Benoît XVI, pape de rupture dans la continuité

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Emanuela DE MEO/CPP/CIRIC

Joseph Ratzinger (1927-2022), connu sous le nom de Benoît XVI depuis son élection sur le trône de Pierre en 2005, a été une des figures les plus importantes de l’Église catholique au XXe siècle et XXIe. Retour sur le parcours de celui qui vient de s’éteindre à Rome, le 31 décembre 2022, à l’âge de 95 ans.

« À partir de 20 heures, je ne suis plus pape, ni pasteur suprême de l’Église catholique… Mais je veux continuer à travailler, avec mon cœur, avec mon amour, avec ma prière, avec ma pensée, avec toutes mes forces spirituelles pour le bien commun, pour le bien de l’Église et de l’humanité. » C’est avec ces mots, ses derniers en tant que pape en exercice, que Benoît XVI est entré l’Histoire le 28 février 2013. À l’étonnement de tous, depuis la fenêtre du Castel Gandolfo, il venait de mettre fin à sa mission de successeur de Pierre, bravant avec une singulière sérénité des siècles de tradition qui voulaient qu’un pontife meurt à sa tâche. Et c’est par ce paradoxe final, celui d’un homme capable de concilier une conception aiguë de la continuité spirituelle et intellectuelle de l’Église catholique à la possibilité d’une rupture spectaculaire et radicale qu’on peut être tenté de relire les grandes étapes qui jalonnent son immense parcours.

Depuis l’enfance bavaroise du petit Joseph Ratzinger, l’enfant de Marktl, aux dernières heures du « pape émérite » dans le Monastère Mater Ecclesiae au Vatican, près de 96 années ont passé. Elles témoignent d’un parcours cohérent, du cheminement d’un homme dont la constance pourrait aussi qualifier sa personnalité et son caractère, notoirement opposé à toute forme de virulence, malgré un goût certain pour la disputatio dans sa haute dimension intellectuelle. Mais ce siècle de vie est aussi marqué par de grands bouleversements que Joseph Ratzinger a systématiquement cherché à accompagner et orienter.

Joseph Ratzinger est né un Samedi saint, le 16 avril 1927, dans une petite ville bavaroise, Marktl am Inn, non loin de la frontière autrichienne. Il est le troisième et dernier enfant de Joseph et Maria Ratzinger, après Maria (1921-1991) et Georg (1924-2020). Son père est gendarme, sa mère multiplie les tâches domestiques et petits métiers. Les parents de Joseph sont de fervents catholiques et très hostiles au parti nazi d’Adolf Hitler qui prospère sur la grande misère qui frappe alors la population allemande.

C’est pendant ces années difficiles que Joseph Ratzinger rencontre sa vocation. Il dit l’avoir découverte grâce à la beauté de la liturgie et des pèlerinages familiaux dans le grand sanctuaire marial bavarois d’Altötting. En 1939, alors que la guerre s’apprête à éclater, le futur Benoît XVI entre tôt au séminaire de Traunstein où il y rejoint son grand frère Georg. Le conflit, qui l’oblige à rejoindre les jeunesses hitlériennes puis le front, ne le détourneront ni de sa vocation – il est même moqué en public après l’avoir clamée haut et fort devant un recruteur SS en 1944 – ni de sa formation intellectuelle qu’il poursuit grâce à d’abondantes lectures.

Un élève brillant

C’est au séminaire de Freising que le jeune Ratzinger reprend sa formation de séminariste en 1946. Il découvre avec avidité la philosophie et la théologie, à commencer par saint Augustin qui va profondément marquer le futur prêtre. Repéré pour ses grandes qualités, il poursuit sa formation au séminaire de Munich. Là, il s’initie aux écrits des théologiens Henri de Lubac et Hans Urs von Balthasar, ses futurs compagnons de pensée, alors peu appréciés par le Saint-Siège. Il va écouter les prêches du grand théologien Romano Guardini, une autre influence majeure du futur pontife. Le 29 juin 1951, à l’âge de 24 ans, il est finalement ordonné dans la cathédrale de Freising en même temps que son frère Georg.

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Ordination de Josef et de Georg Ratzinger.

AFP

Il est alors rattaché à une paroisse munichoise mais reprend très vite sa formation intellectuelle au sein du séminaire en tant que doctorant et professeur. Il devient docteur en théologie en 1953 après une thèse sur saint Augustin sur la nature du Corps du Christ comme peuple de Dieu. On l’invite alors à rédiger une thèse, qui lui fera découvrir un nouveau maître, saint Bonaventure, et aboutira à une publication sur la théologie de l’histoire du Docteur séraphique. Cependant sa thèse ne plaît pas à un examinateur qui la trouve trop moderniste, ce qui manque de lui coûter son habilitation à enseigner. Il devient cependant professeur à Freising, puis obtient la chaire de théologie fondamentale de l’Université de Bonn – capitale de l’Allemagne fédérale – en 1959, à seulement 32 ans.

Le tournant conciliaire

Sa renommée grandissante et sa précocité vont se révéler à un moment crucial de l’histoire de l’Église catholique. Quelques mois après son élection, Jean XXIII convoque le concile Vatican II. Ratzinger défend la démarche dans un milieu universitaire globalement hostile, et son zèle est remarqué par l’archevêque de Cologne, le cardinal Josef Frings. Il rédige à sa demande un discours sur la nécessité pour l’Église de s’ouvrir au monde et de prendre en compte ses évolutions dans le cadre conciliaire, qui sera lu et apprécié par Jean XXIII en personne. Dès lors, le père Ratzinger devient un assistant du cardinal allemand qui l’emmène avec lui à Rome.

En 1962, il est officiellement nommé collaborateur théologique pour le concile. Son implication passionnée aux côtés des grands noms qui forment l’assemblée des Pères conciliaires – Henri de Lubac, Karl Rahner, Yves Congar, Hans Küng – est décisive tout au long des débats animés. Il est rapidement nommé expert officiel du Concile par Paul VI qui succède à Jean XXIII en 1963. Il est ainsi un des nombreux rédacteurs en charge de ce qui deviendra sous la main de Paul VI la Constitution apostolique Lumen Gentium, clé de voûte du Concile.

Maintenir la communion de l’Église après le Concile

Si le Concile lui a apporté une vraie reconnaissance de la part de ses pairs, l’après-Concile, selon le théologien, sera un temps de désenchantement, en Allemagne comme au-delà de ses frontières natales. Alors que les divisions secouent de plus en plus l’Église, Joseph Ratzinger plaide pour une découverte progressive des fruits conciliaires contre ceux qui les rejettent mais surtout contre ceux qui appellent à plus d’évolutions, animés, selon le futur pape, par l’esprit libertaire de mai 68.

Occupant jusque-là une position d’arbitre, le Père Ratzinger va s’imposer comme un des théologiens les plus à même d’accompagner les évolutions défendues par le pontife Paul VI au sein de la toute nouvelle Commission théologique internationale en 1969. Au côté d’Hans Urs von Balthasar et au sein de la rédaction de sa revue Communio dès 1972, il poursuit son travail de professeur, tentant de rassembler l’Église là où le Concile avait pu parfois désorienter. Son engagement, calme et entier, est remarqué, et le pape Paul VI décide de le nommer archevêque de Munich-Freising, dans son diocèse d’origine, en 1977, et deux mois plus tard, lui remet l’anneau cardinalice.

L’appel de la Curie

Malgré une expérience limitée en tant que pasteur, sa nomination est plutôt bien accueillie dans sa ville. Comme devise, le nouvel archevêque choisit une citation de l’Évangile de Jean : « Cooperatores veritatis » (« coartisans de vérité »). À la tête de son archidiocèse, le futur pape s’attelle à une tâche très différente de celle qu’il connaît, à savoir l’enseignement. Cette période donne au cardinal Ratzinger l’intime conviction que « le laissez-faire est la pire manière de remplir sa fonction », comme il le déclare des années plus tard au journaliste Peter Seewald. Acteur majeur de l’Église en Allemagne, il se doit de traiter un problème conséquent : la montée de fort courants contestataires autour de ses anciens camarades du conclave, Hans Küng et Johannes Baptist Metz. L’intervention de l’archevêque, qui soutient leur mise à l’écart des lieux d’enseignement de l’Église catholique, sera très mal vécue par les deux hommes, et lui vaudra bien des inimitiés lors de la suite de sa carrière. La fidélité du théologien bavarois à l’Église et ses nouvelles structures en fait un pasteur attentif, même s’il est de plus en plus appelé à Rome.

En 1978, il fait partie des électeurs qui portent sur le trône de Pierre le polonais Jean Paul II, pape avec lequel il va entretenir une intense amitié intellectuelle et spirituelle. 

À la mort de Paul VI, le cardinal Ratzinger participe en quelques mois à deux conclaves – le brusque décès du pape Jean Paul Ier après 33 jours de règne le rappelant une nouvelle fois dans la Ville Éternelle. En 1978, il fait partie des électeurs qui portent sur le trône de Pierre le polonais Jean Paul II, pape avec lequel il va entretenir une intense amitié intellectuelle et spirituelle. En 1980, il est choisi pour être le rapporteur du Synode pour la famille chrétienne, rôle dans lequel il impressionne le Souverain pontife. Ce dernier, en 1981, décide de lui confier la direction d’un des dicastères les plus importants de l’Église catholique : la Congrégation pour la doctrine de la foi. Il le nomme aussi président de la Commission théologique internationale et de la Commission biblique pontificale. Le cardinal Ratzinger quitte alors Munich et s’installe – pour ne plus jamais en partir – à Rome, devenant une des figures centrales de la Curie, et un des plus proches conseillers du pape.

Le doux inquisiteur

À la Congrégation pour la doctrine de la foi, il devient pendant près d’un quart de siècle le gardien de l’orthodoxie. Pour le cardinal Ratzinger, c’est un rôle difficile dans cette période post-conciliaire marquée par les contestations. Chargé de veiller au respect du dogme et de condamner les dérives, il se voit affubler du surnom de « Panzerkardinal », un sobriquet peu flatteur à l’opposé de son caractère calme, doux et patient. Mais le poste lui demande de trancher, et ses ennemis ne lui pardonneront pas ce qu’ils dénoncent comme de l’intransigeance, et, dans la carrière du futur pontife, comme un virage conservateur.

Beaucoup ne lui pardonneront pas d’avoir (…) replacé Vatican II dans la continuité de la Tradition.

Sa remise en question dès 1983 du Catéchisme Pierres Vivantes publié par la Conférence des évêques de France en 1981, fait partie de ces difficiles combats. À Lyon, il dénonce la suppression par les évêques français du Catéchisme, « une première et grave faute ». Il est par la suite chargé de rebâtir l’ouvrage de référence de la catéchèse catholique, tâche qui l’occupera de 1986 à 1992. En promulguant « son » Catéchisme de l’Église Catholique, il donne à l’institution de nouvelles bases théologiques fondamentales, mettant un terme à une trentaine d’années d’incertitudes. Beaucoup ne lui pardonneront pas d’avoir ainsi replacé Vatican II dans la continuité de la Tradition.

Un pilier du pontificat de Jean Paul II

Pendant près de 25 ans, le cardinal va rencontrer Jean Paul II tous les vendredis soir, et déjeuner avec lui les mardis. Les deux hommes se connaissent depuis des années pour avoir longtemps échangé des livres et une correspondance alors que le cardinal Karol Wojtyla était archevêque de Cracovie. Leur estime intellectuelle commune nourrira leur relation et leur collaboration. Le futur Benoît XVI a d’ailleurs toujours défendu celui que certains ont trop injustement taxé, à son avis, de rigoriste. Avec « la Miséricorde Divine, [Jean Paul II] nous donne la possibilité de concevoir une exigence morale envers l’homme, même si elle ne pourra jamais être complètement rachetée par nous », déclarait le pape émérite en 2020, à l’occasion du centenaire de la naissance du saint polonais.

Le cardinal Ratzinger produit lui aussi des textes de grandes importances à cette époque, le plus décisif étant sans doute la déclaration Dominus Iesus, en 2000. S’il n’a pas personnellement toujours approuvé tous les élans interreligieux de Jean Paul II – par exemple quand ce dernier embrasse le Coran en 1999 –, il donne cette fois-ci, en temps que préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, un cadre essentiel à « l’unicité et l’universalité salvifique de Jésus-Christ et de l’Église ». L’Église catholique, insiste-t-il alors, est l’épouse du Christ et donc l’unique source de Salut pour l’humanité.

Dans les dernières années du pontificat de Jean Paul II, il observe avec admiration le successeur de Pierre s’affaiblir, alors que l’Église traverse une très importante crise, notamment du fait de révélations sur de très graves affaires de pédophilie. Intraitable, le cardinal Ratzinger initie de nombreuses enquêtes. Malheureusement, les réticences et résistances de l’institution l’empêchent souvent d’intervenir.

Benedictus XVI

Le 25 mars 2005, le préfet du “Saint-Office” doit prendre la tête de la procession du Vendredi saint au Colisée à Rome, le pape étant si affaibli qu’il ne peut assister à la cérémonie que devant sa télévision. La méditation qu’il livre à cette occasion est très remarquée : l’Église catholique, explique-t-il, est une « barque prête à couler ». Nombreux sont ceux à y avoir entendu une critique de la « culture du silence » et un appel à de grands changements et de nouvelles réformes.

S’il accepte cette lourde charge, malgré (…) son peu d’appétence pour le gouvernement, c’est par sens du devoir, « pour garder la Maison ». 

Une semaine plus tard, Jean Paul II décède. En tant que doyen du collège cardinalice, c’est au cardinal Ratzinger qu’incombe la tâche d’organiser les obsèques du pontife. Respecté par ses pairs, il est élu le 19 avril sur le trône de Pierre, devenant son 264e successeur dans le diocèse de Rome. Il est choisi à l’issue d’un conclave qui dure à peine 24 heures – sa candidature est opposée, selon de nombreux témoignages, à celle du cardinal Jorge Mario Bergoglio, futur pape François. Joseph Ratzinger prend alors le nom de Benoît, en hommage au pape Benoît XV, pape de la paix et défenseur de l’Europe, mais aussi en référence à saint Benoît de Nursie, fondateur du monachisme occidental. S’il accepte cette lourde charge, malgré son âge (78 ans) et son peu d’appétence pour le gouvernement, c’est par sens du devoir, « pour garder la Maison ». Il prend pour devise : “Ut cooperatores simus Veritatis” (“Afin que nous coopérions à la publication de la Vérité”).

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Jour de l’élection de Benoît XVI, le 19 avril 2005.

AFP

Le premier pape du XXIe siècle

Sans attendre le délai de cinq ans, Benoît XVI lance l’ouverture de la cause de canonisation de Jean Paul II le 13 mai 2005. Il reconnaît ses vertus héroïques le 19 décembre 2009 et le proclame bienheureux le 1er mai 2011, devant plusieurs centaines de milliers de fidèles. Le pape polonais a été béatifié en un temps record : 6 ans et 1 mois après son décès. Benoît XVI sera enfin présent sur la place Saint Pierre lors de la canonisation de Jean Paul II par le pape François, le 27 avril 2014.

Le nouveau pape se met dans les pas de son prédécesseur : l’ancien professeur apprécié par ses étudiants se veut lui aussi un pape proche des jeunes. C’est à Cologne qu’il se rend dès 2005 pour les Journées mondiales de la jeunesse, quelques mois après son élection. Son discours touche les cœurs : « L’idée largement répandue est que les chrétiens doivent obéir à d’innombrables commandements, interdits, principes (…) et que par conséquent le christianisme est épuisant, difficile à vivre et qu’on est plus libre sans tous ces fardeaux. Moi, au contraire, je voudrais leur faire comprendre qu’être soutenu par un grand Amour et par une révélation ce n’est pas un fardeau : cela donne des ailes et que c’est beau d’être chrétien. »

Le pontificat de Benoît XVI, pour s’efforcer de s’adresser à tous, innove. Dès 2012, Benoît XVI dispose ainsi d’un compte Twitter, @pontifex. Comme Jean Paul II, il se rend partout dans le monde, visitant les cinq continents, même si Benoît XVI ne semble avoir jamais été en mesure de suivre le rythme effréné de Jean Paul II. Son début de pontificat est d’ailleurs décrit comme une accalmie, le pape se donnant du temps pour travailler à ses encycliques et publications.

Un pape théologien

Le pape Benoît XVI marque son pontificat de grands textes. Sa première encyclique, intitulée Deus Caritas est (« Dieu est amour »), paraît le 20 janvier 2006. Il y décrit « l’amour dont Dieu nous comble et que nous devons communiquer aux autres ». Sa seconde, Spe Salvi (« sauvés dans l’espérance »), est consacrée à l’espérance chrétienne et est publiée le 30 novembre 2007. Il publie une troisième et dernière encyclique, Caritas in Veritate (« l’amour dans la vérité ») le 7 juillet 2009. Il y défend la nécessité d’un « développement intégral » de l’homme dans la charité et la vérité.

Sous le nom de Joseph Ratzinger, il publie aussi trois volumes de Jésus de Nazareth, une étude sur la vie du Christ qui paraît entre 2007 et 2012. Mais sa mission n’est pas uniquement celle d’un théologien : soucieux de relancer l’évangélisation dans les pays en voie de sécularisation, il crée notamment le Conseil pontifical pour la nouvelle évangélisation. D’un point de vue ecclésial, il fait aussi preuve d’ouverture, nommant pour la première fois une femme sous-secrétaire d’un dicastère en 2011.

Le pontificat du pape allemand est placé sous le signe d’un intense dialogue avec les périphéries du christianisme et de l’Église. Avec son Motu proprio Summorum Pontificum, Benoît XVI redonne sa place à la liturgie latine. En janvier 2009, il lève l’excommunication qui pesait sur les quatre évêques de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X ordonnés par Mgr Lefebvre en 1988. Par ces deux actes, le pape allemand « désire consolider les relations réciproques de confiance, intensifier et stabiliser les rapports de la Fraternité Saint-Pie-X avec le Siège apostolique ». Les débuts semblent prometteurs mais se heurtent à des critiques vivaces, notamment après la réhabilitation de Mgr Richard Williamson, accusé de négationnisme. En 2021, avec le motu proprio Tradionis custodes, son successeur François est finalement revenu la libéralisation liturgique opérée par Benoît XVI dans Summorum Ponticum.

En 2009, avec la Constitution apostolique Anglicanorum Caetibus, Benoît XVI organise une structure canonique destinée à accueillir des anglicans au sein de l’Eglise catholique romaine tout en leur permettant de maintenir leurs traditions liturgiques, spirituelles et pastorales. Ce rapprochement culmine en septembre 2010 avec une visite au Royaume-Uni. Ce voyage est notamment marqué par la béatification du cardinal John Henry Newman, ancien anglican converti au catholicisme. Le pape est enfin à l’origine du rapprochement avec l’Église orthodoxe russe, posant des jalons pour la rencontre de son successeur François avec le patriarche de Moscou Kirill à Cuba en 2016.

Face aux polémiques

Cependant, plusieurs événements importants viennent perturber son pontificat, à commencer par l’incident de l’Université de Ratisbonne, survenu en 2006. Benoît XVI connaît alors une des plus grandes crises de son pontificat lorsqu’il prononce un discours dont l’une des phrases, portant sur la violence de l’Islam, est perçue comme une critique de la religion monothéiste. Deux mois plus tard, à l’occasion de son voyage apostolique en Turquie, le Souverain pontife se recueille avec le grand mufti Cagrici dans la mosquée bleue d’Istanbul afin de marquer sa volonté de paix.

Dans son avion qui le conduit au Cameroun en 2009, qu’il entame son premier voyage apostolique en Afrique, le Pape, au cours de sa conférence de presse, affirme que la distribution de préservatifs en Afrique pour lutter contre le sida n’arrangera pas le problème, mais risque au contraire de l’aggraver. Ces propos provoquent une grande polémique. Un an plus tard, dans son livre entretien Lumière du Monde, le pape allemand dira que « dans certains cas », comme celui d’hommes qui se prostituent,  l’utilisation du préservatif est admise, « pour réduire les risques de contamination ».

La corruption de l’Église

En tant que pape, Benoît XVI s’attelle, comme quand il était préfet, à combattre la crise des abus qui gangrène l’Église. Suite à l’enquête menée par la Congrégation pour la doctrine de la foi sur les accusations d’abus sexuels contre le fondateur de la congrégation des Légionnaires du Christ, Benoît XVI demande au Père Marcial Maciel de renoncer « à tout ministère public » et à vivre « une vie réservée de prière et de pénitence ». Après un examen approfondi des résultats de son enquête canonique et en raison de « l’âge avancé et de la santé maladive » de l’accusé, la Congrégation pour la doctrine de la foi décide de renoncer à un procès canonique.

Il initie une réforme du droit canon pour punir plus sévèrement les abus, considérant en 2008 « qu’un pédophile ne peut pas être un prêtre ». Le pontife doit aussi affronter plusieurs scandales financiers au sein de la Curie romaine, notamment après les fuites de documents confidentiels en 2012 – les Vatileaks – qui révèlent un important réseau de corruption au Vatican. C’est le majordome du pape en personne, Paolo Gabriele, qui s’avère être à l’origine des fuites, et qui sera condamné pour cela puis gracié par le chef de l’Église catholique. Alors que la Curie est sous le feu des attaques, le pape dénonce une amplification des faits par les médias et soutient officiellement ses collaborateurs qui, l’aident « quotidiennement avec fidélité, esprit de sacrifice et dans le silence », provoquant l’ire de ceux qui appellent à nettoyer les écuries d’Augias.

La renonciation

Lors d’un consistoire, le 11 février 2013, Benoît XVI surprend le monde entier en annonçant qu’il compte renoncer au Trône de Pierre. Il avance son « incapacité à bien administrer le ministère qui (lui) a été confié » – il ne supporte physiquement plus les longs voyages en avion, et sait qu’il ne pourra pas se rendre aux JMJ de Rio de Janeiro au Brésil en juillet. Il se retire alors à Castel Gandolfo, renonçant effectivement à son pouvoir le 28 février 2013, et devenant le premier « pape émérite » de l’Histoire : « Je suis simplement un pèlerin qui débute la dernière étape de son pèlerinage sur cette terre ». Il ne rentrera pas au Vatican, où il a décidé de s’installer dans le monastère Mater Ecclesiae, avant l’élection de son successeur, le pape François, le 13 mars 2013.

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Benoît XVI le 11 février 2013, jour de l’annonce sa renonciation.

© Servizio Fotografico OR / CPP

Sa mission continue alors essentiellement « à travers la prière ». Il reste discret, mais ne fait pas vœu de silence, même s’il s’efforce de ne pas empiéter sur le terrain de son successeur. Le 5 juillet de la même année, Benoît XVI se joint au Souverain pontife à l’occasion de l’inauguration d’une statue de saint Michel dans les jardins du Vatican. Le même jour, le pape François publie sa première encyclique, Lumen Fidei. Celle-ci, largement rédigée par le pape émérite, contient « quelques contributions ultérieures » du nouveau pontife.

En retrait

S’il n’a jamais fait vœu de silence, Benoit XVI limite ses apparitions et interventions dans la vie publique par fidélité envers son successeur, et s’attelle dans le calme de sa demeure vaticane à poursuivre son œuvre de théologien. François fait appel à lui à plusieurs reprises pour certaines fêtes. Sa dernière apparition publique remonte à 2015, à l’occasion de l’ouverture de la porte du Jubilé. Tout au long de cette période, il ne cesse de mettre en avant la continuité entre son pontificat et celui de son successeur, que de nombreux observateurs viennent au contraire souvent opposer. Pour Benoît XVI, François est « l’homme de la réforme pratique ».

Il continue à signer plusieurs ouvrages et textes, principalement des préfaces. Certaines de ses sorties suscite néanmoins des questions sur leur niveau d’autorité : c’est notamment le cas du livre sur le célibat sacerdotal qu’il co-signe avec le cardinal Robert Sarah en 2020, qui intervient alors que le pontife doit publier une lettre apostolique sur le sujet – les membres du synode sur l’Amazonie en 2019 lui ayant demandé d’autoriser l’ordination d’hommes mariés.

Sa dernière année de sa vie sera marquée par un scandale concernant sa gestion des abus alors qu’il était archevêque de Munich. Un rapport indépendant commandé par son diocèse et présenté en janvier 2022 avait conclu « présomption d’implication » du pape émérite dans la gestion de quatre cas.

Dans une lettre publiée le 6 février suivant, considérée par Mgr Gänswein comme son testament spirituel, le pape émérite avait répondu au rapport en demandant « pardon », mais en réaffirmant sa déposition initiale et se disant blessé de voir sa parole remise en cause.

« Très bientôt, je me retrouverai devant le juge final de ma vie », affirmait alors Benoît XVI. Au regard de sa « longue vie », il disait que s’il avait « de grandes raisons d’avoir peur et de trembler », il affrontait néanmoins cette possibilité avec « bonne humeur » parce qu’il avait la ferme conviction « que le Seigneur n’est pas seulement le juge juste, mais aussi l’ami et le frère qui a déjà souffert pour mes fautes, et qui est donc aussi mon avocat ». Dans l’ensemble, c’est avec un grand calme et une étonnante sérénité qu’a semblé afficher le pape émérite en ces dernières années : « C’est une grande grâce pour moi d’être entouré pour ce dernier bout de route, parfois un peu fatigant, d’un amour et d’une bonté que je n’aurais jamais pu imaginer. » Dans une lettre envoyée à la mort d’un de ses amis en 2021, il avait confié espérer « pouvoir bientôt le rejoindre ».

La mort est finalement venue le chercher ce 31 décembre 2022. Quelques jours auparavant, le pape François avait appelé à prier pour son prédécesseur qui, dans le silence, avait soutenu l’Église « jusqu’à la fin ». L’Église perd un de ses plus grands serviteurs, compagnon des temps difficiles et grandes avancées d’une des périodes les plus charnières de son histoire.

Source : ALETEIA, le 31 décembre 2022

Benoît XVI, pape de rupture dans la continuité

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Emanuela DE MEO/CPP/CIRIC

Joseph Ratzinger (1927-2022), connu sous le nom de Benoît XVI depuis son élection sur le trône de Pierre en 2005, a été une des figures les plus importantes de l’Église catholique au XXe siècle et XXIe. Retour sur le parcours de celui qui vient de s’éteindre à Rome, le 31 décembre 2022, à l’âge de 95 ans.

« À partir de 20 heures, je ne suis plus pape, ni pasteur suprême de l’Église catholique… Mais je veux continuer à travailler, avec mon cœur, avec mon amour, avec ma prière, avec ma pensée, avec toutes mes forces spirituelles pour le bien commun, pour le bien de l’Église et de l’humanité. » C’est avec ces mots, ses derniers en tant que pape en exercice, que Benoît XVI est entré l’Histoire le 28 février 2013. À l’étonnement de tous, depuis la fenêtre du Castel Gandolfo, il venait de mettre fin à sa mission de successeur de Pierre, bravant avec une singulière sérénité des siècles de tradition qui voulaient qu’un pontife meurt à sa tâche. Et c’est par ce paradoxe final, celui d’un homme capable de concilier une conception aiguë de la continuité spirituelle et intellectuelle de l’Église catholique à la possibilité d’une rupture spectaculaire et radicale qu’on peut être tenté de relire les grandes étapes qui jalonnent son immense parcours.

Depuis l’enfance bavaroise du petit Joseph Ratzinger, l’enfant de Marktl, aux dernières heures du « pape émérite » dans le Monastère Mater Ecclesiae au Vatican, près de 96 années ont passé. Elles témoignent d’un parcours cohérent, du cheminement d’un homme dont la constance pourrait aussi qualifier sa personnalité et son caractère, notoirement opposé à toute forme de virulence, malgré un goût certain pour la disputatio dans sa haute dimension intellectuelle. Mais ce siècle de vie est aussi marqué par de grands bouleversements que Joseph Ratzinger a systématiquement cherché à accompagner et orienter.

Joseph Ratzinger est né un Samedi saint, le 16 avril 1927, dans une petite ville bavaroise, Marktl am Inn, non loin de la frontière autrichienne. Il est le troisième et dernier enfant de Joseph et Maria Ratzinger, après Maria (1921-1991) et Georg (1924-2020). Son père est gendarme, sa mère multiplie les tâches domestiques et petits métiers. Les parents de Joseph sont de fervents catholiques et très hostiles au parti nazi d’Adolf Hitler qui prospère sur la grande misère qui frappe alors la population allemande.

C’est pendant ces années difficiles que Joseph Ratzinger rencontre sa vocation. Il dit l’avoir découverte grâce à la beauté de la liturgie et des pèlerinages familiaux dans le grand sanctuaire marial bavarois d’Altötting. En 1939, alors que la guerre s’apprête à éclater, le futur Benoît XVI entre tôt au séminaire de Traunstein où il y rejoint son grand frère Georg. Le conflit, qui l’oblige à rejoindre les jeunesses hitlériennes puis le front, ne le détourneront ni de sa vocation – il est même moqué en public après l’avoir clamée haut et fort devant un recruteur SS en 1944 – ni de sa formation intellectuelle qu’il poursuit grâce à d’abondantes lectures.

Un élève brillant

C’est au séminaire de Freising que le jeune Ratzinger reprend sa formation de séminariste en 1946. Il découvre avec avidité la philosophie et la théologie, à commencer par saint Augustin qui va profondément marquer le futur prêtre. Repéré pour ses grandes qualités, il poursuit sa formation au séminaire de Munich. Là, il s’initie aux écrits des théologiens Henri de Lubac et Hans Urs von Balthasar, ses futurs compagnons de pensée, alors peu appréciés par le Saint-Siège. Il va écouter les prêches du grand théologien Romano Guardini, une autre influence majeure du futur pontife. Le 29 juin 1951, à l’âge de 24 ans, il est finalement ordonné dans la cathédrale de Freising en même temps que son frère Georg.

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Ordination de Josef et de Georg Ratzinger.

AFP

Il est alors rattaché à une paroisse munichoise mais reprend très vite sa formation intellectuelle au sein du séminaire en tant que doctorant et professeur. Il devient docteur en théologie en 1953 après une thèse sur saint Augustin sur la nature du Corps du Christ comme peuple de Dieu. On l’invite alors à rédiger une thèse, qui lui fera découvrir un nouveau maître, saint Bonaventure, et aboutira à une publication sur la théologie de l’histoire du Docteur séraphique. Cependant sa thèse ne plaît pas à un examinateur qui la trouve trop moderniste, ce qui manque de lui coûter son habilitation à enseigner. Il devient cependant professeur à Freising, puis obtient la chaire de théologie fondamentale de l’Université de Bonn – capitale de l’Allemagne fédérale – en 1959, à seulement 32 ans.

Le tournant conciliaire

Sa renommée grandissante et sa précocité vont se révéler à un moment crucial de l’histoire de l’Église catholique. Quelques mois après son élection, Jean XXIII convoque le concile Vatican II. Ratzinger défend la démarche dans un milieu universitaire globalement hostile, et son zèle est remarqué par l’archevêque de Cologne, le cardinal Josef Frings. Il rédige à sa demande un discours sur la nécessité pour l’Église de s’ouvrir au monde et de prendre en compte ses évolutions dans le cadre conciliaire, qui sera lu et apprécié par Jean XXIII en personne. Dès lors, le père Ratzinger devient un assistant du cardinal allemand qui l’emmène avec lui à Rome.

En 1962, il est officiellement nommé collaborateur théologique pour le concile. Son implication passionnée aux côtés des grands noms qui forment l’assemblée des Pères conciliaires – Henri de Lubac, Karl Rahner, Yves Congar, Hans Küng – est décisive tout au long des débats animés. Il est rapidement nommé expert officiel du Concile par Paul VI qui succède à Jean XXIII en 1963. Il est ainsi un des nombreux rédacteurs en charge de ce qui deviendra sous la main de Paul VI la Constitution apostolique Lumen Gentium, clé de voûte du Concile.

Maintenir la communion de l’Église après le Concile

Si le Concile lui a apporté une vraie reconnaissance de la part de ses pairs, l’après-Concile, selon le théologien, sera un temps de désenchantement, en Allemagne comme au-delà de ses frontières natales. Alors que les divisions secouent de plus en plus l’Église, Joseph Ratzinger plaide pour une découverte progressive des fruits conciliaires contre ceux qui les rejettent mais surtout contre ceux qui appellent à plus d’évolutions, animés, selon le futur pape, par l’esprit libertaire de mai 68.

Occupant jusque-là une position d’arbitre, le Père Ratzinger va s’imposer comme un des théologiens les plus à même d’accompagner les évolutions défendues par le pontife Paul VI au sein de la toute nouvelle Commission théologique internationale en 1969. Au côté d’Hans Urs von Balthasar et au sein de la rédaction de sa revue Communio dès 1972, il poursuit son travail de professeur, tentant de rassembler l’Église là où le Concile avait pu parfois désorienter. Son engagement, calme et entier, est remarqué, et le pape Paul VI décide de le nommer archevêque de Munich-Freising, dans son diocèse d’origine, en 1977, et deux mois plus tard, lui remet l’anneau cardinalice.

L’appel de la Curie

Malgré une expérience limitée en tant que pasteur, sa nomination est plutôt bien accueillie dans sa ville. Comme devise, le nouvel archevêque choisit une citation de l’Évangile de Jean : « Cooperatores veritatis » (« coartisans de vérité »). À la tête de son archidiocèse, le futur pape s’attelle à une tâche très différente de celle qu’il connaît, à savoir l’enseignement. Cette période donne au cardinal Ratzinger l’intime conviction que « le laissez-faire est la pire manière de remplir sa fonction », comme il le déclare des années plus tard au journaliste Peter Seewald. Acteur majeur de l’Église en Allemagne, il se doit de traiter un problème conséquent : la montée de fort courants contestataires autour de ses anciens camarades du conclave, Hans Küng et Johannes Baptist Metz. L’intervention de l’archevêque, qui soutient leur mise à l’écart des lieux d’enseignement de l’Église catholique, sera très mal vécue par les deux hommes, et lui vaudra bien des inimitiés lors de la suite de sa carrière. La fidélité du théologien bavarois à l’Église et ses nouvelles structures en fait un pasteur attentif, même s’il est de plus en plus appelé à Rome.

En 1978, il fait partie des électeurs qui portent sur le trône de Pierre le polonais Jean Paul II, pape avec lequel il va entretenir une intense amitié intellectuelle et spirituelle. 

À la mort de Paul VI, le cardinal Ratzinger participe en quelques mois à deux conclaves – le brusque décès du pape Jean Paul Ier après 33 jours de règne le rappelant une nouvelle fois dans la Ville Éternelle. En 1978, il fait partie des électeurs qui portent sur le trône de Pierre le polonais Jean Paul II, pape avec lequel il va entretenir une intense amitié intellectuelle et spirituelle. En 1980, il est choisi pour être le rapporteur du Synode pour la famille chrétienne, rôle dans lequel il impressionne le Souverain pontife. Ce dernier, en 1981, décide de lui confier la direction d’un des dicastères les plus importants de l’Église catholique : la Congrégation pour la doctrine de la foi. Il le nomme aussi président de la Commission théologique internationale et de la Commission biblique pontificale. Le cardinal Ratzinger quitte alors Munich et s’installe – pour ne plus jamais en partir – à Rome, devenant une des figures centrales de la Curie, et un des plus proches conseillers du pape.

Le doux inquisiteur

À la Congrégation pour la doctrine de la foi, il devient pendant près d’un quart de siècle le gardien de l’orthodoxie. Pour le cardinal Ratzinger, c’est un rôle difficile dans cette période post-conciliaire marquée par les contestations. Chargé de veiller au respect du dogme et de condamner les dérives, il se voit affubler du surnom de « Panzerkardinal », un sobriquet peu flatteur à l’opposé de son caractère calme, doux et patient. Mais le poste lui demande de trancher, et ses ennemis ne lui pardonneront pas ce qu’ils dénoncent comme de l’intransigeance, et, dans la carrière du futur pontife, comme un virage conservateur.

Beaucoup ne lui pardonneront pas d’avoir (…) replacé Vatican II dans la continuité de la Tradition.

Sa remise en question dès 1983 du Catéchisme Pierres Vivantes publié par la Conférence des évêques de France en 1981, fait partie de ces difficiles combats. À Lyon, il dénonce la suppression par les évêques français du Catéchisme, « une première et grave faute ». Il est par la suite chargé de rebâtir l’ouvrage de référence de la catéchèse catholique, tâche qui l’occupera de 1986 à 1992. En promulguant « son » Catéchisme de l’Église Catholique, il donne à l’institution de nouvelles bases théologiques fondamentales, mettant un terme à une trentaine d’années d’incertitudes. Beaucoup ne lui pardonneront pas d’avoir ainsi replacé Vatican II dans la continuité de la Tradition.

Un pilier du pontificat de Jean Paul II

Pendant près de 25 ans, le cardinal va rencontrer Jean Paul II tous les vendredis soir, et déjeuner avec lui les mardis. Les deux hommes se connaissent depuis des années pour avoir longtemps échangé des livres et une correspondance alors que le cardinal Karol Wojtyla était archevêque de Cracovie. Leur estime intellectuelle commune nourrira leur relation et leur collaboration. Le futur Benoît XVI a d’ailleurs toujours défendu celui que certains ont trop injustement taxé, à son avis, de rigoriste. Avec « la Miséricorde Divine, [Jean Paul II] nous donne la possibilité de concevoir une exigence morale envers l’homme, même si elle ne pourra jamais être complètement rachetée par nous », déclarait le pape émérite en 2020, à l’occasion du centenaire de la naissance du saint polonais.

Le cardinal Ratzinger produit lui aussi des textes de grandes importances à cette époque, le plus décisif étant sans doute la déclaration Dominus Iesus, en 2000. S’il n’a pas personnellement toujours approuvé tous les élans interreligieux de Jean Paul II – par exemple quand ce dernier embrasse le Coran en 1999 –, il donne cette fois-ci, en temps que préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, un cadre essentiel à « l’unicité et l’universalité salvifique de Jésus-Christ et de l’Église ». L’Église catholique, insiste-t-il alors, est l’épouse du Christ et donc l’unique source de Salut pour l’humanité.

Dans les dernières années du pontificat de Jean Paul II, il observe avec admiration le successeur de Pierre s’affaiblir, alors que l’Église traverse une très importante crise, notamment du fait de révélations sur de très graves affaires de pédophilie. Intraitable, le cardinal Ratzinger initie de nombreuses enquêtes. Malheureusement, les réticences et résistances de l’institution l’empêchent souvent d’intervenir.

Benedictus XVI

Le 25 mars 2005, le préfet du “Saint-Office” doit prendre la tête de la procession du Vendredi saint au Colisée à Rome, le pape étant si affaibli qu’il ne peut assister à la cérémonie que devant sa télévision. La méditation qu’il livre à cette occasion est très remarquée : l’Église catholique, explique-t-il, est une « barque prête à couler ». Nombreux sont ceux à y avoir entendu une critique de la « culture du silence » et un appel à de grands changements et de nouvelles réformes.

S’il accepte cette lourde charge, malgré (…) son peu d’appétence pour le gouvernement, c’est par sens du devoir, « pour garder la Maison ». 

Une semaine plus tard, Jean Paul II décède. En tant que doyen du collège cardinalice, c’est au cardinal Ratzinger qu’incombe la tâche d’organiser les obsèques du pontife. Respecté par ses pairs, il est élu le 19 avril sur le trône de Pierre, devenant son 264e successeur dans le diocèse de Rome. Il est choisi à l’issue d’un conclave qui dure à peine 24 heures – sa candidature est opposée, selon de nombreux témoignages, à celle du cardinal Jorge Mario Bergoglio, futur pape François. Joseph Ratzinger prend alors le nom de Benoît, en hommage au pape Benoît XV, pape de la paix et défenseur de l’Europe, mais aussi en référence à saint Benoît de Nursie, fondateur du monachisme occidental. S’il accepte cette lourde charge, malgré son âge (78 ans) et son peu d’appétence pour le gouvernement, c’est par sens du devoir, « pour garder la Maison ». Il prend pour devise : “Ut cooperatores simus Veritatis” (“Afin que nous coopérions à la publication de la Vérité”).

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Jour de l’élection de Benoît XVI, le 19 avril 2005.

AFP

Le premier pape du XXIe siècle

Sans attendre le délai de cinq ans, Benoît XVI lance l’ouverture de la cause de canonisation de Jean Paul II le 13 mai 2005. Il reconnaît ses vertus héroïques le 19 décembre 2009 et le proclame bienheureux le 1er mai 2011, devant plusieurs centaines de milliers de fidèles. Le pape polonais a été béatifié en un temps record : 6 ans et 1 mois après son décès. Benoît XVI sera enfin présent sur la place Saint Pierre lors de la canonisation de Jean Paul II par le pape François, le 27 avril 2014.

Le nouveau pape se met dans les pas de son prédécesseur : l’ancien professeur apprécié par ses étudiants se veut lui aussi un pape proche des jeunes. C’est à Cologne qu’il se rend dès 2005 pour les Journées mondiales de la jeunesse, quelques mois après son élection. Son discours touche les cœurs : « L’idée largement répandue est que les chrétiens doivent obéir à d’innombrables commandements, interdits, principes (…) et que par conséquent le christianisme est épuisant, difficile à vivre et qu’on est plus libre sans tous ces fardeaux. Moi, au contraire, je voudrais leur faire comprendre qu’être soutenu par un grand Amour et par une révélation ce n’est pas un fardeau : cela donne des ailes et que c’est beau d’être chrétien. »

Le pontificat de Benoît XVI, pour s’efforcer de s’adresser à tous, innove. Dès 2012, Benoît XVI dispose ainsi d’un compte Twitter, @pontifex. Comme Jean Paul II, il se rend partout dans le monde, visitant les cinq continents, même si Benoît XVI ne semble avoir jamais été en mesure de suivre le rythme effréné de Jean Paul II. Son début de pontificat est d’ailleurs décrit comme une accalmie, le pape se donnant du temps pour travailler à ses encycliques et publications.

Un pape théologien

Le pape Benoît XVI marque son pontificat de grands textes. Sa première encyclique, intitulée Deus Caritas est (« Dieu est amour »), paraît le 20 janvier 2006. Il y décrit « l’amour dont Dieu nous comble et que nous devons communiquer aux autres ». Sa seconde, Spe Salvi (« sauvés dans l’espérance »), est consacrée à l’espérance chrétienne et est publiée le 30 novembre 2007. Il publie une troisième et dernière encyclique, Caritas in Veritate (« l’amour dans la vérité ») le 7 juillet 2009. Il y défend la nécessité d’un « développement intégral » de l’homme dans la charité et la vérité.

Sous le nom de Joseph Ratzinger, il publie aussi trois volumes de Jésus de Nazareth, une étude sur la vie du Christ qui paraît entre 2007 et 2012. Mais sa mission n’est pas uniquement celle d’un théologien : soucieux de relancer l’évangélisation dans les pays en voie de sécularisation, il crée notamment le Conseil pontifical pour la nouvelle évangélisation. D’un point de vue ecclésial, il fait aussi preuve d’ouverture, nommant pour la première fois une femme sous-secrétaire d’un dicastère en 2011.

Le pontificat du pape allemand est placé sous le signe d’un intense dialogue avec les périphéries du christianisme et de l’Église. Avec son Motu proprio Summorum Pontificum, Benoît XVI redonne sa place à la liturgie latine. En janvier 2009, il lève l’excommunication qui pesait sur les quatre évêques de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X ordonnés par Mgr Lefebvre en 1988. Par ces deux actes, le pape allemand « désire consolider les relations réciproques de confiance, intensifier et stabiliser les rapports de la Fraternité Saint-Pie-X avec le Siège apostolique ». Les débuts semblent prometteurs mais se heurtent à des critiques vivaces, notamment après la réhabilitation de Mgr Richard Williamson, accusé de négationnisme. En 2021, avec le motu proprio Tradionis custodes, son successeur François est finalement revenu la libéralisation liturgique opérée par Benoît XVI dans Summorum Ponticum.

En 2009, avec la Constitution apostolique Anglicanorum Caetibus, Benoît XVI organise une structure canonique destinée à accueillir des anglicans au sein de l’Eglise catholique romaine tout en leur permettant de maintenir leurs traditions liturgiques, spirituelles et pastorales. Ce rapprochement culmine en septembre 2010 avec une visite au Royaume-Uni. Ce voyage est notamment marqué par la béatification du cardinal John Henry Newman, ancien anglican converti au catholicisme. Le pape est enfin à l’origine du rapprochement avec l’Église orthodoxe russe, posant des jalons pour la rencontre de son successeur François avec le patriarche de Moscou Kirill à Cuba en 2016.

Face aux polémiques

Cependant, plusieurs événements importants viennent perturber son pontificat, à commencer par l’incident de l’Université de Ratisbonne, survenu en 2006. Benoît XVI connaît alors une des plus grandes crises de son pontificat lorsqu’il prononce un discours dont l’une des phrases, portant sur la violence de l’Islam, est perçue comme une critique de la religion monothéiste. Deux mois plus tard, à l’occasion de son voyage apostolique en Turquie, le Souverain pontife se recueille avec le grand mufti Cagrici dans la mosquée bleue d’Istanbul afin de marquer sa volonté de paix.

Dans son avion qui le conduit au Cameroun en 2009, qu’il entame son premier voyage apostolique en Afrique, le Pape, au cours de sa conférence de presse, affirme que la distribution de préservatifs en Afrique pour lutter contre le sida n’arrangera pas le problème, mais risque au contraire de l’aggraver. Ces propos provoquent une grande polémique. Un an plus tard, dans son livre entretien Lumière du Monde, le pape allemand dira que « dans certains cas », comme celui d’hommes qui se prostituent,  l’utilisation du préservatif est admise, « pour réduire les risques de contamination ».

La corruption de l’Église

En tant que pape, Benoît XVI s’attelle, comme quand il était préfet, à combattre la crise des abus qui gangrène l’Église. Suite à l’enquête menée par la Congrégation pour la doctrine de la foi sur les accusations d’abus sexuels contre le fondateur de la congrégation des Légionnaires du Christ, Benoît XVI demande au Père Marcial Maciel de renoncer « à tout ministère public » et à vivre « une vie réservée de prière et de pénitence ». Après un examen approfondi des résultats de son enquête canonique et en raison de « l’âge avancé et de la santé maladive » de l’accusé, la Congrégation pour la doctrine de la foi décide de renoncer à un procès canonique.

Il initie une réforme du droit canon pour punir plus sévèrement les abus, considérant en 2008 « qu’un pédophile ne peut pas être un prêtre ». Le pontife doit aussi affronter plusieurs scandales financiers au sein de la Curie romaine, notamment après les fuites de documents confidentiels en 2012 – les Vatileaks – qui révèlent un important réseau de corruption au Vatican. C’est le majordome du pape en personne, Paolo Gabriele, qui s’avère être à l’origine des fuites, et qui sera condamné pour cela puis gracié par le chef de l’Église catholique. Alors que la Curie est sous le feu des attaques, le pape dénonce une amplification des faits par les médias et soutient officiellement ses collaborateurs qui, l’aident « quotidiennement avec fidélité, esprit de sacrifice et dans le silence », provoquant l’ire de ceux qui appellent à nettoyer les écuries d’Augias.

La renonciation

Lors d’un consistoire, le 11 février 2013, Benoît XVI surprend le monde entier en annonçant qu’il compte renoncer au Trône de Pierre. Il avance son « incapacité à bien administrer le ministère qui (lui) a été confié » – il ne supporte physiquement plus les longs voyages en avion, et sait qu’il ne pourra pas se rendre aux JMJ de Rio de Janeiro au Brésil en juillet. Il se retire alors à Castel Gandolfo, renonçant effectivement à son pouvoir le 28 février 2013, et devenant le premier « pape émérite » de l’Histoire : « Je suis simplement un pèlerin qui débute la dernière étape de son pèlerinage sur cette terre ». Il ne rentrera pas au Vatican, où il a décidé de s’installer dans le monastère Mater Ecclesiae, avant l’élection de son successeur, le pape François, le 13 mars 2013.

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Benoît XVI le 11 février 2013, jour de l’annonce sa renonciation.

© Servizio Fotografico OR / CPP

Sa mission continue alors essentiellement « à travers la prière ». Il reste discret, mais ne fait pas vœu de silence, même s’il s’efforce de ne pas empiéter sur le terrain de son successeur. Le 5 juillet de la même année, Benoît XVI se joint au Souverain pontife à l’occasion de l’inauguration d’une statue de saint Michel dans les jardins du Vatican. Le même jour, le pape François publie sa première encyclique, Lumen Fidei. Celle-ci, largement rédigée par le pape émérite, contient « quelques contributions ultérieures » du nouveau pontife.

En retrait

S’il n’a jamais fait vœu de silence, Benoit XVI limite ses apparitions et interventions dans la vie publique par fidélité envers son successeur, et s’attelle dans le calme de sa demeure vaticane à poursuivre son œuvre de théologien. François fait appel à lui à plusieurs reprises pour certaines fêtes. Sa dernière apparition publique remonte à 2015, à l’occasion de l’ouverture de la porte du Jubilé. Tout au long de cette période, il ne cesse de mettre en avant la continuité entre son pontificat et celui de son successeur, que de nombreux observateurs viennent au contraire souvent opposer. Pour Benoît XVI, François est « l’homme de la réforme pratique ».

Il continue à signer plusieurs ouvrages et textes, principalement des préfaces. Certaines de ses sorties suscite néanmoins des questions sur leur niveau d’autorité : c’est notamment le cas du livre sur le célibat sacerdotal qu’il co-signe avec le cardinal Robert Sarah en 2020, qui intervient alors que le pontife doit publier une lettre apostolique sur le sujet – les membres du synode sur l’Amazonie en 2019 lui ayant demandé d’autoriser l’ordination d’hommes mariés.

Sa dernière année de sa vie sera marquée par un scandale concernant sa gestion des abus alors qu’il était archevêque de Munich. Un rapport indépendant commandé par son diocèse et présenté en janvier 2022 avait conclu « présomption d’implication » du pape émérite dans la gestion de quatre cas.

Dans une lettre publiée le 6 février suivant, considérée par Mgr Gänswein comme son testament spirituel, le pape émérite avait répondu au rapport en demandant « pardon », mais en réaffirmant sa déposition initiale et se disant blessé de voir sa parole remise en cause.

« Très bientôt, je me retrouverai devant le juge final de ma vie », affirmait alors Benoît XVI. Au regard de sa « longue vie », il disait que s’il avait « de grandes raisons d’avoir peur et de trembler », il affrontait néanmoins cette possibilité avec « bonne humeur » parce qu’il avait la ferme conviction « que le Seigneur n’est pas seulement le juge juste, mais aussi l’ami et le frère qui a déjà souffert pour mes fautes, et qui est donc aussi mon avocat ». Dans l’ensemble, c’est avec un grand calme et une étonnante sérénité qu’a semblé afficher le pape émérite en ces dernières années : « C’est une grande grâce pour moi d’être entouré pour ce dernier bout de route, parfois un peu fatigant, d’un amour et d’une bonté que je n’aurais jamais pu imaginer. » Dans une lettre envoyée à la mort d’un de ses amis en 2021, il avait confié espérer « pouvoir bientôt le rejoindre ».

La mort est finalement venue le chercher ce 31 décembre 2022. Quelques jours auparavant, le pape François avait appelé à prier pour son prédécesseur qui, dans le silence, avait soutenu l’Église « jusqu’à la fin ». L’Église perd un de ses plus grands serviteurs, compagnon des temps difficiles et grandes avancées d’une des périodes les plus charnières de son histoire.

Source : ALETEIA, le 31 décembre 2022

Foi et science en dialogue, livre-entretien de Benoît XVI avec un mathématicien

« In cammino alla ricerca della Verità », dialogue entre foi et science, entre Benoît XVI et un mathématicien italien athée.

L’ouvrage «En chemin à la recherche de la vérité» -In cammino alla ricerca della Verità-, a été présenté le 6 octobre à Rome. Il rassemble les lettres et le récit des rencontres entre le Pape émérite Benoît XVI et le mathématicien italien, Piergiorgio Odifreddi. Un voyage à travers l’éthique, l’anthropologie et la spiritualité.

"In cammino alla ricerca della Verità", dialogue entre foi et science, entre Benoît XVI et un mathématicien italien athée.

Michele Raviart – Cité du Vatican

«Je suis content de sa préoccupation au sujet de Dieu et de Jésus», écrit le Pape émérite dans un passage du recueil «En chemin à la recherche de la vérité».L’ouvrage rassemble les lettres et conversations de Piergiorgio Odifreddi, un mathématicien athée, avec Benoît XVI, à travers cinq rencontres qui ont lieu entre la renonciation en 2013 et 2020.

Un signe d’attention au dialogue entre foi et science

Édité par Rizzoli et présenté le 6 octobre à l’Université romaine de la Lumsa, le livre est un voyage entre foi, science, éthique et anthropologie, une preuve de la possibilité de dialoguer avec des positions aux antipodes, et un témoignage de certains des thèmes ayant occupé les réflexions du Pape émérite depuis 2013. «Il est extrêmement significatif que Benoît XVI, au moment où il a cessé d’être Pape et où il avait donc plus de temps pour réfléchir, ait pris très au sérieux la demande d’Odifreddi d’entrer en dialogue avec lui. C’est un signe de son attention au dialogue entre la foi, la raison et la science, et de l’attitude très volontaire et ouverte avec laquelle il l’a toujours vécu», affirme à Radio Vatican-Vatican News, père Federico Lombardi, président de la Fondation Ratzinger, co-organisatrice de la présentation du livre.

La naissance d’une amitié

En 2011, Piergiorgio Odifreddi écrit une lettre ouverte à Benoît XVI dans laquelle il commente «La foi chrétienne hier et aujourd’hui», introduction au christianisme rédigée par Joseph Ratzinger en 1968, considérée comme l’une des œuvres majeures de la théologie du XXe siècle.

Une missive restée sans réponse jusqu’en 2013 où, après sa renonciation et par l’intermédiaire de son secrétaire Mgr Georg Gänswein, Benoît XVI envoie à son tour une lettre, initiant une amitié entre les deux hommes. «Une belle amitié», «chose rare» entre deux positions différentes où «il y a un dialogue et non des chamailleries», où «les idées se rencontrent et l’adversaire n’est pas diabolisé»,précise Mgr Vincenzo Paglia, président de l’Académie pontificale pour la vie.

«Si même un Pape et un athée peuvent converser avec amitié, cela signifie que peut-être dans la vie on peut aussi se comporter ainsi», en conclut Piergiorgio Odifreddi. 

La proximité dans le deuil

Au fil de la correspondance épistolaire, les sujets évoluent. Aux débuts, ils concernaient la science et la foi, puis au fur et à mesure, il est devenu inutile de poursuivre «les escarmouches» sur ces thèmes, et d’autres sujets ont émergé, comme la logique, la vie et la mort, raconte le mathématicien, qui fut l’un des présidents honoraires de l’Union des athées et des agnostiques rationalistes.  

C’est au sujet de la mort que leur convergence est la plus étroite. En 2020, année de la pandémie, le frère bien-aimé de Benoît XVI, Georg Ratzinger, et la mère d’Odifreddi sont tous deux décédés. «C’était notre moment le plus proche, lorsque deux personnes connaissent la même douleur de perdre des êtres chers», assure Odifreddi.

Source: VATICANNEWS, le 8 octobre 2022

Abus: Benoît XVI dit sa honte, sa douleur et demande sincèrement pardon

Le Pape émérite Benoît XVI - février 2022Le Pape émérite Benoît XVI – février 2022 (Vatican Media)

Abus: Benoît XVI dit sa honte, sa douleur et demande sincèrement pardon

Dans une lettre adressée aux fidèles du diocèse de Munich, le Pape émérite parle de la pédophilie dans l’Église, s’inspirant des mots «mea maxima culpa» de la messe: «nous sommes nous-mêmes entraînés vers cette très grande faute quand nous ne l’affrontons pas avec la détermination et la responsabilité nécessaires».

Vatican News

Le Pape émérite Benoît XVI intervient, directement et personnellement, pour s’exprimer sur le rapport relatif aux abus commis dans le diocèse de Munich et Freising, en Allemagne, dont il a été l’archevêque pendant moins de cinq ans. Il le fait dans un écrit à la tonalité pénitentielle, qui contient sa «confession»personnelle exprimant sa «douleur pour les abus et erreurs qui se sont produits du temps de mon mandat dans les lieux respectifs».

Dans la première partie de la lettre, Joseph Ratzinger dit avoir vécu «des journées d’examen de conscience et de réflexion»après la publication du rapport. Il remercie les personnes nombreuses qui lui ont exprimé leur proximité ainsi que ceux qui ont collaboré avec lui pour prendre connaissance de la documentation et préparer les réponses envoyées à la commission. Comme il l’a déjà fait ces derniers jours, il présente à nouveau ses excuses pour l’erreur absolument involontaire concernant sa présence à la réunion du 15 janvier 1980 au cours de laquelle il a été décidé d’accueillir dans le diocèse un prêtre qui devait être soigné. Il se dit également «particulièrement reconnaissant pour la confiance, le soutien et les prières que le Pape François m’a exprimés personnellement».

Dans la deuxième partie de la lettre, le Pape émérite se dit frappé par le fait que chaque jour l’Église place au centre de chaque célébration de la messe, «la confession de notre culpabilité et la demande de pardon. Nous prions publiquement le Dieu vivant de pardonner notre péché, notre maxima culpa». Il est clair, poursuit Benoît XVI, que le mot «’maxima’ n’a pas la même référence chaque jour. Mais chaque jour, il me demande si aujourd’hui encore, je ne devrais pas parler d’un grand péché. Et il me dit de manière réconfortante que, quelle que soit la gravité de ma faute aujourd’hui, le Seigneur me pardonne, si avec sincérité je me laisse examiner par lui et si je suis vraiment disposé au changement personnel».

Joseph Ratzinger évoque ensuite ses conversations en tête-à-tête avec des victimes d’abus commis par des clercs. «Lors de toutes mes rencontres avec des victimes d’abus sexuels commis par des prêtres, surtout au cours de mes nombreux voyages apostoliques, j’ai vu dans les yeux les conséquences d’une très grande culpabilité et j’ai appris à comprendre que nous sommes nous-mêmes entraînés vers cette très grande faute lorsque nous la négligeons ou lorsque nous ne l’affrontons pas avec la détermination et la responsabilité nécessaires, comme cela s’est trop souvent produit et se produit».

«Comme lors de ces rencontres, une fois encore, je ne peux qu’exprimer à toutes les victimes d’abus sexuels ma profonde honte, ma grande tristesse et ma sincère demande de pardon», déclare le Pape émérite. «J’ai eu de grandes responsabilités dans l’Église catholique. Ma peine est d’autant plus grande pour les abus et les erreurs qui se sont produits pendant la durée de mon mandat dans ces lieux respectifs. Chaque cas d’abus sexuel est terrible et irréparable. Aux victimes d’abus sexuels va ma plus profonde compassion et je regrette chacun de ces cas».

Benoît XVI dit ensuite qu’il comprend toujorus davantage «l’écœurement et la peur que le Christ a éprouvés sur le Mont des Oliviers lorsqu’il a vu toutes les choses terribles qu’il aurait dû surmonter intérieurement. Le fait qu’à ce moment-là les disciples étaient endormis représente malheureusement la situation qui se reproduit aujourd’hui et pour laquelle je me sens également interpellé. Ainsi, je ne peux que prier le Seigneur, tous les anges et les saints, et vous, chers frères et sœurs, de prier pour moi le Seigneur notre Dieu».

Joseph Ratzinger conclut sa lettre par ces mots: «je me retrouverai bientôt devant le juge ultime de ma vie. Bien que j’aie beaucoup de raisons d’avoir peur et d’être effrayé lorsque je regarde ma longue vie, je suis néanmoins heureux parce que j’ai la ferme confiance que le Seigneur n’est pas seulement le juge juste, mais en même temps l’ami et le frère qui a déjà souffert lui-même de mes insuffisances et qu’en tant que juge, il est en même temps mon avocat (Paraclet). En vue de l’heure du jugement, la grâce d’être chrétien devient claire pour moi. Être chrétien me donne la connaissance, plus encore, l’amitié avec le juge de ma vie et me permet de franchir avec confiance la porte sombre de la mort».

Une courte annexe de trois pages accompagne la lettre de Benoît XVI, rédigée par quatre experts juridiques – Stefan Mückl, Helmuth Pree, Stefan Korta et Carsten Brennecke – qui avaient déjà participé à la rédaction des 82 pages de réponses aux questions de la commission. Ces réponses, qui étaient jointes au rapport sur les abus à Munich, avaient suscité la controverse et contenaient une erreur de transcription qui avait porté à l’affirmation que l’archevêque Joseph Ratzinger était absent de la réunion au cours de laquelle la décision avait été prise de recevoir un prêtre qui s’était rendu coupable d’abus.

Dans les nouvelles réponses, les experts réaffirment que le cardinal Ratzinger, lorsqu’il a reçu le prêtre qui devait être soigné à Munich, ne savait pas qu’il était un prédateur sexuel. Et lors de la réunion de janvier 1980, la raison pour laquelle il devait être soigné n’avait pas été mentionnée, tout comme il n’avait pas été décidé non plus de l’engager dans une activité pastorale. Les documents confirment les propos de Joseph Ratzinger.

La raison de cette erreur concernant la présence -initialement niée de Joseph Ratzinger- est détaillée par la suite: seul le professeur Stefan Mückl a été autorisé à voir la version électronique du dossier de l’instruction, sans pouvoir sauvegarder, imprimer ou photocopier les documents. Dans la phase d’élaboration successive, Stefan Korta a commis par inadvertance une erreur de transcription en retenant que Joseph Ratzinger était absent le 15 janvier 1980. Cette erreur de transcription ne peut donc pas être imputée à Benoît XVI comme une fausse déclaration consciente ou un «mensonge». D’ailleurs, en 2010 déjà, plusieurs articles de presse, jamais démentis, parlaient de sa présence lors de cette réunion et le Pape émérite lui-même, dans la biographie écrite par Peter Seewald, publiée en 2020, affirme avoir été présent.

Les experts affirment que dans aucun des cas analysés dans le rapport, Joseph Ratzinger n’était au courant d’abus sexuels commis ou soupçonnés d’avoir été commis par des prêtres. La documentation ne fournit aucune preuve du contraire et, en effet, répondant à des questions précises sur ce point lors de la conférence de presse, les mêmes avocats, auteurs du rapport, ont déclaré qu’ils présumaient que probablement Joseph Ratzinger était au courant, mais sans que cette affirmation ne soit corroborée par des témoignages ou des documents.

Enfin, les experts démentent que les réponses qu’ils ont rédigées au nom du Pape émérite aient minimisé la gravité du comportement exhibitionniste d’un prêtre. «Dans le mémoire, Benoît XVI n’a pas minimisé le comportement exhibitionniste, mais l’a expressément condamné. La phrase utilisée comme prétendue preuve de la minimisation de l’exhibitionnisme est sortie de son contexte». Dans sa réponse, Benoît XVI a qualifié les abus, y compris l’exhibitionnisme, de «terribles»«péchés»«moralement répréhensibles» et «irréparables». Dans l’évaluation du droit canonique, «il a été simplement indiqué que, selon le droit alors en vigueur, de l’avis des conseillers de droit canonique, l’exhibitionnisme n’était pas un crime de droit canonique, parce que la norme pénale pertinente n’incluait pas, dans le cas d’espèce, un comportement de ce type».

L’annexe, signée par les quatre conseillers juridiques et dont le Pape émérite assume la responsabilité, contribue ainsi à clarifier ce qui provient de l’esprit et du cœur de Joseph Ratzinger, et ce qui est le résultat des recherches de ses conseillers. Benoît XVI réaffirme qu’il n’avait pas connaissance des abus commis par des prêtres durant son bref épiscopat. Mais au travers de paroles humbles et profondément chrétiennes, il demande pardon pour la «très grande faute» des abus et pour les erreurs, qui ont eu lieu notamment au cours de son mandat.

Source: VATICANNEWS, le 8 février 2022

Reproches de dissimulation contre Joseph Ratzinger et le cardinal Marx

Reproches de dissimulation contre Joseph Ratzinger et le cardinal Marx

Dans le scandale des abus sexuels au sein de l’Eglise catholique en Allemagne, de nouvelles accusations sont portées contre le pape émérite Benoît XVI et contre le cardinal Reinhard Marx. Joseph Ratzinger alors archevêque de Munich aurait accueilli en 1980 un prêtre dont il connaissait les abus sexuels.

Au cœur de l’enquête de l’hebdomadaire hambourgeois Die Zeit se trouve la gestion d’un prêtre diocésain d’Essen, envoyé à Munich après des abus sexuels sur des mineurs en 1980. Mgr Ratzinger, alors archevêque de Munich, aurait été au courant de la situation et aurait approuvé l’accueil de Peter H. Le journal se réfère à un décret d’un tribunal ecclésiastique de Munich datant de 2016.

Plusieurs évêques, dont Mgr Ratzinger, auraient à l’époque «sciemment renoncé à sanctionner le délit». Interrogé par le journal, l’archevêque Georg Gänswein, secrétaire personnel du pape émérite, a réfuté ces affirmations au nom de Benoît XVI.

Suite sous: CATH.CH du 4 janvier 2022

Mariage homosexuel, pilule, suicide assisté… Un texte inédit de Benoît XVI sort en Italie

Le pape François au monastère Mater ecclesiae saluant le pape émérite Benoît XVI. – ServizioFotograficoOR/CPP/CIRIC

Mariage homosexuel, pilule, suicide assisté… Un texte inédit de Benoît XVI sort en Italie

Dans un livre sur l’Europe à paraître ce 16 septembre en Italie, le pape émérite Benoît XVI alerte sur les conséquences en cascade de la séparation entre sexualité et fécondité. Une analyse partagée et saluée par le pape François.

« Avec la légalisation du “mariage homosexuel” dans seize États européens, le thème du mariage et de la famille a pris une nouvelle dimension qui ne peut certainement pas être ignorée ». Telle est la première phrase du texte inédit du pape émérite Benoît XVI introduisant l’ouvrage La Vera Europa, identità e missione, – La vraie Europe, identité et mission – qui paraît le 16 septembre aux éditions CantagalliLe livre de 264 pages est le troisième volume d’un projet éditorial qui rassemble une sélection des textes de Joseph Ratzinger-Benoît XVI. Les deux précédents ouvrages avaient également été préfacés par le pape François.

Liens étroits entre la pilule et le suicide assisté

Dans son texte d’un peu plus de deux pages envoyé à l’éditeur en avril dernier, Benoît XVI dresse un raisonnement en quatre temps. D’abord, il explique que « le “mariage homosexuel” est en contradiction avec toutes les cultures de l’humanité qui se sont succédées jusqu’à présent ». Jamais auparavant n’avait été remis en question le fait que « l’existence de l’homme – en tant que mâle et femelle – [était] ordonnée à la procréation », insiste-t-il. Cette « certitude originelle qui a été évidente pour l’humanité » a selon lui été bouleversée avec l’introduction de « la pilule » contraceptive. Car celle-ci a rendu possible la « séparation entre fécondité et sexualité ». Dès lors, toutes les formes de sexualité sont devenues « équivalentes » ; « il n’existe plus aucun critère de fond », constate le pontife émérite.

Il en déduit que, si la sexualité est séparée de la fécondité, « alors, inversement, la fécondité peut naturellement être pensée sans sexualité ». L’homme ne serait donc plus compris comme « un don reçu » mais un comme « produit planifié ». Or, « ce qui peut être fabriqué peut aussi être détruit », prévient le théologien de 94 ans. Et de s’inquiéter de la « tendance croissante » au recours au « suicide comme fin planifiée de la vie ». Finalement, le pape émérite assure que derrière les réflexions sur le mariage homosexuel, la pilule ou bien le suicide assisté se cache une « question fondamentale » : « qui est l’homme ? ». Il pose alors cette alternative : « soit l’homme est la créature de Dieu, l’image de Dieu, le don de Dieu, soit l’homme est un produit que lui-même sait créer ».

Un raisonnement salué par le pape François

Dans sa préface rédigée le 28 juillet dernier, le soutien du pape François au pape émérite est manifeste. « Je suis heureux de présenter ce volume », commence-t-il par écrire, avant de reprendre brièvement l’alternative existentielle proposée par son prédécesseur et les enjeux qu’elle soulève. Il s’attriste lui aussi du fait qu’en Europe, « l’idée de respect de toute vie humaine disparaît de plus en plus, à partir de la perte de la conscience de son caractère sacré ».

Puis il écrit : « au fil des ans, Benoît XVI n’a pas craint de dénoncer avec beaucoup de courage et de clairvoyance les nombreuses manifestions de ce renoncement dramatique à l’idée de création, jusqu’aux conséquences actuelles les plus récentes ». Des conséquences qui, selon le pontife argentin, sont « décrites de manière absolument claire et convaincante dans le texte introductif [de Benoît XVI, ndrl]».

En conclusion de sa préface, le pape François fait sienne l’espérance de son prédécesseur, convaincu que « le désir de Dieu » est « profondément inscrit dans chaque âme humaineet ne peut disparaître ». Et de le citer : « nous les humains, sommes agités jusqu’à ce que nous ayons trouvé Dieu. Cette agitation existe aussi aujourd’hui. C’est l’espérance que l’humanité, encore et toujours, se mette en route vers ce Dieu ».

Source: FAMILLE CHRÉTIENNE, le 16 septembre 2021

« Le pape émérite et l’irréalisme de la «fuite dans la pure doctrine» », par Andrea Tornielli

Visite à Benoît XVI, 28 nov. 2020 © Vatican Media

Visite À Benoît XVI, 28 Nov. 2020 © Vatican Media

« Le pape émérite et l’irréalisme de la «fuite dans la pure doctrine» », par Andrea Tornielli

« Benoît XVI, le pape du Parvis des Gentils »

« Le pape émérite et l’irréalisme de la « fuite dans la pure doctrine » »: c’est le titre de cette réflexion du directeur éditorial du dicastère pour la communication, Andrea Tornielli, dans L’Osservatore Romano du 28 juillet 2021, sur la réponse du pape Benoît XVI à la « Herder Korrespondenz« .

Voici notre traduction, de l’italien, de la réflexion d’Andrea Tornielli.

***

« L’idée d’une “fuite dans la doctrine pure“ me semble tout à fait irréaliste ». Le théologien Joseph Ratzinger, pape émérite, répond par écrit aux questions du mensuel allemand « Herder Korrespondenz ». Une fois encore, il semble vouloir se démarquer des clichés intéressés dont on l’a affublé.

Dans un passage de l’interview, sur lequel presque personne ne s’est arrêté dans les reprises ou les commentaires, Benoît XVI affirme ceci : « Et puis surtout, le croyant est une personne qui s’interroge, une personne qui doit continuellement retrouver la réalité de cette foi derrière et contre les réalités oppressantes de la vie quotidienne. En ce sens, la pensée d’une « fuite dans la doctrine pure » me paraît absolument irréaliste.

Une doctrine qui n’existerait que comme une sorte de réserve naturelle, séparée du monde quotidien de la foi et de ses exigences, représenterait en quelque sorte un renoncement à la foi même. La doctrine doit se développer dans la foi et à partir d’elle, et non à côté d’elle ». Les paroles du pape émérite, comme cela apparaît dans la suite de l’interview, révèlent le visage d’une Eglise qui parle avec le cœur et avec l’esprit, parce qu’une Eglise qui ne parle qu’avec le caractère officiel de sa doctrine ou le fonctionnalisme de ses structures, finit par éloigner au lieu d’attirer.

Dans son livre-interview avec Peter Seewald, « Voici quel est notre Dieu. Conversations avec Peter Seewald » (2001), celui qui était alors cardinal préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, avait affirmé : « La nature de la foi n’est pas telle qu’à partir d’un certain moment on puisse dire : je l’ai, d’autres ne l’ont pas… La foi reste un chemin. Tout au long de notre vie, elle reste un chemin et c’est pour cela que la foi est toujours menacée et en danger. Et il est aussi salutaire qu’elle se soustraie ainsi au risque de se transformer en idéologie manipulable. Au risque de nous endurcir et de nous rendre incapables de partager la réflexion et la souffrance d’un frère qui doute et s’interroge. La foi ne peut mûrir que dans la mesure où elle supporte et prend en charge, à toutes les phases de l’existence, l’angoisse et la force de l’incrédulité et la traverse finalement pour redevenir un chemin possible à une nouvelle époque. »

Ce sont des paroles que Benoît XVI, le pape du Parvis des Gentils, avait redites également dans le dialogue avec les journalistes, sur le vol qui l’emmenait à Prague, le 26 septembre 2009. Il rappelait que le non croyant et le croyant ont besoin l’un de l’autre. Et que « le catholique ne peut pas se contenter d’avoir la foi, mais qu’il doit être à la recherche de Dieu, encore plus, et dans le dialogue avec les autres, ré-apprendre Dieu de manière plus profonde ».

Le croyant qui ne sait pas déjà tout mais qui se pose des questions face à la réalité de la vie quotidienne, la foi qui n’est pas une possession acquise une fois pour toute, mais un chemin et un développement, bien loin de toute fuite dans la doctrine réduite à une réserve naturelle séparée du monde. Le croyant qui a besoin des questions et des doutes du non croyant, pour ne pas réduire sa foi à une idéologie, à un schéma : ce sont des thèmes que Benoît XVI a souvent approfondis en tant que théologien, cardinal et ensuite pape. Et c’est un regard que nous retrouvons souvent dans les paroles de son successeur François. Par exemple, dans le dialogue qu’il a eu avec les prêtres, les religieux et religieuses dans la cathédrale de Milan, le 25 mars 2017, lorsqu’il avait invité ceux qui évangélisent à être libres par rapport aux résultats et à ne pas s’attrister devant les défis que l’Eglise doit affronter aujourd’hui, mettant en garde justement contre le risque de transformer la foi en idéologie.

« C’est bien, avait dit François, qu’il y ait des défis parce qu’ils nous font grandir. Ils sont le signe d’une foi vivante, d’une communauté vivante qui cherche son Seigneur et garde les yeux et le cœur ouverts. Nous devons plutôt craindre une foi sans défis, une foi qui se considère complète, tout à fait complète : je n’ai besoin de rien d’autre, tout fait… Et qui se considère complète comme si tout avait été dit et réalisé ». « Les défis, avait ajouté à cette occasion le pape Bergoglio, nous aident à faire en sorte que notre foi ne devienne pas idéologique. Il y a les dangers des idéologies, toujours. Les idéologies grandissent, germent et croissent quand quelqu’un croit avoir la foi complète, et cela devient une idéologie. Les défis nous sauvent d’une pensée fermée et définie et nous ouvrent à une compréhension plus large du donné révélé ».

Source: ZENIT.ORG, le 28 juillet 2021

Une surprise pour les 70 ans d’ordination de Benoît XVI

Visite à Benoît XVI, 28 nov. 2020 © Vatican Media

Visite À Benoît XVI, 28 Nov. 2020 © Vatican Media

Une surprise pour les 70 ans d’ordination de Benoît XVI

Le choeur de Ratisbonne à Mater Ecclesiae

Le pape émérite Benoît XVI célèbre son 70e anniversaire d’ordination le 29 juin prochain. Pour cet événement, les habitants du monastère Mater Ecclesiae à l’intérieur du Vatican préparent une « surprise » : les choristes de Ratisbonne, de Bavière, viendront chanter au cours de la liturgie, indique le site italien proche du Vatican Il Sismografo le 24 juin 2021.

« Le pape Benoît XVI ne le sait toujours pas, mais nous lui avons préparé une surprise, explique son secrétaire Mgr Georg Gänswein. Pour lui, les surprises sont toujours liées à la liturgie. Nous avons invité un groupe d’anciens membres de la chorale de Ratisbonne qui ont appris à chanter au côté de son frère. Aujourd’hui, ils ont entre 40 et 60 ans. Certains d’entre eux chanteront dans la chapelle pendant la messe. »

Le pape émérite se souvient de jour de son ordination et d’«une grande cérémonie et de la dignité du prestigieux et ancien cardinal Faulhaber, qui l’a ordonné », raconte le secrétaire : « Cela lui a laissé une forte impression pour toute sa vie. »

Malgré son âge et son état de santé, le pape Benoît XVI continue à célébrer la liturgie, affirme Mgr Gänswein : « Malheureusement, il ne peut pas rester debout pendant une demi-heure. Alors il se contente de concélébrer, assis dans un fauteuil roulant, à côté de l’autel, pendant que je célèbre comme célébrant principal. Et ce tous les jours. Il n’y a pas eu un jour qu’il n’ait pas célébré ou concélébré la messe. »

Le pape émérite, qui a 94 ans, est « physiquement très faible, très fragile », poursuit son secrétaire. « Mais Dieu merci, son esprit continue de très bien fonctionner. Malheureusement, sa voix est également très faible. C’est difficile pour lui de parler. Mais il est de bonne humeur et dit : ‘Chaque jour, je commence par le Seigneur et je finis par le Seigneur. Nous verrons combien de temps cela durera’. »

Source: ZENIT.ORG, le 28 juin 2021

Benoît XVI : « Le Seigneur m’a retiré la parole pour me faire apprécier le silence »

Photo by Handout / VATICAN MEDIA / AFP

Benoît XVI : « Le Seigneur m’a retiré la parole pour me faire apprécier le silence »

Lors de la visite des nouveaux cardinaux à Benoît XVI samedi 28 novembre, le souverain pontife leur a déclaré : « Le Seigneur m’a retiré la parole pour me faire apprécier le silence », a confié à Vatican News l’un des onze cardinaux présent, Mario Grech.

Même au soir de sa vie, Benoît XVI ne cesse d’offrir un bouleversant témoignage de foi. Lors de leur visite au pape émérite samedi 28 novembre au monastère Mater Ecclesiae, là où vit Benoît XVI, onze des treize nouveaux cardinaux présents ont été touchés par sa lumière et sa douceur. « Voir ce pasteur, cet homme, sur qui les années pèsent lourdement, mais en même temps lucide et souriant et avec le désir de communiquer l’expérience qu’il fait de l’Esprit, nous a beaucoup encouragés », a indiqué le cardinal maltais Mario Grech, présent lors de la visite, dans un entretien à Vatican News. « Il a essayé de nous encourager à aller de l’avant dans l’aventure avec le Seigneur ».

Le pape émérite Benoît XVI est-il vraiment en fin de vie ? Cette question revient régulièrement dans l’actualité, alors qu’il est apparu affaibli notamment lors de la visite faite en juin dernier en Allemagne au chevet de son frère. Une chose est sûre : il se prépare à mourir, comme il l’a lui-même affirmé dans le livre Dernières conversations, paru en 2016 (Fayard).

Cet ouvrage est un condensé d’entretiens réalisés entre 2012 et 2016 avec son ami Peter Seewald, journaliste allemand. Quand Peter Seewald lui demande ce qu’il dira au Seigneur lorsqu’il sera face à face avec Lui, le pape émérite répond : « Je lui demanderai d’être indulgent à l’égard de ma misère. »

Source: ALETEIA, le 2 décembre 2020