Benoît XVI, docteur de la foi

Benoît XVI © Sergey-Gabdurakhmanov-Flickr

Benoît XVI, docteur de la foi

Le pape Benoît XVI nous a quittés il y a un an, le 31 décembre 2022. Petit hommage pour le premier anniversaire de sa mort.

« Dieu est le véritable Père de sa créature. Ce Dieu est la vie, et la mort est donc la contradiction totale de la réalité de Dieu. Dieu ne veut pas son contraire. […] C’est pourquoi Dieu cherche la vie de sa créature, non pas la punition, mais la vie au sens plein : la communication, l’amour, l’épanouissement de l’être, la participation à la joie de la vie et à la grâce d’exister » (Le Ressuscité, DDB, 1986, p. 50). Ces propos du Cardinal Ratzinger, tirés de la retraite de Carême qu’il avait prêchée au Vatican en 1985 devant Jean-Paul II, constituent une sorte de préambule à l’enseignement que prodigua toute sa vie durant cet éminent théologien dont nous avons fêté le 31 décembre le premier anniversaire de la mort. C’est que celui qui devint pape le 19 avril 2005 sous le nom de Benoît XVI ne cessa d’affirmer – tant dans son enseignement universitaire que dans son magistère pétrinien – le primat de l’Amour de Dieu. Un Dieu créateur et rédempteur fidèle à la promesse de son Alliance avec l’homme qu’Il n’abandonne jamais en dépit de son péché, à qui Il veut communiquer Sa Vie pour le faire participer à Sa joie. La théologie du pape Benoît XVI est donc extrêmement joyeuse parce qu’elle s’enracine dans cette vertu d’Espérance dont il fera le thème principal de son encyclique Spe Salvi, du 30 novembre 2007. Une encyclique qu’il faudrait lire avec deux autres de ses textes magistériels : Deus Caritas est, sa première encyclique, qui porte sur le thème de la Charité divine, et celle que le pape François valida après la renonciation de son prédécesseur, mais dont celui-ci est l’auteur, à l’exception du dernier chapitre : Lumen fidei, l’encyclique tant attendue de Benoît XVI sur la vertu de la Foi.

Pourquoi avoir ainsi consacré la majeure partie de son ministère pétrinien aux vertus théologales, et à la foi en particulier ? C’est parce qu’il a constaté, tout au long de son ministère, en Allemagne ou à Rome lorsqu’il fut à la tête de la Congrégation pour la Doctrine de la foi et à celle de l’Eglise tout entière, combien celle-ci traversait une crise profonde qui touchait à ses fondements mêmes. Il le notera dans l’un de ses derniers textes, que l’éditeur Artège a publié sous le titre : Ce qu’est le christianisme, et qui constitue comme son Testament spirituel. Le pape émérite, retiré dans son monastère du Vatican, ne craint pas de proposer comme cause principale des dérives sexuelles de certains membres du clergé la grave crise de la foi que traverse l’Eglise depuis plus de 50 ans ; et propose d’y apporter comme remède le retour au primat de la foi et de l’abandon à l’amour de Dieu : « Si nous voulions synthétiser au maximum le contenu de la foi tel qu’il est présenté dans la Bible, nous pourrions dire que le Seigneur a initié une histoire d’amour avec nous et souhaite y associer toute la Création. Le contrepoids contre le mal, qui nous menace et menace le monde entier, ne peut consister qu’en notre abandon à cet amour. (…) La puissance du mal naît de notre refus d’aimer Dieu. Celui qui met sa foi dans l’amour de Dieu est racheté. Le fait que nous ne soyons pas rachetés est une conséquence de notre incapacité à aimer Dieu. Apprendre à aimer Dieu est donc la voie de la rédemption pour l’humanité » (ibid. Editions Rocher/Artège, p. 222).

On le voit, le pape Benoît réaffirme le primat de l’amour de Dieu, qui n’est pas d’abord ce que l’homme peut faire pour Lui, mais ce que Dieu a fait et continue de faire pour l’humanité entière ; voilà en quoi consiste la Bonne nouvelle, celle de l’Evangile, où l’existence de Dieu « devient in fine un message de joie, parce que Dieu crée et qu’Il est l’amour. » Et il ajoute : « Faire en sorte que les hommes reprennent conscience de ce message est la tâche première et fondamentale que le Seigneur nous confie » (ibid. p. 223).

C’est en cela aussi que le pape émérite rejoint la perspective qui a guidé toute son œuvre théologique, et dont on trouve les fondements dans son maître-ouvrage La Foi chrétienne, hier et aujourd’hui, qu’il avait publié en Allemagne en 1968, mais qui n’a rien perdu de sa pertinence. Dans ce livre, qui est un commentaire du Credo dans la formulation du Symbole des Apôtres, le futur pape Benoît, qui n’était encore qu’un professeur de théologie dogmatique à l’Université de Tübingen, se réapproprie la foi de l’Eglise pour en faire comme le programme de son enseignement et de son ministère futur tout entier. Il faut relire la Préface que le Cardinal Ratzinger a rédigée pour la nouvelle édition de ce livre en 2000, afin de mieux comprendre l’attachement qu’il lui porte : « En y plaçant au centre la question de Dieu et la question du Christ, je crois que je ne me suis pas trompé quant à l’orientation fondamentale, avoue-t-il en conclusion de sa Préface, (…) qui indique le lieu de la foi dans l’Eglise… L’orientation fondamentale, je le crois, était juste ». Remettre la foi chrétienne au cœur d’un monde de plus en plus sécularisé, voire nihiliste, constitue ainsi déjà, pour celui qui allait devenir son Pasteur suprême cinq ans plus tard, le dessein le plus urgent, « l’orientation fondamentale » de toute l’Eglise catholique. Pourquoi cela ? Parce qu’il est convaincu qu’une société dans laquelle Dieu est absent de la sphère publique est « une société dans laquelle l’équilibre de l’humain est de plus en plus remis en cause » (Ce qu’est le christianisme, op. cit., p. 223).

Et cette absence de Dieu ne touche pas seulement le monde actuel, il est aussi l’un des facteurs majeurs de la crise dans l’Eglise. « Comment la pédophilie a-t-elle pu atteindre de telles proportions ? », s’interroge le pape émérite. « En fin de compte, répond-il, la raison principale réside dans l’absence de Dieu » (ibid. p. 224). Et le pape Benoît d’inviter tous les chrétiens, hommes d’Eglise ou laïcs, à Le remettre à la première place, et « à ce que nous nous remettions à vivre de Dieu, à réapprendre à reconnaître Dieu comme le fondement de nos vies, le centre de nos pensées, de nos paroles et de nos actions » (ibid. p. 225). Le primat de l’amour de Dieu, encore et toujours… Le pape Benoît se fait à nouveau prophète d’un Dieu « qu’on laisse de côté comme une parole creuse », alors « qu’il s’est fait homme pour nous. Sa créature humaine est si chère à son cœur qu’il s’est unie à elle et s’est ainsi intégré dans son histoire de manière très concrète. Il parle avec nous, il vit avec nous, il souffre avec nous et il a pris la mort sur lui pour nous sauver » (ibid.). Le pape Benoît se fait ainsi le chantre du dogme de l’Incarnation du Verbe ; il en serait même l’un de ses plus grands Docteurs tant il lui semble que le Christ représente le Centre de toute vie humaine.

Il rejoint en cela un autre Docteur de l’Eglise, sainte Thérèse de l’E. J., dont nous fêtions cette année le 150 ème anniversaire de la naissance. Il n’est d’ailleurs pas anodin de remarquer que la Petite Thérèse n’entreprit « sa course de géant » qu’après avoir reçu cette fameuse grâce de Noël, qui allait transformer sa vie entière. En cette nuit du 25 décembre 1886, où le Dieu fort et puissant se rend « faible et souffrant » par amour pour les hommes, Il la rendit « forte et courageuse », changeant la « nuit de son âme en torrents de lumière »… (Manuscrits Autobiographiques, Ms A, folio 45 r°). Le pape Benoît souscrirait volontiers à la pensée de Thérèse, qui tient en une seule phrase : « Il n’y a que Jésus qui est, tout le reste n’est rien »… Sans l’Enfant de la crèche, qui est aussi le Crucifié du Calvaire, la vie n’a tout simplement aucun sens : « En réalité, la mort de Dieu dans une société signifie aussi la mort de la liberté, parce que ce qui meurt, c’est le sens, qui donne son orientation à la société. Et parce que disparaît alors la boussole qui nous oriente dans la bonne direction en nous apprenant à distinguer le bien du mal » (Ce qu’est le christianisme, op. cit., p. 223).

Le pape Benoît XVI est « entré dans la Vie » il y a un an exactement, le 31 décembre 2022. Dieu a voulu que sa mort coïncide avec l’Octave de Noël, au seuil d’une nouvelle année et de la célébration de sainte Marie Mère de Dieu. Comme une invitation pour tous à contempler le mystère d’un Dieu si proche qu’il s’est fait l’un de nous ! On peut y lire aussi une invitation à nous plonger dans l’enseignement si riche de ce théologien et pasteur éminent pour y puiser de fortes raisons de croire, et donc aussi de vivre…

Père Jean-Gabriel, ocd
Prieur du couvent des Carmes de Toulouse

© LA NEF, le 30 décembre 2023, exclusivité internet

Saint Joseph et l’attente de Noël, une homélie inédite de Benoît XVI

Benoît XVI.

Saint Joseph et l’attente de Noël, une homélie inédite de Benoît XVI

Le journal dominical allemand Welt am Sonntag, lié au quotidien Die Welt, a publié samedi 23 décembre la version allemande d’une des homélies prononcées par le Pape émérite lors des célébrations dominicales privées dans la chapelle du monastère Mater Ecclesiae après sa renonciation. En voici la version intégrale. 

Le père Federico Lombardi, président de la Fondation Ratzinger, a expliqué qu’il existe une collection d’homélies «privées» de Benoît XVI, enregistrées et transcrites par les « Memores Domini », les femmes consacrées qui ont vécu avec lui. Le recueil contient plus de trente homélies, en italien, des années de son pontificat et plus d’une centaine des premières années après sa renonciation. Le père Lombardi les publiera prochainement en un volume à la Librairie éditrice vaticane (LEV). L’homélie qui suit a été prononcée un quatrième dimanche de l’Avent, le 22 décembre 2013. Elle est consacrée à saint Joseph.

BENOÎT XVI

Chers amis,

À côté de Marie, Mère du Seigneur, et de saint Jean-Baptiste, la liturgie nous présente aujourd’hui une troisième figure, qui est presque celle de l’Avent: saint Joseph. En méditant le texte de l’Évangile, nous pouvons voir, me semble-t-il, trois éléments constitutifs de cette vision.

Le premier et décisif est que saint Joseph est appelé «un homme juste». C’est pour l’Ancien Testament la plus haute caractérisation de celui qui vit vraiment selon la parole de Dieu, qui vit l’alliance avec Dieu.

Pour bien comprendre cela, nous devons réfléchir à la différence entre l’Ancien et le Nouveau Testament.

L’acte fondamental du chrétien est la rencontre avec Jésus, en Jésus avec la parole de Dieu, qui est Personne. En rencontrant Jésus, nous rencontrons la vérité, l’amour de Dieu, et ainsi la relation d’amitié devient amour, notre communion avec Dieu grandit, nous sommes vraiment croyants et devenons saints.

L’acte fondamental dans l’Ancien Testament est différent, car le Christ était encore à venir et il s’agissait donc, au mieux, d’aller à la rencontre du Christ, mais il ne s’agissait pas encore d’une véritable rencontre en tant que telle. La parole de Dieu dans l’Ancien Testament a essentiellement la forme de la loi – « Torah ». Dieu guide, c’est le sens, Dieu nous montre le chemin. C’est un chemin d’éducation qui forme l’homme selon Dieu et lui permet de rencontrer le Christ. En ce sens, cette justice, cette vie selon la loi est un cheminement vers le Christ, une extension vers Lui; mais l’acte fondamental est l’observance de la Torah, de la loi, et donc le fait d’être «un juste».

Saint Joseph est un juste, exemplaire de l’Ancien Testament.

Mais il y a ici un danger et en même temps une promesse, une porte ouverte.

Le danger apparaît dans les discussions de Jésus avec les pharisiens et surtout dans les lettres de saint Paul. Le danger est que si la parole de Dieu est fondamentalement une loi, elle doit être considérée comme une somme de prescriptions et d’interdictions, un ensemble de règles, et l’attitude doit donc être d’observer les règles et d’être ainsi correct. Mais si la religion est ainsi, c’est tout ce qu’elle est, la relation personnelle avec Dieu ne naît pas, et l’homme reste en lui-même, cherche à se perfectionner, à être parfait. Mais cela donne lieu à l’amertume, comme nous le voyons chez le deuxième fils de la parabole du fils prodigue, qui, après avoir tout observé, finit par être amer et même un peu envieux de son frère qui, comme il le pense, a eu la vie en abondance. Tel est le danger: la simple observance de la loi devient impersonnelle, un simple acte, l’homme devient dur et même amer. À la fin, il ne peut plus aimer ce Dieu qui ne se présente qu’avec des règles et parfois même avec des menaces. Tel est le danger.

La promesse, au contraire, est la suivante: nous pouvons également voir ces prescriptions, non pas comme un simple code, un ensemble de règles, mais comme une expression de la volonté de Dieu, dans laquelle Dieu me parle, je lui parle. En entrant dans cette loi, j’entre en dialogue avec Dieu, j’apprends le visage de Dieu, je commence à voir Dieu, et ainsi je suis sur le chemin de la parole de Dieu en personne, du Christ. Et un vrai juste comme saint Joseph est ainsi: pour lui, la loi n’est pas simplement l’observance de normes, mais elle se présente comme une parole d’amour, une invitation au dialogue, et la vie selon la parole consiste à entrer dans ce dialogue et à trouver derrière les règles et dans les règles l’amour de Dieu, à comprendre que toutes ces règles ne sont pas pour elles-mêmes, mais qu’elles sont des règles d’amour, qu’elles servent à ce que l’amour puisse grandir en moi. C’est ainsi que l’on comprend qu’en fin de compte, toute loi n’est que l’amour de Dieu et du prochain. Ayant trouvé cela, on a observé toute la loi. Si quelqu’un vit dans ce dialogue avec Dieu, un dialogue d’amour dans lequel il cherche le visage de Dieu, dans lequel il cherche l’amour et fait comprendre que tout est dicté par l’amour, il est en route vers le Christ, il est un vrai juste. Saint Joseph est un vrai juste, donc en lui l’Ancien Testament devient Nouveau, parce que dans les mots il cherche Dieu, la personne, il cherche son amour, et toute observance est une vie dans l’amour.

Nous le voyons dans l’exemple proposé par cet Évangile. Saint Joseph, fiancé à Marie, apprend qu’elle attend un enfant. Nous pouvons imaginer sa déception: il connaissait cette jeune fille et la profondeur de sa relation avec Dieu, sa beauté intérieure, l’extraordinaire pureté de son cœur; il voyait briller en elle l’amour de Dieu et l’amour de sa parole, de sa vérité, et voilà qu’il se trouve gravement déçu. Que faire? Voici que la loi offre deux possibilités, dans lesquelles apparaissent les deux voies, celle dangereuse, fatale, et celle de la promesse. Il peut intenter une action en justice et ainsi exposer Marie à la honte, la détruire en tant que personne. Il peut le faire en privé avec une lettre de séparation. Et saint Joseph, un homme vraiment juste, même s’il a beaucoup souffert, prend la décision d’emprunter ce chemin, qui est un chemin d’amour dans la justice, de justice dans l’amour, et saint Matthieu nous dit qu’il a lutté avec lui-même, en lui-même avec la parole. Dans cette lutte, dans ce voyage pour comprendre la véritable volonté de Dieu, il a trouvé l’unité entre l’amour et la règle, entre la justice et l’amour, et c’est pourquoi, sur son chemin vers Jésus, il est ouvert à l’apparition de l’ange, ouvert au fait que Dieu lui donne la connaissance qu’il s’agit d’une œuvre de l’Esprit Saint.

Saint Hilaire de Poitier, au IVe siècle, traitant de la crainte de Dieu, disait à la fin: «Toute notre crainte est placée dans l’amour», ce n’est qu’un aspect, une nuance de l’amour. Nous pouvons donc dire ici pour nous: toute la loi est placée dans l’amour, elle est une expression de l’amour et doit être accomplie en entrant dans la logique de l’amour. Et ici, nous devons garder à l’esprit que, même pour nous chrétiens, il existe la même tentation, le même danger que dans l’Ancien Testament: même un chrétien peut en arriver à une attitude dans laquelle la religion chrétienne est perçue comme un ensemble de règles, d’interdictions et de normes positives, de prescriptions.

On peut arriver à l’idée qu’il ne s’agit que d’exécuter des prescriptions impersonnelles et donc de se perfectionner, mais cela vide l’arrière-plan personnel de la parole de Dieu et conduit à une certaine amertume et dureté de cœur. Dans l’histoire de l’Église, nous voyons cela dans le jansénisme. Nous aussi, nous connaissons tous ce danger, nous savons tous personnellement qu’il nous faut toujours à nouveau surmonter ce danger et retrouver la Personne et, dans l’amour de la Personne, le chemin de la vie et la joie de la foi. Être juste, c’est trouver ce chemin, et nous sommes donc nous aussi toujours en route de l’Ancien Testament vers le Nouveau Testament, à la recherche de la Personne, du visage de Dieu dans le Christ. C’est précisément ce qu’est l’Avent: sortir de la norme pure pour aller à la rencontre de l’amour, sortir de l’Ancien Testament qui devient Nouveau.

Tel est donc le premier élément fondamental de la figure de saint Joseph, telle qu’elle apparaît dans l’Évangile d’aujourd’hui. Quelques mots à présent sur les deuxième et troisième éléments.

Le deuxième: il voit l’ange en songe et entend son message. Cela présuppose une sensibilité intérieure pour Dieu, une capacité à percevoir la voix de Dieu, un don de discernement, capable de distinguer entre les songes qui sont des songes et une véritable rencontre avec Dieu. Ce n’est que parce que saint Joseph était déjà en route vers la personne du Verbe, vers le Seigneur, vers le Sauveur, qu’il a pu discerner; Dieu a pu lui parler et il a compris: ce n’est pas un songe, c’est la vérité, c’est l’apparition de son ange. C’est ainsi qu’il pouvait discerner et décider.

Cette sensibilité à Dieu, cette capacité à percevoir que Dieu me parle, cette capacité de discernement est aussi importante pour nous. Bien sûr, Dieu ne nous parle pas normalement comme il a parlé à Joseph par l’intermédiaire de l’ange, mais il a aussi ses manières de nous parler. Ce sont des gestes de tendresse de Dieu, que nous devons percevoir pour trouver la joie et la consolation, ce sont des paroles d’invitation, d’amour, voire de demande dans la rencontre avec des personnes qui souffrent, qui ont besoin de ma parole ou de mon geste concret, d’un acte. Ici, nous devons être sensibles, connaître la voix de Dieu, comprendre que c’est maintenant que Dieu me parle et y répondre.

Nous arrivons ainsi au troisième point: la réponse de saint Joseph à la parole de l’ange est la foi, puis l’obéissance, accomplie. La foi: il a compris que c’était vraiment la voix de Dieu, que ce n’était pas un songe. La foi devient un fondement sur lequel agir, sur lequel vivre, c’est reconnaître que c’est la voix de Dieu, l’impératif de l’amour, qui me guide sur le chemin de la vie, et ensuite faire la volonté de Dieu. Saint Joseph n’était pas un rêveur, bien que le songe ait été la porte par laquelle Dieu est entré dans sa vie. C’était un homme pratique et sobre, un homme de décision, capable d’organisation. Il n’a pas été facile de trouver à Bethléem, parce qu’il n’y avait pas de place dans les maisons, l’étable comme lieu discret et protégé et, malgré la pauvreté, digne de la naissance du Sauveur. Organiser la fuite en Égypte, trouver un endroit où dormir chaque jour, vivre longtemps: cela exigeait un homme pratique, avec un sens de l’action, avec la capacité de répondre aux défis, de trouver des moyens de survivre. Et puis, à son retour, la décision de retourner à Nazareth, d’établir ici la patrie du Fils de Dieu, cela aussi montre qu’il était un homme pratique, qui, en tant que charpentier, vivait et rendait possible la vie de tous les jours.

Ainsi saint Joseph nous invite d’une part à ce cheminement intérieur dans la parole de Dieu, pour être toujours plus proches de la personne du Seigneur, mais en même temps il nous invite à une vie sobre, au travail, au service quotidien pour faire notre devoir dans la grande mosaïque de l’histoire.

Rendons grâce à Dieu pour la belle figure de saint Joseph. Prions: «Seigneur, aide-nous à être ouverts pour Toi, à trouver toujours plus ton visage, à T’aimer, à trouver l’amour dans la norme, à être enracinés, comblés dans l’amour. Ouvre-nous au don du discernement, à la capacité de t’écouter et à la sobriété de vivre selon ta volonté et dans notre vocation». Amen!

Source : VATICANNEWS, le 24 décembre 2023

Hommage à Benoît XVI: le cardinal Sarah dénonce les «loups» du Vatican

Hommage à Benoît XVI: le cardinal Sarah dénonce les «loups» du Vatican

«Il possédait un regard de père et un sourire d’enfant», se souvient le cardinal Robert Sarah, préfet émérite de la congrégation pour le Culte divin et la discipline des sacrements, dans Il nous a tant donné, un livre rendant hommage à la figure de Benoît XVI, édité par Fayard et publié le 12 avril 2023. Le cardinal insiste sur l’héritage du pape allemand dans le domaine liturgique et dénonce des manœuvres au sein de la Curie romaine.

L’ouvrage de 250 pages rassemble des méditations du cardinal guinéen sur celui qu’il décrit comme son «maître spirituel» ainsi que dix textes du 265e pontife. La préface et un essai de 40 pages, intitulé Portrait mystique de Benoît XVI, sont les seules contributions inédites.

Sans s’arrêter aux détails biographiques, le cardinal Sarah dresse le portrait d’un Benoît XVI qu’il a admiré, un homme «heureux d’une joie céleste» au «regard lumineux». Il se souvient aussi de «sa voix douce, tremblante devant le mystère» de l’existence de Dieu. Il rend aussi hommage à sa «paternité», exercée en tant que prêtre, cardinal puis pape, une autorité affectueuse vécue selon lui «dans la discrétion» en raison de son «extrême pudeur».

Source et suite : CATH.CH, le 12 avril 2023

« Contre moi une clameur meurtrière » (Benoît XVI)

De Matteo Matzuzzi sur Il Foglio via Il Sismografo :

Ce qui accablait Ratzinger

28 janvier 2023 

« Contre moi une clameur meurtrière », écrit Benoît XVI dans le livre publié à titre posthume. Au cœur de tout cela, la crise de la foi dans son Allemagne natale, épicentre du séisme qui secoue l’Église de Rome.

Le Vatican, à tous les niveaux les plus élevés, dit aux dirigeants de l’Église allemande qu’ils doivent arrêter, que ce que la voie synodale locale établit (qui, de semestrielle qu’elle était à l’origine, devient en fait permanente ou semi-permanente, avec des demandes finales envoyées à Rome dont le ton et la substance gagnent en intensité de mois en mois) n’est pas valide et qu’ils ne peuvent certainement pas établir des « Conseils synodaux » avec la participation de laïcs qui superviseraient même les questions qui sont actuellement entre les mains de la Conférence des évêques. 

Le pape, dans l’une de ces interviews qu’il accorde périodiquement, a déclaré que ce qui se passe en Allemagne « n’est pas utile et n’aide pas ». Le dialogue, c’est bien, mais ce n’est pas un synode, ce n’est pas un vrai chemin synodal. Il n’en a que le nom, mais est dirigé par une élite tandis que le peuple de Dieu n’y est pas associé ». Du Rhin, ils répondent par des remerciements rituels, mais confirment que tout se passera portant comme prévu, malgré la tentative désormais déclarée de Rome de faire converger et de diluer, pourrait-on dire sans risque de se tromper, les instances locales dans le grand Synode qui sera célébré entre la fin de cette année et l’année prochaine à l’ombre de Saint-Pierre. 

Après tout, la hiérarchie de l’Église allemande est massive : la résistance, bien que combative, est réduite à cinq évêques, menés par le cardinal affaibli de Cologne, Rainer Maria Woelki. Les autres sont presque tous titulaires de diocèses bavarois, la grande enclave catholique au nord des Alpes, bien que la sécularisation s’y fasse désormais aussi sentir. Avant même d’être une lutte avec Rome, c’est une lutte (…) qui vise en fin de compte à faire de l’Église catholique quelque chose de nouveau, cogéré horizontalement, sans plus de structures pyramidales avec quelques figures au sommet appelées à donner la ligne. Ce sont des projets anciens, qui ne datent certainement pas de ces dernières années, mais qui ont trouvé aujourd’hui un terrain fertile dans la décision du pape régnant de déléguer l’autorité aux Églises locales même dans le domaine doctrinal (et donc, imaginez, dans le domaine pastoral). 

François, a peut-être un peu regretté ce paragraphe contenu dans Evangelii gaudium de 2013, tant il est vrai que ces derniers mois il a dit qu’il ne voulait pas d’une autre Église protestante en Allemagne, mais qu’il voulait une Église catholique. Peut-être, qui sait, en aura-t-il parlé avec Benoît XVI, dont on se souvient ces dernières semaines comme d’un juge sage qui pouvait être interrogé sur des questions qui ne sont certainement pas secondaires. Et ce qui se passe dans l’Église allemande, n’est certainement pas secondaire. Après tout, si quelqu’un savait comment interpréter les vents anciens et nouveaux qui soufflent du nord, c’était bien Joseph Ratzinger. Ses derniers écrits, posthumes, en témoignent également. « Pour ma part, de mon vivant, je ne veux plus rien publier. La fureur des milieux contre moi en Allemagne est si forte que l’approbation de la moindre de mes paroles provoque immédiatement un brouhaha meurtrier de leur part. Je veux m’épargner cela, à moi et à la chrétienté », écrit Benoît XVI le 13 janvier 2021 à Elio Guerriero, auteur d’une biographie en italien sur Ratzinger, connu et estimé par ce dernier « pour sa compétence théologique ». 

Le pape émérite s’est dit prêt à faire le tri dans les écrits qu’il a médités pendant ses années de retraite, immergé parmi ses livres dans les jardins du Vatican. Il a toutefois précisé que rien ne devait aller en librairie avant sa mort. Il l’a mis noir sur blanc de manière péremptoire, en signant la préface de Qu’est-ce que le christianisme (Mondadori, 2023) le 1er mai 2022. « En Allemagne, certaines personnes ont toujours essayé de me détruire », avait-il déjà confié à son biographe, Peter Seewald, dans Dernières Conversations, en 2016.

C’est d’Allemagne, c’est-à-dire de chez lui, qu’est venu le brouhaha meurtrier qui l’accompagnait depuis des décennies, du moins depuis le prétendu « tournant » du théologien Ratzinger, qui, en tant que protégé de l’intelligentsia progressiste – après tout, il était encore le jeune savant que le cardinal Frings avait amené au Concile et qui avait marqué de sa participation, quoique sobre, le début de la grande assemblée convoquée à Rome par Jean XXIII – est soudain devenu le conservateur rigide qui sera ensuite porté par Jean-Paul II sur le siège du defensor fidei, de préfet de ce qui était autrefois la Sainte Inquisition. Il a toujours nié qu’il y avait « deux » Ratzinger, d’abord celui qui voulait des réformes et du progrès, puis celui qui, traumatisé par 1968, regardait en arrière : « Bien sûr que j’étais progressiste. À l’époque, le progressisme ne signifiait pas rompre avec la foi, mais apprendre à mieux la comprendre et à la vivre de manière plus juste, en repartant de ses origines », a-t-il déclaré. 

Après tout, si l’on regarde de près ce qu’il a dit il y a soixante-trois ans, on s’aperçoit qu’il n’y avait qu’une seule ligne : « Ce qui compte, c’est de redonner vie aux affirmations de la foi, en leur ôtant leur rigidité systématique, mais sans porter atteinte à ce qui est vraiment valable en elles, en leur rendant leur vivacité originelle ». C’étaient les années des disputes dans sa patrie, les universités comptaient le nombre d’étudiants qui allaient écouter un professeur plutôt qu’un autre. Von Balthasar regardait cette nouvelle génération et distribuait des bulletins d’évaluation, puis les transmettait à son ami De Lubac :  » Küng est un coquin, je le connais très bien. À Tübingen, il est tellement insupportable que son collègue J. Ratzinger, qui vaut cent fois mieux que lui, s’est retiré dans la petite faculté de Regensburg pour échapper à sa présence ». (…)

Certes, le problème allemand n’a jamais quitté ce géant de la pensée occidentale. Prenez les notes de 2019, celles qui, par pure paresse intellectuelle et par négligence journalistique, sont passées dans l’histoire comme l’attaque « contre les clubs homosexuels », en cherchant des liens farfelus et inexistants avec le présent, avec le brouillard des abus et des méfaits cléricaux. Rien de tout ça. Benoît XVI, émérite, a rappelé la situation des années 1960, celle qu’il a vécue sur le terrain :  » Le processus de dissolution de la conception chrétienne de la morale, préparé de longue date et en cours, dans les années 1960, comme j’ai essayé de le montrer, a connu une radicalité comme jamais auparavant « . 

Cette dissolution de l’autorité doctrinale de l’Église en matière morale ne pouvait manquer d’avoir des répercussions dans les différents domaines de la vie de l’Église. Dans le cadre de la rencontre des Présidents des Conférences épiscopales du monde entier, la question de la vie sacerdotale et, en outre, la question des séminaires ont suscité un intérêt particulier. En ce qui concerne le problème de la préparation au ministère sacerdotal dans les séminaires, un large effondrement de la forme de cette préparation qui existait jusqu’à présent a été constaté. Dans plusieurs séminaires, des clubs d’homosexuels se sont formés, agissant plus ou moins ouvertement et transformant clairement le climat dans les séminaires. Dans un séminaire du sud de l’Allemagne, les candidats au sacerdoce et les candidats à des fonctions laïques de référents pastoraux vivaient ensemble. Lors des repas communs, les séminaristes se trouvaient avec les référents pastoraux mariés, pour les uns accompagnés de leur femme et de leurs enfants et, pour certains autres, de leurs petites amies. Le climat du séminaire ne pouvait pas aider à la formation des prêtres ». 

Le problème fondamental, le cœur de tout cela, se résumait à un seul : le manque de foi. Ce n’est pas un hasard si, toujours dans ces notes, il ajoute qu' »une société où Dieu est absent – une société qui ne le connaît plus et le traite comme s’il n’existait pas – est une société qui perd ses repères ». A notre époque, la devise « la mort de Dieu » a été inventée. Lorsque Dieu meurt dans une société, celle-ci devient libre, nous assure-t-on. En vérité, la mort de Dieu dans une société signifie aussi la fin de la liberté, car le sens qui offre une orientation disparaît, et parce que le critère qui nous indique la direction en nous apprenant à distinguer le bien du mal fait défaut. La société occidentale est une société dans laquelle Dieu est absent de la sphère publique et pour laquelle il n’a plus rien à dire ».

Ratzinger se souvient de tout, comme si cela avait été un choc ; et il se souvient aussi de ce qui s’est passé des décennies plus tard, alors qu’il était déjà à Rome et qu’à Cologne, en 1989, quinze théologiens ont signé la Déclaration critiquant le rapport entre le Magistère et les tâches de la théologie. Il s’est également souvenu de ceux qui – de manière surprenante et peut-être incompréhensible pour lui – ont annoncé des réactions « très fortes » si Jean-Paul II écrivait une encyclique disant que les mauvaises actions existent toujours. Tout, pour Ratzinger, s’inscrit dans le processus inexorable de dissolution de la conception chrétienne de la morale, lié sans doute à la dissolution de l’autorité doctrinale de l’Église en matière de morale. Et il voyait sa propre Allemagne comme l’épicentre de ce processus, le terrain sur lequel la place forte était construite en vue de la grande bataille contre Rome. Il le savait bien, d’une part parce qu’en Allemagne on discute mieux de la théologie, d’autre part parce qu’on y a les moyens de soutenir des batailles (politiques et médiatiques) comme nulle part ailleurs dans le monde, à part les États-Unis. La foi et l’argent : c’est la combinaison qui constitue la toile de fond de tout discours sur des réformes plus ou moins radicales, sur les rives du Rhin. Le Kirchensteuer, l’impôt exorbitant que tout baptisé doit payer au fisc, est une arme à double tranchant : il remplit les caisses des diocèses (le revenu annuel dans les comptes de l’Église allemande est estimé à 5-6 milliards d’euros) mais chute inexorablement si les gens choisissent de ne plus être chrétiens. La procédure de radiation est d’ailleurs loin d’être simple : un acte doit être signé devant les autorités civiles compétentes. Celui qui part, est automatiquement exclu de tout, y compris des sacrements. Et pour renflouer les caisses, il est plus commode de se rendre attractif pour de nouveaux entrants potentiels, pour un nouveau public, en intriguant, en faisant des clins d’œil, en proposant quelque chose qui peut intercepter les générations qui ont grandi dans le monde du post-christianisme. 

Dans ses Dernières Conversations, Benoît XVI a déclaré qu’il avait « de sérieux doutes sur la justesse du système tel qu’il est ». Je ne veux pas dire qu’il ne devrait pas y avoir d’impôt ecclésiastique, mais l’excommunication automatique de ceux qui ne le paient pas, à mon avis, n’est pas viable. (…) En Allemagne, nous avons un catholicisme structuré et bien rémunéré, où les catholiques sont souvent des employés de l’Église et ont une mentalité syndicale à son égard. Pour eux, l’Église n’est que l’employeur à critiquer. Ils ne se déterminent pas à partir d’une dynamique de foi. Je crois que c’est le grand danger de l’Église en Allemagne : il y a tellement d’employés sous contrat que l’institution se transforme en une bureaucratie mondaine. (…) Je suis attristé par cette situation et l’amertume qu’elle génère, et le sarcasme des milieux intellectuels. 

À Fribourg, en 2011, il a déclaré que  » depuis des décennies, nous assistons à une diminution de la pratique religieuse, nous constatons un éloignement croissant d’une partie considérable des baptisés de la vie de l’Église « . La question se pose : l’Église ne doit-elle pas changer ? Ne doit-elle pas, dans ses bureaux et ses structures, s’adapter au temps présent, pour toucher les gens d’aujourd’hui qui cherchent et qui doutent ? » Comprenant immédiatement où le pontife de l’époque voulait en venir, le président de la Conférence épiscopale allemande, Mgr Robert Zollitsch, a pris soin de lui assurer que le pape ne parlait pas de l’impôt, mais que son discours était plus large. Certes, mais comme le montrent les déclarations ultérieures faites à Seewald, Benoît XVI avait précisément ce sujet à l’esprit. Chaque fois qu’il pense à sa patrie, il ne peut s’empêcher de rappeler les attaques qu’il a subies, et même « le mensonge » monté contre lui lorsqu’il s’est agi de modifier la prière du Vendredi saint contre les « Juifs perfides ». Il s’en souvient également lorsqu’il a refusé d’écrire un texte d’accompagnement pour les onze « petits volumes » (sic) sur la théologie du pape François, parmi lesquels figurait celui de Peter Hünermann, le théologien qui « a fondé une organisation en opposition au magistère papal » et qui « au cours de mon pontificat s’est fait remarquer pour avoir dirigé des initiatives anti-papales ». Avec le vieux professeur Hünermann, la querelle est ancienne : ce dernier, ancien professeur à Tübingen, décrivait Ratzinger comme un homme « élevé à l’ancienne époque, avec la vieille théologie précédant le Concile » et lorsqu’on lui a demandé quel était pour lui le plus grand héritage du pontificat de Ratzinger, il n’a pas hésité à dire: « le fait qu’il se soit retiré ». Hünermann a signé des appels (avec son ami Küng) demandant l’ordination de femmes et d’hommes mariés, la participation des laïcs au choix des évêques et des curés, de ne pas exclure les divorcés remariés et les personnes vivant dans une union de même sexe. Il a déploré le « régime autoritaire » de Jean-Paul II et a appelé à la « liberté de conscience ». À la clameur du j’accuse du pape émérite en Allemagne s’ajoute celle de la Société européenne de théologie qui, parlant de Hünermann, rappelle son  » zèle pour une fidélité véritablement ecclésiale qui, en même temps, reconnaît et facilite la pluralité des approches théologiques catholiques valides « . 

Quelqu’un a fait remarquer que les références répétées dans sa vie à la situation allemande sont le symptôme d’un problème non résolu chez Ratzinger, l’incapacité à mettre de côté les diatribes remontant aux années où il se disputait, en tant que professeur, avec des collègues qui étaient pour la plupart dans des camps opposés au sien. Des questions que l’expérience romaine, d’abord comme préfet puis comme pontife, aurait dû presque lui faire oublier. Au lieu de cela, non : jusqu’à son dernier écrit, celui livré il y a seulement neuf mois, dans lequel il partageait son amertume face à la « clameur meurtrière » à son encontre. Un message, qui sait, destiné aussi à ceux qui seront appelés à traiter le cas allemand quand, à Rome, dans moins d’un an, commencera le bilan.

Source : Il Foglio via Il Sismografo, le 28 janvier 2023

« La modernité veut une culture indépendante de la vérité. » Un inédit de Benoît XVI

La modernité veut une culture indépendante de la vérité. Un inédit de Benoît XVI

Du site de Radio Maria (traduction automatique)

« L’État occidental moderne se voit comme une grande puissance de tolérance qui rompt avec les traditions insensées et prérationelles de toutes les religions. C’est la prétention d’avoir toujours raison ». Extrait du volume posthume de réflexions après la démission de B-XV

Auteur : Joseph Ratzinger – Il Foglio
Date de publication : 17 janvier 2023

Nous publions un extrait de « Qu’est-ce que le christianisme ? Quasi un testamento spirituale », le livre posthume de Benoît XVI publié par Mondadori (204 p., 20 euros) qui sera en librairie à partir de vendredi. Ce livre rassemble les réflexions de Joseph Ratzinger après sa démission en février 2013.

« (…) l’État moderne du monde occidental, d’une part, se considère comme une grande puissance de tolérance qui rompt avec les traditions insensées et prérogatives de toutes les religions. De plus, avec sa manipulation radicale de l’homme et la déformation des sexes par l’idéologie du genre, il s’oppose particulièrement au christianisme. Cette prétention dictatoriale à avoir toujours raison par une apparente rationalité exige l’abandon de l’anthropologie chrétienne et du style de vie jugé pré-rational qui en découle.

L’intolérance de cette apparente modernité à l’égard de la foi chrétienne ne s’est pas encore transformée en persécution ouverte, et pourtant elle se présente de manière de plus en plus autoritaire, visant à obtenir, par une législation correspondante, l’extinction de ce qui est essentiellement chrétien. L’attitude de Mattathias –  » Nous n’écouterons pas les ordres du roi  » (législation moderne) – est celle des chrétiens. Le  » zèle  » de Mattathias, par contre, n’est pas la forme dans laquelle s’exprime le zèle chrétien. Le « zèle » authentique tire sa forme essentielle de la croix de Jésus-Christ. Enfin, essayons de tirer une sorte de conclusion de ce rapide examen de quelques-unes des étapes de l’histoire de la foi dans le Dieu unique de l’Ancien Testament. Tout d’abord, nous pouvons certainement affirmer qu’historiquement, le monothéisme se présente sous des formes très différentes.

Elle ne peut donc pas être définie sans ambiguïté selon les mêmes critères modernes comme un phénomène unitaire. On ne parvient au monothéisme, au sens strict du terme selon son usage moderne, que lorsqu’il est lié à la question de la vérité. Cette transition en Israël se fait essentiellement à partir de l’exil, mais pas au sens propre de la réflexion philosophique. L’événement révolutionnaire, du point de vue de l’histoire des religions, a lieu avec l’assomption chrétienne de la foi en un Dieu unique, qui avait été préparée dans tout le bassin méditerranéen par le groupe des « craignant Dieu ».

L’affirmation définitive de la revendication universelle du Dieu unique était cependant encore entravée par le fait que ce Dieu unique était lié à Israël et n’était donc pleinement accessible qu’en Israël ; les païens pouvaient l’adorer en même temps qu’Israël, mais ne pouvaient pas lui appartenir pleinement. Seule la foi chrétienne, avec son universalité définitivement conquise par Paul, permettait désormais que le Dieu unique puisse aussi être concrètement adoré dans le Dieu d’Israël qui s’est révélé. La rencontre entre le « Dieu des philosophes » et le Dieu concret de la religion juive est l’événement, provoqué par la mission chrétienne, qui révolutionne l’histoire universelle. En dernière analyse, le succès de cette mission repose précisément sur cette rencontre.

Ainsi, la foi chrétienne pouvait se présenter dans l’histoire comme la religio vera. La prétention du christianisme à l’universalité est fondée sur l’ouverture de la religion à la philosophie. Cela explique pourquoi, dans la mission qui s’est développée dans l’antiquité chrétienne, le christianisme ne se concevait pas comme une religion, mais avant tout comme une continuation de la pensée philosophique, c’est-à-dire de la recherche de la vérité par l’homme. Cela a malheureusement été de plus en plus oublié à l’époque moderne. La religion chrétienne est aujourd’hui considérée comme une continuation des religions du monde et est elle-même considérée comme une religion parmi ou au-dessus des autres. Ainsi, les « semences du Logos », dont Clément d’Alexandrie parle comme de la tension vers le Christ dans l’histoire pré-chrétienne, sont identifiées de manière générique aux religions, alors que Clément d’Alexandrie lui-même les considère comme faisant partie du processus de la pensée philosophique dans lequel la pensée humaine avance à tâtons vers le Christ.

Revenons à la question de la tolérance. Ce qui a été dit, c’est que le christianisme se comprend essentiellement comme une vérité et qu’il fonde sur cela sa prétention à l’universalité. Mais c’est précisément là qu’intervient la critique actuelle du christianisme, qui considère la revendication de la vérité comme intolérante en soi. La vérité et la tolérance semblent être en contradiction. L’intolérance du christianisme serait intimement liée à sa prétention à la vérité. Cette conception est sous-tendue par le soupçon que la vérité serait dangereuse en soi. C’est pourquoi la tendance de fond de la modernité s’oriente de plus en plus clairement vers une forme de culture indépendante de la vérité.

Dans la culture postmoderne – qui fait de l’homme le créateur de lui-même et conteste la donnée originelle de la création – il y a un désir de recréer le monde contre sa vérité. Nous avons déjà vu plus haut comment cette attitude même conduit nécessairement à l’intolérance. Mais en ce qui concerne la relation entre la vérité et la tolérance, la tolérance est ancrée dans la nature même de la vérité. En nous référant à la révolte des Maccabées, nous avons vu comment une société qui s’oppose à la vérité est totalitaire et donc profondément intolérante.

En ce qui concerne la vérité, je me réfère simplement à Origène : « Le Christ ne remporte aucune victoire sur les personnes non volontaires. Il ne gagne que par la persuasion. Ce n’est pas pour rien qu’il est la parole de Dieu ». Mais en fin de compte, comme contrepoids authentique à toute forme d’intolérance, se trouve Jésus-Christ crucifié. La victoire de la foi ne peut jamais être obtenue que dans la communion avec Jésus crucifié. La théologie de la croix est la réponse chrétienne à la question de la liberté et de la violence ; et en fait, même historiquement, le christianisme n’a remporté ses victoires que grâce aux persécutés et jamais lorsqu’il s’est rangé du côté des persécuteurs. »

Source : Radio Maria, le 17 janvier 2023

Quand le cardinal Sarah évoque le pape Benoît XVI, son ami

«Benoît XVI, mon ami», par le cardinal Robert Sarah

(Robert Sarah*, Le Figaro) Pour la plupart des commentateurs, Benoît XVI laissera le souvenir d’un immense intellectuel. Son œuvre durera. Ses homélies sont déjà devenues des classiques à l’instar de celles des Pères de l’Église. Mais à ceux qui ont eu la grâce de l’approcher et de collaborer avec lui, le pape Benoît XVIlaisse bien plus que des textes. Je crois pouvoir affirmer que chaque rencontre avec lui fut une véritable expérience spirituelle qui a marqué mon âme. Ensemble, elles dessinent un portrait spirituel de celui que je regarde comme un saint et dont j’espère qu’il sera bientôt canonisé et déclaré docteur de l’Église.

À son arrivée à la curie romaine en 2001, le jeune archevêque que j’étais – j’avais alors 56 ans – regardait avec admiration la parfaite entente entre Jean-Paul II et celui qui était alors le cardinal Ratzinger. Ils étaient tellement unis qu’il leur était devenu impossible de se séparer l’un de l’autre. Jean-Paul II était émerveillé par la profondeur de Joseph Ratzinger. De son côté, le cardinal était fasciné par l’immersion en Dieu de Jean-Paul II. Tous les deux cherchaient Dieu et voulaient redonner au monde le goût de cette quête.

Joseph Ratzinger était reconnu comme un homme d’une grande sensibilité et pudeur. Je ne l’ai jamais vu afficher le moindre mépris. Au contraire, alors qu’il était submergé de travail, il se rendait tout entier disponible pour écouter son interlocuteur. S’il avait l’impression qu’il avait offensé quelqu’un, il cherchait toujours à lui expliquer les raisons de sa position. Il était incapable d’un acte tranchant. Je dois dire aussi qu’il faisait preuve d’un grand respect pour les théologiens africains. Il acceptait même volontiers de rendre des services pratiques, ou de faire passer un message à Jean-Paul II. Cette profonde bienveillance et délicatesse respectueuse envers chacun sont caractéristiques de Joseph Ratzinger.

À partir de 2008, j’ai remplacé le cardinal Dias, préfet de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples dans un certain nombre de rencontres, car il souffrait d’une maladie invalidante. Dans ce contexte, j’ai eu la chance d’avoir de nombreuses séances de travail avec le pape Benoît XVI. En particulier, je devais lui présenter les projets de nomination d’évêques des plus de 1000 diocèses des pays de mission. Nous avions des séances parfois assez longues, de bien plus d’une heure. Il fallait discuter et soupeser des situations délicates. Certains pays vivaient en régime de persécution. D’autres diocèses étaient en crise. J’ai été frappé par la capacité d’écoute et l’humilité de Benoît XVI. Je crois qu’il a toujours fait confiance à ses collaborateurs. Cela lui a d’ailleurs valu des trahisons et des déceptions. Mais Benoît XVI était tellement incapable de dissimulation qu’il ne pouvait croire qu’un homme d’Église soit capable de mentir. Le choix des hommes ne lui était pas aisé.

De ces longs entretiens répétés, j’ai acquis une meilleure compréhension de l’âme du pape bavarois. Il y avait en lui une parfaite confiance en Dieu, ce qui lui donnait une paix tranquille et une joie continue. Jean-Paul II montrait parfois de saintes colères. Benoît XVI restait toujours calme. Il était parfois blessé et souffrait profondément de voir les âmes s’éloigner de Dieu. Il était lucide sur l’état de l’Église. Mais il était habité par une force paisible. Il savait que la vérité ne se négocie pas. En ce sens-là, il n’aimait pas l’aspect politique de sa fonction. J’ai toujours été frappé par la joie lumineuse de son regard. Il avait d’ailleurs un humour très doux, jamais violent ni vulgaire.

Je me souviens de l’Année sacerdotale qu’il avait décrétée en 2009. Le pape souhaitait souligner les racines théologiques et mystiques de la vie des prêtres. Il avait affronté avec vérité et courage les premières révélations quant aux affaires de pédophilie dans le clergé. Il voulait aller au bout de la purification. Cette année a culminé dans une magnifique veillée sur la place Saint-Pierre. Le soleil couchant inondait la colonnade du Bernin d’une lumière dorée. La place était pleine. Mais contrairement à l’habitude, pas de familles, pas de religieuses, uniquement des hommes, uniquement des prêtres. Quand Benoît XVI est entré en papamobile, d’un seul cœur tous se sont mis à l’acclamer en l’appelant par son nom. C’était saisissant, toutes ces voix masculines scandant à l’unisson «Benedetto». Le pape était très ému. Quand il s’est retourné vers la foule après être monté sur l’estrade, ses larmes coulaient. On lui a apporté le discours préparé qu’il a laissé de côté et il a librement répondu aux questions. Quel moment merveilleux! Le père plein de sagesse enseignait à ses enfants. Le temps était comme suspendu. Benoît XVI s’est confié. Il a eu ce soir-là des paroles définitives sur le célibat sacerdotal. Puis la soirée s’est achevée par un long moment d’adoration du Saint-Sacrement. Car il voulait toujours entraîner à la prière ceux qu’il rencontrait.

Benoît XVI a aimé passionnément les prêtres. La crise du sacerdoce, la purification du sacerdoce était son chemin de Croix quotidien. Il aimait rencontrer les prêtres, leur parler familièrement.

Il aimait aussi particulièrement les séminaristes. Il était rarement plus heureux qu’entouré par tous ces jeunes étudiants en théologie qui lui rappelait ses jeunes années de professeur. Je me rappelle cette mémorable rencontre avec les séminaristes des États-Unis lors de laquelle il riait aux éclats et plaisantait avec eux. Tandis qu’ils scandaient «We love you», la voix du pape s’est brisée et il leur a dit avec émotion paternelle: «Je prie pour vous chaque jour.»

Ce pape avait un profond sens chrétien de la souffrance. Il répétait souvent que la grandeur de l’humanité réside dans la capacité à souffrir par amour pour la vérité. En ce sens-là, Benoît XVI est grand !

La prière, l’adoration était au centre de son pontificat. Comment oublier les JMJ de Madrid? Le pape était resplendissant de joie devant une foule enthousiaste de plus d’un million de jeunes du monde entier. La communion entre tous était palpable. Au moment où il commençait son discours, un terrible orage éclatait. Le décor menaçait de s’écrouler et le vent avait emporté la calotte blanche de Benoît XVI. Son entourage a voulu le mettre à l’abri. Il a refusé. Il souriait sous une pluie battante dont un pauvre parapluie le protégeait à peine. Il souriait en regardant cette foule dans le vent et la tempête. Il est resté jusqu’au bout. Quand les éléments se sont apaisés, le cérémoniaire lui a apporté le texte qu’il devait prononcer, mais il a préféré omettre le discours préparé pour ne pas entamer le temps prévu pour l’adoration eucharistique. Quelques instants après l’orage, le pape était à genoux devant le Saint-Sacrement, entraînant la foule dans un silence impressionnant et plein de ferveur.

En 2010, je rentrais d’un voyage en Inde. J’avais rendez-vous avec Benoît XVI pour une audience privée. C’est là qu’il m’annonça son intention de me créer cardinal au consistoire suivant et ma nomination à Cor Unum (le dicastère chargé des œuvres de charité). Je n’oublierai jamais la raison qu’il m’en donna: «Je vous ai nommé car je sais que vous avez l’expérience de la souffrance et du visage de la pauvreté. Vous serez le mieux à même d’exprimer avec délicatesse la compassion et la proximité de l’Église avec le plus pauvre.» Ce pape avait un profond sens chrétien de la souffrance. Il répétait souvent que la grandeur de l’humanité réside dans la capacité à souffrir par amour pour la vérité. En ce sens-là, Benoît XVI est grand! Il n’a jamais reculé devant la souffrance. Jamais reculé devant les loups. On a cherché à le faire taire. Il n’a jamais eu peur. Sa démission en 2013 n’est pas le fruit du découragement mais plutôt de la certitude qu’il servirait plus efficacement l’Église par le silence et la prière.

Après ma nomination par François comme préfet du culte divin en novembre 2014, j’ai encore eu l’occasion de rencontrer plusieurs fois le pape émérite. Je savais combien la question de la liturgie lui tenait à cœur. Je l’ai donc souvent consulté. Il m’a vigoureusement encouragé plusieurs fois – en effet, il était persuadé que «le renouveau de la liturgie est une condition fondamentale pour le renouveau de l’Église».

Je lui portais mes livres. Il les lisait et donnait son appréciation. Il a d’ailleurs bien voulu écrire la préface de La Force du silence. Je me souviens du jour où je lui ai annoncé mon intention d’écrire un livre sur la crise de l’Église. Ce jour-là, il était fatigué, mais son regard s’est éclairé. Il faut avoir connu le regard de Benoît XVI pour comprendre. C’était un regard d’enfant, joyeux, lumineux, plein de bonté et de douceur, et pourtant rempli de force et d’encouragement. Jamais je n’aurais écrit sans cet encouragement. Un peu plus tard, nous avons collaboré de près en vue de la publication de notre réflexion sur le célibat sacerdotal. Je garderai dans le secret de mon cœur le détail de ces jours inoubliables. Je garderai dans les profondeurs de ma mémoire sa profonde souffrance et ses larmes, mais aussi sa volonté farouche et intacte de ne pas céder au mensonge.

Quel portrait dessinent ces souvenirs? Je crois qu’ils convergent vers l’image du Bon Pasteur que Benoît XVI aimait tellement. Il voulait qu’aucune de ses brebis ne se perde. Il voulait les nourrir de la vérité et ne pas les abandonner aux loups et aux erreurs. Mais surtout il les aimait. Il aimait les âmes. Il les aimait parce qu’elles lui avaient été confiées par le Christ. Et plus que tout, il aimait passionnément ce Jésus à qui il a voulu consacrer les trois tomes de son œuvre maîtresse Jésus de Nazareth. Benoît XVI aimait celui qui est la vie, le chemin et la vérité.

* Préfet émérite de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements. Dernier livre paru Catéchisme de la vie spirituelle (Fayard).

Source : LE FIGARO, le 5 janvier 2023

Un livre de Mgr Gänswein devrait mettre le vrai visage de Benoît XVI en lumière

Bild: © KNA/Sven Hoppe/dpa/Pool (Archivbild)

DES RÉVÉLATIONS ANNONCÉES SUR VATILEAKS, L’AFFAIRE ORLANDO ET FRANCOIS

On dit que le livre de Mgr Gänswein va mettre le vrai visage de Benoît XVI en lumière

source

ROME/CITÉ DU VATICAN  – Le pape émérite n’a pas encore été enterré – mais le travail sur son héritage bat déjà son plein. Dans un livre, son ancien secrétaire particulier Georg Gänswein veut faire éclater « la vérité sur la diffamation flagrante et les manœuvres obscures ».

L’archevêque Georg Gänswein veut commémorer feu le pape Benoît XVI avec un livre. le mettre en perspective et défendre son patrimoine. Selon l’éditeur italien Piemme, le livre, écrit en collaboration avec le journaliste du Vatican Saverio Gaeta, doit être publié le 12 janvier sous le titre « Nient’altro che la verità. La mia vita al fianco di Benedetto XVI » (« Rien que la vérité. Ma vie aux côtés de Benoît XVI. ») apparaissent. Il est temps de dire « la vérité sur les calomnies flagrantes et les manœuvres obscures » qui ont tenté en vain de « jeter une ombre sur le magistère et les agissements du pape allemand », précise le communiqué de l’éditeur. Alors « le vrai visage d’une des plus grandes personnalités des dernières décennies se révèle enfin,

Le livre se veut la « reconstruction faisant autorité d’une époque très spéciale pour l’Église catholique » et « des questions sur des événements déroutants tels que les dossiers Vatileaks et les mystères de l’affaire Orlandi, le scandale de la pédophilie et la relation entre le pape émérite et son successeur François ». L’affaire Vatileaks en 2011, dans laquelle des documents secrets ont été publiés contenant des allégations de corruption, de népotisme et de réseaux homosexuels dans la Curie et problématique la conduite des affaires de la Banque du Vatican, est considérée comme l’une des raisons de la démission de Benoît XVI de sa charge pontificale. L’affaire Orlandi concerne l’enlèvement de la fille d’un employé du Vatican en 1985 non éclairci jusqu’à aujourd’hui .

Offensive médiatique depuis la mort

Depuis la mort du pape émérite samedi, Mgr Gänswein est dans les médias. Dans plusieurs entretiens, il a souligné l’importance de Benoît XVI. et a donné un aperçu des sentiments et des pensées du défunt. Il a déclaré à la chaîne de télévision EWTN qu’une béatification rapide était possible. Un livre du journaliste vatican Orazio La Rocca a également été annoncé au centre duquel se trouvera la discussion du rôle du pape émérite dans le scandale des abus à Munich dans les années 1980. Mgr Gänswein a rédigé une préface pour ce livre. Un recueil d’essais partiellement inédits de Benoît XVI sera publié par Mondatori fin janvier, sans les contributions de Mgr Gänswein. sous le titre « Che cos’e il cristianesimo – quasi un testamento spirituale » (« Qu’est-ce que le christianisme – Presque un testament spirituel »).

Mgr Gänswein était associé à Joseph Ratzinger depuis des décennies. Dès 1996, le préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi l’a fait entrer dans son bureau, et en 2003 il est devenu l’assistant personnel de Ratzinger. Après l’élection pontificale, il a conservé ce poste de secrétaire particulier de Benoît XVI. à. En 2012, il est nommé préfet de la maison pontificale et ordonné évêque en 2013. En tant que préfet, il a été autorisé par le pape François en 2020, mais occupe officiellement le poste à ce jour. Il a soutenu le pape émérite jusqu’à la fin. On ne sait pas quelles tâches il assumera à l’avenir. Son co-auteur Saverio Gaeta a travaillé pour Radio Vatican et l’Osservatore Romano, entre autres, et comme correspondant à Rome. Ses publications comprennent des biographies des papes Jean XXIII, Jean-Paul II et François.

Un extrait du livre de Mgr Gänswein est publié sur le site de l’Avvenire.

Source: KATHOLISCH.DE, le 3 janvier 2023

BENOÎT XVI : UN CHANTRE DE LA BEAUTÉ

De Stefano Chiappalone sur la Nuova Bussola Quotidiana :

Benoît XVI : la beauté qui ouvre le cœur à Dieu

Un fil conducteur important du riche enseignement de Joseph Ratzinger est le concept de « raison élargie ». Une raison qui ne rejette pas l’étonnement et ne s’enferme pas dans l’horizon matériel, mais reste capable d’accueillir les diverses expressions de l’art et de la beauté comme autant de manières d’être fasciné par le Mystère de Dieu.

Malgré la profondeur intellectuelle qui le place à juste titre parmi les « grands » de la pensée contemporaine et – en perspective – parmi les « docteurs » de facto de l’Église, Benoît XVI était aussi une « petite voie » – comparable en quelque sorte à celle de la « petite » Sainte Thérèse de Lisieux – capable de s’émerveiller de la beauté comme voie privilégiée pour trouver (ou redécouvrir) la foi. Tout le contraire de l’étiquette de panzerkardinal ou de  » berger allemand « , qui ne pourrait être crue que par ceux qui n’ont jamais fait l’effort (pourtant agréable) d’approcher ses discours, préférant ingurgiter la rumeur injuste répandue chez de nombreux catholiques (plus enclins à un sentimentalisme bon marché compatible avec les sirènes du conformisme médiatique).

Benoît XVI ne s’oppose pas à l’émerveillement et à la lucidité de la pensée, mais il les intègre dans la perspective de ce qu’il a lui-même défini à plusieurs reprises comme une « raison élargie », c’est-à-dire capable d’englober également la beauté, l’amour, toutes ces réalités qui ne sont pas « mesurables » et dont l’existence et la nécessité ne peuvent être niées. Au contraire, « une raison qui voudrait en quelque sorte se dépouiller de la beauté serait réduite de moitié, ce serait une raison aveuglée ». Cette complémentarité est inhérente au christianisme, puisque  » le « Logos » créateur n’est pas seulement un « logos » technique « , mais  » est amour et donc de nature à s’exprimer dans la beauté et la bonté « , a-t-il affirmé en été 2008 à Brixen (reprenant en partie la lectio de Ratisbonne). C’est pourquoi le pape émérite était convaincu que « l’art et les saints sont la plus grande apologie de notre foi ».

S’il faut lui coller une étiquette, Benoît XVI était plutôt le pape de la beauté, qu’il définissait comme « la grande nécessité de l’homme ; c’est la racine d’où jaillissent l’arbre de notre paix et les fruits de notre espérance » : c’est ainsi qu’il s’exprimait à l’occasion de son voyage apostolique en Espagne en novembre 2010, à Saint-Jacques-de-Compostelle et à Barcelone, où il est allé consacrer la basilique de la Sagrada Familia. Il a souligné le lien entre la beauté du bâtiment et la spiritualité de l’architecte Antoni Gaudí, qui n’était pas une star de l’architecture, mais « un architecte brillant et un chrétien conséquent, dont le flambeau de la foi a brûlé jusqu’à la fin de sa vie, vécue avec une dignité et une austérité absolues ». À partir des trois livres de la Création, de l’Écriture et de la Liturgie, Gaudí a donné vie au « miracle architectural » de la Sagrada Familia, « un espace de beauté, de foi et d’espérance, qui conduit l’homme à la rencontre de Celui qui est la vérité et la beauté même ».

Depuis son enfance, Joseph Ratzinger voit dans la beauté un chemin privilégié vers Dieu. De sa Bavière festive et très catholique, il a rapporté « le parfum émanant des tapis de fleurs et des bouleaux verdoyants ; les ornements de toutes les maisons, les drapeaux, les chants ; j’entends encore les instruments à vent de la fanfare locale ». Une jubilation qui trouve son fondement dans le matin de Pâques, ou plutôt le samedi saint : le jour même de sa naissance (16 avril 1927), une coïncidence qui constituait pour lui – comme il l’a rappelé dans son autobiographie Ma vie, publiée en 1997 – un « signe prémonitoire » sur le plan personnel mais aussi « une caractéristique de notre existence humaine, qui attend encore Pâques, n’est pas encore en pleine lumière, mais s’en approche avec confiance ». Et il le fait aussi à travers l’art, la beauté du paysage et des bois, et la musique, qui chez les Ratzinger est dans l’air depuis l’enfance (après tout, ils vivaient aux frontières de la Salzbourg de Mozart), dans une continuité naturelle avec la liturgie. Et c’est leur père qui jouait et expliquait les lectures pour les préparer à la messe du dimanche : à l’époque, « lorsque le Kyrie commençait, c’était comme si le ciel s’ouvrait ».

Ces souvenirs sont également importants pour identifier un fil conducteur  » esthétique  » qui était loin d’être sans importance pendant ses huit années de pontificat et peut-être aussi dans sa vie  » monastique  » ultérieure de pape émérite. Une audience en particulier, le 18 novembre 2009, est entièrement consacrée aux chefs-d’œuvre nés de la foi dans les siècles médiévaux, évoquant la célèbre image du « manteau blanc » des églises avec laquelle Raoul Glaber décrivait le ferment artistique et religieux de son temps. Un « manteau blanc » qui peut encore parler aujourd’hui, car « la force du style roman et la splendeur des cathédrales gothiques nous rappellent que la via pulchritudinis, le chemin de la beauté, est une voie privilégiée et fascinante pour s’approcher du Mystère de Dieu ». Quelques jours plus tard, le 21 novembre, il invite expressément les artistes à ne pas avoir « peur de se confronter à la source première et ultime de la beauté ».

Le « magistère liturgique » du pontife peut également être lu dans la même optique, visant à récupérer l’émerveillement et le caractère sacré d’une liturgie trop souvent banalisée ou vécue comme une nuisance par rapport à « l’engagement social » ou, pire encore, défigurée (selon ses termes) par « des danses vides autour du veau d’or que nous sommes », dans l’autocélébration d’une communauté qui oublie Dieu. Des tendances qui se sont accentuées au cours des dernières décennies et qui sont nées sur le tronc de ce que lui-même (dans une conversation avec Vittorio Messori) avait appelé le Konzilsungeist, le « mauvais esprit du Concile ». Le Pape a encore une fois préféré parler le langage de la beauté qui transmet la vérité des gestes liturgiques, en favorisant (par son propre exemple) une célébration également orientée visuellement ad Deum, au moins avec une croix sur laquelle convergerait le regard du prêtre et des fidèles, et un art de la prédication capable de pointer vers l’éternité plutôt que de commenter l’actualité. Et enfin (mais pas par ordre d’importance) la coexistence de l’ancien et du nouveau, voire la réouverture de ce précieux coffre à trésor qu’est la liturgie traditionnelle car – a-t-il rappelé dans la lettre accompagnant le motu proprio Summorum Pontificum – « il est bon pour tous de conserver les richesses qui ont grandi dans la foi et la prière de l’Église ». Des richesses cachées depuis des décennies, qui ne sont pas le patrimoine des nostalgiques (comme le pensent ceux qui voudraient les refermer) mais qui continuent à parler au cœur de nombreux jeunes, qui en sont également reconnaissants à Benoît XVI.

S’il est vrai que l’art aiguise la sensibilité, celle de Benoît XVI était l’une des personnalités les plus fines et les plus élevées de l’histoire récente au moins. Une sorte de Mozart de la foi qui, pendant huit ans, s’est reposé sur le « clavier » de l’Eglise avec la même délicatesse que celle avec laquelle ses doigts glissaient sur le piano dans les moments de détente. Peut-être trop de délicatesse – qui sait ? – Mais sa « musique » continue à s’élever plus haut que les slogans faciles et les recettes à la mode, car on y entend résonner la « certitude qu’il est bon d’être un homme, parce que nous avons vu la bonté de Dieu se refléter dans nos parents et nos frères ». Une certitude – rappelée lors de la Rencontre des familles en 2012 – qui s’est épanouie dès les premières années, dans cette petite  » idylle bavaroise  » que Joseph Ratzinger a peut-être aujourd’hui redécouverte au-delà de ce monde, comme il le confiait alors :  » Si j’essaie d’imaginer un peu comment ce sera au Paradis, il me semble toujours le temps de ma jeunesse, de mon enfance « .

Source : S’il est vrai que l’art aiguise la sensibilité, celle de Benoît XVI était l’une des personnalités les plus fines et les plus élevées de l’histoire récente au moins. Une sorte de Mozart de la foi qui, pendant huit ans, s’est reposé sur le « clavier » de l’Eglise avec la même délicatesse que celle avec laquelle ses doigts glissaient sur le piano dans les moments de détente. Peut-être trop de délicatesse – qui sait ? – Mais sa « musique » continue à s’élever plus haut que les slogans faciles et les recettes à la mode, car on y entend résonner la « certitude qu’il est bon d’être un homme, parce que nous avons vu la bonté de Dieu se refléter dans nos parents et nos frères ». Une certitude – rappelée lors de la Rencontre des familles en 2012 – qui s’est épanouie dès les premières années, dans cette petite  » idylle bavaroise  » que Joseph Ratzinger a peut-être aujourd’hui redécouverte au-delà de ce monde, comme il le confiait alors :  » Si j’essaie d’imaginer un peu comment ce sera au Paradis, il me semble toujours le temps de ma jeunesse, de mon enfance « .

Source : la Nuova Bussola Quotidiana, le 2 janvier 2023

Benoît XVI, le pontificat de la raison

Benoît XVI, le pontificat de la raison

Le pape Benoît XVI était un des plus grands théologiens de son temps. Parmi les thèmes majeurs de sa théologie figurait le rapport entre foi et raison, qu’il avait magistralement développé avec son prédécesseur. Dès 2008, des grands témoins présentaient le pontificat sous cette lumière. Une Production ROME REPORTS, 2008. Réalisation Edward Pentin.

Les derniers mots de Benoît XVI: «Seigneur, je t’aime»

La dépouille du Pape Benoit XVI dans la chapelle du monastère Mater EcclesiaeLa dépouille du Pape Benoit XVI dans la chapelle du monastère Mater Ecclesiae (Vatican Media)

Les derniers mots de Benoît XVI: «Seigneur, je t’aime»

Ce sont les dernières paroles prononcées par le pape émérite quelques heures avant de mourir, rapporte Mgr Georg Ganswein, son secrétaire. Dimanche soir les collaborateurs de la Curie romaine ont pu s’incliner devant la dépouille du pape émérite au monastère Mater Ecclesiae.

«Seigneur, je t’aime», ces mots ont été prononcés en italien dans la nuit du 30 au 31 décembre, vers 3h du matin par Benoit XVI, tandis qu’une infirmière, à ses côtés, veillait sur lui, après avoir pris le relais des assistants du pape émérite. «Benoît XVI», raconte avec émotion son secrétaire, Mgr Georg Gänswein, «d’une voix fluette, mais bien distincte, a dit en italien: « Seigneur, je t’aime ! ». Je n’étais pas là à ce moment-là, mais l’infirmière me l’a dit peu après. Ce furent ses derniers mots compréhensibles, car après, il n’était plus capable de s’exprimer».

François au chevet de son prédécesseur

Samedi matin, immédiatement après avoir été prévenu du décès de Benoit XVI, François s’est rendu au monastère Mater Ecclesiae en voiture vers 10h. Il avait accompli le même geste mercredi le 28 décembre, après avoir alerté le monde sur l’aggravation de l’état de santé de Ratzinger, demandant, au cours de l’audience générale, une «prière spéciale» pour le pape émérite «très malade».

La dépouille exposée dimanche soir au monastère

Le Souverain Pontife a prié à côté du corps qui repose dans la chapelle du Mater Ecclesiae, sous un crucifix, à côté de la crèche et d’un sapin de Noël. Le Pape Benoit revêt la mitre et des vêtements liturgiques de couleur rouge, sans le pallium. Les proches du pape défunt et plusieurs cardinaux ont été les premiers à s’incliner devant sa dépouille, à genoux pour certains, et en prière.

Lundi 2 janvier, à partir de 9 heures et pendant trois jours jusqu’à la messe des obsèques qui sera présidée par François jeudi 5 janvier à 9h30 place Saint Pierre, la dépouille du pape émérite sera exposée à la vénération des fidèles dans la basilique vaticane. Une cérémonie privée précèdera la translation du corps dans la chapelle du monastère Mater Ecclesiae. Des images seront diffusées successivement, a fait savoir le directeur de la salle de presse du Saint-Siège, Matteo Bruni. La dépouille sera ensuite placée dans la basilique, devant l’autel, pour l’adieu des fidèles à partir de 9 heures.

Source : VATICANNEWS, le 2 janvier 2023