Nigeria : face aux persécutions oubliées ici, les prêtres locaux s’arment

Nigeria : face aux persécutions oubliées ici, les prêtres locaux s’arment

Au Nigeria, les prêtres célèbrent la messe un fusil à pompe à la main. Image déroutante qui s’explique par le danger extrême dans lequel vivent les prêtres et les pasteurs nigérians. Et pour cause : cette année encore, alors que la joie est l’apanage des fêtes de Noël et de la nouvelle année, les chrétiens de cet État d’Afrique subsaharienne sont en deuil et pleurent les 200 morts tombés le 23 décembre dernier.

Selon un rapport de l’ONG protestante Open Doors, près de 90 % des chrétiens persécutés dans le monde se trouvent au Nigeria. InterSociety chiffre à quelque 4.500 le nombre de chrétiens tués en 2023 dans le pays, rapporte Le Point. Entre le 1er octobre 2021 et le 30 septembre 2022, pas moins de 4.726 chrétiens y ont été enlevés.

L’islamisme, composante essentielle de la persécution

Les causes sont multiples, explique à BV un prêtre responsable de plusieurs prieurés de missions dans le sud du pays. Tout d’abord, la misère financière pousse au kidnapping dans le but de tirer une rançon à bon prix. Ensuite, le phénomène migratoire du nord vers le sud engendre un conflit ethnique d’une grande violence. Les éleveurs musulmans nomades du nord déferlent sur les terres des chrétiens sédentaires du sud et ravagent leurs cultures. Ce conflit crée des bandes armées ultra-violentes et met en branle les rouages d’un grand banditisme auquel nul n’échappe. Enfin, le djihad entend soumettre toutes les régions du Nigeria. Des groupes de terroristes islamiques – Boko Haram et des membres de l’État islamique – sèment la mort dans le pays.

Les régions les plus persécutées sont au nord. Malgré cela, nous dit ce prieur de mission, « il y a dans cette région de très beaux diocèses, très menacés. Les évêques s’y font plutôt discrets pour ne pas réveiller davantage les velléités des musulmans. »

Traditionnellement, le gouvernement est dirigé par un musulman, ce qui ne favorise pas la protection des chrétiens en danger. Bola Tinubu, le président actuel, est accusé, de surcroît, de corruption. Pour ce prêtre, le Nigeria est aux mains d’« un gouvernement très corrompu. Ces gens-là laissent faire jusqu’à ce que les faits soient trop criants. Le banditisme est de fait assez protégé. »

Silence en Occident

S’il n’y aucune aide à attendre du pays lui-même, les pays occidentauxne semblent pas plus alarmés par la situation désastreuse du Nigeria. Le pape François a exprimé son inquiétude dans une courte prise de parole au Vatican, après le dernier angelus de l’année 2023, avant de détourner rapidement son attention vers les conflits plus médiatiques, les « peuples martyrisés d’Ukraine, de Palestine et d’Israël ». Quant aux pouvoirs politiques, ils restent silencieux.

En juin 2022, après le massacre d’une paroisse chrétienne à Owo, le député européen François-Xavier Bellamy (LR) se révoltait déjà contre l’inaction de l’Europe : « Nous parlons beaucoup ici, mais les chrétiens n’ont droit qu’au silence, un silence qui devrait nous couvrir de honte », lançait-il devant un Parlement presque vide. « L’Europe doit tellement à la foi chrétienne, elle a le devoir de protéger les chrétiens persécutés dans le monde entier », poursuivait-il. En 2023, l’Europe est restée silencieuse.

Les Nations unies, dont le rôle est de faire respecter les droits élémentaires dans toutes les régions habitées du globe, si promptes à intervenir habituellement, n’ont fait paraître qu’un communiqué d’une dizaine de lignes. Volker Türk, haut-commissaire du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, déclare que « le cycle de l’impunité qui alimente les violences récurrentes doit être brisé de toute urgence ». Au sujet des attaques de ce Noël noir, il mentionne des « gunmen », c’est-à-dire des tireurs, omettant de préciser que lesdits tireurs étaient des musulmans et les victimes, des chrétiens. La violence est dénoncée, mais on passe la persécution des chrétiens, une fois de plus, sous silence.

Source : BVVOLTAIRE, le 4 janvier 2024

Massacres au Nigeria: la honte du cardinal Onaiyekan

Dans le village de Maiyanga, les survivants enterrent les morts à la suite des massacres perpétrés lors des fêtes de Noël. (AFP or licensors)

Massacres au Nigeria: la honte du cardinal Onaiyekan

Dans une interview à Vatican News, le cardinal John Onaiyekan, archevêque émérite d’Abuja au Nigeria, appelle à une réponse concrète à la crise sécuritaire dont témoigne le massacre de Noël 2023. Il met en garde contre cette série coordonnée d’attaques qui soulève des questions sérieuses, et exprime sa gratitude envers le Pape François pour avoir attiré l’attention sur l’«horreur» qui sévit dans la nation ouest-africaine.

Entretien réalisé par Deborah Castellano Lubov – Cité du Vatican

Le cardinal John Onaiyekan suggère que les dernières attaques dans l’État du Plateau au Nigeria, qui se sont manifestées par des massacres coordonnés sur plusieurs villages pendant les vacances de Noël, soulèvent des questions sérieuses et nécessitent une réponse concrète. L’archevêque émérite d’Abuja l’a exprimé, notant que si la crise sécuritaire et les meurtres ne sont «rien de nouveau», cet incident récent suscite une plus grande inquiétude car il suggère qu’il pourrait y avoir de nouvelles organisations derrière ces événements.

Le Pape a attiré l’attention du monde sur l’horreur lors de son Angélus le 31 décembre, déplorant que «malheureusement, la célébration de Noël au Nigeria a été marquée par une violence sérieuse et de nombreuses victimes». Assurant ses prières pour elles et leurs familles, le pape a prié: «Que Dieu libère le Nigeria de ces atrocités!».

Les massacres perpétrés dans tout l’État du Plateau au Nigeria entre le 23 et le 26 décembre ont tué environ 200 personnes et blessé environ 500 autres. Ces attaques coordonnées meurtrières sur une trentaine de villages ont contraint plus de 200 familles à quitter leurs foyers et à se réfugier dans des camps pour personnes déplacées. Comment ces attaques reflètent-elles la crise sécuritaire dans le pays ?

Malheureusement, cela n’est pas nouveau. Nous disons cela depuis dix ans. Et le gouvernement nous assure qu’il maîtrise la situation. Des milliards de nairas (La monnaie locale au Nigéria, ndlr) sont budgétisés chaque année pour la sécurité. La zone est remplie d’agents de sécurité. Des soldats, des policiers, des points de contrôle partout. Et pourtant, les criminels ou les militants ou quoi que ce soient, des terroristes, peuvent commettre l’atrocité que nous avons vue le jour de Noël. Celle-ci, en particulier, impliquant pas moins de 200 personnes tuées et 37 villages rasés, a été décrite par des témoins oculaires comme des attaques simultanées sur tous les villages, ce qui signifie que c’était un acte coordonné, bien préparé et bien exécuté, parlant même de meurtres de masse. Et il est également suggéré que ceux qui ont commis ces crimes étaient également des personnes vivant avec les autochtones de ces zones. Ce sont des voisins avec lesquels ils ont eu des querelles. Maintenant, quand nous entendons le gouvernement dire qu’il enquête sur la question, nous sommes sceptiques car nous ne croyons pas qu’il soit possible de commettre ce genre de crime sans pouvoir découvrir qui en est responsable. Comment ont-ils été armés? Qui les arme? Qui les forme? Et quel est leur objectif? Les victimes sont principalement ceux que nous appelons les propriétaires d’origine, les autochtones de la région, principalement des chrétiens et des agriculteurs.

L’accusation vise les colons Fulani qui viennent avec leurs vaches, et récemment, ces éleveurs se sont particulièrement armés. Nous ne savons pas si ce sont les éleveurs que nous connaissons, ou si ces éleveurs ont été infiltrés par des terroristes armés. La deuxième suggestion semble être la plus plausible. Mais même si c’est le cas, Dieu nous a fait connaître cela et nous devons trouver un moyen de l’arrêter. On ne peut pas simplement permettre que des vies humaines soient gaspillées ainsi.

Nous remercions le Saint-Père d’avoir mentionné notre situation ouvertement le jour de Noël sur la place Saint-Pierre. Nous ne sommes pas fiers que notre Nigeria soit mentionné avec ce genre d’atrocités, mais nous remercions le Saint-Père de l’avoir porté à l’attention de la communauté internationale.

Quel rôle le gouvernement doit-il jouer dans tout cela ?

Nous ne savons pas ce que fera le gouvernement actuel. Ce que nous savons, c’est que le dernier gouvernement était totalement irresponsable. En fait, certains ont suggéré que le dernier gouvernement dirigé par le président Buhari était complice de ces atrocités. Nous ne comprenons pas comment la même chose peut continuer avec un nouveau gouvernement, avec un nouveau président venant d’une autre partie du pays, même si le nouveau gouvernement est du même parti que celui qui nous a gouvernés pendant huit ans.

Maintenant, nous ne savons pas si ces atrocités seront de nouveau étouffées comme les précédentes, ou si la virulence de ces atrocités, notamment celle qui a été commise ce jour de Noël dernier, forcera les personnes concernées à agir sérieusement, concrètement, pour changer la donne.

Que faut-il faire ? Qu’est-ce qui contribue à cela et doit être combattu ?

À mon avis, ce qui doit être fait est simplement ceci: découvrir qui sont les groupes en colère ou qui ont des raisons de vouloir tuer leurs concitoyens nigérians. Nous devons les identifier. Et les rappeler à l’ordre. Il y a toute une série de théories du complot autour de l’une d’entre elles, qui semble être la plus faisable, c’est que les hommes de main veulent maintenant occuper des territoires occupés depuis longtemps par des agriculteurs. En harcelant constamment et en tuant ces agriculteurs, en détruisant leurs villages et même en prenant possession de leurs fermes et en les utilisant. Ils espèrent ainsi étendre leurs terres, occuper le territoire, puis chasser les habitants d’origine dans des camps de personnes déplacées ou les laisser trouver un autre endroit où aller. Si c’est cela, si c’est la réalité, alors le gouvernement doit savoir qui est derrière tout cela, qui les organise. Et évidemment, peut-être que les personnes qui les organisent sont connues. Elles sont trop bien placées pour être touchées, auquel cas nous n’avons pas un bon gouvernement. Il ne devrait y avoir personne de trop bien placé pour que nous ne puissions pas le nommer, le traduire en justice et le punir afin que la nation puisse vivre en paix. Nous ne voyons que le cas du massacre massif à Jos, mais de manière générale au Nigeria, il y a un terrible état d’insécurité. Chaque fois que nous voyageons par la route, nous avons toujours peur d’être arrêtés, kidnappés contre rançon ou volés de quelque manière que ce soit. Il n’y a plus aucune partie du Nigeria qui soit vraiment sûre.

Les habitants des villages attaquées creusent des tombes pour les plus de 200 morts. 

Comment cela se manifeste-t-il ?

Malgré la présence d’agents de sécurité partout, nous ne comprenons pas ce qui se passe. Notre pays n’était pas comme ça avant. J’ai grandi dans ce pays. J’ai maintenant 80 ans. Jusqu’à mes 70 ans, nous n’avions pas ce genre de problème. Tout cela a commencé il y a dix ans. Nous sommes réticents à lui donner même une coloration religieuse, mais j’ai bien peur qu’il n’y ait aucun moyen de l’éviter, car il y a définitivement une dimension du terrorisme et du fanatisme islamique. Et encore une fois, aussi délicate que soit la question, nous devons la traiter et demander des comptes aux dirigeants musulmans pour ce que font ces criminels. La réponse générale de nos dirigeants musulmans est de dire que ces personnes ne sont pas musulmanes. Ce sont des criminels. Ils ne font pas ce qu’ils font au nom de l’islam. Mais nous savons que lorsqu’ils se livrent à des actes violents, ils crient des slogans islamiques «Allahu akbar, Allahu akbar». Et donc, ils ont ceux qui prêchent dans leurs mosquées et qui leur disent quoi faire. Nous devons donc faire face à cet aspect. Il y a bien sûr la dimension ethnique et la dimension économique, mais nous n’avons aucune excuse pour permettre que cela continue.

Le Pape François a spécifiquement mentionné la violence au Nigeria, à la fois lors de son message Urbi et Orbi le jour de Noël et également pendant l’Angélus…

Il l’appelle une «horreur» et c’est vrai. C’est horrible. Oui. Et ce message du Pape a été relayé par de nombreux journaux nationaux nigérians. Tout le pays l’a entendu. Ils ont dit que même le Pape s’est immiscé dans notre problème d’insécurité. C’est quelque chose dont nous avons honte. Nous attendons toujours parce que cela s’est produit il y a plus d’une semaine. Jusqu’à présent, nous n’avons pas entendu parler de personnes importantes qui ont été arrêtées, ou d’explications claires sur ce qui s’est passé, qui a fait quoi, pourquoi ils l’ont fait, etc… Pendant ce temps, ceux qui ont été tués, que Dieu reçoive leurs âmes, ont été enterrés. Ceux qui sont en deuil ont pansé leurs plaies et ont regardé vers le ciel pour obtenir de l’aide.

Éminence, les Nigérians sont-ils généralement conscients de la prière du Pape pour eux et de sa proximité ?

Oui, oui. En fait, notre peuple a un très grand respect pour le Pape et le fait qu’il nous ait mentionnés ce jour-là. Pour ceux qui ont été blessés, c’est une grande consolation pour eux. Je ne sais pas ce que les auteurs penseront ou diront de l’intervention du Pape. C’est leur problème. Mais nous qui sommes chrétiens et même d’autres Nigérians, même des musulmans nigérians, d’autres qui qui ne sont pas croyants, qui ne sont pas d’accord avec cette manière de se comporter, sont tous reconnaissants au Pape d’avoir porté notre problème à l’attention du monde entier, car ils savent que lorsque le Pape parle, non seulement les plus de 1,4 milliard de catholiques sur plus de 2 milliards de chrétiens dans le monde entier écoutent, mais presque toute l’humanité écoute.

Source : VATICANNEWS, le 5 janvier 2024

NIGERIA – Un prêtre enlevé dimanche dernier est libéré

Père Marcellinus Obioma Okide

NIGERIA – Un prêtre enlevé dimanche dernier est libéré

Abuja (Agence Fides) – Le Père Marcellinus Obioma Okide, le prêtre enlevé le dimanche 17 septembre (voir Fides 19/9/2023), a été libéré sain et sauf.


Le directeur de la communication du diocèse d’Enugu, le Père Anthony Aneke, a confirmé la libération du Père Okide vendredi matin, mais n’a pas révélé si une rançon avait été payée ou non.
Selon le communiqué, le père Okide a été libéré vers 20 heures le jeudi 21 septembre au soir.


Le communiqué se lit en partie comme suit : « Nous avons le plaisir de vous informer que notre frère et prêtre, le père Marcellinus Obioma Okide, a été libéré. « Le diocèse catholique d’Enugu est reconnaissant à Dieu tout-puissant pour la protection qu’il a accordée au père Okide et vous remercie pour vos prières et vos messes pendant cette période difficile. Que Notre Dame, Aide des Chrétiens, intercède pour nous et pour notre pays, le Nigéria ».

Le prêtre avait été enlevé avec six autres personnes le long de la route Eke-Affa-Egede dans la zone de gouvernement local de l’État d’Udi à l’intérieur à 17 heures le dimanche 17 septembre.

Source : Agence Fides, 22 septembre 2023

Missionnaires enlevés au Nigeria : « J’ai tout remis à Dieu »

Red Confidential | Shutterstock

Enlevés le 3 août lors de l’assaut de leur paroisse au Nigeria, puis libérés après trois semaines de captivité, le père Paul Sanogo et le séminariste Melchior Mahinin ont témoigné de l’épreuve vécue auprès d’ACI Afrique. « Ce que nous avons vécu n’est rien comparé à la passion de Jésus », affirment-ils. 

Trois semaines de captivité, trois semaines d’enfer. Libérés le 24 août par leurs ravisseurs, le père Paul Sanogo et le séminariste Melchior Dominick Mahinini ont vécu un véritable traumatisme, rapporte l’agence de presse catholique ACI Afrique. Ces deux membres de la communauté des Missionnaires d’Afrique avaient été enlevés le 3 août dernier lors d’un assaut mené contre la paroisse Saint-Luc Gyedna, située dans l’État du Niger, au centre-nord du Nigeria. 

Douze hommes armés ont fait irruption dans leur village avant de pénétrer dans leur maison. Si trois confrères ont réussi à s’échapper, le père Paul et Melchior n’ont pas eu cette chance. Alors que leurs ravisseurs leur demandaient de l’argent que les deux hommes n’avaient pas, la fureur des malfaiteurs n’a fait que redoubler. Les deux missionnaires ont été fouettés presque quotidiennement et obligés de dormir sur des rochers, avant de parcourir plusieurs kilomètres pieds-nus pour suivre les déplacement de leurs bourreaux. « Nous étions leurs esclaves », déclare le séminariste Melchior, qui ajoute : « L’absence de liberté et le fait de ne pas avoir la moindre idée de ce qu’ils allaient nous faire subir ont été troublants ». Pourtant, si le traumatisme est fort, leur foi n’en a été que renforcée, affirment-ils. 

Ce que nous avons vécu n’est rien comparé à la passion de Jésus. 

« Lorsque les hommes nous ont emmenés, j’avais tellement peur, pensant au pire qui pouvait nous arriver. Je n’arrêtais pas de prier. Et au fil du temps, j’ai senti ma foi se renforcer. J’ai accepté ma situation et j’ai tout remis à Dieu », déclare ainsi Melchior. « J’ai pensé aux souffrances que nos pères, les premiers Missionnaires d’Afrique, ont enduré lors des débuts de notre Congrégation en Afrique. Beaucoup sont morts, mais ceux qui ont survécu n’ont pas abandonné la mission. Alors que j’étais captif, j’ai pris la ferme décision de ne jamais abandonner ma mission. » 

Accepter la persécution

Les deux hommes ont déjà pardonné à leurs persécuteurs et prient pour leur conversion. « J’ai commencé à prier pour les hommes qui nous ont enlevés le jour même où ils nous ont emmenés. Je continue à prier pour leur conversion afin qu’ils puissent un jour se rendre compte que ce qu’ils font n’est pas bien ».

Pour le père Paul, « notre foi est construite sur la persécution. Ce que j’ai vécu en captivité, c’est ce qu’implique la prêtrise. Jésus lui-même nous l’a dit : il envoie des brebis au milieu des loups. (…) Ce que nous avons vécu n’est rien comparé à la passion de Jésus. J’ai trouvé une grande joie à unir ma douleur à la passion de Jésus ». 

Source: ALETEIA, le 5 septembre 2023

Plus de 50.000 chrétiens tués au Nigeria : tout le monde s’en fout ?

Père Justine John Dyikuk

Une tribune du Père Justine John Dyikuk publiée sur le site de La Croix Africa :

« Tant que l’Église ne se mobilisera pas, la persécution des chrétiens au Nigeria restera une plaie ouverte »

3 juillet 2023

Alors que les violences contre les chrétiens ne cessent de se multiplier au Nigeria, l’État doit prendre ses responsabilités et l’Église en appeler à la communauté internationale, exhorte le père Justine John Dyikuk.

Prêtre catholique, le père Justine John Dyikuk est chargé de cours en communication à l’université de Jos-Nigeria.

« Avec plus de 250 groupes ethniques et environ 220 millions d’habitants, le Nigeria lutte actuellement pour gérer son pluralisme culturel et religieux. Le pays est divisé entre une partie sud majoritairement chrétienne et une partie nord majoritairement musulmane.

Le Nigeria est le pays avec la plus grande fréquentation de messes au monde ! Pour autant, une mauvaise gouvernance y expose les chrétiens à diverses formes de persécution. Selon l’Aide à l’Église en détresse (AED), plus de 100 prêtres et religieuses y ont été enlevés, arrêtés ou tués en 2022. Un rapport similaire de « SBM Intelligence » indique que 145 attaques ont été perpétrées contre des prêtres catholiques l’année dernière.

Autre chiffre : entre 2012 et 2018, le diocèse de Maiduguri a perdu 903 catholiques dans des attaques djihadistes. De même, les régions de Zangon Kataf, Chikun, Kaura, Lere, Kajuru, Jema’a et Kaura de l’État de Kaduna sont des épicentres d’attaques contre des communautés majoritairement chrétiennes où de nombreuses personnes ont été tuées et d’autres se sont retrouvées sans abri. L’État de Kaduna est d’ailleurs celui qui enregistre le plus grand nombre d’enlèvements et d’assassinats de prêtres catholiques.

Plus de 50 000 chrétiens tués

La Société internationale pour les libertés civiles et l’État de droit – une ONG locale – a signalé que déjà plus de 1 000 chrétiens ont été tués au Nigeria depuis le début de l’année. Dans un rapport du 10 avril, l’organisation protestante Portes Ouvertes confirme que le pays est l’un des endroits les plus dangereux « pour suivre Jésus ». Pour Illia Djadi, analyste de l’Afrique subsaharienne de cette organisation, « le Nigeria est actuellement l’un des endroits les plus effrayants pour être chrétien ». La liste de surveillance Portes ouvertesindique qu’au moins 52 250 personnes ont été tuées au cours des 14 dernières années au Nigeria pour la simple raison d’être chrétien.

Il est crucial de comprendre comment les chrétiens réagissent à la persécution dans d’autres régions de l’Afrique. Dans une étude parue en 2018, le prêtre et professeur associé en sciences politiques Robert Dowd révèle que dans des pays comme le Nigeria et le Kenya où la persécution des chrétiens relève principalement de la persécution sociétale, il existe généralement deux types de réponses. Premièrement, les leaders chrétiens font souvent appel au gouvernement pour qu’il garantisse la sécurité des vies et des biens. Deuxièmement, ils s’engagent dans un dialogue interreligieux avec les leaders musulmans en vue d’établir une coexistence pacifique.

La conclusion de Dowd semble convaincante. Cependant, son affirmation selon laquelle la persécution des chrétiens au Nigeria relève d’une persécution sociétale manque de preuves empiriques. Les témoignages sur la situation des chrétiens rapportés par des Nigérians de premier plan (tels que feu l’ancien vice-gouverneur de la Banque centrale du Nigeria, Obadiah Mailafia, ou l’évêque du diocèse de Sokoto, Matthew Hassan Kukah) ainsi que les données générées par des groupes de réflexion internationaux tels que Portes Ouvertes ou le Pew research, suggèrent fortement le contraire.

« Personne ne semble s’en soucier »

Mgr Kukah a par exemple accusé le gouvernement fédéral d’utiliser les leviers du pouvoir pour assurer la suprématie de l’islam, ce qui renforce l’idée qu’elle peut être réalisée par la violence. Les habitants de certaines parties du sud de Kaduna ont rapporté que leurs agresseurs avaient attaqué leurs communautés en hélicoptère – ce qui suppose donc des moyens importants.

« Nous n’avons plus de larmes à verser, se lamentait il y a quelques mois Mgr Godfrey Onah, évêque de Nsukka. Nous pleurons maintenant du sang. » Rappelons que Leah Sharibu, jeune chrétienne enlevée pour avoir refusé de se convertir à l’islam, et d’autres chrétiens sont toujours aux mains de leurs ravisseurs. Personne ne semble s’en soucier. Outre ces personnes kidnappées, des milliers de chrétiens se trouvent dans des camps de personnes déplacées (IDP) dans les États de Borno, d’Adamawa, de Benue et de Taraba.

Le fait que ceux qui détruisent des villages et prennent des otages ne soient pas traduits en justice envoie un mauvais signal. La complicité des acteurs étatiques qui collaborent avec des acteurs non étatiques pour semer la terreur est préoccupante. L’État, en tant que détenteur du monopole de la violence légale, doit assumer ses responsabilités.

Changer le récit sur ces violences

L’Église doit solliciter les responsables des organisations internationales telles que le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies, l’Union européenne, la Commission de l’Union africaine, ou encore le Département d’État américain. L’Église doit leur fournir suffisamment de données sur la réalité sur le terrain tout en combinant des solutions spirituelles et politiques avec des manifestations massives, un militantisme actif sur les réseaux sociaux et une parole unie. Cela peut changer le récit sur ces violences.

Il est important que les chrétiens de tout le Nigeria cherchent à gagner les médias internationaux tels que la BBCRFIVoice of AmericaChina Radio InternationalDeutsche Welle, etc., afin de rapporter des témoignages oculaires de leur situation. Les chrétiens autochtones du nord devraient former leurs enfants à la langue locale et renforcer leur expression linguistique afin d’avoir une voix dans les médias internationaux. Le nouveau gouvernement entré au pouvoir fin mai agira-t-il différemment ? Tant que l’Église de la région et du pays tout entier ne se mobilisera pas, la persécution des chrétiens au Nigeria restera une blessure ouverte. »

Père Justine John Dyikuk

Source : La Croix AFRICA, le 4 juillet 2023

Appel à la canonisation de 40 Nigérians tués dans des attentats contre des églises

L'église catholique San Francisco Xavier, à Owo © Jorge Enrique Mújica, LC- Evangelidigitalización
L’église Catholique San Francisco Xavier, À Owo © Jorge Enrique Mújica, LC- Evangelidigitalización

Appel à la canonisation de 40 Nigérians tués dans des attentats contre des églises

« Un procès en béatification contribuerait grandement à renforcer la foi des chrétiens persécutés »

« Si l’Église ouvrait un procès en béatification, cela contribuerait grandement à renforcer la foi de ceux qui pratiquent leur foi dans des régions déchirées par la guerre ou dans des régions comme le nord du Nigeria, où la plupart de ceux qui se disent chrétiens sont persécutés », appelle un prêtre nigérian.

Par : John Newton et Filipe d’Avillez

(ZENIT News / Owo, Nigeria, 04 juin 2023) – Un prêtre nigérian a demandé la béatification de plus de 40 chrétiens qui ont péri lors d’une attaque contre l’église Saint-François-Xavier dans le sud-ouest du Nigeria.

Le père Emmanuel Faweh, recteur de l’Institut Saint-Albert, dans le diocèse de Kafanchan, a déclaré à l’organisation caritative catholique Aide à l’Église en détresse (AED) que les 41 catholiques qui ont perdu la vie au cours d’une messe le dimanche de la Pentecôte sont des martyrs et que la première étape de leur chemin vers la sainteté doit être franchie : « Pour moi, en tant que prêtre de la sainte Église catholique romaine, ce ne serait pas une mauvaise idée si l’Église décidait d’ouvrir une cause de béatification pour ceux qui ont perdu la vie dans cet attentat, parce qu’ils sont morts en professant leur foi. Ils sont morts alors qu’ils adoraient Dieu dans leur propre maison. Si l’Église ouvrait un procès en béatification, cela contribuerait grandement à renforcer la foi de ceux qui pratiquent leur foi dans des régions déchirées par la guerre ou dans des régions comme le nord du Nigeria, où la plupart de ceux qui se disent chrétiens sont persécutés ».

L’attentat du 5 juin 2022 a fait plus de 70 blessés, dont beaucoup ont vu leur vie bouleversée.

Le massacre d’Owo, dans l’État d’Ondo, c’est la première fois qu’une église chrétienne est attaquée aussi loin au sud du Nigeria, la plupart des attaques se produisant dans le nord-est, ou Middle Belt.

Le père Faweh a déclaré que si les terroristes, qui ont perpétré l’attaque, voulaient effrayer les chrétiens ou affaiblir leur foi, ils ont échoué : « Certaines des victimes portent encore leurs cicatrices et les appellent leur marque d’honneur, un rappel que leur foi l’emportera sur n’importe quel type d’attaque de la part de ceux qui veulent arrêter la propagation de la foi au Nigéria.

Le prêtre a décrit le témoignage remarquable de l’une des victimes de l’attentat de l’année dernière, lors de la réouverture de la paroisse Saint-François-Xavier à Pâques : « Au cours de la célébration, l’une des survivantes, une infirmière qui a perdu ses deux jambes et un œil, était remplie de joie et de gratitude et a déclaré : « Je suis venue avec mes cicatrices comme un insigne d’honneur, et il n’y a rien sur la surface de la terre qui puisse faire fléchir ma foi ».

Le père Faweh a ajouté : « Nous nous souvenons de cet attentat terroriste avec des sentiments mitigés. »

Il y a un sentiment de gratitude car, malgré tout ce qui se passe, les gens continuent à professer leur foi. Mais il y a aussi de la douleur, de la douleur que le gouvernement, dont la seule responsabilité est la protection de la vie et des biens, n’ait  pas poursuivi les criminels, qui ont déclenché cette attaque contre des personnes très innocentes, il y a un an », a déclaré le recteur de l’Institut St Albert.

Selon le recteur de l’Institut St Albert, la communauté chrétienne espère que l’administration du nouveau président Bola Tinubu, qui a prêté serment lundi 29 mai, s’attaquera avec succès au problème de la violence extrémiste : « Nous prions et espérons que le gouvernement actuel sera en mesure de consolider la lutte contre le terrorisme entamée par les gouvernements précédents. Puisse ce gouvernement avoir la volonté de nommer les commanditaires de ces terroristes et de les poursuivre en justice, afin de décourager ceux qui gagnent de l’argent grâce à ces crises et aux attaques terroristes qui ont eu lieu dans ce pays ».

Le père Faweh a déclaré à l’AED : « Nous garderons espoir, nous resterons concentrés et rien ne nous dissuadera d’adorer notre Dieu en vérité et en esprit ».

Source : ZENIT. ORG, le 6 juin 2023

5068 Nigérians ont été tués à cause de leur foi chrétienne en 2022

Un groupe de défense des droits de l’homme dresse le bilan du « massacre des chrétiens » au Nigeria en 2023.

La Société internationale pour les libertés civiles et l’État de droit (Intersociety), groupe de défense des droits de l’homme, de la démocratie, de l’état de droit et de la sécurité au Nigeria, vient de publier un rapport selon lequel 5 068 citoyens ont été massacrés parce qu’ils étaient chrétiens au Nigeria en 2022. L’organisation ajoute que 1 041 chrétiens ont également été massacrés au cours des 100 premiers jours de 2023.

Le groupe de défense dénonce « le massacre de chrétiens par les bergers peuls djihadistes protégés par le gouvernement central nigérian dans l’État de Benue ». Pour Intersociety, ce phénomène a même « atteint son apogée ».

« Les attaques djihadistes protégées par le gouvernement fédéral ont également généré pas moins de 2 millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays », précise Intersociety, qui pointe particulièrement le gouvernement sortant de l’État de Benue.

« Outre la conspiration effrontée et les attitudes nonchalantes du gouvernement fédéral sortant du Nigeria et des agences de sécurité fédérales, le gouvernement sortant de l’État de Benue a également échoué lamentablement à protéger les citoyens chrétiens de l’État. Le gouvernement de l’État, à part crier occasionnellement, a malheureusement échoué à mettre en place des mesures proactives pour faire échec et mater de telles attaques. »

Et elle l’explique en dénonçant « les djihadistes » qui « envahissent maintenant à volonté n’importe quelle communauté chrétienne de leur cible et massacrent ses indigènes et s’emparent de leurs terres et propriétés à volonté ».

Le rapport dresse également le bilan des années qui ont suivi le « soulèvement islamique » de 2009. « 52 250 chrétiens et 34 000 musulmans modérés ou 85 250 croyants tués depuis juillet 2009 », révèle le rapport. Ce sont aussi « 14 millions de chrétiens déracinés et 5 millions forcés de vivre dans des camps de déplacés internes et de réfugiés », « 18 000 Églises et 2 200 écoles chrétiennes attaquées ». « Pas moins de 50 millions de chrétiens, dont la majorité dans le nord du Nigeria, font face à de sérieuses menaces de la part des djihadistes parce qu’ils se disent chrétiens », alerte le groupe de défense.

M.C.

Source : INFOCHRETIENNE, le 19 avril 2023

Nigeria: au moins trois morts dans une nouvelle attaque contre une église catholique

Une messe d'enterrement à l'église catholique St François, dans l'Etat d'Ondo, au Nigeria, le 17 juin 2022. Une messe d’enterrement à l’église catholique St François, dans l’Etat d’Ondo, au Nigeria, le 17 juin 2022.

Nigeria: au moins trois morts dans une nouvelle attaque contre une église catholique

Un groupe terroriste, composé de plusieurs hommes armés, a ouvert le feu pendant la messe le 19 juin après avoir attaqué plusieurs villages de l’Etat de Kaduna. Ils ont abattu trois personnes et ont enlevé 36 autres, ont informé ce lundi les autorités nigérianes. 

Vatican News

Au moins trois personnes ont été tuées et trente-six enlevées, selon le bilan d’une nouvelle attaque au Nigeria, survenue dimanche 19 juin contre les fidèles de l’église catholique de Saint-Moïse, dans l’État de Kaduna (centre-ouest du pays). Le commando terroriste a attaqué les fidèles au cours de la messe dominicale, abattant trois personnes et blessant plus ou moins gravement d’autres, rapporte l’Agence Fides.

Les ravisseurs ont ensuite «libéré deux otages, dont un chef de communauté. Trente-quatre personnes sont toujours entre les mains des bandits», ont informé de leur côté les autorités nigérianes. Les victimes ont toutes été emmenées d’urgence à l’hôpital de la région.

Nouvelles attaques et assauts dans l’église

Selon des sources officielles, le commando, composé de plusieurs hommes armés, est arrivé en mouvement et a pris d’assaut plusieurs villages, à commencer par celui d’Ungwan Fada. Dans le village de Robuh, des attaques ont été perpétrées contre les fidèles de l’église baptiste de Maranatha et de l’église catholique Saint-Moïse. Le village de Robuh, rappelle l’agence Fides, avait déjà été attaqué le 5 janvier 2022 et auparavant, le 27 avril 2020.

Les fidèles de l’Église catholique et ceux de l’Église méthodiste avaient pour cette raison décidé de tenir les offices dominicaux à 7 heures du matin, afin de permettre aux participants de rentrer chez eux le plus tôt possible. Ce dimanche 19 juin, les assaillants ont lancé l’attaque peu après 7 heures du matin.

Le Nigeria est secoué, depuis plusieurs mois, par des attaques tragiques. Le Dimanche 5 juin, une quarantaine de fidèles ont perdu la vie lors de l’assaut contre l’église Saint-François-Xavier d’Owo, dans l’État d’Ondo, au sud-ouest du Nigeria.

Source: VATICANNEWS, le 20 juin 2022

NIGERIA – « Agression commise par un groupe bien organisé. Le nombre de victimes est probablement plus élevé que le nombre officiel »

NIGERIA – « Agression commise par un groupe bien organisé. Le nombre de victimes est probablement plus élevé que le nombre officiel »

Abuja (Agence Fides) –  » Ceux qui ont commis le massacre du 5 juin dans l’église Saint-François-Xavier d’Owo sont un groupe bien organisé et bien entraîné « , ont déclaré à l’Agence Fides des sources de l’Église au Nigeria qui, pour des raisons de sécurité, ont requis l’anonymat.


« Les assaillants sont arrivés à la fin de la messe de Pentecôte, se mêlant aux fidèles qui quittaient le lieu de culte.

Ils se sont divisés en petits groupes qui ont commencé à faire détoner des engins explosifs et à tirer sur les fidèles à l’intérieur et à l’extérieur de l’église, ce qui dénote une maîtrise des armes et des tactiques de guérilla », expliquent les sources de Fides.

« Le bilan officiel de 22 morts communiqué par les autorités doit être revu à la hausse », ajoutent-ils. « Probablement une cinquantaine de personnes ont été tuées sur place, auxquelles il faut ajouter celles qui ont succombé plus tard à leurs blessures ».

Le caractère dramatique des conditions et du nombre de blessés est indirectement attesté par les différents appels au don de sang lancés par les autorités sanitaires immédiatement après le massacre.

« Nous sommes vraiment inquiets parce que le massacre a été commis dans un État comme l’Ondo, dans le sud-ouest, qui a jusqu’à présent été épargné par la violence qui sévit dans d’autres régions du Nigeria », soulignent nos sources.


« Les communautés chrétiennes et les catholiques en particulier se sentent menacés. A présent, il ne se passe pas une semaine sans qu’un prêtre catholique ne soit kidnappé.

Même la veille du massacre du 5 juin, un autre avait été enlevé, dans un État voisin « , rappellent les sources en faisant référence à l’enlèvement, le samedi 4 juin, du père Christopher Itopa Onotu, pasteur de l’église de Notre-Dame du Perpétuel Secours, à Obangede, dans la zone de gouvernement local d’Okehi, dans l’État de Kogi, limitrophe de celui d’Ondo (voir Fides 7/6/2022).

« Ce qui plonge la population nigériane dans le désespoir, c’est que la plupart des meurtriers et des kidnappeurs n’ont pas été traduits en justice. Et cela génère une méfiance envers l’État et la tentation de se protéger soi-même », concluent nos sources.


La tension monte au Nigeria alors que la campagne pour les élections présidentielles de février 2023 est désormais lancée.

Source: Agence Fides, le 8 juin 2022

Au Nigeria, le cri du cœur de l’évêque de Nsukka face à la violence

2018.10.11 Monseigneur Godfrey Igwebuike Onah2018.10.11 Monseigneur Godfrey Igwebuike Onah

Au Nigeria, le cri du cœur de l’évêque de Nsukka face à la violence

«Comment prêcher l’amour quand la violence devient la règle?», s’est demandé Monseigneur Godfrey Igwebuike Onah, à la suite de la lapidation à mort, pour «blasphème», de Deborah Samuel Yakubu. L’évêque de Nsukka invite à pleurer et à prier pour le Nigeria, confronté à divers maux.

Christian Kombe, SJ – Cité du Vatican

Il y a une semaine, Deborah Samuel Yakubu, une jeune étudiante chrétienne de l’école Shenu-Shagari dans l’État nigérian de Sokoto, était lapidée à mort par une dizaine d’étudiants musulmans qui l’accusaient de blasphème suite à une note vocale postée sur la messagerie WhatsApp. Alors que ce meurtre a choqué tant au Nigeria que dans le reste du monde, suscitant une vague d’indignations et d’appels à la justice, l’arrestation de deux suspects a provoqué de violentes manifestations à Sokoto pour exiger leur libération, accompagnées d’attaques de commerces et lieux de cultes chrétiens; des attaques dirigées entre autres contre l’évêque du lieu, Mattew Hassan Kukah. Dans un message diffusé lundi 16 mai, Monseigneur Godfrey Igwebuike Onah, évêque de Nsukka, dans l’État d’Enugu (au sud-est) a exprimé sa vive tristesse face aux évènements qui se déroulent dans le pays.

Pleurer et prier pour le Nigeria

«Aujourd’hui, j’aurais préféré ne pas être ici, pour vous prêcher. Aujourd’hui, j’aurais préféré m’enfermer dans ma chapelle, pleurer et prier pour ma nation où les ténèbres se sont abattues», a confié Monseigneur Godfrey Onah. Les pleurs et la prière de l’évêque nigérian vont tout d’abord à l’intention de «Deborah Emmanuel qui a été tuée, parce qu’elle se trouvait dans une partie du Nigeria qu’elle pensait être chez elle, mais qui ne l’était pas». Dans sa tristesse, l’ordinaire de Nsukka a déclaré qu’il voulait également pleurer et prier pour l’Église, au Nigeria comme ailleurs, pour les attaques répétées dont ses membres font l’objet. Faisant référence aux manifestations violentes ayant eu lieu à Sokoto, Monseigneur Onah a exprimé sa sollicitude pour son confrère dans l’épiscopat, «l’évêque Mattew Hassan Kukah, acclamé dans le monde entier comme la voix des sans-voix, qui est maintenant devenu une cible facile pour ces mêmes sans-voix qui le voient comme une partie de leur problème plutôt qu’une partie de la solution».

Prier pour les assassins de Deborah Emmanuel

Monseigneur Onah s’est également tourné vers les assassins de Deborah Samuel, invitant à considérer leur pauvreté et leur misère. Le prélat déclare pleurer et prier pour des gens «laissés délibérément sans éducation et sans emploi afin qu’ils puissent être manipulés, soumis à un lavage de cerveau et instrumentalisés à des fins politiques par des religieux bigots et des politiques égoïstes». Il a par ailleurs mis en garde les leaders religieux qui se complaisent d’une condamnation ambivalente du mal lorsque le coupable fait partie de leur communauté.

Comment prêcher l’amour devant tant de violence?

Pour l’évêque Onah, les maux dont souffre le pays rendent difficile de prêcher l’amour, l’essence du christianisme. «Comment peut-on prêcher l’amour dans un pays où la violence est devenue une règle? Où la haine et l’intolérance sont devenues des normes plutôt que des exceptions? Où la corruption est devenue une culture et une tradition? Où l’impunité est devenue la loi?» s’est-il interrogé. Il a souligné la responsabilité des leaders politiques qui ont laissé le pays s’effondrer et qui sont toujours à la recherche des bouc-émissaires.

La vidéo de ce cri du cœur de Monseigneur Godfrey Igwebuike Onaha a fait le tour des réseaux sociaux, ravivant notamment le choc de la disparition brutale de Deborah Emmanuel Yakubu.

Source: VATICANNEWS, le 19 mai 2022