Les racines chrétiennes concrètes » et le visage des enfants réfugiés

Les enfants du camp de Mavrovouni, Lesbos (Grèce) © Vatican Media

Les Enfants Du Camp De Mavrovouni, Lesbos (Grèce) © Vatican Media

Les « racines chrétiennes concrètes » et le visage des enfants réfugiés (texte complet)

« Celui qui a peur n’a pas vu vos visages », disait Bartholomée

Deux fois, le pape François a cité Elie Wiesel dans son nouveau voyage à Lesbos, au camp de Movrovouni, ce dimanche 5 décembre 2021, cinq ans et demi après son voyage du 16 avril 2016, au camp de Moria, incendié depuis.

Le pape a invité à contempler le visage des petits enfants de réfugiés et il a invoqué les racines chrétiennes de l’Europe, face à ce qu’il appelle un « naufrage de la civilisation ». Il a cité Bartholomée Ier: « Celui qui a peur de vous ne vous a pas regardés dans les yeux. Celui qui a peur n’a pas vu vos visages ».

Pourquoi Elie Wiesel? Le pape cite d’abord ce passage où le Prix Nobel rescapé des camps de la mort nazis évoque la fraternité humaine: « Elie Wiesel, témoin de la plus grande tragédie du siècle dernier, a écrit : « C’est parce que je me souviens de notre origine commune que je m’approche de mes frères, les hommes. C’est parce que je refuse d’oublier que leur avenir est aussi important que le mien (From the Kingdom of MemoryReminiscenses, New York, 1990, 10). »

Le pape cite encore Elise Wiesel face au danger de mort qu’affrontent les migrants du monde: « Elie Wiesel disait encore : « Lorsque des vies humaines sont en danger, lorsque la dignité humaine est en danger, les frontières nationales deviennent sans objet » (Discours d’acceptation du prix Nobel de la paix, 10 décembre 1986). »

Pourquoi un naufrage? Parce que la Méditerranée, autrefois berceau et vie des civilisations, devient un grand cimetière: « La Méditerranée, qui a uni pendant des millénaires des peuples différents et des terres éloignées, est en train de devenir un cimetière froid sans pierres tombales. Ce grand plan d’eau, berceau de tant de civilisations, est désormais comme un miroir de la mort. Ne permettons pas que la mare nostrum se transforme en une désolante mare mortuum, que ce lieu de rencontre ne devienne pas le théâtre de conflits ! Ne laissons pas cette “mer des souvenirs” devenir la “mer de l’oubli”. Frères et sœurs, je vous en prie, arrêtons ce naufrage de civilisation! »

Pourquoi le visage des enfants? C’est en les contemplant qu’on comprend le mieux l’enjeu d’une action commune maintenant, non pas de quelques uns mais de tous ensemble: « Regardons le visage des enfants. Ayons le courage d’éprouver de la honte devant eux, qui sont innocents et représentent l’avenir. Ils interpellent nos consciences et nous interrogent : “Quel monde voulez-vous nous donner ?” Ne fuyons pas trop vite les images crues de leurs petits corps gisants sur les plages. »

Une allusion à la polémique sur la photo du petit Aylan Kurdi, un enfant syrien de 3 ans gisant sur une plage à Bodrum (Turquie), après le naufrage de son embarcation à destination de l’île de Kos (Grèce), le 2 septembre 2015.

Mais la présidente grecque, Ekaterini Sakellaropoulou, magistrate de formation, avait retenu pour sa part, dans son allocution précédant le pape, la photo de cette grand mère grecque, Emilia Kamvisi, habitante de Lesbos justement, donnant le biberon à un bébé syrien.

C’était en octobre 2015, et la photo de Lefteris Partsalis a fait le tour du monde, a rappelé la présidente. Emilia Kamvisi avait confié à la presse:  « Nous sommes fils de migrants, ma mère s’est enfuie de Turquie après la première guerre mondiale. Si un bateau fait naufrage, pour nous, c’est une immense douleur ». Elle a aidé les migrants qui avaient débarqué sur son île, notamment les nouveaux-nés, sous le regard attendri d’autres grands-mères grecques, et de la maman syrienne, un peu en retrait, étonnée.

Le pape a cité Bartholomée Ier qui disait, lors du voyage de 2016: « Celui qui a peur de vous ne vous a pas regardés dans les yeux. Celui qui a peur n’a pas vu vos visages. Celui qui a peur n’a pas vu vos enfants. Il oublie que la dignité et la liberté dépassent la peur et la division. Il oublie que la question migratoire n’est pas un problème du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, de l’Europe et de la Grèce. Elle est un problème mondial ». Et il a cité Benoît XVI.

Quelles racines chrétiennes? Plus encore, le pape a invité à revendiquer en actes les racines chrétiennes de l’Europe, invitant toute l’Europe à en faire autant que la Grèce: « C’est Dieu que l’on offense en méprisant l’homme créé à son image, en le laissant à la merci des vagues, dans le clapotis de l’indifférence, parfois même justifié au nom de prétendues valeurs chrétiennes. La foi, au contraire, exige compassion et miséricorde – ne l’oublions pas que c’est le style de Dieu : proximité, compassion et tendresse. La foi exhorte à l’hospitalité, à cette filoxenia qui a imprégné la culture classique et qui a trouvé sa manifestation définitive en Jésus, notamment dans la parabole du Bon Samaritain et dans les paroles du chapitre 25 de l’Évangile de Matthieu. Ce n’est pas de l’idéologie religieuse, ce sont les racines chrétiennes concrètes. Jésus affirme solennellement qu’il est là, dans l’étranger, dans le réfugié, dans celui qui est nu et affamé. Et le programme chrétien, c’est d’être là où est Jésus. Oui, parce que le programme chrétien, a écrit le Pape Benoît, c’« est un cœur qui voit ». »

« C’est une illusion de penser qu’il suffit de se préserver soi-même, en se défendant des plus faibles qui frappent à la porte », a insisté le pape.

Pourquoi la Grèce? « Et je ne voudrais pas finir ce message sans remercier le peuple grec pour son accueil. Très souvent cet accueil devient un problème, car on ne trouve pas de voie de sortie pour les personnes, pour qu’elles aillent ailleurs. Merci, frères et sœurs grecs pour cette générosité. » le pape a souligné le caractère « disproportionné » de l’effort des Grecs pour secourir les migrants.

La rencontre de Lesbos a commencé et s’est achevée pour le pape par la rencontre des familles et des enfants, avant son départ pour Athènes où il a présidé la messe pour des représentants des différents rites catholiques, en présence de la présidente qu’il a vivement remerciée.

De retour à la nonciature, le pape François a reçu l’archevêque orthodoxe Hiéronymos qui lui rendait courtoisement sa visite d’hier à l’archevêché.

C’était le 4e jour du voyage du pape, sa seconde journée en Grèce, après deux jours à Chypre. Demain, lundi 6 décembre, le pape rencontrera des jeunes avant de reprendre l’avion pour Rome.

AB

Les enfants du camp de Mavrovouni, Lesbos (Grèce) © Vatican Media

Les enfants du camp de Mavrovouni, Lesbos (Grèce) © Vatican Media

Discours du pape François

Chers frères et sœurs,

merci pour vos paroles. Je vous suis reconnaissant, Madame la Présidente, pour votre présence et vos paroles. Chères sœurs, chers frères, je suis de nouveau là pour vous rencontrer. Je suis venu vous dire que je suis proche de vous, et le dire du fond du cœur. Je suis là pour voir vos visages, pour vous regarder dans les yeux. Des yeux remplis de peur et d’attente, des yeux qui ont vu la violence et la pauvreté, des yeux embués par trop de larmes. Il y a cinq ans sur cette île, le Patriarche œcuménique, mon cher frère Bartholomée, a dit une chose qui m’a frappé : « Celui qui a peur de vous ne vous a pas regardés dans les yeux. Celui qui a peur n’a pas vu vos visages. Celui qui a peur n’a pas vu vos enfants. Il oublie que la dignité et la liberté dépassent la peur et la division. Il oublie que la question migratoire n’est pas un problème du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, de l’Europe et de la Grèce. Elle est un problème mondial » (Discours, 16 avril 2016).

Oui, c’est un problème mondial, une crise humanitaire qui nous concerne tous. La pandémie nous a touchés de manière globale, elle nous a fait réaliser que nous sommes tous dans la même barque, elle nous a fait éprouver ce que signifie avoir les mêmes peurs. Nous avons compris que les grandes questions doivent être abordées ensemble, car dans le monde d’aujourd’hui, les solutions partielles sont inadaptées. Cependant, alors que les vaccinations progressent difficilement à l’échelle mondiale et que, malgré beaucoup de retards et d’incertitudes, quelque chose semble bouger dans la lutte contre le changement climatique, tout paraît terriblement bloqué lorsqu’il s’agit de la question migratoire. Pourtant, des personnes et des vies humaines, sont en jeu ! L’avenir de tout le monde est en jeu, il ne sera serein que s’il est intégré. Ce n’est qu’en étant réconcilié avec les plus faibles que l’avenir sera prospère. Parce que lorsque les pauvres sont rejetés, c’est la paix qui est rejetée. Le repli sur soi et les nationalismes – comme l’histoire nous l’enseigne – mènent à des conséquences désastreuses. Comme l’a en effet rappelé le Concile Vatican II, « la ferme volonté de respecter les autres hommes et les autres peuples ainsi que leur dignité, et la pratique assidue de la fraternité sont absolument indispensables à la construction de la paix » (Gaudium et spes, n. 78). C’est une illusion de penser qu’il suffit de se préserver soi-même, en se défendant des plus faibles qui frappent à la porte. L’avenir nous met de plus en plus en contact les uns avec les autres. Pour en faire un bien, ce sont les politiques de grande envergure qui sont utiles, et non les actions unilatérales. Je le répète : l’histoire nous l’enseigne, mais nous ne l’avons toujours pas retenu. Ne tournons pas le dos à la réalité, cessons de renvoyer constamment les responsabilités, ne déléguons pas toujours la question migratoire aux autres, comme si elle ne comptait pour personne, et n’était qu’un fardeau inutile dont quelqu’un est bien obligé de se charger !

Chères sœurs, chers frères, vos visages, vos yeux nous demandent de ne pas nous détourner, de ne pas nier l’humanité qui nous unit, de faire nôtres vos histoires, et de ne pas oublier vos drames. Elie Wiesel, témoin de la plus grande tragédie du siècle dernier, a écrit : « C’est parce que je me souviens de notre origine commune que je m’approche de mes frères, les hommes. C’est parce que je refuse d’oublier que leur avenir est aussi important que le mien (From the Kingdom of MemoryReminiscenses, New York, 1990, 10). En ce dimanche, je prie Dieu de nous réveiller de l’oubli de ceux qui souffrent, de nous secouer de l’individualisme qui exclut, de réveiller les cœurs sourds aux besoins des autres. Et je prie aussi l’homme, tous les hommes : surmontons la paralysie de la peur, l’indifférence qui tue, le désintérêt cynique qui, avec ses gants de velours, condamne à mort ceux qui sont en marge ! Luttons à la racine contre cette pensée dominante, cette pensée qui se concentre sur son propre moi, sur les égoïsmes personnels et nationaux qui deviennent la mesure et le critère de toute chose.

Cinq années se sont écoulées depuis ma visite ici, avec mes chers frères Bartholomée et Jérôme. Après tout ce temps, nous constatons que peu de choses ont changé sur la question migratoire. Certes, de nombreuses personnes se sont engagées dans l’accueil et l’intégration, et je tiens à remercier les nombreux bénévoles, ainsi que tous ceux qui, à tous les niveaux – institutionnel, social, caritatif, politique – ont déployé de grands efforts en s’occupant des personnes et de la question migratoire. Je salue l’engagement à financer et à construire des structures d’accueil dignes, et je remercie de tout cœur la population locale pour tout le bien accompli et les nombreux sacrifices consentis. Et je voudrais remercier aussi les Autorités locales qui se sont employées à recevoir, protéger et faire avancer ces personnes qui vient chez nous. Merci ! Merci pour ce que vous faites ! Il faut admettre avec amertume que ce pays, comme d’autres, est encore en difficulté, et que certains en Europe persistent à traiter le problème comme une affaire qui ne les concerne pas. Et cela est tragique. Je me souviens de vos dernières paroles [de la Présidente] : “Que l’Europe fasse la même chose”Comme ces conditions sont indignes de l’homme ! Combien de hotspot où les migrants et les réfugiés vivent dans des conditions à la limite de l’acceptable, sans entrevoir de solutions ! Pourtant, ce respect des personnes et des droits humains, surtout sur le continent qui les promeut dans le monde, devrait toujours être sauvegardé, et la dignité de chacun passer avant tout ! Il est triste d’entendre proposer, comme solution, l’utilisation de fonds communs pour construire des murs, des fils de fer barbelés. Nous sommes à l’époque des murs et des fils de fer barbelés. Bien sûr, les peurs et les insécurités, les difficultés et les dangers sont compréhensibles. La fatigue et la frustration se font sentir, exacerbées par les crises économique et pandémique, mais ce n’est pas en élevant des barrières que l’on résout les problèmes et que l’on améliore la vie en commun. Au contraire, c’est en unissant nos forces pour prendre soin des autres, selon les possibilités réelles de chacun et dans le respect de la loi, en mettant toujours en avant la valeur irrépressible de la vie de tout homme, de toute femme de toute personne. Elie Wiesel disait encore : « Lorsque des vies humaines sont en danger, lorsque la dignité humaine est en danger, les frontières nationales deviennent sans objet » (Discours d’acceptation du prix Nobel de la paix, 10 décembre 1986).

Dans diverses sociétés, on oppose de façon idéologique sécurité et solidarité, local et universel, tradition et ouverture. Plutôt que de prendre parti pour des idées, il peut être utile de partir de la réalité : s’arrêter, étendre son regard, l’immerger dans les problèmes de la plus grande partie de l’humanité, de tant de populations victimes d’urgences humanitaires qu’elles n’ont pas causées mais seulement subies, souvent suite à longues histoires d’exploitation qui durent encore. Il est facile de mener l’opinion publique en diffusant la peur de l’autre. Pourquoi, au contraire, ne pas parler avec la même vigueur de l’exploitation des pauvres, des guerres oubliées et souvent largement financées, des accords économiques conclus aux dépens des populations, des manœuvres secrètes pour le trafic et le commerce des armes en provoquant leur prolifération ? Pourquoi on ne parle pas de cela ? Il s’agit de s’attaquer aux causes profondes, et non aux pauvres personnes qui en paient les conséquences et qui sont même utilisées pour la propagande politique ! Pour éliminer les causes profondes, il ne suffit pas de camoufler les urgences. Il faut des actions concertées. Il faut aborder les changements d’époque avec une vision large. Parce qu’il n’y a pas de réponses faciles aux problèmes complexes. Il est en revanche nécessaire d’accompagner les processus de l’intérieur pour surmonter les ghettoïsations et favoriser une intégration lente et indispensable, afin d’accueillir les cultures et les traditions des autres de manière fraternelle et responsable.

Par-dessus tout, si nous voulons repartir, regardons le visage des enfants. Ayons le courage d’éprouver de la honte devant eux, qui sont innocents et représentent l’avenir. Ils interpellent nos consciences et nous interrogent : “Quel monde voulez-vous nous donner ?” Ne fuyons pas trop vite les images crues de leurs petits corps gisants sur les plages. La Méditerranée, qui a uni pendant des millénaires des peuples différents et des terres éloignées, est en train de devenir un cimetière froid sans pierres tombales. Ce grand plan d’eau, berceau de tant de civilisations, est désormais comme un miroir de la mort. Ne permettons pas que la mare nostrum se transforme en une désolante mare mortuum, que ce lieu de rencontre ne devienne pas le théâtre de conflits ! Ne laissons pas cette “mer des souvenirs” devenir la “mer de l’oubli”. Frères et sœurs, je vous en prie, arrêtons ce naufrage de civilisation !

Sur les rives de cette mer, Dieu s’est fait homme. Sa Parole a fait écho, portant l’annonce de Dieu qui est « Père et guide de tous les hommes » (Saint Grégoire de Nazianze, Discours 7 pour son frère César, n. 24). Il nous aime comme ses enfants, et veut que nous soyons frères. Et pourtant, c’est Dieu que l’on offense en méprisant l’homme créé à son image, en le laissant à la merci des vagues, dans le clapotis de l’indifférence, parfois même justifié au nom de prétendues valeurs chrétiennes. La foi, au contraire, exige compassion et miséricorde – ne l’oublions pas que c’est le style de Dieu : proximité, compassion et tendresse. La foi exhorte à l’hospitalité, à cette filoxenia qui a imprégné la culture classique et qui a trouvé sa manifestation définitive en Jésus, notamment dans la parabole du Bon Samaritain (cf. Lc 10, 29-37) et dans les paroles du chapitre 25 de l’Évangile de Matthieu (cf. vv. 31-46). Ce n’est pas de l’idéologie religieuse, ce sont les racines chrétiennes concrètes. Jésus affirme solennellement qu’il est là, dans l’étranger, dans le réfugié, dans celui qui est nu et affamé. Et le programme chrétien, c’est d’être là où est Jésus. Oui, parce que le programme chrétien, a écrit le Pape Benoît, c’« est un cœur qui voit » (Lettre encyclique Deus caritas est, n. 31). Et je ne voudrais pas finir ce message sans remercier le peuple grec pour son accueil. Très souvent cet accueil devient un problème, car on ne trouve pas de voie de sortie pour les personnes, pour qu’elles aillent ailleurs. Merci, frères et sœurs grecs pour cette générosité.

Prions maintenant la Vierge Marie pour qu’elle ouvre nos yeux sur les souffrances de nos frères. Elle qui, en hâte, s’est mise en route vers sa cousine Elizabeth qui était enceinte. Combien de mères enceintes ont trouvé la mort dans la précipitation du voyage alors qu’elles portaient la vie dans leur sein ! Que la Mère de Dieu nous aide à avoir un regard maternel qui voie dans les hommes des enfants de Dieu, des sœurs et des frères à accueillir, à protéger, à promouvoir et à intégrer. Et à aimer tendrement. Que la Mère Toute Sainte nous apprenne à mettre la réalité de l’homme avant les idées et les idéologies, et à nous hâter à la rencontre de ceux qui souffrent.

Et maintenant prions tous ensemble la Vierge Marie.[Angelus]

Source: ZENIT.ORG, le 5 décembre 2021

Témoignage de Christian, sans nouvelles de sa femme ni de l’un de leurs 3 enfants

Témoignage de Christian, de la RDC © Vatican Media

Témoignage De Christian, De La RDC © Vatican Media

Témoignage de Christian, sans nouvelles de sa femme ni de l’un de leurs 3 enfants

« Nos enfants ont besoin d’une bonne scolarité »

Visite aux Réfugiés, à Lesbos

« Centre de d’identification et de réception »

Témoignage de Christian Tango Mukaya,
Réfugié en provenance de RDC

(prononcé en français, ce 5 décembre 2021)

A Sa Sainteté le Pape François,

Votre Sainteté,

Soyez le Bienvenu à Lesbos.

Je m’appelle Chrstian Tango Mukaya, un réfugié en provenance de la République Démocratique du Congo.

Je suis arrivé en Grèce à Lesbos depuis le 28 novembre 2020: 30 ans, Père d’une famille de 3 petits enfants. Deux enfants sont avec moi, l’autre avec sa mère: ils n’ont pas eu la chance de me joindre en Grèce et je n’ai plus de leurs nouvelles jusque maintenant.

Votre Sainteté,
Je viens auprès de votre Sainteté pour tout d’abord, vous remercier pour la sollicitude paternelle et de l’esprit d’humanité que vous manifestez à nous vos enfants migrants et réfugies présentement à Lesbos en Grèce et dans le monde entier. Que Dieu vous en rende en centuple !

Je remercie en même temps le gouvernement grec et son peuple pour leur humanisme qui m’a accueilli en m’octroyant une paix, un abri et le nécessaire pour la survie, malgré quelques difficultés.

Je ne peux pas oublier la paroisse de l’Église catholique, ma paroisse actuelle de Mytilène à Lesbos qui m’a porté et chéri comme un enfant et dans laquelle je prie le Seigneur notre Dieu.

Les moments difficiles, je les ai confiés à Dieu. Avec la force de la prière et de l’intercession de la Vierge Marie, Notre Mère et la Mère de l’Église, j’ai pu surmonter les difficultés rencontrées sur notre vie étant que réfugié.

Votre Sainteté,
Comme réfugié et vous le savez mieux que moi, je suis un pèlerin, demandeur d’asile à la recherche d’un lieu et d’un abri sûr, de paix, de la survie de ma famille et de l’éducation de mes deux enfants, suite à la persécution et menace de mort dans mon pays d’origine.

Votre Sainteté,

Nous avons eu des difficultés pour arriver ici, elles sont énormes. Je ne peux pas tout décrire dans ces lignes. Mais grâce à Dieu nous les avons surmontés.

Priez que ces difficultés, les miennes et celles de tous mes confrères réfugiés soient surmontées, pour avoir, comme dit plus haut un lieu sûr en Europe pour l’avenir de nos familles et surtout pour nos enfants qui ont besoin d’une bonne scolarité.

Source: ZENIT.ORG, le 5 décembre 2021

François appelle au réveil des consciences face à la détresse des migrants

Le Pape saluant des migrants, en l'église de la Sainte-Croixà à Nicosie, le 3 décembre 2021.Le Pape saluant des migrants, en l’église de la Sainte-Croixà à Nicosie, le 3 décembre 2021.  (Vatican Media)

François appelle au réveil des consciences face à la détresse des migrants

Pour sa dernière prise de parole en territoire chypriote, le Pape François s’est rendu en l’église de la Sainte-Croix, près de la ligne de démarcation, pour une rencontre œcuménique avec des migrants. Il s’est une nouvelle fois dressé avec émotion et fermeté contre l’indifférence de certains face à la détresse des migrants.

Vatican News

Après avoir écouté les témoignages de quatre jeunes migrants, venus du Moyen-Orient, d’Afrique et d’Asie, le Pape s’est dit très ému, en expliquant que son émotion «vient de la beauté de la vérité». Il a cité ces paroles de Jésus dans l’Évangile de Matthieu: «Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange: ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits».

L’évêque de Rome a ensuite cité la Lettre de saint Paul aux Éphésiens, «vous n’êtes plus des étrangers ni des gens de passage, vous êtes concitoyens des saints, vous êtes membres de la famille de Dieu» (Ep 2, 19). Cette parole exprime «la prophétie de l’Église, une communauté qui, avec toutes les limites humaines, incarne le rêve de Dieu», a expliqué le Pape.

La réaction de Mariamie Welo qui a témoigné devant le Pape

Désamorcer la haine en prenant la voie de la fraternité

«Dieu rêve aussi, comme toi, Mariamie, qui viens de la République Démocratique du Congo, et qui t’es définie comme “pleine de rêves”. Comme toi, Dieu rêve d’un monde de paix, dans lequel ses enfants vivent comme des frères et sœurs», a assuré François à une Congolaise qui venait de présenter son témoignage. «Nous ne sommes pas des numéros, des individus à cataloguer. Nous sommes “frères”, “amis”, “croyants”, “proches” les uns des autres», a insisté François, fils de migrants italiens venus tenter leur chance en Argentine dans les années 1920.

«Lorsque toi, Maccolins, qui viens du Cameroun, tu dis qu’au cours de ta vie tu as été “blessé par la haine”, tu nous rappelles que la haine a aussi pollué nos relations entre chrétiens», a remarqué le Pape. «Nous sommes sur le chemin du conflit à la communion. Sur ce long chemin fait de montées et de descentes, il ne faut pas avoir peur des différences entre nous, mais plutôt de nos fermetures et de nos préjugés, qui nous empêchent de nous rencontrer vraiment et de marcher ensemble.»

Dans une allusion à la blessure propre à l’île de Chypre et la barrière toute proche de cette église, François a redit que «les fermetures et les préjugés reconstruisent entre nous ce mur de séparation que le Christ a abattu, celui de l’inimiti黫Le Seigneur Jésus, vient à notre rencontre avec le visage du frère marginalisé et rejeté. Avec le visage du migrant méprisé, rejeté, en cage», mais aussi celui du migrant «qui voyage vers quelque chose, vers une espérance, vers une coexistence plus humaine», a expliqué le Pape, en dénonçant une nouvelle fois la «culture de l’indifférence» dans laquelle beaucoup se complaisent.

Le rêve d’un monde réconcilié

«Dieu nous parle à travers vos rêves. Il nous appelle, nous aussi, à ne pas nous résigner à un monde divisé, à une communauté chrétienne divisée, mais à cheminer dans l’histoire attirés par le rêve de Dieu: une humanité sans murs de séparation, libérée de l’inimitié, avec non plus des étrangers mais seulement des concitoyens. Différents, certes, et fiers de nos particularités, qui sont un don de Dieu, mais concitoyens réconciliés», a insisté l’évêque de Rome.

«Que cette île, marquée par une douloureuse division, devienne un laboratoire de fraternité», a demandé le Pape, rappelant que «la reconnaissance effective de la dignité de toute personne humaine» et «l’ouverture confiante à Dieu, le Père de tous» sont deux conditions complémentaires et indispensables à l’édification d’une société harmonieuse. «À ces conditions, il est possible que le rêve se transforme en un voyage quotidien, fait de pas concrets allant du conflit à la communion, de la haine à l’amour», a assuré François.

Le cri du Pape contre l’indifférence

Avec gravité, le Pape est ensuite sorti de son texte en évoquant la mémoire des nombreux migrants disparus en chemin, notamment ceux qui se sont noyés en Méditerranée, une mer devenue un «grand cimetière».

Évoquant une nouvelle fois les marchés aux esclaves dont des documentaires ont montré l’horreur, il a dressé un parallèle avec les personnes persécutées sous les régimes d’Hitler et de Staline. Il a aussi exprimé sa colère contre ceux qui dressent des fils barbelés aux frontières pour empêcher l’arrivée des réfugiés. Ces personnes fuient la haine mais se trouvent confrontés à d’autres formes de haine, a-t-il déclaré avec fermeté.

«Que le Seigneur réveille la conscience de nous tous ! Nous ne pouvons pas nous taire et regarder ailleurs!», a exhorté François. «La migration forcée n’est pas une habitude touristique», a martelé le Pape, dénonçant une nouvelle fois l’indifférence de l’Occident.

Il a aussi dénoncé un «esclavage universel» auquel beaucoup s’habituent. «Cette manière de s’habituer est une maladie très grave», a tonné le Pape, s’attristant aussi de l’humiliation vécue par ceux qui ont été expulsés au terme de voyages souvent ruineux.

Source: VATICANNEWS, le 3 décembre 2021

Le Pape dénonce l’instrumentalisation des migrants à des fins politiques

Le Pape avec des migrants à Lesbos, le 16 avril 2016.Le Pape avec des migrants à Lesbos, le 16 avril 2016. (Andrea Bonetti)

Le Pape dénonce l’instrumentalisation des migrants à des fins politiques

Dans un message lu par le cardinal Parolin à l’occasion du 70e anniversaire de l’Organisation Internationale pour les Migrations, le Pape François invite une nouvelle fois à développer des voies légales d’immigration pour éviter que des réseaux criminels de trafiquants ne continuent à se développer autour de ce phénomène.

Salvatore Cernuzio – Cité du Vatican

Le traitement réservé à des milliers de migrants dans le monde aujourd’hui est «déplorable», déclare François dans un message pour le 70e anniversaire de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), la principale organisation intergouvernementale dans le domaine des migrations basée à Genève, dont le Saint-Siège est membre depuis dix ans.

Au lendemain de sa déclaration à l’Angélus, dans laquelle il a exprimé sa douleur pour les morts aux frontières de la Manche et du Bélarus, ou dans les eaux de la Méditerranée, et en vue de son prochain voyage sur l’île de Lesbos, épicentre du drame migratoire en Europe, le Pape a de nouveau lancé un appel pour tous ceux qui ont fait ce qui «est sans doute l’un des plus difficiles dans la vie»: émigrer et quitter leur patrie ou leur territoire d’origine, la plupart du temps parce qu’ils y sont contraints, et presque toujours sans protection juridique, ce qui les met sous la menace des trafiquants.

Un choix conscient, pas un besoin désespéré

Dans son message en espagnol, lu par le cardinal-Secrétaire d’État Pietro Parolin, le Souverain Pontife invite à un examen de conscience collectif: «Comment peut-on exploiter la souffrance et le désespoir pour faire avancer ou défendre des agendas politiques? Comment les considérations politiques peuvent-elles prévaloir lorsque la dignité de la personne humaine est en jeu?». Il exhorte donc la communauté internationale à «s’attaquer d’urgence aux conditions qui donnent lieu à la migration irrégulière, faisant ainsi de la migration un choix conscient plutôt qu’une nécessité désespérée».

Ainsi, «la plupart des personnes qui pourraient vivre décemment dans leur pays d’origine ne se sentiraient pas obligées de migrer de manière irrégulière, explique le Pape. Des efforts urgents sont nécessaires pour créer de meilleures conditions économiques et sociales afin que la migration ne soit pas la seule option pour ceux qui recherchent la paix, la justice, la sécurité et le plein respect de la dignité humaine.»

Histoires d’inégalité et de désespoir

Ce n’est pas seulement un changement de politique que le Pape appelle de ses vœux, mais un changement de paradigme dans l’approche de l’ensemble du phénomène migratoire: «Ce n’est pas seulement une histoire de migrants, mais d’inégalité, de désespoir, de dégradation de l’environnement, de changement climatique, mais aussi de rêves, de courage, d’études à l’étranger, de regroupement familial, de nouvelles opportunités, de sécurité et de travail difficile mais digne», martèle-t-il.

«Le débat sur la migration ne concerne pas vraiment les migrants», souligne encore François. «Il ne s’agit pas seulement des migrants: il s’agit plutôt de nous tous, du passé, du présent et de l’avenir de nos sociétés. Nous ne devons pas être surpris par le nombre de migrants, mais les rencontrer tous en tant que personnes, en voyant leurs visages et en écoutant leurs histoires, en essayant de répondre au mieux à leurs situations personnelles et familiales uniques. Cette réponse exige beaucoup de sensibilité humaine, de justice et de fraternité», insiste l’évêque de Rome.

Les migrants enrichissent les communautés d’accueil

Cette sensibilité se traduit également par un regard différent, qui se concentre non seulement sur ce que les États font pour accueillir les migrants, mais aussi sur «les avantages que les migrants apportent à leurs communautés d’accueil et la manière dont ils les enrichissent».

D’une part, sur les marchés des pays à revenu moyen supérieur, la main-d’œuvre migrante est très demandée et accueillie comme un moyen de compenser les pénuries de main-d’œuvre. D’autre part, les migrants sont souvent rejetés et mal vus par bon nombre de leurs communautés d’accueil.

Malheureusement, note le Souverain Pontife, «ce double standard découle de la prédominance des intérêts économiques sur les besoins et la dignité de la personne humaine». Cette tendance a été accentuée par les confinements successifs liés à la pandémie de Covid-19, «lorsque de nombreux travailleurs « essentiels » étaient des migrants, mais ne bénéficiaient pas des programmes d’aide financière ou n’avaient pas accès aux soins de santé de base ou aux vaccinations anti-Covid».

Des solutions légales pour les situations irrégulières

À la lumière de ces drames quotidiens, François exhorte à «trouver des solutions dignes pour sortir des situations irrégulières»«Plus il y a de voies légales, moins il y a de chances que les migrants soient attirés dans les réseaux criminels des trafiquants d’êtres humains ou qu’ils soient exploités et abusés pendant leur migration», insiste le Pape.

Les migrants, poursuit le Pape, «rendent visible le lien qui unit toute la famille humaine, la richesse des cultures et la ressource pour développer les échanges et les réseaux commerciaux qui constituent les diasporas».

Prestations refusées

En ce sens, la question de l’intégration est «fondamentale» ce qui «implique un processus à double sens, fondé sur la connaissance mutuelle, l’ouverture mutuelle, le respect des lois et de la culture des pays d’accueil dans un véritable esprit de rencontre et d’enrichissement mutuel».

«Le vide humain laissé derrière soi lorsqu’un parent émigre seul est un rappel puissant du dilemme paralysant qui consiste à devoir choisir entre migrer juste pour nourrir sa famille ou jouir du droit fondamental de rester dans son pays d’origine avec dignité», stigmatise François.

«N’oublions pas, qu’il ne s’agit pas de statistiques, mais de personnes réelles dont la vie est en jeu». En vertu de cette prise de conscience, «l’Église catholique et ses institutions poursuivront leur mission d’accueil, de protection, de promotion et d’intégration des personnes en déplacement».

Source: VATICANNEWS, le 29 novembre 2021