[HOMÉLIE] Les deux jambes d’un même amour

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Brooklyn Museum

Par Erwan de Kermenguy – publié le 04/02/23

Curé de la paroisse Notre-Dame de Tout-Remède en Pays de Landerneau, le père Erwan de Kermenguy commente les lectures du 5e dimanche ordinaire (Mt 5, 13-16 ; Is 58, 7-10 ; Co 2, 1-5). Si nous vivons vraiment l’amour de nos frères, à la fois en paroles et actes, alors Dieu vivra en nous, et rejaillira sur les autres.

Quand j’étais enfant, on m’a appris que lorsqu’on rendait service, il ne fallait pas se mettre en avant, il valait mieux que ce soit discret. La « Bonne Action » quotidienne que font les scouts est censée rester secrète. Et voilà que Jésus dans l’Évangile semble dire l’inverse : « Voyant ce que vous faites de bien, les hommes rendront gloire à Dieu, à votre Père des cieux » (Mt 5, 16). C’est évidemment un faux problème. En effet, on apprend à l’enfant à ne pas se mettre en avant lorsqu’il rend service. Mais dans l’Évangile, Jésus ne nous dit pas : « Voyant ce que vous faites de bien, les gens chanteront vos louanges », ils ne vous diront : « Tu es extraordinaire », mais ils rendront gloire à Dieu, ils reconnaîtront dans vos actes que vous êtes fils de Dieu, ils reconnaîtront en vous la bonté de Dieu en acte.

Le sel et la lumière

Ce passage est dans le Sermon sur la Montagne, juste après les Béatitudes. Jésus a rassemblé ses disciples sur la montagne et il est en train de les former. Il leur apprend ce que c’est qu’être chrétien. C’est donc essentiel pour nous de prêter attention à cet évangile. Jésus emploie deux images, le sel et la lumière. Un plat qui n’est pas salé, n’est pas très bon. Une maison où il fait noir, ce n’est pas très agréable, cela peut même nous faire peur.

En soi, ces deux images sont très différentes, parce que la lumière, on la voit, elle est à distance (si j’ai la lumière dans les yeux, je ne vois plus très bien). Alors que le sel dans le plat, au contraire, je ne le vois pas, mais le plat devient bon grâce à lui. Par ces deux images, Jésus présente deux attitudes différentes de la vie du chrétien, deux attitudes que nous avons parfois tendance à opposer, mais Jésus nous demande de faire les deux. Le sel c’est celui qui est présent dans le monde, et qui par son amour transforme le monde, sans rien dire… comme la fameuse B. A. des scouts. La lumière au contraire, c’est celui qui dit l’amour de Dieu, qui annonce, comme dit saint Paul dans la deuxième lecture, la lettre aux Corinthiens, « le mystère de Dieu ». Il nous présente quelque chose qui est à distance : le mystère de Dieu, Dieu lui-même. Celui qui annonce un tel mystère n’a pas à avoir peur d’être différent du monde, pas plus que la lumière n’a à avoir peur de la nuit. Au contraire, elle a toute sa place dans la nuit (parce qu’une lumière en plein jour ça ne sert pas à grand-chose !).

Servir les corps, nourrir les âmes

Pourtant ces deux attitudes, le sel et la lumière, le service et l’annonce, sont comme les deux jambes d’un même amour. Si j’aime mon frère, je ne peux pas ne pas lui dire l’amour immense de Dieu pour lui. Mais si je lui dis que Dieu l’aime et que moi je ne me mets pas au service de mes frères, je suis un menteur : mes actes sont de contre-témoignages.


Pour servir mes frères en chrétien, je ne peux pas taire qu’ils sont aimés de Dieu. Parce que mes frères que je sers sont, comme moi, des êtres spirituels. 

Certains se disent, je vais attendre d’être bon dans le service, et lorsque j’aurais rendu service à tout le monde, lorsque j’aurai soigné tous les malades, nourri tous ceux qui ont faim, consolé tous ceux qui pleurent, et sauvé la planète, je pourrais leur dire que Dieu les aime. Eh bien ! cela ne marche pas. Cela ne marche pas, parce que c’est Dieu qui sauve la planète et le monde entier. Ce serait une illusion volontariste. Cela ne marche pas, parce que ce serait comme un amour qui avance à cloche-pied, sur une seule jambe. Pour servir mes frères en chrétien, je ne peux pas taire qu’ils sont aimés de Dieu. Parce que mes frères que je sers sont, comme moi, des êtres spirituels. Tout homme a une âme, tout homme a un désir de Dieu. Les autres ne sont pas différents de moi. Il ne faudrait pas croire que si nous, prier, cela nous fait du bien, les autres n’ont pas besoin de prier. Si je ne sers que leur corps, sans nourrir leur âme, je suis un fichu égoïste : c’est comme si je leur donnais une maison pour qu’ils aient chaud en leur interdisant de manger, je m’occupe de l’extérieur, sans m’occuper de l’intérieur. Alors que l’intérieur, nous en sommes spécialistes ! N’aimons pas les autres sur une seule jambe : soyons, par nos paroles et nos actes, des témoins de l’amour de Dieu.

Partager mon essentiel

En sens inverse, Jésus nous invite à une charité réelle, en actes. À ne pas aimer par de belles paroles. « Partage ton pain avec celui qui a faim », nous dit le prophète Isaïe. Cela semble assez clair. Il y a des moments dans la Bible, où il faut interpréter des images, mais là, c’est clair : partage ton pain avec celui qui a faim ! On pourra dire tout ce que l’on veut, le chrétien ne peut pas y couper. Jésus m’invite à donner quelque chose qui est vital pour moi, à celui qui est dans le besoin. Et Jésus ne me dit pas : « Tu lui feras remplir un formulaire en trois exemplaires, on fera une commission pour examiner sa situation, il reviendra quinze jours plus tard pour voir à quelle quantité de pain il a le droit. » Cela dit, attention ! je ne remets pas en cause la nécessité d’une action organisée et raisonnée. Mais avant de renvoyer sur l’État, sur les autres, qu’est-ce que Dieu m’invite, moi, à faire, pour partager mon essentiel avec ceux qui en ont besoin ? Et je ne parle pas seulement du pain, je parle aussi de l’argent et du temps… donner de mon temps à celui qui a besoin d’une oreille attentive.

Le prophète Isaïe nous dit : « Alors ta lumière jaillira comme l’aurore et tes forces reviendront vite » (Is 58, 8). C’est étonnant, on pense plutôt : je ne vais pas donner de mon pain, parce que j’ai besoin de me nourrir pour refaire mes forces. Je ne vais pas donner de mon temps, parce que j’ai besoin de me reposer. Isaïe nous dit l’inverse, parce que « c’est en donnant que l’on reçoit ».

Ce que Jésus nous dit c’est que si nous vivons vraiment l’amour de nos frères, à la fois en paroles et actes, en témoignant de l’Évangile et en le vivant, alors nous aurons Dieu en nous, car Dieu est amour.

Pour bien comprendre cela, il nous faut relire attentivement la dernière phrase de ce passage d’évangile. Jésus ne dit pas : « Voyant ce que vous faites de bien, les hommes rendront gloire à Dieu… » Cela serait bizarre ! Si je trouve que l’animatrice de chant a bien chanté aujourd’hui, je ne vais pas aller voir le boulanger à la sortie de l’église pour lui dire : « Cher boulanger, tu es extraordinaire, tu es le meilleur des boulangers, car le chant était très beau aujourd’hui à l’église ! » Il me dirait que cela n’a rien à voir. Jésus dit : « Voyant ce que vous faites de bien, les hommes rendront gloire à votre Père qui est aux cieux » (Mt 5, 16). Cela change tout. Si on accueille un nouveau servant de messe et qu’il sert bien la messe, on félicitera ses parents. On leur dira : « Vraiment votre enfant est un ange » (ou presque !) Ce que Jésus nous dit c’est que si nous vivons vraiment l’amour de nos frères, à la fois en paroles et actes, en témoignant de l’Évangile et en le vivant, alors nous aurons Dieu en nous, car Dieu est amour. Nous serons habités par Dieu, nous verrons Dieu présent en nous. Et les gens rendront gloire à Dieu notre Père, parce que nous serons pleinement fils et filles de Dieu. C’est cela être saint : être habité de Dieu. On comprend mieux comment donner ce qui nous est essentiel vient refaire nos forces : parce qu’alors Dieu habite en nous.

Certains pensent peut-être : « Oui, mais moi… je n’en suis pas capable. » Eh bien justement, saint Paul précise dans la lettre aux Corinthiens, que lui non plus il n’en était pas capable. Quand je suis venu vous parler de Jésus, j’étais stressé, écrit Paul « craintif et tremblant » (1Co 2, 3). Ce n’est pas par mon intelligence que je peux convertir, c’est par ma pauvreté. Bien sûr que les gens intelligents doivent faire preuve d’intelligence. Mais jamais vous ne pourrez convaincre personne que Dieu l’aime si vous ne l’aimez pas. Et celui qui pense pouvoir convaincre par ses paroles, sera tellement plein de lui-même, qu’il ne dira pas Dieu. Évangéliser, c’est toujours se laisser humblement remplir par Dieu, pour que Dieu rejaillisse sur nos frères. C’est ainsi que ma nuit devient lumière, puisque je ne donne plus aux autres ce que moi je suis, mais je donne aux autres Dieu présent en moi. C’est ainsi que je retrouve des forces, qui ne sont pas mes propres forces, mais la puissance de l’amour de Dieu à l’œuvre dans ma faiblesse. Répondons avec confiance à l’appel du Christ. Soyons sel et lumière pour le monde.

Source : ALETEIA, le 4 février 2023

Que votre lumière brille.

Evangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 5, 13-16)

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel devient fade, comment lui rendre de la saveur ? Il ne vaut plus rien : on le jette dehors et il est piétiné par les gens. Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée. Et l’on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau ; on la met sur le lampadaire, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. De même, que votre lumière brille devant les hommes : alors, voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux. »

Acclamons et partageons la Parole de Dieu.

Je prends un instant pour méditer toutes ces choses dans mon coeur
(cf: Luc 2, 19)

05.02.2023 – HOMÉLIE DU 5ÈME DIMANCHE ORDINAIRE – MATTHIEU 5,13-16

Évangile de Matthieu 5, 13–16

Les Béatitudes dans la vie sociale

Par le Fr. Raphaël Devillers, dominicain

Le texte des 8 Béatitudes est magnifique mais s’il n’est que mémorisé, récité, admiré comme un bel idéal ou si on le projette dans l’avenir, il n’a pas de valeur. C’est pourquoi Jésus immédiatement l’injecte dans l’actualité de ceux qui l’écoutent : « Vous êtes… ». Qui sont ces « vous » ?: évidemment ceux qui sont groupés sur la montagne, au premier chef les apôtres puis tous ceux et celles qui s’échelonnent sur la pente. Donc le premier devoir est de s’approcher de Jésus afin de bien l’écouter et de l’interroger pour mieux comprendre son message. Ne croyons jamais que nous savons un texte : il a été dit afin d’être expliqué et appliqué.

Le danger en effet chez beaucoup de baptisés est de ne recevoir la foi que comme un héritage familial, une façon de joindre une vie honnête avec l’observance de certains rites religieux et de se considérer ensuite comme « pratiquants». Or l’enseignement fondamental de Jésus commence par ordonner un changement de vie, il bouscule notre tranquillité routinière et nous pousse dans un Royaume où nous n’entrons que par nos actions. La foi « chrétienne » (il faut toujours le préciser) s’incarne dans la vie quotidienne et elle nous fait jouer un rôle capital dans l’existence du monde.

En conclusion des Béatitudes, Jésus précise donc les effets sociaux indispensables accomplis par ceux et celles qui les pratiquent : le sens de la vie, sa préservation, la lumière.

Le Sel

Vous êtes le sel de la terre. Si le sel perd sa saveur, comment redeviendra-t-il du sel ? Il ne vaut plus rien ; on le jette dehors et il est foulé aux pieds par les hommes.

Extraordinaires sont les progrès que l’humanité a réalisés notamment depuis deux siècles. Maîtrise des forces cosmiques, victoire sur les dangers, amélioration de la santé, longévité : nous semblions en route vers un bonheur de plus en plus grand. Or aujourd’hui des crises éclatent de tous côtés et même le risque de destruction se précise. Les malaises, les dépressions, les suicides se répandent. Consommer davantage, se perdre dans les divertissements, être hypnotisés par les écrans : on courait mais on allait droit dans le mur. Notre modèle occidental de vie montre ses failles, dévoile son vide, se révèle absurde et mortifère. On nous préparait un banquet …mais il était fade, sans goût, immangeable.

Par l’image du sel, Jésus montre bien le rôle indispensable des Béatitudes. Par leur pratique, la vie quotidienne prend un sens, une signification. S’ouvrir à l’amour de Dieu dilate nos cœurs, et donne le goût de vivre. En outre, dans l’antiquité, le sel servait aussi à préserver un peu mieux la nourriture. « Une alliance de sel » désignait un traité plus solide, plus durable. L’évangile fait agir dans la durée, éloigne la corruption.

Il est remarquable que Jésus ne s’acharne pas contre les méfaits de ce monde, mais il met en garde ceux qui l’écoutent. Le danger n’est pas que le monde aille de plus en plus mal : c’est que nous, qui nous disons disciples de Jésus, nous ne mettons pas en pratique son message à la hauteur des périls qui le menacent. Si l’évangile perd sa force de frappe, s’il devient fade, si, comme dit le pape, l’Église n’apporte qu’un message soft, doucereux, tranquille, émollient, comme du talc, alors il ne sert à rien.

Nous croyons que l’Église souffre des attaques de la société moderne sécularisée. Mais peut-être que beaucoup l’ont quittée parce qu’elle avait perdu son tranchant, parce qu’elle n’assaisonnait plus la famille, l’entreprise, la société. Que ses dirigeants ne craignent pas d’insister sur les exigences premières et de pousser à l’acte nécessaire. On n’annonce pas l’évangile pour flatter l’auditoire mais pour le guider vers plus de vérité. De ce fait il bouscule nécessairement.

La Lumière

« Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une hauteur ne peut être cachée. Quand on allume une lampe, ce n’est pas pour la mettre sous le boisseau mais sur son support et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. De même que votre lumière brille aux yeux des hommes pour qu’en voyant vos bonnes actions, ils rendent gloire à votre Père qui est aux cieux ».

Énorme affirmation ! La vie construite sur les béatitudes et l’enseignement de Jésus Seigneur n’est pas la religion particulière d’un peuple ni une option parmi d’autres. Elle est le vrai chemin de toute l’humanité jusqu’à la fin des temps.

Depuis Babylone, les hommes ont toujours créé des villes somptueuses, des mégapoles illuminées, rayonnantes de richesses mais toutes sont rongées par des foyers de violence, de traite des personnes, de pornographie, de luxe éhonté. Au contraire la communion de ceux qui pratiquent l’évangile constitue comme une ville illuminée que l’on aperçoit de partout et qui indique le chemin à suivre pour sortir des ténèbres et vivre comme Dieu le demande.

Et chaque vrai croyant n’a pas le droit de conserver seulement ce message dans sa mémoire : il se doit de le prendre comme un programme qui le pousse à l’action. Qu’il constate les dérives de la civilisation, qu’il souffre des malheurs des multitudes égarées dans les ténèbres des mensonges si souvent prônés par les médias. Et qu’il voit clairement qu’obéir à Jésus Seigneur est la Bonne Nouvelle. C’est dans l’action que nous recevons le véritable « bonheur ».

Par là, nous ne cherchons pas à nous faire remarquer ni à nous attirer des compliments. Au contraire, comme l’affirme la 8ème béatitude : « Vous serez persécutés » parce que vous vous ajustez à la Volonté du Père et que le monde préfère se laisser manipuler par les puissances du mal, de la cupidité, de la haine.

Mais en persévérant dans les épreuves, votre foi brillera davantage et les hommes – « en voyant vos bonnes actions » – seront conduits à rendre gloire à Dieu le Père. A 17 reprises, ce titre reviendra dans le Sermon sur la montagne et il en sera le coeur avec la révélation centrale du « Notre Père ». Ainsi viendra la paix entre tous ceux qui du coup se reconnaissent comme « frères ».

Conclusion

Ces deux petites paraboles semblent peut-être anodines à beaucoup : tellement entendues qu’elles ne disent plus rien. Or énoncées dès le début du grand enseignement essentiel de Jésus, elles disent :

« Faites bien attention ! Loin des grandes écoles philosophiques, proclamé par un artisan juif à des gens très simples, ce message est appelé à rien moins qu’à changer la face du monde ! Il déboulonne les idoles qui, sous de fausses apparences, font dérailler l’existence des multitudes. Il passe toutes les frontières nationales, culturelles, raciales pour que quiconque puisse entrer dans le Royaume de Dieu et en devenir acteur ».

Effectivement c’est ce qui s’est produit. Jésus a l’audace d’assurer que son enseignement donne le sens véritable à la vie, qu’il construit une existence solide et durable, qu’il rassemble les disciples en une communion vitale, qu’il doit absolument s’incarner dans de bonnes actions qui ouvrent les yeux sur la présence et l’action d’un Dieu Père.

Que les pasteurs prennent donc garde à ne guider que des célébrations ronronnantes et des catéchèses théoriques. L’enjeu est fondamental : il y va de l’avenir même du monde ! En commençant sa mission, Jésus en était conscient : ce qu’il disait allait stupéfier, crisper, et même éveiller la haine chez certains. Le Père ne pouvait être annoncé qu’à travers les « per-sécutions ».

Fr. Raphaël Devillers, dominicain.

Source : RÉSURGENCES.BE, le 32 janvier 2023

05.02.2023 – HOMÉLIE DU 5ÈME DIMANCHE ORDINAIRE – MATTHIEU 5,13-16

Heureux qui, par l’Esprit, donne du goût à la vie et éclaire le monde !

Homélie

Par l’Abbé Jean Compazieu


Testes bibliques : Lire


Les textes bibliques de ce dimanche nous révèlent un Dieu qui nous guide vers la vraie Lumière. Le prophète Isaïe (1ère lecture) s’adresse à un peuple qui revient d’une longue captivité. Il reste encore des douloureuses séquelles de cette terrible période. Malgré tout, la pratique religieuse s’est remise en place. Pleins de bonne foi, ces gens veulent plaire à Dieu. Mais il y a un problème ; et c’est là qu’Isaïe intervient. Beaucoup pensent que Dieu attend les plus somptueuses cérémonies et les meilleurs fruits de la terre. C’est normal qu’on veuille se prosterner devant le créateur du ciel et de la terre.

Mais le vrai Dieu n’est pas comme cela ; il n’exige rien pour lui ni pour sa gloire personnelle. Son bonheur c’est de voir que le droit et la justice animent les relations entre nous. Sa grande joie c’est que nous vivions ensemble comme des frères. Notre attention doit se porter vers les plus faibles et les plus pauvres : “Partage ton pain avec celui qui a faim…. Ne te dérobe pas à ton semblable.” Nous ne pouvons pas aimer Dieu sans aimer le prochain. Le Dieu de la Bible est un Dieu libérateur et miséricordieux. Ce qu’il nous demande c’est d’avoir le même comportement. C’est important car nous sommes faits pour être à l’image de Dieu.

L’apôtre Paul (2ème lecture) a lui aussi le souci de nous montrer celui qui est la vraie lumière. Son message n’a rien à voir avec la sagesse des hommes. Lui-même n’est pas un “accrocheur” à la parole convaincante. Contrairement aux gens de Corinthe, il n’a rien d’un tribun éloquent. II n’a aucun don pour manier les foules. Mais il croit en l’amour fou d’un Dieu qui se laisse crucifier. Pour les corinthiens, c’était inimaginable. Et pourtant, c’est de cela qu’il veut témoigner de toutes ses forces. Il ne cherche pas à convaincre les foules avec des arguments humains. Mais il croit en l’Esprit Saint qui agit en lui et par lui. Il a compris que la foi ne repose pas sur la sagesse des hommes mais sur la puissance de Dieu.

Que pouvons-nous retenir de ce texte ? On parle actuellement de nouvelle évangélisation. Le pape François nous recommande souvent de rejoindre les “périphéries”. Mais aujourd’hui comme aux premiers temps, il y a une chose que nous ne devons jamais oublier : ce n’est pas nous qui agissons dans le cœur des gens ; c’est le Christ qui agit en nous et par nous. Il nous envoie son Esprit Saint pour que notre témoignage porte du fruit. Ce qui nous est demandé comme à Paul, c’est de nous effacer devant celui que nous montrons. Si nous recherchons l’admiration, la considération et la popularité, nous faisons fausse route.  C’est la foi qu’il s’agit de susciter en témoignant du Christ mort et ressuscité.

Dans l’Évangile, nous voyons des disciples rassemblés autour de Jésus sur la montagne. Il leur dit : “vous êtes la lumière du monde”. C’est aussi cela qu’il redit à chacun de nous qui sommes rassemblés autour de lui. C’est à nous, disciples du Christ, d’être des reflets authentiques de la vie e t de l’enseignement de Jésus. Il nous confie d’être ce qu’il est lui-même “lumière du monde”. C’est toute la communauté chrétienne qui est appelée à devenir “lumière des peuples”. Il s’agit pour nous de nous engager activement dans des actions de salut, de libération et de défense des pauvres.

En écoutant ce message, nous pensons bien sûr à ceux qui exercent un ministère dans l’Église. Ils sont amenés à proclamer explicitement le message de l’Évangile. Mais il y a une autre forme de témoignage qui peut se passer des mots de la foi : c’est celle du rayonnement de la vie. Avant d’écouter les chrétiens, on les regarde vivre. S’ils ont le sens de l’accueil, du partage et de la solidarité, leur vie parlera plus que leurs paroles. Dans son Évangile, Matthieu insiste très fortement sur ce point : que la vie des chrétiens, leurs actes et leurs “belles actions” aient une force d’attraction, de rayonnement et d’attirance.

Nous vivons dans un monde de laïcité, de sécularisation et d’indifférence. Dans beaucoup de pays, les chrétiens sont persécutés bien plus qu’aux premiers siècles de l’Église. Dans ces conditions, il est difficile de parler explicitement du Christ et de l’Évangile. Mais nous pouvons témoigner par “la beauté et la bonté de nos actions”. Cet appel nous rejoint dans notre vie de tous les jours : appel à refuser la colère et la haine dans nos relations humaines, appel à nous réconcilier avec nos frères, volonté d’aimer ses ennemis et de prier pour eux. Le Seigneur n’attend pas de nous de belles paroles mais une “belle conduite”, un comportement ” bon et beau “.

C’est notre façon de vivre et de “bien agir” qui doit poser question à tous ceux et celles que nous rencontrons. En venant à l’Eucharistie, nous sommes accueillis par celui qui est la Lumière du monde. C’est parce que nous sommes rassemblés autour de lui “sur la montagne” que nous pouvons devenir à notre tour Lumière du monde. C’est lui qui nous envoie pour être ses témoins dans ce monde qui en a bien besoin. En ce jour nous le supplions : “Toi qui est lumière, Toi qui est l’amour, mets dans nos ténèbres ton esprit d’amour.” Amen

Abbé Jean Compazieu

Source: DIMANCHEPROCHAIN.ORG, le 29 janvier 2023