Pacem in Terris: le Pape appelle à un monde sans armes nucléaires

La conférence Pacem in Terris mardi 19 septembre coincide avec les huit ans du voyage du Pape à Cuba (19 au 28 septembre 2015).

Pacem in Terris: le Pape appelle à un monde sans armes nucléaires

En commémoration de la publication il y a soixante ans de l’encyclique « Pacem in Terris » du Pape Jean XXIII, l’Académie pontificale des Sciences sociales et l’Institut de recherche sur la paix d’Oslo organise ce mardi 19 septembre une conférence sur les obstacles à la paix dans le monde. Dans un discours adressé aux participants, François a déploré la place toujours omniprésente aujourd’hui des armes nucléaires dans les conflits mondiaux. 

Alexandra Sirgant – Cité du Vatican 

Du 19 au 20 septembre, l’Académie pontificale des Sciences sociales et l’Institut de recherche sur la paix d’Olso organisent conjointement une conférence intitulée « Pacem in Terris: War and other Obstacles to Peace », afin de commémorer les soixante ans de l’encyclique de Jean XXIII. Considérée comme le testament de ce dernier, décédé deux mois après sa parution en 1963, l’encyclique sur la paix entre les peuples et les nations s’inscrivait dans un contexte de guerre froide, en pleine crise des missiles de Cuba. Hasard du calendrier, ce mardi 19 septembre marque également les huit ans du voyage du Pape François à Cuba et aux États-Unis, qui s’est déroulé du 19 au 28 septembre 2015.

Dans un discours adressé au cardinal Peter K.A. Turkson, chancelier de l’Académie pontifical des Sciences sociales, François a rappelé que cette conférence venait «à point nommé», alors que «le monde est en proie à une troisième guerre mondiale» et que «dans le cadre tragique de la guerre en Ukraine, la menace d’un recours à l’arme nucléaire persiste».

En soixante ans, une accélération du recours au nucléaire 

François appelle les participants à cette conférence à porter une attention particulière aux passages de « Pacem In Terris » consacrés au désarmement nucléaire. «En effet, a souligné le Saint-Père, la situation actuelle ressemble étrangement à la période qui a précédé « Pacem in Terris », lorsque qu’octobre 1962, avec la crise des missiles de Cuba, le monde a frôlé la destruction nucléaire généralisée». Le Souverain pontife a poursuivi en déplorant que depuis «cette menace apocalyptique», «non seulement le nombre et la puissance des armes nucléaires ont augmenté, mais d’autres technologies d’armement se sont développées, et le consensus de longue date sur l’interdiction d’utilisation des armes chimiques et biologiques est remis en question».

«C’est notre responsabilité à tous de maintenir vivante la vision « qu’un monde sans armes nucléaires est possible et nécessaire »» a rappelé François, en faisant allusion à son propre discours au Corps diplomatique du Saint-Siège du 10 janvier 2022.  

Le Pape s’est également penché sur les problèmes éthiques soulevés par «l’utilisation, dans les guerres contemporaines, d’armes dites « conventionnelles », qui ne devraient être utilisées qu’à des fins défensives et ne pas être dirigées contre des cibles civiles».

Le Souverain pontife a conclu en réitérant la prière d’espérance formulée par le Pape Jean XXIII en conclusion de son encyclique, selon laquelle «par la puissance et l’inspiration de Dieu, tous les peuples puissent s’embrasser comme des frères et sœurs, et que la paix à laquelle ils aspirent puisse fleurir et régner parmi eux».

Source : VATICANNEWS, le 19 septembre 2023

Le cardinal Stella promeut la réconciliation et la fraternité à Cuba

Le cardinal Stella à La HavaneLe cardinal Stella à La Havane

Le cardinal Stella promeut la réconciliation et la fraternité à Cuba

À l’occasion de la commémoration du 25e anniversaire de la visite du Pape Jean-Paul II à Cuba, le cardinal Beniamino Stella, dans son discours à l’université de La Havane, a appelé à la promotion de la réconciliation. Il a profité de son séjour dans l’île pour appeler à la libération des détenus qui ont manifesté contre le gouvernement en 2021.

Vatican News

«Je suis venu célébrer et revivre avec vous l’héritage du saint Pape Jean-Paul II, messager de la vérité et de l’espérance»: ce sont les mots du cardinal Beniamino Stella, envoyé du Pape François à Cuba, dans son discours à l’Université de La Havane le 8 février, en présence du président cubain Miguel Díaz-Canel. Le prélat est sur l’île des Caraïbes pour commémorer la visite historique de Jean-Paul II, qui eut lieu du 21 au 25 janvier 1998.

La culture est fondamentale pour cultiver les valeurs humaines

Le prélat du Vatican a rappelé le «discours éloquent» du Pape Jean-Paul II à cette université, dans lequel il partagea une définition de la culture qui nous renvoie aux enseignements du Concile Vatican II dans la constitution pastorale Gaudium et Spes«La culture est la manière particulière dont les gens expriment et développent leurs relations avec la création, entre eux et avec Dieu, formant l’ensemble des valeurs qui caractérisent un peuple et les traits qui le définissent. Ainsi comprise, la culture revêt une importance fondamentale pour la vie des nations et pour la culture des valeurs humaines les plus authentiques.»

«La foi chrétienne s’incarne dans la culture et, de cette manière, devient aussi un fait culturel et la culture un fait religieux», a ajouté le cardinal.

Promouvoir une culture de la rencontre

«Il est nécessaire – a-t-il poursuivi – de promouvoir une réconciliation et une fraternité authentiques, non pas fondées sur la similitude des idées, mais qui vont à la rencontre des autres dans leur diversité. Pour cela, il est essentiel que chacun continue à s’engager pour éduquer aux valeurs et renforcer la maturité éthique des jeunes.»

Qu’ils s’engagent dans leur réalité et qu’ils réalisent leurs rêves et leurs projets à Cuba ; qu’il n’y ait pas de haine ou de confrontation entre frères et sœurs, mais qu’ils construisent plutôt une «culture de la rencontre» qui offre des ponts sur lesquels nous pouvons voyager à la poursuite du bien commun dont nous sommes tous responsables.

Que les enfants de Cuba soient des hommes et des femmes libres

«Il est certain que Cuba doit être libre de toute ingérence et de toute sujétion, tout comme elle doit aussi être un Cuba où ses enfants sont des hommes et des femmes libres», a-t-il déclaré. «Ce sont quelques-uns des défis qui nous attendent et cela est commun à toutes les nations et encore plus en ce changement d’ère, selon les mots du Pape François».

«Le Pape espère vivement qu’il y aura une réponse positive» du gouvernement cubain aux demandes de l’Église concernant la libération des personnes ayant pris part aux manifestations du 11 juillet 2021, a déclaré le cardinal Stella aux médias après s’être exprimé à l’Université de La Havane. À cet égard, il a jugé secondaire que la libération des manifestants soit juridiquement considérée comme une amnistie ou une clémence.

«Il est important que les jeunes qui ont autrefois exprimé leurs pensées de la manière que l’on sait puissent rentrer chez eux», a-t-il souligné. Le cardinal, qui a été nonce apostolique à La Havane de 1992 à 1999, a déclaré qu’au cours de sa visite à Cuba – qui s’achève ce vendredi – il a pu exprimer ce «désir ardent» de l’Église aux autorités cubaines, dans l’espoir que, de ce «moment utile et positif» qu’a constitué son voyage, «de nouvelles choses naissent pour le peuple cubain». Il a également souligné le rôle du dialogue, fondé sur «la gentillesse et le respect», tant dans ses entretiens avec de hauts responsables cubains que dans les relations entre La Havane et les États-Unis, car «les solutions peuvent être trouvées en discutant». Le Vatican espère que «ceux qui ont le pouvoir puissent se parler, s’écouter», car «il peut en sortir des choses qui profitent au peuple cubain», a-t-il ajouté. «J’espère qu’il (ce dialogue) aura lieu et qu’il aura lieu bientôt», a-t-il déclaré, «et qu’il deviendra une étape importante pour de nombreuses avancées dont le peuple cubain a grandement besoin. Il y a des choses qui doivent être faites et faites vite».

Source : VATICANNEWS, le 10 février 2023

Lettre du Pape François aux Cubains, 25 ans après la visite de Jean-Paul II

Le Pape Jean-Paul II saluant les fidèles à l'issue de la messe célébrée à La Havane, le 25 janvier 1998.Le Pape Jean-Paul II saluant les fidèles à l’issue de la messe célébrée à La Havane, le 25 janvier 1998.

Lettre du Pape François aux Cubains, 25 ans après la visite de Jean-Paul II

Vingt-cinq ans après le voyage du Pape Jean Paul II à Cuba, son successeur François a écrit une lettre au peuple cubain dans laquelle il revient sur l’exhortation du Pape polonais à affronter l’avenir. François invite les catholiques cubains à marcher ensemble dans l’espérance et à «revenir à leurs racines cubaines et chrétiennes». 

Olivier Bonnel – Cité du Vatican 

Un quart de siècle après la visite du Pape Jean-Paul II à Cuba, le Pape François fait mémoire de cet événement dans une lettre au peuple cubain, adressée précisément au «saint peuple de Dieu qui pérégrine à Cuba». À l’occasion de cet anniversaire, le cardinal Beniamino Stella, préfet émérite du dicastère pour le Clergé a été invité par la conférence épiscopale cubaine. 

«Je voudrais que vous rappeliez en cet instant dans vos cœurs les gestes et les paroles que mon prédécesseur vous a adressés lors de sa visite, afin qu’ils résonnent puissamment dans le présent et donnent un nouvel élan pour continuer à construire l’avenir de votre nation avec espoir et détermination», écrit François. L’une de ses exhortations à l’époque était la suivante: «Affrontez les grands défis du moment présent avec force et tempérance, avec justice et prudence ; revenez à vos racines cubaines et chrétiennes et faites tout ce que vous pouvez pour construire un avenir toujours plus digne et toujours plus libre ! N’oubliez pas que la responsabilité fait partie de la liberté. En outre, une personne se définit principalement par ses responsabilités envers les autres et devant l’histoire», (Message à la jeunesse de Cuba, 23 janvier 1998).

Un esprit ouvert, accueillant et solidaire

«Je vous encourage moi aussi, poursuit le Souverain pontife, à revenir à vos racines cubaines et chrétiennes, c’est-à-dire à votre propre identité, qui a généré et continue de générer la vie de votre pays». Des racines qui au cours des années ont été renforcées, explique François, et qui peuvent se voir dans le témoignage quotidien des Cubains, qui se vérifie notamment auprès des plus démunis. Dans sa missive, le Pape salue ainsi l’esprit qui caractérise à ses yeux le peuple cubain: «ouvert, accueillant et solidaire».

Le Pape Jean-Paul II et Fidel Castro le 25 janvier 1998 à La Havanne.

Le Pape Jean-Paul II et Fidel Castro le 25 janvier 1998 à La Havanne.

«Continuez à marcher ensemble dans l’espérance, sachant que toujours, et surtout au milieu de l’adversité et de la souffrance, Jésus et sa Sainte Mère vous accompagnent, note encore François, vous aident à porter votre croix et vous consolent dans la joie de la résurrection».

L’arbre qui étend ses racines

Dans cette lettre, le Pape rappelle aussi combien Cuba compte «des grands écrivains et artistes», et cite le père Felix Varela, l’un des pères fondateurs de la nation cubaine, évoquant lui aussi les racines, à travers la métaphore d’un arbre: «Après s’être enraciné, l’arbre déploiera bientôt ses branches et la vertu se reposera à son ombre». Un arbre, «plein de vitalité, note encore le Pape, qui pourrait bien représenter l’homme qui enracine sa confiance dans le Seigneur».

«Je vous invite à continuer à approfondir vos racines avec courage et responsabilité, et à continuer à porter des fruits unis dans la foi, l’espérance et la charité», conclut François, qui s’était rendu à Cuba en septembre 2019. Après le voyage apostolique de Jean-Paul II, Benoît XVI avait également visité l’île castriste en mars 2012.

Source: VATICANNEWS, le 14 janvier 2023

Manifestations à Cuba : des jeunes catholiques sont arrêtés par le régime communiste

Isabel Amador Pardías, Karem del Pilar Refeca et Neife Rigau. Crédit : Facebook

Manifestations à Cuba : des jeunes catholiques sont arrêtés par le régime communiste

Des informations faisant état d’arrestations de jeunes Cubains, appartenant à des paroisses, à des initiatives démocratiques et aux médias, ont été rapportées sur les réseaux sociaux ces derniers jours après les manifestations historiques du 11 juillet réclamant la liberté pour Cuba.

« La rafle maintenant, c’est pour les informations partagées sur les réseaux, surtout celles qui touchent les jeunes catholiques. Les cas les plus visibles sont pour cette raison, ils font des prisonniers une semaine plus tard », a déclaré à ACI Prensa Osvaldo Gallardo, un catholique laïc de Camagüey, qui réside actuellement à Miami.

L’objectif est de couper les canaux de communication avec l’étranger et pour cette raison, le gouvernement recherche dans leurs maisons des Cubains qui dénoncent les arrestations et les répressions de leurs réseaux sociaux ; en plus de poursuivre les arrestations de ceux qui ont participé aux manifestations.

L’une des plaintes les plus récentes est l’arrestation, le 16 juillet, d’Isabel María Amador Pardías et de Karem del Pilar Refeca Remón, à Bayamo, dans le sud de Cuba. Les deux cousins ​​appartiennent au ministère de la jeunesse et ont été enlevés de chez eux par des agents du régime communiste.

Isabel Amador est également correspondante du Réseau catholique de la jeunesse cubaine (RCJ).

Un autre des détenus est Serguis González Pérez, fils du diacre Sergio González de l’église de San Nicolás de Bari à Mayabeque ; et Evelio Bacaro, trésorier et organiste de la même église. Bacaro est arrêté depuis dimanche 11 et se trouverait au Département technique d’enquête (DTI) de San José de las Lajas.

Eduardo Cardet, coordinateur national du Mouvement chrétien de libération, a également dénoncé que jeudi 15 le jeune Jonathan E Porto Dilut, un membre du MCL âgé de 24 ans, a été arrêté à Palma Soriano. « Maintenant, le régime procède à des arrestations massives dans tout le pays de participants présumés aux manifestations », a-t-il déclaré hier à ACI Prensa.

De même, depuis le début des manifestations, Neife Rigau, une jeune catholique qui participe à la pastorale et qui est également dessinatrice dans le média La Hora de Cuba, a été arrêtée. Avec elle sont également détenus Henry Constantín Ferreiro, directeur du même médium, et la photographe Iris Mariño.

La Hora de Cuba a rapporté que les trois étaient dans la deuxième unité de la police nationale révolutionnaire (PNR), et que ce vendredi, ils ont été transférés à l’unité technique d’enquête du ministère de l’Intérieur, à Camagüey.

Les médias ont averti que le lieu où les trois journalistes ont été envoyés est connu « pour ses méthodes plus sévères d’interrogatoires et d’enquêtes informatives ».

« La veille, le délai de 96 heures imparti par la Cour provinciale pour répondre à l’affaire a expiré. Cependant, nous avons été informés que le cas des trois est allé au bureau du procureur, ce qui signifie un délai supplémentaire de 72 heures pour émettre une accusation formelle et pouvoir engager un avocat », a-t-il déclaré.

Hier, jeudi, le Comité des Nations Unies contre les disparitions forcées a remis au représentant permanent de Cuba auprès de l’ONU la demande d' »action urgente concernant la prétendue disparition forcée de 187 personnes », ceci à la suite d’une plainte déposée par l’ONG Prisoners Defenders. . Cependant, le nombre de détenus serait incertain.

ACI Prensa a eu accès à une liste de plus de 400 noms de Cubains, dont beaucoup seraient détenus et d’autres dont la localisation serait encore inconnue de leurs familles.

Parmi les noms figurent María de Fátima Victores Amador, Mario Olvia Cisneros, Maydelisa Labrada, Mayra Taquechel, Luis Yordan Carranza Pérez, Maike Gallardo, Oscar Castro Moncada, entre autres.

Source: ACIPRENSA.COM, le 16 juillet 2021

Quelle est l’attitude du Vatican face à la montée de l’opposition au régime communiste de Cuba ?

Pope Francis greets pilgrims in Havana's Revolutionary Square before Mass September 22, 2015.Le pape François rencontre les pèlerins sur la Place de la Révolution avant la messe du 22 septembre 2015. (photo: Vatican Media)

Quelle est l’attitude du Vatican face à la montée de l’opposition au régime communiste de Cuba ?

La réponse publique limitée du pape François aux manifestations à Cuba suscite des réactions mitigées

Certains dissidents cubains disent que le Vatican devrait soutenir plus énergiquement la réforme politique, tandis que d’autres voix disent que le leadership de l’Église se concentre sur la prévention de la violence et la promotion de la liberté religieuse.

3 août 2021

Depuis que les manifestations ont balayé Cuba le 11 juin, une série de politiciens américains, de nations étrangères et même de pop stars se sont exprimés avec enthousiasme pour soutenir les protestations anticommunistes et contre le gouvernement autoritaire de l’île-nation et ses répressions. Mais, comparativement, une voix a été réservée : celle du pape François.

Depuis le début des manifestations, le Saint-Père n’a abordé publiquement qu’une seule fois la crise politique à Cuba – un pays où la majorité des habitants sont baptisés catholiques malgré plus de 60 ans de régime communiste – et encore, brièvement. Lors de son discours de l’Angélus du 18 juillet, sa première apparition publique après une opération mineure, le Saint-Père a exprimé sa proximité avec le peuple cubain « en ces moments difficiles ».

« Je prie pour que le Seigneur aide la nation à construire une société de plus en plus juste et fraternelle à travers la paix, le dialogue et la solidarité », a déclaré le pape François, avant d’exhorter tous les Cubains à se confier à Notre-Dame de Charité, la patronne de Cuba.

Plusieurs Cubains étaient présents sur la place Saint-Pierre pour entendre les paroles du pape, beaucoup d’entre eux brandissant le drapeau de leur pays. Selon un rapport, les personnes rassemblées ont trouvé du réconfort dans le discours du Saint-Père.

« Tout ce que nous voulions, c’était que le pape ait pitié et intervienne parce que nous avons pu quitter [Cuba] mais que nos frères et sœurs ne vivent pas en liberté », a déclaré à Crux Deborah, une Cubaine présente, qui n’a été identifiée que par son prénom par crainte de représailles du gouvernement contre sa famille. « C’est réconfortant de savoir qu’il n’a pas déçu ».

Critiques du pape François et de la direction de l’Église

Mais pour d’autres Cubains, le pape François et la réponse plus large du Vatican à la crise à Cuba ont été, en fait, une déception. Les dirigeants de l’Église ont été critiqués pour leur incapacité à s’exprimer plus fermement contre le communisme et en faveur des manifestants qui réclament un changement politique.

Maria Victoria Olavarrieta, une Cubaine enseignant dans une école catholique de Miami, a écrit une lettre au Saint-Père, largement diffusée, dans laquelle elle lui disait que le peuple chrétien « n’a pas besoin d’un leader social ou d’un diplomate. Nous voulons un pasteur, une pierre ferme où l’Église peut être soutenue ». Elle ajoute que le peuple cubain se sent abandonné par son berger dans un contexte de répression gouvernementale et demande au Saint-Père de « prier et d’agir pour que plus personne ne meure » à Cuba, ou au Venezuela ou au Nicaragua, deux autres pays d’Amérique latine soumis à la répression.

D’autres Cubains opposés au gouvernement de leur pays ont exprimé leur frustration à l’égard de François et des dirigeants de l’Église à propos de l’apparente « fausse équivalence » établie entre les manifestants et le régime, arguant que les appels au dialogue ne reconnaissent pas le déséquilibre du pouvoir en jeu et les moyens violents auxquels le gouvernement cubain est prêt à recourir. Peu après le début des manifestations, le président cubain Miguel Diaz-Canel a appelé ses partisans à affronter violemment les manifestants dans les rues. Une personne aurait été tuée, et des centaines d’autres auraient été arrêtées par des représentants du gouvernement ou seraient portées disparues.

Carlos Paya, un représentant du groupe dissident Mouvement chrétien de libération (MCL) qui réside en Espagne, a déclaré que la direction de l’Église doit agir de manière plus audacieuse en solidarité avec le peuple cubain, qui réclame légitimement et pacifiquement une plus grande liberté. Il a caractérisé les réponses de la hiérarchie de l’Église comme « cherchant seulement à sauver leur image », s’accrochant aux améliorations minimes que les catholiques ont obtenues à Cuba récemment au lieu d’appeler à des changements radicaux qui sont nécessaires depuis des décennies.

« Diviser la distance entre la victime et le meurtrier favorise le meurtrier », a-t-il déclaré, en critiquant la réponse officielle de l’Église, notant que si l’Église n’est pas disposée à apporter son soutien public aux mouvements de protestation, davantage de violence pourrait suivre et le moment pourrait passer sans qu’aucune réforme ne soit réalisée.

Le leader du MCL, le Dr Eduardo Cardet, est allé encore plus loin dans sa critique de la direction de l’Église, décrivant la réponse de la hiérarchie de l’Église comme « très regrettable » et incohérente avec l’appel de l’Évangile à être solidaire avec les opprimés.

« L’Église doit laisser tomber les alignements politiques et autres intérêts louches et s’identifier totalement aux besoins humains, en luttant pour le bien-être de l’homme, où qu’il soit », a déclaré M. Cardet, qui a affirmé que le pape François a montré « des signes clairs de sympathie pour les idées de la gauche » et a critiqué ses relations cordiales avec les dirigeants communistes de Cuba. François a visité l’île en 2015 et a rencontré le président cubain de l’époque, Raúl Castro.

Diplomatie papale

Mais toutes les personnes ayant des liens avec Cuba ou connaissant bien la diplomatie papale ne sont pas entièrement d’accord avec ces évaluations.

Enrique Pumar, Cubano-Américain et président du département de sociologie de l’université de Santa Clara, estime que l’histoire de l’Église catholique sous le régime communiste à Cuba offre quelques leçons importantes. Par exemple, alors que la confrontation ouverte avec Fidel Castro lorsque le leader révolutionnaire a pris le pouvoir a entraîné l’exil de centaines de prêtres et une répression de la pratique publique du culte, une approche plus conciliante a permis à l’Église de retrouver une certaine liberté ces dernières années, ce qui lui a donné une plus grande capacité à répondre aux besoins spirituels et matériels du peuple cubain.

Et s’il dit mettre l’accent sur « le mouvement » et les appels à la réforme politique à Cuba, M. Pumar ne croit pas que la confrontation ouverte soit la voie la plus fructueuse.

« À Cuba, l’articulation discrète, dans les coulisses, des demandes va loin, mais est rarement reconnue », a-t-il déclaré. « Nous devons nous rappeler que nous avons affaire à des dirigeants autocratiques et peu sûrs d’eux qui n’apprécient pas la dissidence exprimée. »

Le père jésuite Drew Christiansen, professeur émérite à l’école de service extérieur de l’université de Georgetown et membre senior du Berkley Center for Religion, Peace and World Affairs, est d’accord avec l’évaluation de M. Pumar.

Il a suggéré qu’au lieu d’un manque d’intérêt pour le sort du peuple cubain, le pape François et le Vatican adoptent probablement une approche plus discrète en public afin d’éviter d’aggraver la crise, ce qui aurait le plus grand impact sur les pauvres et les vulnérables.

« Les motifs de l’Église dans ces situations difficiles tendent à être humanitaires et à promouvoir la liberté religieuse », et non le changement de régime, a déclaré le père Christiansen, qui a précédemment dirigé le Bureau de la justice internationale et de la paix de la Conférence des évêques catholiques des États-Unis.

Certains ont reproché à François de ne pas suivre la voie tracée par le pape Jean-Paul II, qui s’est illustré en affrontant les dirigeants communistes et autres dirigeants autoritaires et en appelant plus publiquement au changement politique. Mais le père Christiansen a déclaré que le « charisme personnel » de Jean-Paul II lui permettait d’employer de telles tactiques de manière unique, tandis que le pape polonais et le Saint-Père actuel partagent en fait une qualité plus importante : une désillusion vis-à-vis de l’intervention militaire.

Certains ont appelé les États-Unis ou un organisme international à intervenir à Cuba dans le but de protéger ses citoyens contre leur propre gouvernement.

Mais le père Christiansen met en garde contre le risque d’une telle intervention, qui risquerait d’envenimer le conflit, évité, selon lui, par les deux papes dans leur approche de la diplomatie papale et dans leur enseignement moral, tel qu’il est exprimé, par exemple, dans Centesimus Annus de Jean-Paul II et Fratelli Tutti de François.

Tous deux prennent très au sérieux le coût humain de la guerre, qui, dans le contexte moderne, tend à inclure de manière disproportionnée les civils. De même, tous deux ont tendance à éviter un langage agressif qui pourrait contribuer à l’effusion de sang sur le terrain. En fait, le père Christiansen a suggéré que le pape se sentait plus à l’aise pour être franc dans ses critiques de l’ancien président américain Donald Trump et de sa politique d’immigration, par exemple, précisément parce que cette critique n’était pas susceptible d’entraîner des représailles violentes ou des mesures de répression contre l’Église – ce qui ne peut pas être dit pour la situation à Cuba.

Le père Christiansen voit une place pour un désaccord prudentiel sur la meilleure ligne de conduite et ajoute que la condition d’une juste rébellion telle qu’enseignée par le pape saint Paul VI – « tyrannie de longue date » – s’applique à la situation à Cuba. 

Mais il affirme que le pape François emprunte une autre voie. Compte tenu du rôle joué par le Saint-Père dans la levée de l’embargo américain contre Cuba en 2014, il affirme que le Vatican a une certaine influence sur le régime cubain et qu’il est plus susceptible de mettre fin aux injustices commises à l’encontre du peuple cubain – si ce n’est aussi à une réforme politique – par le biais de conversations à huis clos. Selon lui, cette approche est similaire à celle du pape Pie XII pendant la Seconde Guerre mondiale, lorsqu’il s’abstenait de critiquer publiquement les nazis mais s’efforçait de les contrer en privé.

Le professeur de Georgetown a déclaré qu’il sympathisait avec le peuple cubain, mais qu’il doutait qu’une intervention armée soit susceptible de produire le changement souhaité.

« Il est légitime [pour le peuple cubain] de demander une plus grande défense des droits de l’homme de la part de l’Église, car cela fait partie de l’enseignement de l’Église. Mais cela ne signifie pas que l’Église est obligée de soutenir une rébellion ou une intervention des Nations unies ou d’autres États voisins. »

Source: National Catholic Register, le 3 août 2021

Cuba: le Celam, solidaire des évêques, appelle à soutenir le peuple

Dans les rues de La Havane, capitale cubaine, le 12 juillet 2021. Dans les rues de La Havane, capitale cubaine, le 12 juillet 2021. (AFP or licensors)

Cuba: le Celam, solidaire des évêques, appelle à soutenir le peuple 

Une personne est morte jusqu’à présent dans les manifestations qui enflamment l’île de Cuba depuis dimanche. À l’origine des tensions, la grave crise économique du pays, accentuée par la pandémie, qui, jusqu’à présent, a causé plus de 1 600 décès sur l’île. Le Conseil épiscopal latino-américain (Celam) prend position pour les manifestants. 

Le gouvernement est accusé par la communauté internationale d’avoir procédé à des «arrestations inacceptables» parmi les manifestants, tandis que la Conférence épiscopale nationale, dans une déclaration du 12 juillet, a appelé à la réconciliation et à la recherche d’accords communs en s’écoutant les uns les autres. Dans leur souhait, les évêques cubains sont soutenus par le Celam (Conseil épiscopal latino-américain), qui exprime sa solidarité avec l’Église de La Havane «face aux événements qui affectent la vie, la dignité et la liberté des personnes».

Soutenir l’espérance des Cubains

«Nous ne pouvons pas fermer les yeux, comme si rien ne se passait», écrit ainsi le Celam, en espérant que «la réponse aux demandes de la population ne soit pas l’immobilisme», ni «le durcissement de positions qui pourraient nuire à tous». Ainsi, les évêques latino-américains et des Caraïbes font leur, l’invitation réitérée à plusieurs reprises par le Pape François, à savoir que «les cris des peuples soient entendus et les conflits résolus par le dialogue». Enfin, l’Église catholique de La Havane est encouragée par le Celam à «continuer à soutenir l’espérance des Cubains, en renforçant, comme par le passé, la sauvegarde du bien commun».

La voix de Dieu dans celle du peuple

La Conférence des religieux cubains (Concur) est également intervenue sur le climat de tension enregistré ces derniers jours sur l’île, déclarant dans une note: «Nous accueillons avec un profond respect et intérêt les cris et les espoirs du peuple en protestation». «En tant que personnes consacrées, poursuit le texte, nous vivons ces événements dans la foi et reconnaissons aussi dans ces demandes du peuple la voix de Dieu». «Ceux qui sont descendus dans la rue ne sont pas des criminels», réitèrent les religieux, «mais des gens ordinaires de notre peuple qui ont trouvé un moyen d’exprimer leur mécontentement».

Les religieux cubains suggèrent donc cinq points clés pour «surmonter la situation difficile actuelle et construire la fraternité de tous»: le premier est la protection du«droit légitime et universel qu’a tout citoyen de manifester en public ses revendications de manière ordonnée et pacifique»; le second est «la libération immédiate de tous ceux qui ont été injustement emprisonnés pour le seul fait d’avoir exprimé leurs opinions et d’avoir exercé leur droit de manifester».

Éviter le piège de la violence

Troisièmement, les religieux insistent sur la protection du «droit à l’information et à la communication, un droit qui a été violé à l’extrême en raison des coupures des lignes de téléphonie mobile et du blocage des réseaux sociaux». En quatrième point, ils exhortent tout le monde à éviter «le piège de la violence comme moyen d’imposer la vérité».

C’est pourquoi, en tant que dernier instrument clé, mais non le moindre, la Concur encourage toutes les parties concernées à «s’écouter mutuellement», afin de «remédier aux causes qui ont donné lieu aux manifestations». «Ce n’est qu’en allant à la racine des problèmes que l’on peut vraiment y remédier», conclut la note.

Source: VATICANNEWS, le 14 juillet 2021

Manifestations historiques à Cuba, l’Église en appelle au bien commun

Partisans et opposants au gouvernement cubain manifestent devant l'ambassade de Cuba au Mexique, le 12 juillet 2021 à Mexico City. Partisans et opposants au gouvernement cubain manifestent devant l’ambassade de Cuba au Mexique, le 12 juillet 2021 à Mexico City. (ANSA)

Manifestations historiques à Cuba, l’Église en appelle au bien commun

S’adressant dans une lettre «à tous les Cubains de bonne volonté» lundi 12 juillet, les évêques de l’île entendent le cri des manifestants, et appellent les autorités à l’écoute et au dialogue face à la détresse socio-économique qu’éprouve le pays.

«Frères, nous ne pouvons pas fermer les yeux ou plisser les yeux, comme si rien ne se passait, face aux événements que notre peuple a vécu hier, dimanche 11 juillet, et qui dans certains endroits continuent aujourd’hui, où au milieu des restrictions dues à l’augmentation de la contagion liée au Covid-19, des milliers de personnes dans les villes et villages de Cuba sont descendues dans la rue, protestant publiquement, exprimant leur malaise face à la détérioration de la situation économique et sociale que notre peuple vit et qui s’est considérablement accentuée». Ainsi commence la lettre des évêques cubains publiée au lendemain des manifestations historiques contre le gouvernement et la détérioration socio-économique du pays. Le recul du tourisme, à l’arrêt à cause de la pandémie, a en effet privé le pays d’une part importante de ses ressources. L’économie cubaine a chuté de 11% en 2020, un plus bas en presque 30 ans.

Travailler au bien de la nation cubaine 

Les évêques soutiennent les revendications de la population descendue dans la rue: «Nous comprenons que le gouvernement a des responsabilités et qu’il a essayé de prendre des mesures pour atténuer ces difficultés, mais nous comprenons aussi que la population a le droit d’exprimer ses besoins, ses désirs et ses espérances et, à son tour, d’exprimer publiquement comment certaines des mesures qui ont été prises l’affectent sérieusement. Il est nécessaire que chaque personne apporte sa créativité et son esprit d’initiative et que chaque famille travaille pour son propre bien-être, sachant que, ce faisant, elle travaille pour le bien de la Nation», ont-ils affirmé dans leur communiqué.

Critique de l’immobilisme

L’épiscopat se dit ainsi préoccupé par «l’immobilisme qui contribue à la continuité des problèmes, sans les résoudre»; ils constatent que l’île se dirige vers «une rigidité et un durcissement des positions qui pourraient générer des réponses négatives, avec des conséquences imprévisibles qui nous nuiraient à tous», estime la conférence épiscopale cubaine.

Écoute et compréhension pour chercher la solution

Inspirés par les paroles du Pape François sur la manière de surmonter les crises par la compréhension plutôt que la confrontation, les évêques ont ensuite exhorté au dialogue et à l’écoute: «On ne parviendra pas à une solution favorable en imposant, ni en appelant à la confrontation, mais plutôt en faisant preuve d’écoute mutuelle, en recherchant des accords communs et en prenant des mesures concrètes et tangibles qui contribuent, avec la contribution de tous les Cubains sans exclusion, à construire la patrie avec tous et pour le bien de tous».

En effet, «la violence engendre la violence, l’agressivité d’aujourd’hui ouvre des blessures et nourrit des rancœurs pour demain qui seront très difficiles à surmonter», a assuré l’épiscopat, invitant «tout le monde» à «ne pas encourager la situation de crise, mais avec sérénité d’esprit et bonne volonté, à exercer l’écoute, la compréhension et une attitude de tolérance, qui prend en compte et respecte l’autre afin de chercher ensemble des voies pour une solution juste et adéquate».

Une centaine d’arrestations

Excédés par la crise économique qui a aggravé les pénuries d’aliments et de médicaments et poussé le gouvernement à couper l’électricité plusieurs heures par jour, des milliers de Cubains sont sortis spontanément dimanche dans les rues de dizaines de villes et villages, aux cris de «Nous avons faim», «Liberté» et «À bas la dictature». Une mobilisation inédite à Cuba, où les seuls rassemblements autorisés sont généralement ceux du Parti communiste. Une centaine de personnes ont été arrêtées sur l’île dans le sillage des manifestations de dimanche.

Source : VATICANNEWS, le 13 juillet 2021