La miséricorde, un sentiment qui pousse à agir

Zurbaran, St Thomas d'Aquin © Wikimedia
Zurbaran, St Thomas d’Aquin © Wikimedia

La miséricorde, un sentiment qui pousse à agir

Alors que l’Église célèbre ce dimanche la fête de la Divine miséricorde, il est peut-être parfois difficile de comprendre le sens profond de cette vertu. Parce qu’on la croit peu connectée avec la vie quotidienne, elle peut dérouter ou faire peur.

Dans nos existences contemporaines y-a-t-il une place pour la miséricorde ? Réponse inspirante de saint Thomas d’Aquin.

Alors que le pape François va célébrer à l’occasion de la fête de la Divine miséricorde la messe à l’église Santo Spirito in Sassia, connue comme le sanctuaire de la Divine Miséricorde, ce dimanche 19 avril (à suivre en direct sur Aleteia), en lisant avec attention les écrits du Souverain pontife sur la miséricorde on se rend compte que saint Thomas d’Aquin est le théologien le plus fréquemment cité. Mais pourquoi ? Étudier ce grand penseur du Moyen-Âge apparemment peu abordable pourrait en décourager certains…  Pourtant, c’est bien lui qui est convoqué comme expert numéro 1, dans le document du pape François proclamant l’Année de la Miséricorde : «La miséricorde est le propre de Dieu, et c’est en cela que se manifeste au plus haut point sa toute-puissance» (IIa IIae, q. 30, a. 4, resp.).

Et le Pape de commenter : «Ces paroles de saint Thomas d’Aquin montrent que la miséricorde n’est pas un signe de faiblesse, mais bien l’expression de la toute-puissance de Dieu.» (Misericordiæ vultus, n° 6). Mais comment cultiver alors cette vertu qu’en premier lieu, on ne prête qu’à Dieu ? C’est ce que saint Thomas justifie : si la miséricorde caractérise Dieu, elle est aussi une vertu humaine :

« La miséricorde est la compassion que notre cœur éprouve en face de la misère d’autrui, sentiment qui nous pousse à lui venir en aide si nous le pouvons. »

Être miséricordieux, c’est donc compatir à la misère de l’autre. Mais ce qui nous attriste et nous fait souffrir le plus, c’est le mal qui nous atteint nous-mêmes. Nous nous attristerons donc et nous souffrirons de la misère d’autrui dans la mesure où nous la regarderons comme la nôtre. Cependant, en cultivant la vertu de la miséricorde, on peut aller plus loin et agir. Dans une relation amicale ou amoureuse, celui qui aime considère son ami comme un autre lui-même. Par conséquent, il considère son mal comme le sien. Il en souffre comme s’il en était lui-même frappé. C’est ce sentiment d’amitié qu’Aristote définit de façon très juste : il consiste à « partager les peines d’un ami ». Un sentiment qui pousse à aider l’autre.

Un sentiment qui pousse à agir

Selon saint Thomas d’Aquin, pour qu’il y ait vertu, il faut que la raison s’en mêle. Ainsi donc, la miséricorde est une émotion à laquelle on répond rationnellement. Elle est alors une vertu qui pousse à agir. Elle est la plus grande des vertus, car il lui appartient de donner à l’autre, et de soulager sa misère. Aussi, se montrer miséricordieux est regardé comme le propre de Dieu. C’est par là surtout que se manifeste Sa toute-puissance.

La miséricorde de Dieu, comme le souligne Jean Paul II dans son encyclique Dives in misericordia, thème majeur de son enseignement jusqu’à instituer la fête de la Miséricorde, le premier dimanche après Pâques, elle est cet amour bienveillant de Dieu qui pardonne et revalorise. « L’Eglise ne se lasse pas d’en répéter l’annonce car elle sait que le monde a besoin de cette miséricorde, qui n’humilie pas l’homme mais qui lui donne une nouvelle dignité en l’élevant au niveau de Dieu. » Plus encore, la miséricorde divine est l’ultime rempart opposé par Dieu au mal : « La miséricorde signifie une puissance particulière de l’amour, qui est plus fort que le péché et l’infidélité. »

Source: Aleteia, le 18.04.2020, par Marzena Wilkanowicz-Devoud

Deuxième dimanche de Pâques – 19.04.2020 – Dimanche de la Divine Miséricorde – Dimanche de saint Thomas – Dimanche in albis

Au terme de l’octave pascale – toute la semaine n’est considérée que comme un seul jour célébrant « la fête des fêtes » (saint Augustin) -, le deuxième dimanche de Pâques inaugure l’octave de dimanches qui mène jusqu’à la Pentecôte, comme aussi un jour unique de fête, un « grand dimanche » (saint Athanase) d’allégresse, manifestée par la flamme du cierge pascal qui brûle près de l’ambon.

Le dimanche de la Divine Miséricorde a porté de nombreux noms :

* Ce fut le dimanche in albis (« en blanc ») car, ce jour-là, les baptisés de Pâques revêtent pour la dernière fois le vêtement blanc de leur naissance nouvelle. 

* Ce fut le dimanche de Quasimodo, du premier mot latin de l’antienne d’ouverture de la messe : « Comme des enfants nouveau-nés ont soif du lait qui les nourrit, soyez avides du lait pur de la Parole, afin qu’il vous fasse grandir pour le salut, alléluia ! » 

* Et, depuis le 30 avril 2000, le pape Jean-Paul II a demandé qu’il soit fêté comme le « dimanche de la Divine Miséricorde », selon la demande faite par le Christ à sœur Faustine Kowalska — canonisée ce jour-là — : « Je désire qu’il y ait une fête de la Miséricorde. Je veux que cette image que tu peindras avec un pinceau, soit solennellement bénie le premier dimanche après Pâques, ce dimanche doit être la fête de la Miséricorde » (1931).

La liturgie y résonne encore tout entière de l’alléluia pascal, cette acclamation de la liturgie hébraïque qui loue joyeusement le Seigneur et retentit, dans l’Apocalypse, comme le chant des rachetés par le sang de l’Agneau. Et toutes les lectures concourent à « raviver dans les cœurs le mystère pascal » (prière après la communion). 

Le psaume 117 est repris comme un chant de victoire et, plus encore, comme un rappel de la mort-résurrection du Christ :

« La pierre rejetée des bâtisseurs est devenue la tête d’angle… 

Voici le jour que fit le Seigneur : qu’il soit pour nous jour de fête et de joie ! »  

(Ps 117 -118-, 22-24) 

Mais la célébration de ce dimanche est dominée par la figure de l’apôtre Thomas et l’expérience du Ressuscité qu’il connut « huit jours plus tard » (Jean 21, 26). À travers Thomas, c’est à tous ses disciples que le Seigneur apporte sa paix et qu’il demande : 

« Cesse d’être incrédule, sois croyant » (Jean 21, 27). Par-delà l’apôtre Thomas, c’est à nous que s’adresse directement cette béatitude, la dernière de l’Évangile : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu ! » (Jean 21, 29)

« L’incrédulité de Thomas vient au secours de notre foi », chante l’hymne de l’office de la Résurrection. Ainsi la première lecture, tirée du livre des Actes des Apôtres qui, pendant tout le temps pascal, relate les débuts de l’Église, décrit la première communauté de Jérusalem, ceux qui déjà sont rassemblés au nom du Seigneur et croient sans l’avoir vu. Fondés sur la Parole, l’amour fraternel et l’Eucharistie, ils représentent l’archétype de toute communauté chrétienne, la communion réalisée de tous ceux qui se sont reconnus frères dans le frère aîné et, en lui, fils d’un même Père. N’y a-t-il pas déjà là une anticipation du bonheur céleste ouvert par la Résurrection du Christ ?