Le film « His Only Son » (Son fils unique) présenté en avant-première aux États-Unis
Ce film est produit par la société de production de « The Chosen »
Le film « Son fils unique », sur l’histoire biblique d’Abraham, sera projeté en avant-première dans les salles de cinéma des États-Unis le 31 mars, au début de la Semaine sainte.
Le film a été produit par Angel Studios, la même société qui a réalisé « The Chosen », qui retrace la vie de Jésus avec ses disciples et qui a connu un grand succès, avec 420 millions de projections dans le monde. Jared Geesey, porte-parole d’Angel Studios, a déclaré à propos de cette nouvelle production : « Nous devions porter à l’écran cette grande histoire de foi. »
David Helling, ancien marine américain, est le réalisateur de « Son fils unique ». L’idée originale du film est née de l’expérience qu’il a vécue après avoir traversé le désert irakien et partagé des histoires bibliques avec le public sur une scène de théâtre. Helling estime que la qualité de « The Chosen » est comparable à celle de « La Passion du Christ » de Mel Gibson.
Ses lectures de la Bible pendant son séjour en Irak l’ont amené à une conclusion claire : « Le Christ a donné vie à la Bible et je me suis dit : Je dois aller à l’école du cinéma et apprendre à raconter des histoires bibliques. J’ai passé les cinq dernières années à faire ce film. »
Avant même sa sortie, le film est entré dans l’histoire en devenant le premier film financé par un financement participatif et distribué dans toutes les salles de cinéma des États-Unis. L’acteur libanais Nicholas Mouawad joue le rôle d’Abraham. Sara Sayem, qui est née et a grandi à Téhéran, joue le rôle de Sarah. Edaan Moskowitz, un acteur juif américain né en Californie, joue le rôle d’Isaac.
Les producteurs ont suivi la ligne directrice biblique, qui souligne l’événement marquant de la vie d’Abraham, prêt à sacrifier son fils unique, Isaac. Il exprime le parallèle entre l’abandon de Jésus sur la croix et l’agneau qu’offre Abraham à Dieu à la place d’Isaac, comme l’indique le texte biblique. Le choix du jour de la sortie du film n’est pas une coïncidence mais vise à souligner la portée de la production.
Neal Harmon, PDG d’Angel Studios, a levé les premiers fonds pour l’avant-première dans un grand nombre de salles de cinéma dans tout le pays, un chiffre qui ne cesse d’augmenter.
Site archéologique d’Ur – ziggurat en arrière-plan
Irak: la construction d’une église à Ur des Chaldéens en projet
Une église qui serait également équipée d’une salle de réunion pour accueillir les pèlerins chrétiens qui voudraient fouler la terre où tout a commencé: c’est le projet présenté par un architecte irakien au patriarche de Babylone des Chaldéens.
En proposant son projet, l’architecte Adour Ftouhi Boutros Katelma a offert de s’occuper également de trouver les fonds nécessaires à sa réalisation. Le cardinal Louis Raphaël Sako a béni et encouragé l’initiative, suggérant de dédier l’église à «Ibrahim al-khalil», Abraham le Bien-aimé, père de tous les croyants et de donner à la salle de réunion des pèlerins le nom du Pape François, qui, le 6 mars dernier, a également visité Ur des Chaldéens au cours de son voyage apostolique dans ce pays. Le Premier ministre, Mustapha Al-Kadimi aurait également donné son assentiment à ce projet.
«Sur cette place, devant la demeure d’Abraham notre père, j’ai l’impression de rentrer chez moi»: c’est ainsi que le Pape avait débuté son discours le 6 mars 2021 alors qu’il se trouvait sur la plaine de Ninive, pour l’un des moments-clés de son voyage en terre mésopotamienne. Cet événement avait été suivi et partagé par les représentants des communautés de foi présentes en Irak, comme un «signe de bénédiction et d’espoir pour l’Irak, pour le Moyen-Orient et pour le monde entier», dans la confiance que «le Ciel ne s’est pas lassé de la Terre: Dieu aime chaque peuple, chacune de ses filles et chacun de ses fils».
Dans son discours, précédé de lectures du livre de la Genèse et du Coran et de quatre témoignages, le Pape avait reproposé le voyage d’Abraham d’Ur vers la Terre promise comme une allégorie du voyage que tous les croyants et toute la famille humaine sont appelés à faire pour traverser les ténèbres du temps présent et accueillir le «rêve de Dieu», qui a créé tous les êtres humains pour le bonheur. «Dieu, avait assuré l’évêque de Rome, a demandé à Abraham de regarder le ciel et de compter les étoiles. Dans ces étoiles, il a vu la promesse de sa descendance, il nous a vus. Et aujourd’hui, nous, juifs, chrétiens et musulmans, ainsi que nos frères et sœurs d’autres religions, honorons notre père Abraham en faisant comme lui: nous regardons les cieux et marchons sur la terre».
Le 8 mai dernier, une douzaine de représentants de différentes Églises chrétiennes du monde entier se sont rendus à Ur des Chaldéens et ont prié ensemble à la demeure d’Abraham, dans un acte œcuménique unique qui exprime également l’espoir de voir le flux des pèlerinages chrétiens dans cette région reprendre et croître bientôt.
Andrea Tornielli @ Catholic Center For Studies And Media, Jordanie
Irak: « Repartir d’Abraham pour se reconnaître comme frères », par A. Tornielli
« Le voyage raté de Jean-Paul II est resté une plaie ouverte »
« Repartir d’Abraham pour se reconnaître comme frères », titre Andrea Tornielli, directeur éditorial du dicastère romain pour la communication, et historien de formation, à l’avant veille du voyage du pape François en Irak (5-8 mars 2021).
*****François se prépare au voyage le plus difficile et le plus important de son pontificat, qui manifestera à la fois la proximité aux chrétiens, le soutien à la reconstruction du pays dévasté par les guerres et par le terrorisme, et une main tendue aux musulmans. Ainsi se réalise le rêve de Jean-Paul II.
Les chrétiens irakiens attendaient le Pape depuis 22 ans. C’est en 1999 que saint Jean-Paul II avait prévu un pèlerinage bref mais significatif à Ur des Chaldéens, première étape du voyage jubilaire vers les lieux du Salut. Il voulait partir d’Abraham, du père commun reconnu par les juifs, les chrétiens et les musulmans. Beaucoup l’ont déconseillé au vieux pontife polonais, lui demandant de ne pas faire un voyage qui risquerait de renforcer Saddam Hussein, encore au pouvoir après la première guerre du Golfe. Le Pape venu de Cracovie tenait à ce projet, malgré les tentatives de dissuasion, notamment de la part des États-Unis. Mais en fin de compte, ce voyage éclair d’une nature essentiellement religieuse n’a pas été fait à cause de la situation du président irakien.
En 1999, le pays était déjà à genoux en raison de la guerre sanglante contre l’Iran (1980-1988) et des sanctions internationales consécutives à l’invasion du Koweït et à la première guerre du Golfe, mais le nombre de chrétiens en Irak était alors plus de trois fois supérieur à ce qu’il est aujourd’hui. Le voyage raté de Jean-Paul II est resté une plaie ouverte. Le Pape Wojtyla a élevé la voix contre la deuxième expédition militaire occidentale dans le pays, la guerre éclair de 2003, qui s’est terminée par le renversement du gouvernement de Saddam Hussein.
Lors de l’Angélus du 16 mars 2003, il avait déclaré: «Je voudrais rappeler aux pays membres des Nations-Unies, et en particulier à ceux qui composent le Conseil de sécurité, que le recours à la force représente le dernier recours, après avoir épuisé toute autre solution pacifique, selon les principes bien connus de la Charte des Nations-Unies elle-même». Puis il a livré ce plaidoyer: «J’appartiens à cette génération qui a vécu la Seconde Guerre mondiale et qui a survécu. J’ai le devoir de dire à tous les jeunes, à ceux qui sont plus jeunes que moi, qui n’ont pas fait cette expérience: « Plus jamais la guerre », comme l’a dit Paul VI lors de sa première visite aux Nations unies. Nous devons faire tout ce qui est possible.»
Il n’a pas été entendu par ces «jeunes» qui faisaient la guerre et étaient incapables de construire la paix. L’Irak a été frappé par le terrorisme, avec des attaques, des bombes, des dévastations. Le tissu social s’est désintégré. Et en 2014, le pays a vu la montée de l’État islamique autoproclamé proclamé par Daech, accentuant la dévastation, la persécution, la violence, avec des puissances régionales et internationales engagées dans la lutte sur le sol irakien, avec la multiplication des milices hors de contrôle. La population sans défense, divisée en fonction de ses appartenances ethniques et religieuses, en paie le prix, avec un coût élevé en vies humaines.
En regardant la situation irakienne, on touche du doigt le caractère concret et réaliste des paroles que François a voulu graver dans sa dernière encyclique Fratelli Tutti: «Nous ne pouvons donc plus penser à la guerre comme une solution, du fait que les risques seront probablement toujours plus grands que l’utilité hypothétique qu’on lui attribue. Face à cette réalité, il est très difficile aujourd’hui de défendre les critères rationnels, mûris en d’autres temps, pour parler d’une possible “guerre juste”. Plus jamais la guerre ! Toute guerre laisse le monde pire que dans l’état où elle l’a trouvé. La guerre est toujours un échec de la politique et de l’humanité, une capitulation honteuse, une déroute devant les forces du mal.»
Au cours de ces années, des centaines de milliers de chrétiens ont été contraints d’abandonner leurs foyers et de chercher refuge à l’étranger. Dans une terre de première évangélisation, dont l’ancienne Église a des origines qui remontent à la prédication apostolique, les chrétiens attendent aujourd’hui la visite de François comme une bouffée d’air frais. Depuis quelque temps, le Pape avait annoncé sa volonté d’aller en Irak pour les réconforter, suivant la seule «géopolitique» qui l’émeut, c’est-à-dire celle de manifester la proximité avec ceux qui souffrent et de favoriser, par sa présence, les processus de réconciliation, de reconstruction et de paix.
C’est pourquoi, malgré les risques liés à la pandémie et à la sécurité, et malgré les récents attentats, François a jusqu’à présent maintenu ce rendez-vous à son agenda, déterminé à ne pas décevoir tous les Irakiens qui l’attendent. Le cœur du premier voyage international après 15 mois de blocus forcé dû aux conséquences du Covid-19, sera le rendez-vous à Ur, dans la ville d’où est parti le patriarche Abraham. Une occasion de prier avec les croyants d’autres religions, en particulier les musulmans, pour redécouvrir les raisons de la coexistence entre frères, afin de reconstruire un tissu social au-delà des factions et des groupes ethniques, et de lancer un message au Moyen-Orient et au monde entier.
La Mésopotamie: terre des Empires et du «père des croyants»
Le voyage s’annonce historique à maints égards: le Pape François se rend dans quelques jours en Irak, qui recouvre en grande partie l’ancienne Mésopotamie, terre d’origine d’Abraham, père des trois grands monothéismes, et berceau de prestigieux empires et civilisations, dont les vestiges ont traversé les siècles.
Entretien réalisé par Manuella Affejee – Cité du Vatican
Dominique Charpin est assyriologue, spécialiste de l’écriture cunéiforme, titulaire de la chaire Civilisation mésopotamienne au Collège de France.
Qu’appelle-t-on Mésopotamie?
Le terme de Mésopotamie est d’origine grecque et signifie «Entre les fleuves», soit le Tigre et de l’Euphrate, qui prennent naissance en Turquie orientale et coulent jusqu’au Golfe arabo-persique. Pour les Grecs et les Romains, le terme se limitait à la région située au nord de l’actuelle Bagdad.
De nos jours, les spécialistes l’utilisent pour désigner le territoire qui correspond à l’Irak et à la partie orientale de la Syrie et la civilisation qui s’y est développée: cela recouvre les territoires de l’Assyrie au nord et de la Babylonie au sud. La caractéristique de la plaine mésopotamienne au sud de Bagdad est d’être une zone très plate, autrefois régulièrement inondée. Son sol argileux est très fertile, à condition d’être irrigué. Pendant des siècles, cette région a été marquée par la complémentarité entre les agriculteurs sédentaires et les pasteurs nomades, ces derniers étant des éleveurs de petit bétail avant l’introduction du chameau au cours du premier millénaire av. J.-C.
Peut-on aujourd’hui situer chronologiquement le départ d’Abraham d’Ur, sa ville natale, selon la Genèse? La Bible donne-t-elle des indications à l’historien sur ce point?
L’historien constate qu’il n’existe aucun élément relatif à Abraham en dehors de la Bible. C’est seulement à partir du VIIIe siècle av. J.-C. que certains rois d’Israël et de Juda sont mentionnés dans les inscriptions des rois assyriens, puis babyloniens. Auparavant, même des figures comme David et Salomon ne sont connues que par la Bible –l’inscription découvertes en 1993-94 à Tell Dan ne mentionne David qu’indirectement dans l’expression la «Maison de David», c’est-à-dire la dynastie qui se réclame de David comme fondateur.
Pour des figures comme Abraham, on ne dispose pas d’autres données que les récits de la Genèse: son nom n’apparaît pas dans les quelques 1 500 tablettes d’archives écrites en cunéiforme datant des années 2000 à 1738 retrouvées à Ur. Beaucoup d’entre elles proviennent de demeures fouillées par l’anglais Woolley entre 1922 et 1934, qui ont révélé de nombreuses informations sur l’existence des habitants de ces quartiers; mais l’attribution à Abraham d’une de ces maisons est purement conventionnelle.
Pendant longtemps, des historiens ont pensé que le roi Amraphel cité dans le livre de la Genèse (14, 9) était le roi Hammurabi (1792-1750 av. J.-C.), mais cette interprétation est aujourd’hui abandonnée par la majorité des spécialistes: c’est l’origine de l’ancrage d’Abraham dans la chronologie mésopotamienne. On voit bien que le récit biblique n’est pas historique au sens moderne de ce terme.
Par exemple, les deux frères d’Abraham sont nommés Nahor et Haran; or il s’agit, non pas de nom de personnes, mais de villes situées en Haute-Mésopotamie, dans une région irriguée par des affluents de l’Euphrate. Harran se trouve sur le Balih, en Turquie, juste au nord la frontière actuelle avec la Syrie; Nahur, qui n’est pas encore identifiée, se situait un peu plus à l’est, dans la région du «triangle du Habur».
La région est alors régulièrement sujette à de nombreux mouvements de population. L’exode d’Abraham doit-il s’appréhender à cette aune?
Il est vrai que la circulation des hommes, des biens et des idées, entre la Mésopotamie et la côte levantine existait depuis au moins le troisième millénaire: les archives d’Ebla de Mari ou d’El-Amarna en témoignent. Certains ont voulu relier les pérégrinations d’Abraham aux migrations des Amorrites. Mais leur mouvement général, aux alentours de 2000 av. J.-C., va des régions occidentales vers le Sud-Est –exactement le mouvement inverse de celui de Terah, qui emmena avec lui son fils Abraham et son petit-fils Lot: leur itinéraire les conduisit d’Ur à Harran, donc du sud vers le nord-ouest. Du coup, certains ont voulu faire de Terah et d’Abraham des marchands; il est vrai que l’on possède un itinéraire daté de 1748 av. J.-C. qui retrace le déplacement d’une caravane depuis le sud de l’Irak jusqu’au nord-ouest de la Syrie, mais ce document prouve seulement l’existence d’une telle route, pas celle de Terah et Abraham.
De façon plus pertinente, on a remarqué que les deux points extrême de cette pérégrination, Ur et Harran, sont des villes dont la divinité principale était le dieu-Lune (Sîn), et cela depuis au moins le début du IIe millénaire. Ce n’est sans doute pas un hasard mais le texte biblique, dans son état actuel, ne permet que des spéculations sur ce point.
Quelle est la situation géopolitique de la région, qui alterne entre période d’unification politique et territoriale et fragmentation?
Depuis 2350 av. J.-C., l’histoire de la Mésopotamie est en effet une succession de périodes où un souverain réussit à s’imposer sur un large territoire et de phases de décomposition des empires successifs, ceux des Assyriens et des Babyloniens au premier millénaire ayant été particulièrement marquants.
Un exemple de cette tendance se rencontre avec Hammurabi (1792-1750 av. J.-C.). Ses débuts avaient d’abord vu la coexistence au Proche-Orient de six grands royaumes, chacun d’eux imposant son autorité à une dizaine de «vassaux». Le roi de Babylone réussit à annexer peu à peu toute la Mésopotamie, mais son empire se fragmenta dès le règne de son fils Samsu-iluna.
Les récits sur les Patriarches, même s’il n’ont été intégrés au Pentateuque qu’à une époque récente, contiennent des éléments sûrement anciens, notamment le passage relatant la conclusion d’une alliance entre Dieu et Abraham; elle comporte un rite d’immolation d’animaux qu’on rencontre pour la première fois dans les archives du palais de Mari, qui fut détruit par Hammurabi. L’épisode de Kedorlaomer au chapitre 14 de la Genèse pose de difficiles questions sur la mémoire qu’on aurait pu garder d’événements très anciens, comme une invasion venue d’Elam.
Vous connaissez le site d’Ur depuis de nombreuses années pour y avoir travaillé. Que nous apprennent la ziggourat et les tombes royales qui s’y trouvent de la conception du monde de ces civilisations, et de leur rapport au divin?
En effet, j’ai travaillé sur Ur dès ma thèse de troisième cycle, puis pour ma thèse d’État portant sur le clergé de cette ville à l’époque de Hammurabi. Et, lorsque la fouille du site a repris à l’initiative d’A. Al-Hamdani, j’ai eu le bonheur de participer comme épigraphiste à l’équipe internationale dirigée par Elizabeth Stone et les découvertes des campagnes de 2015, 2017 et 2019 ont été abondantes. La ziggurat d’Ur a toujours attiré l’attention des voyageurs et elle reste aujourd’hui une attraction pour de nombreux visiteurs –notamment irakiens.
Bâtie au XXIe siècle av. J.-C., elle fut restaurée une dernière fois par des rois babyloniens du VIe siècle av. J.-C. C’est son homologue de Babylone qui donna lieu au récit de la Tour de Babel dans la Genèse. Nous connaissons encore mal le rôle exact des ziggourat dans les sanctuaires, mais il est sûr que les Hébreux, dans leur polémique contre la religion babylonienne, ont déformé la réalité: pour les Mésopotamiens, les ziggourat n’étaient pas tant un moyen pour les hommes de s’élever jusqu’au ciel qu’au contraire une possibilité offerte aux dieux de descendre visiter les hommes sur terre. Les tombes royales, fouillées par Woolley dans les années 1920, sont encore plus anciennes, puisque la plupart remontent aux années 2500-2200 av. J.-C. Leur riche matériel funéraire, qu’on peut voir dans le Musée de Philadelphie et au British Museum (mais, pour des raisons de sécurité, pas actuellement au musée de Bagdad) frappe l’imagination.
Uruk, Akkad, Ur, Babylone… Que devons-nous à ces civilisations mésopotamiennes?
Notre dette envers la Mésopotamie est considérable, en commençant par l’écriture: certes, l’alphabet latin dérive du grec lui-même issu de l’écriture phénicienne, mais celle-ci est née dans un milieu où l’écriture cunéiforme s’était imposée depuis longtemps. L’invention de l’écriture à Sumer remonte à la fin du IVe millénaire à Uruk.
Parmi les éléments directement hérités de la Mésopotamie, on peut également citer le comput du temps, avec la division de l’heure en soixante minutes, selon un principe de calcul qui remonte aux Sumériens. Plus généralement, les Mésopotamiens ont légué bien des éléments de leur culture à leurs voisins et la Bible nous a transmis une partie de cet héritage. Les récits du Déluge ou le livre de Job ont des précurseurs dans la littérature mésopotamienne, qui a fourni de véritables chefs-d’œuvre dont le plus connu est l’épopée de Gilgamesh.
Les vicissitudes géopolitiques de la région ont considérablement entravé le travail des archéologues et mettent en péril de nombreux sites historiques. Comment, dans ces conditions, envisager les recherches de l’assyriologue et la sauvegarde de ce patrimoine plurimillénaire?
Deux phénomènes doivent être nettement distingués: les fouilles irrégulières et les destructions volontaires. Pendant très longtemps, les habitants des localités situées à proximité des sites archéologiques allaient y récupérer des briques ou y chercher de l’argile, et c’est ainsi que de nombreuses découvertes fortuites ont eu lieu. À partir du milieu du XIXe siècle, lorsque les archéologues ont commencé des fouilles, les populations voisines ont parfois poursuivi leur travail de manière clandestine.
Depuis 1991, l’embargo a tellement appauvri la population que certains ont vu dans les fouilles clandestines un moyen de survie –enrichissant surtout les marchands d’antiquités auxquels des collectionneurs privés achetaient les objets ainsi découverts. Ce trafic, quoiqu’illégal, s’est intensifié après 2003, le Service des Antiquités n’ayant plus eu les moyens d’effectuer le moindre contrôle pendant des années. Heureusement, la situation s’est depuis bien améliorée. L’autre phénomène est celui des destructions volontaires, comme celles que Daesh a pratiquées surtout dans le nord de l’Irak, en particulier à Nimrud: la destruction de la ziggourat n’avait d’autre sens que de faire volontairement disparaître des vestiges historiques: comme si le passé de l’Irak –et de l’humanité toute entière– pouvait être ainsi anéanti… Mais il ne faut pas être pessimiste: la richesse du patrimoine irakien est telle qu’il reste encore beaucoup de monuments et de sites à découvrir, faire connaître et préserver pour les générations futures!