France: déclaration de Mgr Éric de Moulins-Beaufort

Mgr Eric de Moulins-Beaufort, capture @KTO

Mgr Eric De Moulins-Beaufort, Capture @KTO

France: déclaration de Mgr Éric de Moulins-Beaufort

Une « détermination à mener les réformes nécessaires »

Déclaration de Mgr Éric de Moulins-Beaufort,

Archevêque de Reims, Président de la Conférence des évêques de France.

« Je demande pardon aux personnes victimes et à tous ceux qui ont pu être peinés ou choqués par le fait que le débat suscité par mes propos, sur France Info, au sujet de la confession, ait pris le pas sur l’accueil du contenu du rapport de la CIASE et sur la prise en considération des personnes victimes. »

+ Éric de Moulins-Beaufort

Mgr Éric de Moulins-Beaufort, Président de la Conférence des évêques de France, a pu s’entretenir ce mardi avec M. Gérald Darmanin, Ministre de l’Intérieur en charge des cultes, à l’invitation de ce dernier. Ils ont pu échanger sur la démarche de vérité vécue par l’Église catholique en France à propos des violences et agressions sexuelles commises au sein de l’institution depuis 1950. La publication du rapport de la CIASE (Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise) constitue ainsi une étape essentielle dans cette démarche de vérité, et le travail réalisé par M. Jean-Marc Sauvé et son équipe est reconnu comme remarquable. La Conférence des évêques de France (CEF) et la Conférence des religieux et religieuses en France (CORREF) ont demandé au Pape de recevoir en audience M. Jean-Marc Sauvé et les membres de la CIASE.

Mgr Éric de Moulins-Beaufort a pu évoquer avec M. Gérald Darmanin la formulation maladroite de sa réponse sur France Info mercredi dernier matin. L’Etat a pour tâche d’organiser la vie sociale et de réguler l’ordre public. Pour nous chrétiens, la foi fait appel à la conscience de chacun, elle appelle à chercher le bien sans relâche, ce qui ne peut se faire sans respecter les lois de son pays.

L’ampleur des violences et agressions sexuelles sur mineurs révélées par le rapport de la CIASE impose à l’Eglise de relire ses pratiques à la lumière de cette réalité. Un travail est donc nécessaire pour concilier la nature de la confession et la nécessité de protéger les enfants.

Mgr Éric de Moulins-Beaufort a tenu à redire la détermination de tous les évêques et, avec eux, de tous les catholiques, à faire de la protection des enfants une priorité absolue, en étroite collaboration avec les autorités françaises. C’est le sens, par exemple, des protocoles qui lient déjà 17 diocèses de France avec les parquets, afin de faciliter et d’accélérer le traitement des signalements pour tout fait dénoncé. Le Garde des Sceaux vient d’ailleurs d’encourager le déploiement de ce type de dispositif.

Les évêques de France réunis en assemblée plénière, du 3 au 8 novembre 2021, travailleront ensemble, à partir du rapport de la CIASE et de ses 45 recommandations, sur les mesures et réformes à poursuivre et à entreprendre, en étroite communion avec l’Église universelle.

Avec les évêques de France, Mgr Éric de Moulins-Beaufort invite les paroisses, les mouvements, les communautés à lire ce rapport, à le partager, à le travailler, tant il semble essentiel que tous accueillent les nombreux témoignages des personnes victimes qu’il comporte et en tire les conséquences qui s’imposent.

La réalité des violences et agressions sexuelles sur mineurs au sein de l’Église et dans la société invitent les femmes et les hommes de bonne volonté, croyants ou non, à travailler ensemble au service de la protection des plus jeunes, de l’accueil et de l’accompagnement des personnes victimes.

Devant ces faits, Mgr Éric de Moulins-Beaufort redit sa honte, sa consternation, mais aussi sa détermination à mener les réformes nécessaires pour que l’Église, en France, mérite la confiance de tous.

Source: ZENIT.ORG, le 12 octobre 2021

Le cri du cœur d’un prêtre à propos des abus sexuels dans l’Église

<img src="https://www.famillechretienne.fr/sites/default/files/dpistyles/ena_16_9_extra_big/node_37147/61529/public/thumbnails/image/pretre_celebre_messe_0.jpg?itok=OP-344f91633691891&quot; alt="<p>Photo d'illustration, prêtre célébrant la messe. 

Photo d’illustration, prêtre célébrant la messe.  – Lightpoet

Le cri du cœur d’un prêtre à propos des abus sexuels dans l’Église

Curé dans le diocèse de Bordeaux, le père Pierre-Alain Lejeune a écrit ce texte très fort le jour de la remise du rapport de la Ciase, exprimant le désarroi de tous ces prêtres innocents qui poursuivent leur travail « la honte au front et le cœur brisé », portant avec l’Eglise le fardeau des abus sexuels commis par leurs frères.

Il fait partie de ces prêtres qui tentent, jour après jour, d’accomplir leur mission dans la fidélité au Christ, sans trahir. De ces prêtres qui ne sont pas auteurs d’abus sexuels et n’ont pas cherché à ignorer la souffrance des victimes, mais qui portent aujourd’hui avec humilité le visage défiguré de l’Eglise en tant que membres du même corps. Curé de quatre paroisses du diocèse de Bordeaux, le père Pierre-Alain a pris la plume pour exprimer dans ce texte (publié sur son blog) tout son désarroi face aux chiffres accablants du rapport Sauvé révélé le 5 octobre, pour dire sa sollicitude envers les victimes, de la difficulté d’être prêtre aujourd’hui, mais aussi, malgré tout, de son espérance pour l’avenir.

« Aujourd’hui, prêtre »

En ce mardi gris d’octobre, j’ai continué mon travail comme une bête de somme traçant le labour sous la pluie froide. J’ai poursuivi en essayant de ne pas trop me retourner, de ne pas perdre le rythme du cheval de trait qui sait qu’il ne doit pas s’arrêter au milieu du sillon. Et pourtant, Dieu sait si j’ai eu envie de lâcher l’attelage, accablé par le rapport de la CIASE rendu public ce matin. Dieu sait si j’ai souvent pensé aller, toutes affaires cessantes, me réfugier dans l’église voisine, fermer la porte et pleurer devant Dieu pour tant de misère.

Aujourd’hui j’ai continué mon travail, la honte au front et le cœur brisé ; j’ai continué parce que je ne pouvais laisser seul le vieil homme qui attendait de recevoir l’onction des malades, ni renoncer à visiter une famille endeuillée, ni oublier ces fiancés préparant leur mariage. J’ai continué avec toutes ces questions se bousculant en moi : Pourquoi ai-je voulu devenir prêtre ? Pourquoi me suis-je mis au service de cette Église dont j’ignorais tout de la face hideuse qui est révélée au grand jour ? A l’époque, aurais-je répondu de la même manière, si j’avais su ? 

Aujourd’hui j’ai continué à poser les gestes du ministère en faisant le dos rond, portant dans ma prière douloureuse les milliers de vies brisées et les silences complices : les victimes et les bourreaux. J’ai fait le dos rond, sentant autour de moi, la suspicion portée sur mon habit de prêtre et l’état de vie que j’ai choisi : le célibat. Ce célibat qui depuis 25 ans, je dois le dire, m’a procuré bien plus de joies que de peines.

Aujourd’hui j’ai continué tant bien que mal à rejoindre des personnes en attente d’une parole ou d’un geste, j’ai continué à faire mon métier de prêtre. Et si ce n’était qu’un métier, je pourrais au moins démissionner et chercher à gagner autrement ma vie. Mais voilà… on devient prêtre par amour du Christ et de son Église. Et l’on ne quitte pas celle que l’on aime simplement parce qu’un matin ténébreux, elle nous apparaît laide. On ne la quitte pas, même lorsque soudainement, on se retrouve éclaboussé par sa laideur.

Aujourd’hui, j’ai continué à répondre au téléphone et aux nombreux messages quotidiens de celles et ceux qui cherchent un peu de lumière dans l’ordinaire de leur vie ou dans les drames profonds qui les traversent ; j’ai continué en me demandant pourquoi il me fallait porter le poids d’un péché commis par d’autres, porter au front la honte de ce que je n’ai pas commis. Sans doute cette douleur nous rapproche t-elle un peu des victimes d’abus sexuels qui, plus que tout autre, payent pour un crime qu’elles n’ont pas commis. Peut-être nous rapproche t-elle un peu de notre Seigneur Jésus Christ qui, d’une manière unique, a payé pour les péchés qu’il n’a jamais commis.

J’ai continué en priant de tout mon cœur pour les innombrables victimes de ces prêtres prédateurs qui ont usé d’une si belle vocation comme d’un filet de chasseur pour mieux capter leurs proies. J’ai continué en priant aussi pour tous ceux qui seront pris par l’envie de quitter le navire de l’Église. Bruyamment ou sur la pointe des pieds. J’ai continué pour résister à l’illusion pharisienne ; l’illusion qu’en nous éloignant des bourreaux nous serions innocentés de tout mal. J’ai continué en m’efforçant de ne pas déserter le champ de bataille. Or le champ de bataille, ce n’est pas seulement l’Église salie par la faute de ses membres ; le champ de bataille est en chacun de nos cœurs. Le mal n’est pas seulement chez l’autre ou chez les autres ; le mal est en chacun de nous, sous des formes diverses certes, mais il est là, tapi comme une bête sauvage qu’il nous faut dominer. J’ai continué en essayant de ne pas déserter mon coeur meurtri.

Christian de Chergé, moine de Tibhrine en Algérie, assassiné en 1995, écrivait quelques mois avant sa mort : « J’ai suffisamment vécu pour me savoir complice moi aussi, du mal qui semble, hélas, prévaloir dans le monde ». Lui, le saint ! Lui, l’homme de paix, se reconnaissait complice du mal qui allait pousser ses propres bourreaux à le tuer. Et il priait pour eux… C’est peut-être cela la sainteté : ne pas se croire innocent d’un mal reconnu chez les autres, même le pire ; savoir que le vrai combat se joue à la porte de notre cœur.

Aujourd’hui j’ai continué à pédaler sous la pluie et dans le vent froid d’automne pour aller célébrer la messe avec quelques fidèles aussi blessés que moi par cette dure réalité. Ensemble nous avons célébré le mystère du Christ mort pour nos péchés ; lui l’innocent, mort pour sauver le criminel. Et ensemble nous avons crié vers Dieu : « délivre-nous du mal » !

Aujourd’hui, en ce sombre mardi d’octobre, j’ai continué à être prêtre parce que je sais que cette mission est plus grande que moi et que je n’en serai jamais digne ; j’ai continué à donner Dieu aux gens que je rencontrais, ce Dieu que je ne possède pas mais qui, un jour, s’est saisi de mes pauvres mains d’homme pour se donner au monde. Aujourd’hui, j’ai continué à être prêtre par amour du Christ et des hommes qu’il aime.

Source: FAMILLECHRETIENNE.FR, le 8 octobre 2021

Message de Mgr Michel Aupetit, archevêque de Paris, à propos de la remise du rapport de la CIASE.

Message de Mgr Michel Aupetit, archevêque de Paris, à propos de la remise du rapport de la CIASE.

Chers frères et sœurs, chers amis,

Comme vous le savez nous attendions le rapport de la CIASE qui a été rendu public aujourd’hui. Nous l’avions demandé pour faire la vérité car nous la devions absolument aux personnes victimes et à tous les fidèles.

Je méditais cela ce matin avec le psaume de la messe Ps 129 : « Des profondeurs je crie vers toi Seigneur ».

Cette vérité nous l’avons découverte avec vous tous. Elle est bien au-delà de ce que nous croyions savoir, elle est effrayante.

Depuis plusieurs années, nous avons pris des mesures pour prendre au sérieux cette épouvantable tragédie mais nous voyons que nous avons encore bien du chemin à faire pour accueillir la souffrance des victimes, les accompagner dans leur reconstruction, et rendre plus sûre la maison commune. L’analyse des causes exposées par le rapport de M. Sauvé nous oblige à regarder de près les facteurs qui ont permis de tels abus. Nous aurons besoin de vous tous pour nous éclairer et nous aider dans les réformes nécessaires. Nous avions demandé à la CIASE de nous donner des recommandations. Nous allons les étudier attentivement avec tous les évêques de France afin de décider ce qui convient de mettre en œuvre.

Croyez bien que je partage votre profonde tristesse devant ces terribles révélations. Je vous invite à prier pour les personnes victimes dont la vie est brisée. Je vous demande aussi de prier pour tous les prêtres, diacres et laïcs afin qu’ils continuent à œuvrer avec dévouement. Nous sommes tous profondément attristés par ces révélations.

Chers frères et sœurs, chers amis, je vous assure de ma profonde communion dans le Christ.

+Michel Aupetit
Archevêque de Paris

Source: L’Eglise Catholique à Paris, le 5 octobre 2021

Des profondeurs je crie vers Toi – Psaume 129

Des profondeurs je crie vers toi, Seigneur,
Seigneur, écoute mon appel ! 
Que ton oreille se fasse attentive 
Au cri de ma prière !


Si tu retiens les fautes, Seigneur, 
Seigneur, qui subsistera ? 
Mais près de toi se trouve le pardon 
Pour que l’homme te craigne.


J’espère le Seigneur de toute mon âme ; 
Je l’espère, et j’attends sa parole.


Mon âme attend le Seigneur, 
Plus qu’un veilleur ne guette l’aurore. 
Plus qu’un veilleur ne guette l’aurore, 
Attends le Seigneur, Israël.


Oui, près du Seigneur, est l’amour ; 
Près de lui, abonde le rachat. 
C’est lui qui rachètera Israël 
De toutes ses fautes.