goûté la mort en mettant la main dessus. Et puis, de l’horrible arbre mort qu’est la croix, avec dessus un fruit qui n’a ni beauté ni éclat — le Christ —, quand on le reçoit à l’hostie, on reçoit la vie. C’est l’inverse de la logique de l’Éden. La vraie logique est que, de la mort de la Croix jaillit un fruit qui n’a ni beauté ni éclat et qui, quand on le reçoit en disant « amen », est le corps du Christ ; je reçois la vie et lui me transforme et me transfigure.

L’union qui s’opère

Il est très difficile de décrire l’union qui s’opère entre le Christ et nous à l’heure de la communion. Au moment où nous recevons en nous la présence réelle, Jésus n’est pas un contenu dans un contenant : nous sommes en lui au moins autant qu’il est en nous (Jn 6, 56). Nous n’avons pas à l’imaginer transitant dans notre tube digestif, surtout que, les espèces étant rapidement dissoutes, la présence réelle disparaît assez vite. L’union qui s’opère est beaucoup durable et mystérieuse. Elle s’apparente certes à la nourriture, puisque Jésus nous dit : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle, et moi, je le ressusciterai au dernier jour. Car ma chair est vraiment une nourriture, et mon sang est vraiment un breuvage » (Jn 6, 54-55). Mais, à la différence d’une nourriture ordinaire, elle n’est pas assimilée par nous, c’est elle qui nous assimile.

On ne peut pas s’empêcher de penser à l’union nuptiale qui se réalise dans un rapprochement où l’homme et la femme se donnent complétement l’un à l’autre. Saint Paul y fait sans doute allusion quand il considère que la fornication est en contradiction avec la communion au Corps du Christ, le chrétien formant avec lui un seul esprit — et un seul corps (1 Co 6, 16-17). Mais, là encore, l’image est insuffisante, car les époux restent malgré tout extérieurs l’un à l’autre. La communion nous fait participer à la vie de l’Esprit, c’est le Seigneur Saint Esprit qui vient habiter en nous au moment où nous recevons le Christ en nous. C’est lui qui réalise l’unité maximale entre Jésus et nous, mais aussi avec tous nos frères chrétiens qui communient au même Corps. C’est lui qui construit ainsi l’Église. Dans les Églises orientales, on chante au moment de la communion : « nous avons reçu le Saint Esprit ». C’est une grande lumière pour nous, qui nous amène à ouvrir plus large notre cœur et voir la communion comme l’entrée dans une nouvelle manière de vivre.

Miracles de la communion

Les prêtres qui sont témoins des merveilles qui se passent dans le cœur des enfants au moment de leur première communion auraient beaucoup à raconter. Mais il n’y a pas que les enfants. L’Eucharistie fait des merveilles dans le cœur et même dans le corps des hommes. Il y a trois ans, j’ai connu un homme qui avait eu un grave cancer de l’œsophage ; il ne pouvait plus du tout déglutir, pas même une goutte d’eau, il fallait humecter le palais et la langue avec un coton-tige et il était sous perfusion pour la nourriture. C’était très lourd, il faisait encore des rayons, tout était grillé dans son corps. Un jour, il arrive à l’hôpital pour les rayons et dit à sa femme qu’il n’en pouvait vraiment plus. Elle lui proposa de l’emmener à la chapelle de l’hôpital pour confier tout cela à Jésus ; une messe y était célébrée. Au moment de l’Eucharistie, pris par le désir de communier, il avance communier, prend le Corps du Christ et l’avale. Il était incapable d’absorber une goutte d’eau. Tout à coup, il s’en rend compte et sa femme le regarde. Après, il est allé communier chaque jour, et cela continue encore aujourd’hui. Une goutte d’eau le fait hurler, une miette de pain est une torture, mais le corps du Christ descend en lui. C’est un miracle, ce n’est pas possible autrement. Les médecins n’y ont pas cru, ils lui ont dit qu’il mentait ; l’un d’eux est allé voir pour constater et a conclu que c’était vraiment un miracle. Scientifiquement, cela ne s’explique pas. Ce mystère des espèces reste un grand mystère. Il faut se dire que c’est Jésus qui est là et il faut adorer.

On pourrait finir par la belle histoire d’Imelda Lambertini, cette toute jeune novice dominicaine qui s’était battue pour faire sa première communion à onze ans (on ne la recevait à cette époque qu’après quatorze ans). Elle disait : « Je ne puis imaginer que, quand on a reçu le Corps du Christ, on ne meurt pas après de joie ; on a reçu le ciel, Dieu est là, c’est inimaginable. » Après qu’elle eut enfin reçu la communion (de façon d’ailleurs assez miraculeuse), elle resta à genoux, prosternée pendant plus d’une heure. Quand les sœurs vinrent la chercher, elles la trouvèrent toujours dans la même position mais morte, partie vers le Seigneur.

Source: ALETEIA, le 13 février 2021

Cultes en France: le Conseil d’État rejette le recours des évêques

Seules les célébrations d'obsèques restent autorisées pendant le reconfinement en France, dans la limite de 30 personnes. Seules les célébrations d’obsèques restent autorisées pendant le reconfinement en France, dans la limite de 30 personnes.   (AFP or licensors)

Cultes en France: le Conseil d’État rejette le recours des évêques

Le Conseil d’État a rejeté samedi le recours liberté déposé par la conférence des évêques de France, ainsi que par plusieurs associations catholiques et de pratiquants agissant en leur nom. Ils demandaient la levée de l’interdiction de célébrer des messes pendant le reconfinement.

Les juges du Conseil d’État ont estimé qu’à ce jour, l’interdiction était proportionnée au vu des risques sanitaires et de la nécessité constitutionnelle de protection de la santé et par rapport à la liberté fondamentale de culte.

Le Conseil d’État introduit cependant une clause de revoyure fixée au 16 novembre prochain, date à laquelle le gouvernement doit faire un premier point du reconfinement.

Il maintient donc l’autorisation des seules cérémonies d’obsèques limitées à 30 personnes, et demande en revanche au gouvernement de clarifier l’attestation afin que les fidèles puissent se rendre plus facilement à l’Église. Enfin dans un de ses considérants, le Conseil d’État estime que les mesures prises par les lieux de culte ne sont pas toujours satisfaisantes.

Source: VATICANNEWS, le 8 novembre 2020

Note:

L’éloignement de l’autel peut être compris comme un sacrifice pour les Chrétiens, acceptable pour pour une période limitée. Aujourd’hui, toutes les paroisses ont pris les mesures sanitaires pour se préserver du Covid-19 et cela se passe bien. Fermer les églises et laisser les commerces d’alimentation ouverts, est aujourd’hui devenu incompréhensible. L’homme a besoin de nourriture spirituelle aussi, a fortiori dans ces difficiles temps de pandémie. Seigneur, demeure en moi !

Pour mémoire, un extrait de la lettre du Card. Robert Sarah, publié dans Osservatore Romano du 12 septembre 2020 et daté du jour de l’assomption de notre Très Sainte Mère de Dieu:

“Revenons avec joie à l’Eucharistie !” 

 » Nous avons accepté l’éloignement de l’autel du Seigneur comme un temps de jeûne eucharistique, utile pour nous en faire redécouvrir l’importance vitale, la beauté et la préciosité incommensurable », souligne ensuite le cardinal Sarah. Méditant sur le non possumus absolu (« nous ne pouvons pas ») prononcé par les martyrs d’Abitène (début du IVe siècle) face à une mort assurée, il a affirmé que « nous ne pouvons pas vivre, être chrétiens, réaliser pleinement notre humanité et les désirs de bien et de bonheur qui habitent le cœur sans la Parole du Seigneur ». Comme, également, « nous ne pouvons pas vivre en chrétiens sans participer au sacrifice de la Croix » ou encore « sans le banquet de l’Eucharistie », « sans la communauté chrétienne, la famille du Seigneur » ainsi que « sans le jour du Seigneur, sans le Dimanche… ».« 

« Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi, je demeure en lui » (Jn 6, 56).

Comment vivre l’Eucharistie pendant le second confinement

Messe à Sainte-Marthe, 28 avril 2020 © Vatican Media
Messe À Sainte-Marthe, 28 Avril 2020 © Vatican Media

Comment vivre l’Eucharistie pendant le second confinement

« Lancer un grand Mouvement Eucharistique du Peuple de Dieu »

Par le père François-Marie Léthel

A Rome, en ce Dimanche 1er novembre 2020, jour de la Résurrection de Jésus et solennité de tous les Saints, j’écris ce nouveau texte sur l’Eucharistie, au moment où la France entre dans l’épreuve d’un second confinement avec la suspension de toutes les Messes en présence des fidèles.

Dès le début du premier confinement, à partir du mois de mars, j’avais écrit plusieurs textes sur le même sujet, publiés dans Zenit (et ensuite réunis dans un recueil qui est une sorte de « livre virtuel » – gratuit, ndlr). J’y ai ensuite ajouté mon propre témoignage comme prêtre malade et guéri de la Covid 19, après avoir passé 17 jours à l’hôpital au mois de Juin.

Plus récemment, Zenit a publié mon bref article sur le témoignage eucharistique du jeune Carlo Acutis, béatifié le 10 octobre dernier à Assise, un témoignage qui est de la plus grande actualité. Auparavant, j’avais publié deux articles concernant des témoins récents de ce grand Mystère d’Amour: le Vénérable Cardinal vietnamien François-Xavier Nguyên Van Thuan et la Servante de Dieu Vera Grita, laïque italienne consacrée dans la famille salésienne.

La pandémie est une grande épreuve qui a touché le monde entier. En profonde communion avec notre Pape François, toute l’Eglise Catholique s’est efforcée d’affronter cette épreuve dans la grande diversité des situations, des différents choix pastoraux des évêques, en tenant toujours compte des décisions des gouvernements concernant les lieux de culte et les célébrations communautaires.  Dans cette grande perspective de la catholicité, c’est à dire de l’universalité de notre Eglise, et en dialogue fraternel avec les autres Eglises Chrétiennes, il conviendrait de réfléchir ensemble sur la manière de mieux affronter cette deuxième grande offensive de la pandémie.

Vivant à Rome dans une communauté internationale, avec des frères asiatiques, africains, malgaches et latino-américains, j’ai pu mieux connaître cette grande diversité des choix pastoraux concernant l’Eucharistie, au-delà de nos frontières européennes, avec le grand souci de maintenir un contact réel (et pas seulement virtuel) entre les fidèles et le Sacrement du Corps de Jésus.

En France comme en Italie, il serait urgent de réfléchir comme Peuple de Dieu, en communion avec les évêques, les prêtres, les diacres, les laïcs et les consacrés, sur les nouvelles possibilités de maintenir ce contact réel et fréquent de tous les fidèles avec le Vrai Corps de Jésus. Pour beaucoup de laïcs engagés qui participaient chaque jour à l’Eucharistie, l’absence totale de la communion pendant plusieurs mois, même le jour de Pâques, a été une immense souffrance, à laquelle la Messe télévisée et la communion spirituelle ne pouvaient pas remédier (ce que notre Pape François a si bien exprimé dans son homélie du 17 avril dernier). J’avais parlé à ce propos d’une profonde Blessure Eucharistique dans le Peuple de Dieu. De nombreux laïcs et surtout des femmes (qui ne peuvent pas accéder au sacerdoce) ont été blessés par l’attitude de prêtres refusant de leur donner la communion lorsqu’ils la demandaient humblement.

Notre Pape François nous met toujours en garde contre le cléricalisme. Nous sommes prêtres pour le Peuple de Dieu, ministres, c’est à dire serviteurs de l’Eucharistie, et non pas patrons et propriétaires. Thérèse de Lisieux nous ramène au coeur de notre vie sacerdotale lorsqu’elle dit à Jésus:  « Je sens en moi la vocation de prêtre ; avec quel amour, ô Jésus, je te porterais dans mes mains lorsque, à ma voix, tu descendrais du Ciel… Avec quel amour je te donnerais aux âmes! » (Ms B, 2v). Plus que jamais, dans cette situation de souffrance, nous devons avoir le souci de donner Jésus Eucharistie à nos frères et soeurs qui en ont faim!

Thérèse, si chère à notre Pape François, est Docteur de l’Eglise et Patronne des Missions. Elle a une splendide doctrine eucharistique centrée sur la communion, à une époque encore marquée par le courant janséniste opposé à la communion fréquente.  Même au Carmel, la communion quotidienne n’était pas encore autorisée. Elle en souffrait et elle disait à Jésus:  « Ah ! je ne puis recevoir la Sainte Communion aussi souvent que je le désire, mais, Seigneur, n’êtes-vous pas Tout-Puissant ? Restez en moi, comme au tabernacle, ne vous éloignez jamais de votre petite hostie » (Acte d’Offrande à l’Amour Miséricordieux). Beaucoup de fidèles maintenant privés de la communion quotidienne peuvent redire ces paroles de Thérèse, qui expriment aussi une conception très juste, du point de vue théologique, de la permanence de la Présence eucharistique en nous après la communion (contrairement à l’opinion commune à son époque d’une présence « fugitive » ne durant que quelques minutes), et cela selon la parole de Jésus: « Qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en Lui » (Jn 6, 56).

Concernant cette privation de la communion, je rappellerai encore qu’il vaut mieux ne pas parler de « jeûne eucharistique » (comme on le fait souvent aujourd’hui), car cette expression traditionnelle signifie au contraire se priver de toute autre nourriture pour recevoir la Nourriture eucharistique.  A propos de cette douloureuse privation de l’Eucharistie, il ne faut pas imposer aux fidèle cette idée, théologiquement fausse, d’un « jeûne », comme si la communion quotidienne était une nourriture superflue dont il serait bon de se priver. Malheureusement, cette idéologie s’est largement répandue en France et en Italie depuis la crise de 1968. Personnellement j’en avais fait l’expérience dans une de nos communautés. Au contraire, depuis plus d’un siècle, avec les décrets de saint Pie X en faveur de la Communion quotidienne (1905), tous les saints modernes sont des saints de la communion quotidienne. Avant lui, Thérèse de Lisieux mettait l’accent non pas d’abord sur notre désir de recevoir Jésus, mais sur son désir de se donner à nous pour vivre en nous et nous unir à Lui.

Dans la communion ecclésiale et dans un dialogue confiant et ouvert entre les évêques, les prêtres et les laïcs, il faut donc chercher, explorer et aussi inventer toutes les voies possibles pour donner Jésus Eucharistie à tous, même en dehors de la célébration de la Messe – lorsqu’elle n’est pas possible avec les fidèles – comme on le fait pour les malades. Car maintenant de nombreux fidèles sont malades, souffrant si douloureusement de la faim du Pain eucharistique. Dans les églises de Rome comme dans de nombreux pays les prêtres donnent volontiers la communion à tous les fidèles qui la demandent, ce qui n’est pas le cas ailleurs.

Certes, il faut absolument respecter toutes les exigences sanitaires pour éviter la contagion (port du masque, fréquente désinfection des mains, distance, etc…) et respecter les décisions des gouvernements concernant les lieux de culte qui sont des lieux publics (églises, basiliques, sanctuaires, chapelles). Mais il faut aussi rappeler que la vie sacramentelle de l’Église n’est pas liée de façon essentielle à ces lieux de culte quand, pour des raisons diverses, ils sont inutilisables. A Rome, ils n’existaient pas pendant les trois premiers siècles, au temps des persécutions. Mais il y avait alors des églises domestiques, c’est-à-dire les maisons des fidèles.  Même chose dans toutes les persécutions, comme pendant la Révolution Française, quand les prêtres fidèles au Pape devaient se cacher. Plus récemment en Italie, on retrouvait le même genre de situation dans les zones frappées par les tremblements de terre, quand les prêtres ne pouvaient plus célébrer dans les églises menaçant de s’écrouler.

Pour les prêtres, les règles du confinement ne leur permettront sans doute pas de célébrer des Eucharisties domestiques, dans les maisons des fidèles (et pas seulement dans des églises vides et fermées aux fidèles, ne pouvant y assister que « virtuellement » par les médias), mais il serait sans doute possible de confier la Présence Eucharistique à des familles chrétiennes sûres, en rappelant que déjà dans le passé, de telles familles recevaient des évêques cette permission de l’oratoire.  Ainsi, il serait possible pour ces familles de vivre ensemble l’adoration eucharistique, la célébration de la Parole et la communion. Cela vaut également pour les communautés de religieuses qui ne peuvent plus avoir la Messe quotidienne, mais qui vivent chaque jour une célébration communautaire de la Parole suivie de la Communion grâce à la réserve eucharistique que des prêtres leur donnent régulièrement. Les exemples sont nombreux en France et en Italie.

De même, il serait important de donner la plus grande place aux laïcs dans cette exceptionnelle pastorale de l’Eucharistie. J’en avais déjà parlé dans un texte sur les laïcs et l’Eucharistie au temps de la pandémie du coronavirus, publié dans Zenit pendant l’octave de Pâques, à partir d’un exemple magnifique: comment un groupe de médecins catholiques du service covid de l’hôpital de Prato, en Toscane, ont eu l’inspiration de donner la communion aux malades du covid le jour de Pâques, en accord avec l’évêque et avec l’aumônier de l’hôpital.

Plus que jamais, dans la situation présente, il conviendrait de valoriser le rôle des ministres extraordinaires de la communion, institués par le saint Pape Paul VI après le Concile.  Ces laïcs, hommes et femmes, qui ont la mission de donner la communion au malades et personnes âgées, devraient maintenant être plus nombreux, avec une formation accélérée et adaptée à cette nouvelle situation. De même, on devrait confier la Présence Eucharistique aux femmes consacrées de l’Ordo Virginum pour leur vie de prière et leur apostolat, pour porter et donner Jésus Eucharistie à leurs frères.

Enfin, il serait souhaitable de lancer un grand Mouvement Eucharistique du Peuple de Dieu, international, aux dimensions de la catholicité de l’Eglise, réunissant évêques, prêtres et diacres, laïcs, religieux et religieuses pour affronter ensemble ces nouveaux défis.

Source: ZENIT.ORG, le 1er novembre 2020

Tweet de Mgr Michel Aupetit : C’est à la #messe que l’Église existe en vérité.

C’est à la #messe que l’Église existe en vérité. Voilà pourquoi les chrétiens les plus fervents souffrent profondément en ce temps où la pandémie mondiale nous a confinés et nous a empêchés de nous réunir autour de cette eucharistie.

➡29e topo swll.to/messe29

La communion et l’unité

L’Église célèbre l’eucharistie, et pourtant c’est l’eucharistie qui fait l’Église. L’Église est née, nous l’avons vu, du Christ en croix. À la messe, c’est cet unique sacrifice d’amour qui est rendu présent. C’est donc à la messe que l’Église existe en vérité. Le mot ecclesia(église) signifie assemblée. C’est bien à l’eucharistie que cette assemblée réalise l’Église. Voilà pourquoi les chrétiens les plus fervents souffrent profondément en ce temps où la pandémie mondiale nous a confinés et nous a empêchés de nous réunir autour de cette eucharistie. Dans le livre de la Didaché, il est rappelé au sujet de l’Eglise qu’elle est « groupée dans l’unité, comme les grains le sont dans le pain » (Didaché 9,4). C’est donc l’eucharistie qui fait l’unité de l’Eglise. Cette unité se réalise par la communion à l’unique corps de Jésus. Nous sommes tous différents quant à l’origine, la culture, la race, les opinions, et pourtant chacun de nous reçoit le même Jésus présent à la messe. En effet, l’unité n’est pas l’uniformité. Le pape saint Jean-Paul II dans sa lettre aux évêques du 24 février 1980 rappelle que l’eucharistie « Est un bien commun de toute l’Eglise, comme sacrement de son unité » (Dominae Cenae).

Le Symbole des Apôtres par lequel nous affirmons notre foi, parle de la communion des saints. Symbole en grec veut dire : qui unit. La communion des saints est en réalité, à l’origine, la communion aux choses saintes (sancta), c’est-à-dire à l’eucharistie. Comme une évidence, cette communion aux choses saintes réalise la « communion-unité » des personnes qui les reçoivent. Cela nous a donné la foi dans la « communion des saints (sancti) » que réalise la communion aux choses saintes (sancta). En effet, la réalité contenue dans l’eucharistie, étant sainte, sanctifie en les unifiant au Christ, ceux qui la reçoivent.

Ainsi, malgré nos différences, le Christ nous unit en lui : « Oui, j’en ai l’assurance, ni la mort ni la vie, ni les anges ni les principautés, ni présent ni avenir, ni puissances, ni hauteur ni profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté dans le Christ Jésus notre Seigneur » (Romains 8, 38-39).

Alors nous ressemblons à Dieu, qui est une communion d’amour entre les personnes distinctes du Père, du Fils et du Saint Esprit. En Dieu Unique, chaque Personne divine est distincte de par sa relation d’amour, en même temps que cette communion dans l’amour réalise l’unité divine. Puisque Dieu est Amour, il ne peut pas être solitaire. Puisqu’il est Unique, il faut une communion parfaite dans l’Amour qui accomplisse cette unité.

À la messe, nous sommes à l’image de Dieu.

«L’Église n’est pas dépendante de l’État, elle doit défendre sa liberté et son indépendance»

«L’Église n’est pas dépendante de l’État, elle doit défendre sa liberté et son indépendance»

Card. Müller

Dans une interview parue le 7 mai dans La Nuova Bussola Quotidiana. (traduction française par : www.lecarmel.ch), du Cardinal Gerhard L. Müller, ancien Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, s’exprime au sujet de la suspension des messes publiques. 

«Ce virus a représenté une tragédie pour de nombreuses personnes. C’est précisément la raison pour laquelle l’Église a le devoir de proposer une lecture de la souffrance humaine et de l’existence, dans la perspective de la vie éternelle, à la lumière de la foi. La suspension des messes publiques est une abdication de cette tâche, c’est la réduction de l’Église à la dépendance de l’État. C’est inacceptable.»

Lors d’un entretien téléphonique avec le journaliste Riccardo Cascioli, le cardinal Müller est très clair dans son jugement sur ce qui se passe en Italie et dans de nombreux autres pays.
Votre Éminence, pour de nombreux fidèles, à la souffrance de la maladie s’est ajoutée la souffrance de l’interdiction d’assister à la messe, du refus de la tenue des funérailles et de la justification de tout cela par la hiérarchie ecclésiastique.

C’est très grave, c’est la pensée laïciste qui est entrée dans l’Église. C’est une chose de prendre des mesures de précaution pour minimiser les risques de contagion, c’est une autre d’interdire la liturgie. L’Église n’est pas un dépendante de l’État et aucun évêque n’a le droit d’interdire ainsi l’Eucharistie. De plus, nous avons vu des prêtres punis par leurs évêques pour avoir célébré la messe pour quelques personnes seulement, ce qui signifie qu’ils se considèrent comme des fonctionnaires de l’État. Mais notre pasteur suprême est Jésus-Christ, pas Giuseppe Conte ni aucun autre chef d’État. L’État a sa tâche, mais l’Église a la sienne.

Il semble que beaucoup trouvent difficile de concilier leur devoir envers l’État et la nécessité d’un culte public rendu à Dieu. 

Nous devons également prier publiquement parce que nous savons que tout dépend de Dieu. Dieu est la cause universelle, puis il y a les causes secondes qui passent par notre liberté. Dans tout ce qui se passe, nous, créatures finies, ne savons pas mesurer ce qui dépend de la causalité de Dieu, ni mesurer ce qui dépend de nous-mêmes: c’est le point de la prière. Nous devons prier Dieu pour surmonter les défis de notre vie personnelle et sociale, mais sans oublier la dimension transcendantale, cette vision de la vie éternelle et de l’union intime avec Dieu et avec Jésus-Christ, même dans nos souffrances. (…) Interdire la participation à la liturgie va dans le sens inverse. La prise de certaines mesures extérieures incombe à l’État, notre tâche est de défendre la liberté et l’indépendance de l’Église ainsi que la supériorité de l’Église dans la dimension spirituelle. Nous ne sommes pas une agence subordonnée à l’État.

Nombreux sont ceux, y compris les prêtres et les évêques, qui se rendent compte qu’il existe un fort risque de mal comprendre le sens de la liturgie en raison de la prolifération des messes à la télévision et en streaming vidéo.

Ces formes ne peuvent pas être considérés comme un remplacement de la messe. Bien sûr, si vous êtes en prison ou dans un camp de concentration ou dans d’autres circonstances exceptionnelles, vous pouvez participer spirituellement à l’Eucharistie, mais ce n’est pas une situation normale. Dieu nous a créés corps et âme. Dieu a accompagné son peuple à travers l’histoire, il l’a libéré de l’esclavage en Égypte, il n’a pas effectué une libération virtuelle. Jésus, Fils de Dieu, est devenu chair, nous croyons à la résurrection de la chair. C’est pourquoi la présence corporelle est absolument nécessaire pour nous. Pour nous, pas pour Dieu. Dieu n’a pas besoin des sacrements, nous en avons besoin. Dieu a institué les sacrements pour nous. Le mariage ne fonctionne pas seulement spirituellement, il faut l’union du corps et de l’âme. Nous ne sommes pas des idéalistes platoniciens, nous ne pouvons pas suivre la messe de chez nous, sauf dans des circonstances particulières. Non, nous devons aller à l’église, rencontrer les autres, partager la Parole de Dieu. L’ensemble du vocabulaire de l’Église indique également ce besoin: la sainte communion; la communion doit réunir; l’Église est le peuple de Dieu convoqué ensemble. Le psaume dit: « Oui il est bon, il est doux pour des frères de vivres ensemble et d’être unis ».

Pouvez-vous également voir la manifestation d’une attaque claire contre l’Eucharistie, le cœur de l’Église?

Oui. Pensez à ceux qui, avant et pendant le Synode sur l’Amazonie, ont dit avec force que les peuples autochtones avaient absolument besoin de l’Eucharistie et pour cela, il était nécessaire d’ordonner prêtres des hommes mariés. Maintenant, les mêmes personnes soutiennent sans vergogne l’exact opposé, à savoir que nous n’avons pas besoin de l’Eucharistie. Ils raisonnent comme les protestants, ignorant que le point central de la controverse depuis le début de la Réforme protestante, est l’Eucharistie (…). C’est une façon de penser pervertie. Et ce catholicisme « moderne » est une idéologie autodestructrice. Il y a un besoin, en particulier en Italie, d’évêques de la stature de saint Charles Borromée, et quiconque est dans la Curie devrait prendre le cardinal Robert Bellarmin comme exemple.

Au cours des derniers mois, nous avons entendu des dirigeants épiscopaux dire souvent que le premier devoir était de protéger la santé.

Il s’agit d’une Église bourgeoise sécularisée, pas d’une Église qui vit de la Parole de Jésus-Christ. Jésus a dit « cherchez d’abord le Royaume de Dieu ». Que vaut la vie, tous les biens du monde, y compris la santé, si vous perdez votre âme?
Cette crise a montré que beaucoup de nos pasteurs pensent comme le monde, ils se conçoivent plus comme des fonctionnaires d’un système socio-religieux que comme des pasteurs d’une Église qui est une communion intime avec Dieu et avec les hommes. Nous devons toujours combiner la foi et la raison. Évidemment, nous ne sommes pas des fidéistes, nous ne sommes pas comme ces sectes chrétiennes qui disent que nous n’avons pas besoin de médicaments, que nous nous confions uniquement à Dieu. Au contraire, se confier à Dieu ne contredit pas la valorisation de toutes les possibilités offertes par la médecine moderne. Mais la médecine moderne n’est pas un substitut à la prière: ce sont deux dimensions qui ne doivent pas être séparées.

Pour justifier la suspension des messes publiques, certains disent que si nous contaminons d’autres personnes, nous sommes responsables de leur mort éventuelle.

Les médecins courent également ce risque, il y a un risque dans chaque activité humaine. Il est vrai que nous devons être prudents et veiller à ne pas mettre en danger la vie et la santé des autres, mais ce n’est pas la valeur suprême. Malheureusement, cette situation nous a montré que de nombreux prêtres et évêques de bonne qualité manquent de bases théologiques pour réfléchir à cette situation et pour offrir un jugement conforme à l’Évangile et à la doctrine de l’Église.

C’est peut-être aussi pour cette raison que de nombreux évêques ont rejeté la demande des fidèles italiens concernant la consécration au Cœur Immaculé de Marie.

Il y a une sous-estimation de l’aspect surnaturel. Nous sommes plongés dans la conception naturaliste issue des Lumières. L’Église, la grâce, les sacrements ne s’expliquent pas selon la dimension naturelle. Le cœur de notre religion chrétienne est le Dieu transcendant qui devient immanence dans notre vie, il est le Christ, vrai homme et vrai Dieu à travers l’Incarnation.

C’est presque comme si nous nous résignions à suivre un monde qui ne raisonne qu’en fonction de la dimension naturelle, et nous appelons cela le réalisme.

C’est l’idéologie du pragmatisme. Aujourd’hui, par exemple, l’idée prévaut dans l’Église qu’il faut des évêques qui ne soient que pasteurs, c’est-à-dire pragmatiques. Mais l’évêque est ministre de la Parole, il doit réfléchir à partir de la Parole. Saint Paul et Saint Pierre n’étaient pas des têtes vides, les pères de l’Église n’étaient pas seulement pragmatiques, ils réfléchissaient sur la foi chrétienne et ses implications. Un bon enseignant de la foi chrétienne doit être capable d’expliquer une situation comme la situation actuelle en partant de la foi, dans son sens surnaturel, et non du naturalisme. Encore une fois, les deux dimensions doivent être maintenues ensemble: nous ne pouvons pas réduire l’existence humaine à la simple nature, et en même temps ne pas même penser – comme le prétendent les marxistes – que le christianisme ne concerne que l’au-delà. En Jésus-Christ, nous avons l’unité entre l’au-delà et l’immanence de la vie. Un bon chrétien devrait savoir être un excellent médecin et scientifique, mais cela ne contredit pas la confiance en Dieu. Il y a intégration entre foi et raison, entre confiance en Dieu et compétence en sciences naturelles.

(Traduction française par : www.lecarmel.ch , mise à jour le 8.5.20)