Dieu, les Rois mages et nous, par Mgr Follo

Rois Mages © Vatican Media

Dieu, les Rois mages et nous, par Mgr Follo

L’Epiphanie est aussi la solennité de l’adoration et de la donation

Épiphanie 

Is 60,1-6 ; Ps 71 ; Eph 3,2-3.5-6 ; Mt 2,1-12

 1) Trois questions et un conte pour comprendre l’Epiphanie.

Avec la fête de l’Épiphanie[1] les fêtes de Noël ont leur achèvement qui donne au mystère de l’Incarnation la nouvelle perspective d’universalité du salut, sa signification la plus consolante d’espoir infini.  En effet, à la question : « A qui Dieu veut-il faire connaître son Fils Incarné? » La réponse qui nous est proposée aujourd’hui est : « A tous ». Mais alors, « pourquoi n’est-t-il pas reconnu par tous? » Parce qu’il ne suffit pas de savoir ce l’Ecriture que dit sur le Messie pour croire en Jésus. C’est qui arriva aux prêtres interrogés par Hérode sur la naissance du Messie. Ils donnèrent la réponse juste mais n’allèrent pas à la grotte de Bethléem. Ils ne peuvent même pas le rencontrer qui Le sent comme ennemi potentiel, comme Hérode qui voulait savoir où Jésus était né pour l’éliminer.

Comme les pasteurs et les gens simples à Noël, seuls les Rois Mages  – et aujourd’hui ceux qui ont la même attitude – trouvent Jésus qui se manifeste comme l’objectif de leur voyage (Epiphanie signifie  manifestation). Mettons-nous en route nous aussi, il ne nous arrivera pas de ne pas le rencontrer et de ne pas l’accueillir, tandis que des étrangers viendront de loin pour nous demander où le Roi est né.

Qu’avaient-ils en commun les Pasteurs et les Rois Mages? Le désir du salut, reconnu dans un Enfant à qui les premiers  donnèrent du  lait et de la laine et  les seconds de l’or, de l’encens et de la myrrhe. Mais surtout ils donnèrent soi-même, en s’agenouillant et en adorant. 

Aujourd’hui nous sommes appelés à avoir la même attitude de chercheurs de l’Infini et d’adorateurs de la Vérité qui se manifeste dans cet amour d’Enfant. Dieu ne se manifeste pas comme un enfant, Lui est cet Enfant, qui manifeste le cœur du Père, qui nous le donne pour qu’il devienne nourriture pour notre chemin, médicament pour nos faiblesses, ami de notre conversation.

Cet enfant grandira, sera un jeune homme, adulte, sera Maître et opérateur de miracles, sera moqué, refusé, abandonné, enterré, ressuscitera parmi les morts, à nouveau et éternellement vivant : en tout cela, Lui est « épiphanie » dans laquelle Dieu se manifeste. C’est ce Dieu, que nous, comme les Rois Mages, adorons.

Mais chaque être humain est, dans un certain sens, Epiphanie de Dieu. Dieu a décidé de se révéler en se « cachant » dans chaque homme. Cet écrivain anonyme nous le rappelle et nous invite à chercher et trouver des restes du visage de Dieu dans le visage des frères :

« Il était une fois un moine appelé Epiphane. Un jour il découvrit un don qu’il ne pensait pas posséder : il savait peindre de belles icones. Il  voulait absolument  peindre le visage de Jésus. Mais où trouver un modèle qui exprime, à la fois, la souffrance et la joie, la mort et la résurrection, la divinité et l’humanité.

Epiphane se mit alors en voyage. Il parcourut la France, l’Italie, l’Allemagne, l’Espagne, examinant chaque  visage. Rien : le visage qui pouvait représenter le Christ n’existait pas. Fatigué, il s’endormit en répétant les paroles du psaume : « Je cherche ton visage, Seigneur, montre-moi ton visage! ». Il fit un rêve. Un Ange lui apparut, il le ramena auprès des personnes rencontrées et pour chaque personne il lui indiqua un détail qui rendait ce visage semblable à celui de Jésus : la joie d’un amoureux, l’innocence d’un enfant, la force d’un paysan, la souffrance d’un malade, la peur d’un condamné, la tendresse d’une mère, la consternation d’un orphelin, l’espoir d’un jeune, la joie d’un clown, la miséricorde d’un confesseur, le mystère du visage bandé d’ un lépreux…… Et alors, Epiphane comprit et retourna dans son couvent. Il se mit au travail et l’icône fut prête en peu de temps et la présenta à son abbé. Celui-ci fut surpris: elle était merveilleuse. Il voulut savoir qui était le modèle dont il s’était servi parce qu’il désirait la montrer aux autres artistes du monastère. Le moine répondit « personne, père, ne m’a servi de modèle, parce que personne n’est comme le Christ mais le Christ est semblable à tous. Tu ne trouves pas le Christ dans le visage d’un seul homme, mais tu trouves des fragments du visage du Christ en chaque homme. »

2) Un chemin cohérent à l’idéal

Les Rois Mages sont un modèle pour nous non seulement parce qu’ils furent des chercheurs de l’Infini, mais parce qu’ils l’ont trouvé en sachant le reconnaître  dans en enfant ou, mieux exprimé, dans cet Enfant. Ils ont été très grands dans leur fidélité au fragile signe d’une étoile, sans se faire conditionner par la nostalgie des palais qu’ils avaient quittés (cf T.S. Eliot). Ils surent continuer la recherche de l’Exceptionnel, de l’Extraordinaire sur les chemins du quotidien.
Ces trois marcheurs ne se sont pas contentés des richesses et de leur sagesse. Ils ne voulaient pas seulement savoir beaucoup de choses, mais ils voulaient savoir l’essentiel. Ils ont senti le coeur vibrer et se sont déplacés, en accrochant à une étoile au grognement de leurs animaux élevés dans les étables d’Orient. « Où se trouve le Roi des Juifs qui est né? » Ils choisirent le risque de l’inconnu à la sécurité des calculs, avec cette angoisse d’aller trouver un enfant : « la recherche de la Vérité était, pour les Rois Mages, plus importante que la dérision du monde en apparence  intelligent » (Benoît XVI).

Dans leurs humbles pas, l’écho de mille voix résonne, de voix qui chantaient et disaient que tout ceci était pure folie. Le risque de la folie ou la sécurité de l’ignorance : les Rois Mages préfèrent le fragile chemin du ciel à la carte habituelle tracée par les hommes. Ils se sont servis de leur intelligence et de leur sagesse d’une façon qui pouvait apparaître humainement absurde  et peu scientifique et se sont dirigés vers Bethléem. Ils ont échangé la sécurité de leurs habitudes avec le risque d’un voyage périlleux qui devint un pèlerinage.

En effet, le pèlerin n’a pas comme but un lieu touristique, mais un lieu sacré: un Temple où se trouve Dieu. Paul Claudel l’a bien compris  « les choses ne sont plus le mobilier de notre prison mais celles de notre temple », où l’ Enfant Jésus rendit sacré même la paille. La grotte, la paille devenue un lit, les habits nécessaires et essentiels pour le voyage en Judée devient sacrés, se transfigurent autour du noyau  essentiel du mystère de l’Incarnation dans une naissance.

L’Epiphanie n’est pas seulement la manifestation de Jésus Christ, Fils de Dieu incarné et Rédempteur de toute l’humanité mais est aussi la solennité de l’adoration et de la donation. Le texte de l’Evangile d’aujourd’hui nous rappelle l’arrivée des Rois Mages à la grotte de Bethléem et les trois actions importantes de ces rois devant le Roi des juifs : prostration, adoration et donation.

Prostration : c’est l’attitude d’humble révérence vers une autorité morale et spirituelle. Jésus est reconnu,  par les sages de son temps, l’autorité morale et religieuse à laquelle se confronter.

Adoration : c’est l’autre action que font les Rois Mages devant Jésus. Ils adorent la divinité. Les païens adoraient les idoles. Dans un moment dramatique les Juif se construirent un veau en or et l’adorèrent pendant que Moïse était sur le Mont Sinaï avec Dieu. Toujours, l’homme se construit des fausses idoles et les a travaillés comme une solution possible de ses propres problèmes existentiels. Aujourd’hui encore, les idoles fascinent, celles du succès, du bien-être, de la carrière, du pouvoir économique, militaire, politique et religieux et tant d’autres qui mettent l’homme dans la condition d’offenser et de détruire d’autres hommes pour arriver à leurs buts. Au contraire, les Rois Mages adorent le Dieu vivant qui dans cet enfant, pauvre, humble, reposant dans cette crèche attire à juste raison  toute leur attention et leur prière.

Donation : lorsqu’il y a la bonté dans le cœur et l’ouverture à l’autre presqu’instinctivement se déclenche l’action de donner quelque chose de soi à celui qui se trouve en face. Ici les Rois Mages se trouvent en face du Roi des juifs et leur offrent trois dons, de l’or, de l’encens et de la myrrhe, pour faire ressortir sa royauté, sa mission, sa mort et sa résurrection. A travers ces dons se trouve une signification spécifique  qui peut être attribuée à l’ Enfant Jésus, ce Fils d Dieu et Rédempteur de l’humanité. De plus, comme je l’ai mentionné ci -dessus, ils donnent eux-mêmes.

Voilà la fête de l’Epiphanie qui ouvre indirectement sur une autre et plus importante fête liturgique de l’Eglise catholique : la Pâques de Jésus qui a donné soi-même, complètement. Nous serons sages comme les Mages si, en prenant Jésus comme Chemin, nous prenons le chemin de la foi, le chemin de la conversion, le chemin de l’amour.

Un exemple spécial de ce chemin d’amour est donné par les Vierges Consacrées dans le monde. Toute leur vie appartient au Seigneur. Par la consécration, elles se sont mises à la disposition de Dieu sans aucune réserve, de façon à ce que toute leur vie exprime prostration, adoration er donation pure et pleine à Dieu. La vie d’une personne consacrée dans le monde témoigne que l’on peut vivre du Christ à chaque instant et vivre dans l’espoir qui vient de la grotte de Bethléem. A ce propos, ce qui est affirmé dans  l’Exhortation post-synodale Vita consecrata est  éclairant. « Celui qui veille pour attendre l’accomplissement des promesses du Christ est en mesure de communiquer l’espérance à ses frères et sœurs, souvent découragés et pessimistes face à l’avenir. Son espérance se fonde sur la promesse de Dieu que contient la Parole révélée : l’histoire des hommes avance vers « le ciel nouveau et la terre nouvelle » (Ap 21, 1). » (Vita consecrata, n. 27).

Lecture Patristique
SAINT LÉON LE GRAND
SERMON 3 POUR L’ÉPIPHANIE
1-3. 5; PL 54, 240-244

Dans tout l’univers, le Seigneur a fait connaître son salut

.La miséricordieuse providence de Dieu a voulu, sur la fin des temps, venir au secours du monde en détresse. Elle décida que le salut de toutes les nations se ferait dans le Christ. ~
C’est à propos de ces nations que le saint patriarche Abraham, autrefois, reçut la promesse d’une descendance innombrable, engendrée non par la chair, mais par la foi ; aussi est-elle comparée à la multitude des étoiles, car on doit attendre du père de toutes les nations une postérité non pas terrestre, mais céleste.

Que l’universalité des nations entre donc dans la famille des patriarches ; que les fils de la promesse reçoivent la bénédiction en appartenant à la race d’Abraham, ce qui les fait renoncer à leur filiation charnelle. En la personne des trois mages, que tous les peuples adorent le Créateur de l’univers ; et que Dieu ne soit plus connu seulement en Judée, mais sur la terre entière afin que partout, comme en Israël, son nom soit grand. 

Mes bien-aimés, instruits par les mystères de la grâce divine, célébrons dans la joie de l’Esprit le jour de nos débuts et le premier appel des nations. Rendons grâce au Dieu de miséricorde qui, selon saint Paul, nous a rendus capables d’avoir part, dans la lumière, à l’héritage du peuple saint ; qui nous a arrachés au pouvoir des ténèbres, et nous a fait entrer dans le royaume de son Fils bien-aimé. Ainsi que l’annonça le prophète Isaïe : Le peuple des nations, qui vivait dans les ténèbres, a vu se lever une grande lumière, et sur ceux qui habitaient le pays de l’ombre, une lumière a resplendi. Le même prophète a dit à ce sujet : Les nations qui ne te connaissaient pas t’invoqueront ; et les peuples qui t’ignoraient accourront vers toi. Ce jour-là, Abraham l’a vu, et il s’est réjoui lorsqu’il découvrit que les fils de sa foi seraient bénis dans sa descendance, c’est-à-dire dans le Christ ; lorsqu’il aperçut dans la foi qu’il serait le père de toutes les nations ; il rendait gloire à Dieu, car il était pleinement convaincu que Dieu a la puissance d’accomplir ce qu’il a promis.

Ce jour-là, David le chantait dans les psaumes : Toutes les nations, toutes celles que tu as faites, viendront t’adorer, Seigneur, et rendre gloire à ton nom. Et encore : Le Seigneur a fait connaître son salut, aux yeux des païens révélé sa justice.

Nous savons bien que tout cela s’est réalisé quand une étoile guida les trois mages, appelés de leur lointain pays, pour leur faire connaître et adorer le Roi du ciel et de la terre. Cette étoile nous invite toujours à suivre cet exemple d’obéissance et à nous soumettre, autant que nous le pouvons, à cette grâce qui attire tous les hommes vers le Christ.

Dans cette recherche, mes bien-aimés, vous devez tous vous entraider afin de parvenir au royaume de Dieu par la foi droite et les bonnes actions, et d’y resplendir comme des fils de lumière ; par Jésus Christ notre Seigneur, qui vit et règne avec le Père et le Saint-Esprit, pour les siècles des siècles. Amen.

[1] Epiphanie est le mot grec qui signifie “manifestation”.

Source : ZENIT.ORG, le 5 janvier 2024

Le dimanche de la Joie, par Mgr Follo

Joie Et Enthousiasme De La Jeunesse À Lisbonne © ZENIT Irene Ferreira

Le dimanche de la Joie, par Mgr Follo

« Chacun de nous est aussi une personne envoyée de Dieu »

Rite Romain

Is 61,1-2.10-11; Ps Lc 1; 1Ts 5,16-24; Jn 1,6-8.19-28

  1. La joie pour Noël tout proche. 

      Le Noël de Jésus a un charme particulier pour tous et dans le monde entier. J’ai vu écrit “Noël, Christmas, Navidad, Natale” même dans des pays et des villes où les chrétiens sont une petite minorité. Peut-être est-ce un prétexte pour faire croître la consommation. Toutefois, un charme, une nostalgie de paix et de joie demeure. C’est comme si, en se rappelant la naissance de Jésus, Dieu parmi nous, l’on entrait dans une vie d’espérance, comme si nous présagions que le chant des Anges au-dessus de la cabane de Bethléem – “Paix sur la terre aux hommes qu’Il aime” – puisse vraiment faire refleurir l’espérance, dans notre temps qui a tant besoin de se nourrir de consolation, de sécurité, de joie vraie, profonde, retrouvée.

      A proximité de Noël, l’Eglise nous fait aujourd’hui goûter par avance la grande joie que Dieu nous a donnée avec Jésus. Dans la lettre aux Thessaloniciens (seconde lecture du rite romain), l’Apôtre Paul nous invite à retrouver la joie éternelle d’être frères et sœurs, à prier sans cesse et à rendre grâce en toute chose, parce que c’est là la volonté de Dieu pour nous. Saint Paul poursuit avec ce vœu : « Que le Dieu de la paix vous sanctifie totalement et que votre personne tout entière, esprit, âme et corps, soit parfaitement gardée pour être irréprochables lors de la venue de notre Seigneur Jésus Christ. Il est fidèle, celui qui vous appelle :  c’est lui encore qui agira » (1 Th 5,16-24).

      Bien sûr, le risque existe de chercher à étouffer ce besoin de la Joie du Christ et de Noël. Malheureusement ce risque est devenu une réalité qui a tout transformé en un bruyant et fugitif moment d’allégresse superficielle qui laisse ensuite le cœur vide. Le risque est grand et il est difficile d’y échapper parce que l’attraction de la “mode ”est forte. 

      Pour s’opposer à cette mode, il suffirait de se laisser remplir le cœur des sentiments du prophète Isaïe qui exprimait ainsi sa joie : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce que le Seigneur m’a donné l’onction ; il m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres, panser les cœurs meurtris, annoncer aux captifs la libération, proclamer une année de miséricorde de la part du Seigneur. Je me réjouis pleinement dans le Seigneur ; mon âme exulte en mon Dieu, car il m’a revêtu de vêtements de salut, il m’a drapé dans un manteau de justice, comme l’époux qui se coiffe d’un diadème, comme la fiancée qui se pare de ses bijoux » (Is 61, 1-11 – première lecture du rite romain).

Ce sont vraiment là des paroles de joie profonde que celles d’Isaïe qui, à la seule pensée de voir Dieu tout proche, s’exclame : « Je me réjouis pleinement dans le Seigneur ». La joie chrétienne naît, non pas d’une simple émotion mais d’une rencontre – une rencontre qui a transformé notre vie. 

  1. La rencontre du Témoin et du Précurseur. 

Cette rencontre peut et doit se répéter encore et d’une manière particulière à l’approche de Noël. Jean-Baptiste, le Témoin et le Précurseur, peut, par son exemple et son intercession, nous aider à renouveler cette rencontre. 

« Jean a devancé le Christ par sa naissance et ses prédications, mais il l’a devancé pour le servir et non pour se préférer à Lui » (Saint Augustin, Sermon 66, 19). Lui, il est la voix de la Parole de Joie, il est le flambeau qui indique la Lumière de l’Amour, il est le témoin de Jésus, il baptise dans l’attente de Son Baptême, il Lui est totalement lié. Sans Jésus, le Baptiste ne peut pas vivre parce que sans le Christ, sa vie n’aurait pas de sens, elle n’aurait ni signification ni but.  

Jean vient comme témoin, envoyé de Dieu pour rendre témoignage à la Lumière. Il ne rend pas témoignage de la grandeur, de la majesté, de la puissance de Dieu, mais de la Lumière de l’Amour, de la Lumière d’une Présence. 

Jean témoigne d’un monde gouverné par un Principe de Lumière pour lequel il vaut bien mieux allumer une lampe que maudire mille fois la nuit. 

Nous aussi, même dans notre fragilité et notre petitesse, nous sommes appelés à témoigner que l’histoire est un chemin de croix qui devient un chemin de Lumière lorsque nous avons la force de fixer le regard sur la Lumière naissante de l’Enfant Christ. D’apparence, le Christ que d’ici peu de jours nous contemplerons dans le berceau de Bethléem, est petit, fragile, sans défense. Il est pourtant vainqueur et depuis la Cité du Pain (Bethléem), il fera les premiers pas de la bonté et de la justice qu’il réalisera dans la Cité de la Paix (Jérusalem). 

A chacun de nous, est confié le ministère prophétique de Jean le Baptiste : celui d’être annonciateur non de la dégradation, de l’écroulement et du péché qui assaillent pourtant notre monde, mais de la Lumière qui illumine le monde et le sauve. Nous devons être – comme saint Jean – témoins de l’espérance et du futur, d’un Dieu qui est Lumière, d’un Dieu amoureux et si proche qu’il demeure au milieu de nous, guérisseur de notre vie et de tous nos frères et sœurs en humanité. 

Nous sommes témoins parce que nous avons demandé qu’il nous couvre de son manteau et fasse germer un printemps de justice, un printemps qui sans lui est impossible. 

Avec l’intercession de saint Jean, nous pouvons l’imiter, lui, Jean, qui est l’image de l’homme authentique, qui connaît ses propres limites et est ouvert à la nouveauté de la rencontre. Comme le Précurseur, nous devons avoir conscience que nous sommes charnels mais aussi vivre de ce désir de Dieu imprimé en lui par la Parole créatrice et la promesse faite à Israël. Nous serons les disciples sauvés par le Rédempteur, parce que comme saint Jean, nous cherchons, nous rencontrons, nous reconnaissons, nous accueillons Jésus comme le Fils de Dieu dont nous témoignons auprès des autres en disant “Voici l’Agneau de Dieu”. Nous sommes nous aussi la pauvre voix d’une Parole qui crée et élève avec douceur. “Alors le Seigneur fera don de sa douceur et notre terre donnera son fruit” (St. Augustin, En. in Psalmos, 84,15).

  1. Le témoin d’une Présence.

L’Evangile dit de Jean : “Il y eut un homme envoyé de Dieu” (Jn 1, 6). Chacun de nous est aussi une personne envoyée de Dieu, appelée à être témoin de la Lumière. 

La force de Jean est de ne pas resplendir de lui-même, mais de resplendir par sa vie pour que la Lumière se voie. Dieu est la Lumière qui illumine aussi les ténèbres les plus épaisses. Jean crie pour annoncer l’Evangile, et le désigne de son doigt comme le Christ Jésus. Il n’attire pas l’attention sur lui, en se mettant au premier plan de façon arrogante, comme ç’eût été naturel. Sa voix renvoie à quelqu’un qui est déjà « au milieu de vous » (Jn 1, 26) et le désigne comme « celui qui vient après moi dont je ne suis pas digne de dénouer la courroie des sandales » (Jn 1, 27). 

La grandeur de Jean est d’avoir su reconnaître Dieu en Jésus donc de l’avoir indiqué comme le Dieu présent au milieu de l’humanité. 

Jean Le Baptiste n’attire pas l’attention sur un Messie absent qui doit venir, mais bien sur un Messie déjà au milieu de nous et que nous ne connaissons pas : « Au milieu de vous se tient quelqu’un que vous ne connaissez pas » (Jn 1, 26). Jean est le témoin d’un Dieu qui est déjà là. Il est déjà présent parmi nous, mais cela est à découvrir et tout le monde ne le voit pas, et pour cette raison il faut un prophète qui nous l’indique. 

Désormais, il nous revient à chacun individuellement et en tant que communauté chrétienne, d’imiter Jean Le Baptiste en montrant au monde un Christ déjà présent dans le monde.

Une manière particulière d’indiquer le Christ est celle des vierges consacrées dans le monde. L’offrande totale d’elles-mêmes au Christ Epoux indique que Lui, Il mérite tout. Veiller dans la prière nous apprend que l’avent consiste à attendre l’Aimé en se serrant contre Lui qui est déjà présent dans le cœur de celles qui se sont confiées complètement à Lui dans un total abandon, dans une amoureuse confiance et félicité. En ce monde, elles, et nous avec elles, expérimentons que « lorsque le Seigneur nous invite à devenir saint, il ne nous appelle pas à quelque chose de lourd, de triste. C’est l’invitation à partager sa Joie, à vivre et à offrir avec joie chaque moment de notre vie, en le faisant devenir en même temps un don d’amour pour les personnes qui se trouvent à côté de nous » (Pape François, Cathéchèses à l’occasion de l’audience générale, 19 novembre 2014). 

Nous, si banals soyons-nous, sommes appelés à faire connaître à tant d’autres Celui qui est au milieu de nous. Faibles, nous sommes forts. Tristes, nous sommes heureux. Parce que le Seigneur vient, il fait regermer la terre et en fait de nouveau un jardin, où la liberté, la fraternité et la miséricorde sont annoncées, mais surtout pratiquées, vécues, vécues ensemble. 

Lecture Patristique

Saint Augustin d’Hippone, évêque

Sermon, 293, 3 s.

Jean est la voix, mais le Seigneur « depuis le principe, était le Verbe » (Jn 1,1). Jean fut une voix pour un temps, le Christ est le Verbe depuis le principe, éternel. Il porte en avant l’idée. Veut-elle mieux qu’une parole ? Si l’on n’y comprend rien, la parole devient un inutile vacarme. La parole sans idée brasse de l’air, n’alimente par le cœur. De plus, tandis que nous alimentons le cœur, nous conservons l’ordre des choses. Si je pense à ce que je dois dire, il y a déjà l’idée dans mon cœur, mais si je veux parler avec toi, je me mets à me demander si c’est aussi dans ton cœur, ce qui est déjà dans le mien. Tandis que je cherche comment je pourrais te rejoindre et fixer dans ton cœur l’idée qui est déjà dans le mien, je forme la parole et une fois la parole formée, je te parle : le son de la parole t’apporte l’intelligence de l’idée, c’est le son qui passe de moi à toi, en revanche, l’idée qui t’es apportée par la parole, est déjà dans ton cœur et ne s’en est pas allée du mien.

Le son qui t’a donc apporté l’idée, ne semble-t-il pas te dire « Il faut que lui grandisse et que moi je diminue » ? Le son de la parole fait son office et disparait comme s’il disait « C’est ma joie et elle est complète » (Jn 3,30). Nous saisissons l’idée, nous assimilons l’idée pour ne pas la perdre. Veux-tu voir la parole qui passe et la divinité permanente du Verbe ? Où est-il désormais le Baptême de Jean ? Il fit son office et passa. C’est le baptême du Christ qui est désormais d’actualité. Nous croyons tous en Christ, nous espérons être sauvé en lui : c’est ce que dit la parole. Mais puisqu’il est difficile de distinguer entre la parole et l’idée, Jean lui-même fut pris pour le Christ. 

La parole est prise pour l’idée, mais la parole se déclara parole, pour ne pas léser l’idée. « Je ne suis pas le Christ, dit-il, ni Elie, ni un prophète ». On lui a répondu : « Toi, qui es-tu donc ? Je suis, dit-il, la voix de celui qui crie dans le désert : préparez le chemin du Seigneur » (Jn 1, 20-23). « Voix de celui qui crie dans le désert » : voix de quelqu’un qui rompt le silence. « Préparez le chemin du Seigneur » : comme si elle voulait dire, « Je vais en raisonnant pour l’introduire dans les cœurs, mais je ne trouverai pas un cœur dans lequel il soit digne d’entrer si vous ne préparez pas le chemin ».

Que veut dire « Préparez le chemin » sinon de supplier convenablement ? Sinon de penser humblement ?  Prenez exemple d’humilité sur lui. On pense qu’il est le Christ. Il déclare ne pas être Celui auquel on pense et ne profite pas de l’erreur des autres pour son prestige. S’il disait « Je suis le Christ », combien il lui serait facile d’être cru puisque, avant qu’il le dise, on le pensait déjà tel. Il ne le dit pas, il se remit à sa place, il se démarqua, il s’humilia. Il comprit où était son salut : il comprit qu’il n’était qu’une petite lampe et eut peur d’être éteint par le vent de l’orgueil… Les yeux fragiles ont peur de la lumière du jour, mais ils peuvent supporter celle d’une petite lampe. Pour cela, la Lumière du jour envoya au-devant la petite lampe. Mais Elle envoya la petite lampe dans le cœur des fidèles pour confondre le cœur des infidèles. « J’ai préparé, dit-il, la petite lampe pour mon Christ » : Jean, héraut du Sauveur, précurseur du Juge qui doit venir, l’ami de l’Epoux. 

Des écrits de Guerric d’Igny (Sermon V au sujet de l’Avent, 1)

« Préparez le chemin du Seigneur » (Is 40,3 ; Mc 1,3) : Oh mes frères, le chemin du Seigneur qui nous ordonne de nous préparer, ou bien nous le préparons en cheminant, ou bien nous cheminons en le préparant. Lorsque vous avez beaucoup progresser sur cette voie, il vous reste toujours et néanmoins à la préparer parce que depuis le point auquel vous êtes arrivé, vous pouvez toujours avancer, tendus vers ce qui demeure autre. Ainsi, à chaque étape singulière, la voie étant préparé pour son avènement, le Seigneur viendra toujours à nouveau à votre rencontre, et d’une certaine manière toujours plus grande qu’avant. C’est donc avec raison que le juste élevait cette prière : « Indique-moi, Seigneur, la voie de tes préceptes, et je l’observerai jusqu’à la fin » (Ps 118, 33). Peut-être la « vie éternelle” a-t-elle ainsi été définie puisque la Providence, tout en ayant prévu pour chacun une voie et lui ayant fixé un terme, ne donne néanmoins aucun terme à la nature de la bonté vers laquelle on tend. Pour cela, le sage et voyageur appliqué, lorsqu’il sera parvenu à la moitié, ne fera que recommencer, puisqu’oubliant ce qu’on laisse derrière (cf. Phil. 3, 13), il se dira à lui-même tous les jours ; « Je commence maintenant » (Ps. 76,11).  Il se lance comme un géant qui ne craint rien pour parcourir la voie des commandements de Dieu ; tout comme Yedoutoun (cf. 1Chr. 16,42), il dépasse facilement, dans l’ardeur de sa course, le paresseux qui s’arrête en route. Bien que parvenu à l’heure ultime du jour, il a atteint la perfection en peu de temps, parcourant d’ailleurs un long chemin (cf Sag 4,13) ; devenant diligent, de dernier qu’il était, il fut parmi les premiers à être couronné. 

Du commentaire de Jean de saint Augustin, évêque (Comment. In Ioan., 4,1)

Souvent vous avez entendu dire et vous en avez donc parfaitement connaissance, que Jean-Baptiste, plus il excellait parmi ceux qui sont nés d’une femme et plus il était humble face au Seigneur, plus il mérita d’être l’ami de l’Epoux. Il fut plein de zèle pour l’Epoux et non pas pour lui ; il ne chercha pas sa propre gloire mais celle de son Juge qu’il devançait comme un héraut. Ainsi tandis que les anciens prophètes avaient eu le privilège d’annoncer les avènements futurs concernant le Christ, il revint à Jean le privilège de l’indiquer directement. En fait, de même que le Christ était méconnu de ceux qui n’avaient pas cru aux prophètes avant qu’Il ne vienne, de même Il était méconnu de ceux au milieu desquels, une fois venu, Il était présent, puisque la première fois, Il est venu en toute humilité et de manière cachée, d’autant plus cachée qu’elle était d’autant plus humble. 

Mais les peuples, dépréciant dans leur orgueil l’humilité de Dieu, crucifièrent leur Sauveur et en firent ainsi leur juge.

Source: ZENIT.ORG, le 15 décembre 2023

Vigilants dans l’attente de Dieu, par Mgr Follo

Mgr Follo, 2016 © Courtoisie De La Mission Du Saint-Siège À L’UNESCO

Vigilants dans l’attente de Dieu, par Mgr Follo

«Le pardon est la première expression de son amour »

Rite Romain

Is 63, 16-17, 19 ; 64, 2-7 ; Ps 79 ; 1Cor 1, 3-9 ; Mc 13, 33-37

1) Attente d’une visite et Accueil

C’est le premier dimanche de l’Avent : L’horizon de la prière s’ouvre sur l’histoire dont le centre est le Christ, Dieu qui se fait homme, le bon Visage du destin. Il nous faut donc renouveler notre attitude envers la prière, entendue comme une tension qui nous élève vers Dieu, qui se révèle comme source de savoir et de puissance, de bonté et d’amour.

C’est pourquoi l’Église fait commencer la Messe d’aujourd’hui avec ce beau chant d’Introït : « Vers vous, ô mon Dieu, j’ai élevé mon âme. En vous, j’ai mis ma confiance, et je sais que je n’aurai point à en rougir : car vous viendrez au temps marqué. En vain les ennemis de mon salut riront de ma patience : quiconque vous attend ne sera point confondu« . Ce chant d’entrée montre très bien la confiance de l’Eglise-Epouse. Répétons-le avec elle du fond de notre cœur, parce que le Sauveur viendra à nous dans la mesure où nous l’aurons désiré et attendu fidèlement.

Donc en ce premier dimanche de l’Avent, nous sommes appelés à prendre conscience du Christ qui vient nous rendre visite comme un soleil qui se lève d’en-haut.

Il s’agit de la visite de Dieu : Il rentre dans la vie de chacun d’entre nous, se tourne vers chacun d’entre nous car il veut trouver une demeure stable en chacun d’entre nous.

Dieu entre dans notre vie par cette visite et se tourne vers chacun d’entre nous. L’Avent nous invite à élever notre âme pour accueillir le Présent qui vient.

C’est une invitation à comprendre que chaque événement de la journée est un signe de l’attention qu’il a pour chacun d’entre nous. L’Avent nous invite et nous incite à contempler le Seigneur présent et la certitude de sa présence nous aide à regarder le monde et notre vie avec un autre regard.  L’Avent nous aide à considérer notre existence entière comme « visite », comme un moyen qu’Il a pour venir vers nous et proche de nous, dans toute situation et à tout moment car Il est l’Emmanuel, le Dieu qui est toujours avec nous.

Après la « visite », l’autre élément important de l’Avent est l’attente vigilante qui est en même temps espoir. L’Avent, le temps liturgique qui renouvèle l’attente pour la venue du Christ d’année en année, nous incite à comprendre le sens du temps et de l’histoire en tant que temps favorable (« kairós ») pour notre salut. Jésus a illustré cet élément de l’attente dans plusieurs paraboles : dans l’épisode des ouvriers invités à attendre leur maître, dans la parabole des vierges qui attendent l’époux, ou dans celle de la semence.

Dans notre vie, nous sommes en attente permanente : quand nous sommes jeunes nous voulons grandir ; adultes, nous recherchons le succès ; quand nous avançons en âge, nous souhaitons le repos. Alors, arrive le temps où nous trouvons que nous avons espéré trop peu si, au-delà de la carrière et de la position sociale, il n’y a rien d’autre de laissé pour l’espérance.

L’espérance marque le chemin de tout être humain, mais pour nous les chrétiens, il est animé par une certitude : le Seigneur est présent tout au long de notre vie, nous accompagne tous les jours et Il essuiera aussi nos larmes.

Un jour, pas très lointain, tout trouvera son achèvement dans le Règne de Dieu, Règne de Justice et de Paix. Entre-temps, prions : « J’espère le Seigneur de toute mon âme ; je l’espère, et j’attends sa parole. Mon âme attend le Seigneur plus qu’un veilleur ne guette l’aurore, attends le Seigneur, Israël. Oui, près du Seigneur, est l’amour ; près de lui, abonde le rachat » (Ps129, 5-7).

2) Vigilance et contrition

Le temps liturgique de l’Avent célèbre la visite de Dieu, en réveillant l’attente du retour glorieux du Christ et donc en nous préparant à accueillir le Fils de Dieu, le Verbe qui se fait homme pour nous donner le salut. Mais le Seigneur vient constamment dans notre vie. Par conséquence nous devons prendre au sérieux l’invitation du Christ qui revient avec force ce dimanche : « Veillez ! » (Mc 13, 33.35.37). Cet « ordre » ne s’adresse pas seulement aux disciples mais aussi « à tous », car chacun d’entre nous, à l’heure que, seul, Dieu connait, sera appelé à rendre compte de sa propre existence. Cela demande surtout une humble confiance dans les mains de Dieu, notre Père tendre et miséricordieux mais aussi une charité active vis-à-vis du prochain et une sincère contrition de ses péchés.

La prière d’un cœur qui veille dans l’attente est la prière de celui qui reconnaît qu’il est dans le besoin. Quand nous reconnaissons notre état d’indigence, c’est à ce moment-là que Dieu nous comble de ses dons. Le premier don est le pardon, car la plus grande indigence est le péché. La prière qui est demande et attente, est demande et attente de pardon. Une attente qui ne demande pas et accepte ce pardon, n’attend pas le Rédempteur, qui aime nous pardonner, qui aime nous aimer. Le pardon est la première expression de son amour. La prière a toujours une dimension de contrition qui nous fait dire « Seigneur, avant de parler avec moi, pardonne-moi » (Saint Ambroise). Mais à la dimension pénitentielle s’unit aussi la dimension nuptiale, car elle naît de notre péché et fleurit dans le mariage avec Dieu. 

La contrition que nous avons au début de la célébration de la Sainte Messe, ou la contrition qui se trouve au cœur de notre participation au mystère du Christ qui est le Sacrement de la confession, doit qualifier notre Avent. Sans une telle contrition, notre attente du Christ qui vient pour nous dans une grotte, est trop infantile ou trop légère : dans les faits, elle est un peu superficielle, c’est-à-dire qu’elle est prise pour acquise. C’est seulement par la contrition que l’imminence du Christ et l’arrivée du Christ sont vives en nous, et la vigilance se réalise.

La vigilance est donc contrition. Et existentiellement, le long du chemin de notre vie, la vigilance est contrition chargée d’amour.

Afin de vivre cette attente contrite, nous pouvons dire la prière que Saint Ambroise de Milan disait avant de célébrer la Messe « Roi des vierges, qui êtes la Couronne des âmes saintes, éloignez de moi le poison de l’impureté qui se glisse dans mes veines ; mortifiez la loi de mes membres, qui résiste sans cesse à celle de votre Esprit ; afin qu’ayant le corps et le cœur pur, je boive ce Vin délicieux qui rend les vierges fécondes ».

La forme de vie qui témoigne de manière évidente que la contrition est unie à la dimension nuptiale est celle des vierges consacrées. Le mariage spirituel avec le Christ rend ces dames étrangères au monde mais intimement proches de Dieu. Elles sont convaincues d’être un « rien ».  Aux yeux du monde, elles sont méprisables, mais aux yeux de Dieu, elles sont précieuses et chères et sont un modèle sur la manière de vivre l’attente pour accueillir le Christ de façon complète et sans réserve.

Le cœur de Dieu s’étend en elles comme dans une mangeoire. En elles l’humanité peut voir le reflet de Dieu. 

Lecture Patristique

Geoffroy d’Admont (+ 1165)
Homélies pour les fêtes, 23

PL 174, 725-726

Voyez, veillez et priez (cf. Mc 13,33 ; 14,38). Par ces paroles, le Seigneur notre Sauveur n’a pas averti seulement ses disciples auxquels il parlait physiquement, mais en outre, par ces mêmes paroles, il a révélé clairement à nous-mêmes ce que nous devons faire, comment nous devons veiller. Cette triple parole indique nettement comment doit se sauver chacun de nous qui, oubliant tout ce qui est en arrière, désire se lancer vers l’avenir (cf. Ph 3,14), voudrait saisir le sommet de la perfection auquel il tend.

Celui qui, saisi par l’inspiration divine, aura décidé de renoncer au monde et à ses convoitises, selon l’avertissement que la parole divine nous a donné au début de la lecture d’évangile, (Mc 13,33), doit avoir les yeux ouverts pour comprendre d’emblée, avec sagesse, ce qu’il doit faire ou ce qu’il doit éviter.

Mais, pour quiconque vient à la conversion, il ne suffit pas, pour devenir parfait, de comprendre ce qui est bien, s’il ne cherche ensuite à veiller pour agir de même. C’est pourquoi le Seigneur, après avoir exhorté ses disciples à voir, ajoute aussitôt : Veillez et priez (Mc 13,33). Il est prescrit à chacun de veiller, c’est-à-dire de s’appliquer à réaliser effectivement ce qu’il a bien compris, et de repousser la paresse d’une vie oisive dans laquelle il se trouvait jusque-là, par la recherche vigilante d’une activité vertueuse. A celui qui veille ainsi, par le zèle d’une vie fervente, le Seigneur indique une voie encore supérieure, puisqu’il ajoute aussitôt : et priez.

Priez est donc prescrit à tous les élus, c’est-à-dire qu’en désirant les biens éternels, on doit rechercher le fruit de son effort fervent dans la seule espérance de la récompense céleste. Il semble que saint Paul prescrivait à ses disciples cette obstination dans la prière, quand il disait : Priez sans relâche (1Th 5,17). En effet, nous prions sans relâche s i, lorsque nous faisons le bien, nous ne recherchons pour cela aucune gloire terrestre, mais nous nous préoccupons uniquement de désirer les biens éternels. 

Voyez, veillez et priez. Voyez ce qu’il faut faire, en comprenant ce qui est juste ; veillez en faisant le bien ; priez en désirant les biens éternels. Pourquoi il est si important pour nous de voir, de veiller et de prier, on le voit clairement par les paroles qui suivent : Car vous ne savez pas quand viendra le moment (Mc 13,33). Donc, parce que nous ignorons quand sera le moment de cette visite, il nous faut veiller et prier sans cesse, c’est-à-dire préparer à cette grâce, par un zèle vigilant, le fond de notre cœur.

Source : ZENIT.ORG, le 1er décembre 2023

arabole des talents de Mironov © commons.wikimedia 
Parabole des Talents De Mironov © Commons.wikimedia

La parabole des talents : la perspective de l’amour, par Mgr Follo

Le talent par excellence, le plus précieux de tous les dons est Jésus lui même

Rite Romain

Pr 31, 10-13. 19-20. 30-31; Ps 127; 1 Th 5, 1-6; Mt 25, 14-30

  1. La parabole des talents : l’amour vécu comme responsabilité.

La parabole des talents (Mt 25, 14-30) qui nous est proposée ce dimanche, se situe entre la parabole des dix vierges (Mt 25, 31-46) qui a été méditée dimanche dernier et le passage sur le jugement dernier (Mt 25, 31-46) qui sera lu dimanche prochain.

La parabole des dix vierges nous a fait méditer sur la vigilance prévoyante : le Royaume de Dieu peut arriver d’un moment à l’autre et si nous voulons donc être prêts pour sa venue, il est nécessaire d’être prévoyants. La parabole des talents nous fait réfléchir sur la vigilance laborieuse et porte donc sur la croissance du Royaume : celui-ci croît lorsque nous utilisons les dons que nous avons reçus pour servir. Dimanche prochain, le récit du jugement dernier nous rappellera comment entrer dans le Royaume : nous y entrons quand nous sommes zélés dans la charité envers le prochain, en particulier quand nous accueillons les « derniers ».

Pour bien comprendre la parabole de ce dimanche, il faut rappeler que les « talents » (contrairement à ce que l’on dit souvent) ne sont pas tant les dons ou les capacités (intelligence ou autres) que Dieu a donnés à chacun, mais les responsabilités que nous sommes appelés à assumer. De fait la parabole raconte que le patron donna « à l’un, cinq talents, à l’autre deux, à chacun selon ses capacités ».

Les deux premiers serviteurs sont l’image même de la diligence et de l’esprit d’initiative : ils font du commerce avec ce qui leur a été confié et ils rendent le double de ce qu’ils ont reçu. Par conséquent ils sont considérés comme « bons et fidèles ». Le troisième en revanche est paresseux et passif : il ne fait pas de commerce, il ne court pas de risque et il se limite à « conserver » et par conséquent il est considéré comme « mauvais, paresseux » et « bon à rien ». Il y a un contraste entre la diligence et la paresse.

Même si cette parabole a eu une influence sur le plan social et historique en encourageant chez les populations chrétiennes une mentalité active et entreprenante, l’enseignement central qu’elle nous délivre concerne l’esprit de responsabilité avec lequel nous devons accueillir le Royaume de Dieu : responsabilité envers Dieu et envers l’humanité.

Aujourd’hui Jésus veut nous apprendre à bien utiliser les dons qu’il nous fait. Il appelle chaque homme à la vie et il lui remet des talents en lui confiant en même temps une mission à remplir. Il serait inepte de penser que ces dons sont un dû, de même que renoncer à les utiliser reviendrait à tourner le dos au sens de sa propre existence. Commentant cette page de l’Évangile, Saint Grégoire le Grand remarque que le Seigneur ne fait manquer à personne le don de sa charité et de son amour. Il écrit : « Il est donc nécessaire, chers frères, que vous mettiez tous vos soins à garder la charité dans toutes les actions que vous devez accomplir. » (Homélie sur l’Évangile 9, 6). Et après avoir précisé que la vraie charité consiste à aimer autant les amis que les ennemis, il ajoute : « Si l’un de vous n’a pas cette vertu, il perd tous ses biens, il est privé du talent qu’il a reçu et il est jeté dehors dans les ténèbres » (ibidem).

2) Le talent par excellence. 

Je voudrais rappeler cependant que le talent par excellence, le plus précieux de tous les dons est Jésus lui même qui s’est offert au monde dans un immense amour.

Ce don a été offert aux disciples que nous sommes nous aujourd’hui. Et nous le sommes non pas tant et seulement parce que nous avons accueilli la doctrine du Christ et que nous nous efforçons d’observer ses préceptes moraux, mais parce que nous l’avons accueilli Lui, don imprévisible de Dieu qui vient dans notre chair, qui fait de nous ses enfants et qui nous rend producteurs féconds de nouveaux fruits.

Aujourd’hui comme alors, les disciples de Jésus sont vigilants et attentifs à accueillir le don toujours nouveau des merveilles de Dieu et ils sont soucieux de laisser le don accueilli porter ses fruits et se multiplier.

Les vierges consacrées nous donnent un bon exemple de disciple de Jésus et de « serviteur bon et fidèle ». En effet elles sont :

  • des « bonnes servantes » parce qu’elles ne vivent pas pour elles-mêmes en s’appuyant sur leurs propres dons, mais parce qu’elles vivent la vie comme un don qu’elles ont reçu et qu’elles doivent partager et parce qu’elles comprennent que le don accueilli doit être donné à son tour pour pouvoir continuer à porter des fruits ;
  • des « fidèles servantes » parce qu’elles s’abandonnent totalement tous les jours, je dirais même à chaque instant, au Christ dans une confiance amoureuse. « La fidélité est la perfection de l’amour » (Saint Escriva de Balaguer) et affranchit le temps (Cf Ep 5, 16).

La virginité est la plus haute façon de vivre la parabole des talents parce que la personne qui se consacre et qui s’offre elle-même totalement à Dieu ouvre son cœur au grand don libérateur du Christ. En libérant de manière particulière son cœur et en le faisant ainsi encore plus brûler de charité pour Dieu et pour tous les hommes, la vierge consacrée témoigne que le Royaume de Dieu et sa justice sont cette perle précieuse qui va préférée à tout autre bien, même de grande valeur, et ce talent qu’il faut faire fructifier.

« C’est pour cela, en raison du lien tout à fait singulier de ce charisme avec le Royaume de Dieu, que l’Église, tout au long de son histoire, a toujours défendu sa supériorité par rapport à celui du mariage. Tout en ayant renoncé à la fécondité physique, la personne vierge devient féconde spirituellement, père et mère d’un grand nombre, coopérant à la réalisation de la famille suivant le dessein de Dieu » (Saint Jean Paul II, Familiaris Consortio, 16).

La vierge consacrée partage de manière particulière le Talent-Christ.

Enfin il ne faut pas oublier que la parabole d’aujourd’hui insiste sur l’attitude intérieure, je dirais même virginale, avec laquelle nous devons accueillir et valoriser ce don. L’attitude erronée est celle de la peur : le serviteur qui a peur de son patron et qui redoute son retour cache la monnaie sous terre et celle-ci ne produit aucun fruit. Cela arrive par exemple à ceux qui ayant reçu le Baptême, la Communion, la Confirmation enterrent par la suite ces dons sous un manteau de préjugés, sous une fausse image de Dieu qui paralyse la foi et les œuvres de façon à trahir les attentes du Seigneur. Mais la parabole met davantage en évidence les bons fruits apportés par les disciples qui, heureux du don reçu, ne l’ont ni gardé ni caché par peur et jalousie, mais l’ont fait fructifier en le partageant et en le distribuant. Oui, ce que le Christ nous a donné se multiplie en étant donné à son tour ! C’est un trésor fait pour être dépensé, investi, partagé avec tous :

« La virginité a la valeur symbolique de l’amour qui n’a pas besoin de posséder l’autre, et elle reflète ainsi la liberté du Royaume des cieux. C’est une invitation aux époux à vivre leur amour conjugal dans la perspective de l’amour définitif du Christ, comme un parcours commun vers la plénitude du Royaume » (Pape François, Amoris Laetitia, n.161).

Enfin n’oublions pas que Dieu donne le Christ et tous « ses biens » à chacun de nous, selon les capacités de chacun que Lui seul connaît.

Maintenant tout dépend de comment chacun répond avec sa liberté propre à la responsabilité qui lui a été confiée librement par celui qui veut impliquer ses serviteurs dans un projet de joie et de bonheur en leur donnant jusqu’à « ses propres biens ». Efforçons-nous d’être des disciples « vigilants » et de vivre notre vie comme un espace de liberté qui nous a été confié par un Dieu qui connaît personnellement chacun de nous et qui donne à chacun de nous ses propres biens pour vivre intensément sa propre vie. Tout est don : la vie, la confiance, l’amour, la liberté sont des dons à vivre sans peur. Il nous est seulement demandé d’accueillir le don, de ne pas étouffer ni retenir l’Amour, de ne pas le rendre vain.

Lecture patristique

Saint Jean Chrysostome (+ 407)
Homélies sur l’évangile de Matthieu, 78, 2-3

PO 58, 713-714.

Dans la parabole des talents, Jésus nous raconte l’histoire d’un homme qui partit en voyage après avoir confié son argent à ses serviteurs. Il veut ainsi nous révéler la patience de notre Maître, mais, à mon avis, il y fait aussi allusion à la résurrection. Par ailleurs, Jésus ne parle ni d’agriculteurs ni de vignerons, mais d’ouvriers en général. La raison en est qu’il veut s’adresser non seulement aux chefs du peuple ou aux Juifs, mais à tout le monde.

Tout d’abord les serviteurs qui rendent l’argent avec les intérêts déclarent sans tergiverser ce qui vient d’eux et ce qui vient de leur maître. Le premier dit : Seigneur, tu m’as confié cinq talents (Mt 25,20), et le deuxième : Seigneur, tu m’as confié deux talents (Mt 25,22). Ils reconnaissent ainsi que leur Maître leur a donné les moyens de réaliser une opération avantageuse. Ils lui en savent gré et portent à son crédit la totalité de la somme qui est en leur possession.

Que répond alors le maître ? Très bien, serviteur bon et fidèle (car on reconnaît l’homme bon à sa sollicitude pour le prochain), tu as été fidèle pour peu de choses, je t’en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton maître (Mt 25,23).

Mais il n’en va pas de même pour le mauvais serviteur : Je savais, dit-il, que tu es un homme dur: tu moissonnes là où tu n’as pas semé, tu ramasses là où tu n’as pas répandu le grain. J’ai eu peur, et je suis allé enfouir ton talent dans la terre. Le voici. Tu as ce qui t’appartient (Mt 25,24-25).

Quelle est donc la réponse du maître ? Il fallait placer mon argent à la banque (Mt 25,27), c’est-à-dire qu’il fallait parler, exhorter, conseiller. « Mais, réplique l’autre, les gens ne m’écouteront pas. » A quoi le maître répond : « Cela n’est pas ton affaire. <> Tu aurais pu au moins mettre cet argent en dépôt et me laisser le soin de le redemander, et je l’aurais réclamé avec les intérêts – entendant par là les oeuvres qui procèdent de l’écoute de la Parole -. Tu avais seulement à fournir la part la plus facile du travail et à me laisser la plus difficile » (cf. Mt 25,27).

Voilà comment ce serviteur a manqué à sa tâche. Aussi, ajoute le maître, enlevez-lui son talent et donnez-le à celui qui en a dix. Car celui qui a recevra encore, et il sera dans l’abondance. Mais celui qui n’a rien se fera enlever même ce qu’il a (Mt 25,28-29).

Qu’est-ce à dire ? Celui qui a reçu pour le bien d’autrui la grâce de la parole et de l’enseignement, et n’en fait pas usage, se fera enlever cette grâce. Quant au serviteur zélé, il attirera sur lui une grâce plus abondante, tout comme l’autre perdra celle qu’il a reçue.

Source : ZENIT.ORG, le 17 novembre 2023

La Chaire du Christ est la Croix où l’Amour est Loi, par Mgr Follo

Mgr Francesco Follo, Eglise.catholique.fr

La Chaire du Christ est la Croix où l’Amour est Loi, par Mgr Follo

« Comme tabernacles, portons l’amour dans le monde »

Rite Romain

XXXIème dimanche du Temps Ordinaire – 5 novembre 2023

Mal 1.14- 2.2.8-10 ; Ps131 ; 1Ths 2.7-9.13 ; Mt 23 : 1-12

  1. L’Amour et la Loi.

Dimanche dernier nous avons médité sur le premier et grand commandement, celui de l’amour de Dieu et sur le deuxième, qui est semblable au premier, celui de l’amour du prochain : « De ces deux commandements dépendent toute la Loi et les Prophètes » (Mt 22,40);

   Dans l’Evangile de ce dimanche nous sommes appelés à approfondir le fait que l’amour ne s’oppose pas à la loi. Saint-Mathieu montre que, contrairement à ce que les scribes et les pharisiens pensent, Jésus ne méprise pas la loi et n’entend pas remplacer l’Amour à la Loi. L’Amour est l’achèvement de la Loi et lien de la perfection (cf. Col 3,14 ; Rm 13,10). Sans l’Amour, la Loi meurt et le Prophète s’éteint. L’Amour ne remplace pas la Loi mais l’observe.  L’Amour n’est pas un sentiment vide et superficiel, il ne néglige pas la loi, il la vit pleinement. Il ne se contente pas de ne pas dire le faux, il cherche la vérité. Il ne se contente pas de ne pas tuer, il donne la vie. Non seulement il ne vole pas mais il vient à la rencontre des nécessités des frères.

  Dans l’évangile d’aujourd’hui, il apparait que, pour le Christ, la Loi n’est pas à réduire à série de préceptes à mettre en pratique. La Loi est la parole de Dieu qui indique sa volonté pour la vie. Jésus est le premier qui a réalisé cette volonté qui est un don que Dieu nous donne pour vivre en tant qu’hommes nouveaux dans l’amour. Celui qui observe les commandements, aime et suit toute la loi qui est le chemin de la vie.

   Comme les Prophètes l’ont déjà continuellement rappelé, Jésus enseigne que la Loi est l’expression du soin avec lequel Dieu, en tant que pasteur, guide son peuple vers le chemin de la liberté.

    Si nous écoutons la parole du Père comme le Christ l’a fait, nous la vivons comme lui, en pratiquant l’amour filial qui empêche que l’observation de la loi soit réduite à un vide rigide déshumanisé et légaliste, mais devienne un chemin d’authenticité et de sainteté, donc de maturité intégrale et donc pas pharisaïque.

  1. Fils, Frères et Serviteurs

En effet, le comportement contraire au pharisaïsme est la fraternité entre nous parce que nous sommes réellement des fils de Dieu (cf. 1Jn 3,1), qui est un Père qui aime jusqu’au don de son propre fils pour notre salut. Dieu est un Père qui n’abandonne jamais ses enfants. C’est un Père amoureux qui aide, accueille, pardonne, sauve avec une fidélité qui dépasse grandement celle des hommes pour s’ouvrir vers des dimensions d’éternité « parce que son amour est pour toujours (Ps136). L’amour de Dieu Père est toujours grand, ne se fatigue jamais de nous. C’est un amour qui donne jusqu’à l’extrême, jusqu’au sacrifice du Fils. Nous, fils dans le Fils, sommes appelés à vivre la morale chrétienne comme éthique de la fraternité qui devient praticable grâce à la communion eucharistique.

Cette communion sacramentelle n’est pas simplement une prière privée où le simple chrétien rencontre son Dieu. La communion sacramentelle est plus : elle est le sceau de l’appartenance des chrétiens entre eux à travers leur lien avec le Christ. Pour cela elle est la partie essentielle de la Sainte Messe dans laquelle nous célébrons notre union comme des frères à travers notre frère Jésus Christ.

La communion eucharistique

– est partie intégrante de cet évènement qui est la Sainte Messe ;

– est le sceau de la fraternité entre Dieu et les hommes et, à partir de Dieu, des hommes entre eux ;

– est l’inclusion de tous les hommes dans l’événement de la croix, et, de cette façon, tout le monde est remis à Dieu et donc reconduit à son sens authentique ;

– est l’appel de chaque chrétien à être un tabernacle vivant de Dieu dans le monde.

Comme tabernacles, portons l’amour dans le monde, en prenant conscience que le plus grand n’est pas celui qui a plus mais celui qui aime le plus grâce à l’amour qu’il porte en lui. Le monde a besoin d’amour et non de richesse pour fleurir. Et alors le plus grand de ce monde peut être une personne inconnue qui travaille dans le secret de sa maison ou dans les forêts d’Afrique ou d’Amazonie ou en cachette dans un petit bureau ou dans une usine. Jésus renverse notre idée de grandeur en disant : « vous êtes grands comme votre cœur est grand ». Nous sommes grands lorsque nous savons aimer, lorsque nous savons le faire comme Jésus en traduisant l’amour dans la divine folie du service : « Je suis venu pour servir et non pour être servi. Le plus grand parmi vous sera votre serviteur. Qui s’élèvera sera abaissé, qui s’abaissera sera élevé » (Mt 23,11-12).

 Cette folie est la nouvelle apportée par le Christ : Dieu est parmi nous et ne tient pas le monde à ses pieds, c’est Lui qui est aux pieds de tous. Dieu est le grand serviteur et non le patron. Servons-le parce que Lui, il est devenu notre serviteur.

    Le service est ce qui permet l’instauration de la civilisation de l’amour où le plus grand est celui qui aime en servant. « En lavant les pieds aux apôtres, Jésus a voulu révéler la manière d’agir de Dieu envers nous et donner l’exemple de son commandement nouveau, celui de nous aimer les uns les autres comme lui nous a aimé, en donnant sa vie pour nous » (Pape François, 12 mars 2016). Le « service est le chemin à parcourir pour vivre la foi » en Jésus et c’est de donner le témoignage de son amour. Et l’amour est le service concret, un service humble fait dans le silence et en cachette. L’amour « demande » des œuvres et non pas seulement des paroles. Il demande « de mettre à disposition les dons que le Saint Esprit nous a donnés pour que la communauté puisse grandir et puisse s’exprimer dans le partage des biens matériels pour que personne ne soit dans le besoin ». Une tâche qui vaut non seulement pour les croyants, mais aussi pour tous : le partage et la dédicace à qui dans le besoin est un style de vie que Dieu demande à tous les chrétiens comme parcours d’humanité authentique et de sainteté.

  Pour ce qui concerne le service, le Christ commande avec amour : « Comprenez-vous ce que je viens de faire pour vous ? Vous m’appelez “Maître” et “Seigneur”, et vous avez raison, car vraiment je le suis. Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres » (Jn 13,12-14). Ceci signifie que celui qui a plus, ce n’est pas pour tenir mais pour donner ; celui qui est plus n’a pas un privilège mais il a une mission.

Les dons et les charismes de Dieu sont pour l’utilité commune (cf. 1Cor 12).  Nous sommes comme un corps avec divers membres – nobles et moins nobles – mais tous nécessaires pour le bien de tout l’organisme. Le service, la charité, la mise à disposition des autres n’est pas un surplus ou une aumône, mais une responsabilité et un devoir. Ils sont un droit des pauvres et des faibles, un droit revendiqué devant Dieu.

Cet « commandement » de servir est adressé de façon particulière aux vierges consacrées. En effet, l’Ordo virginum comprend des femmes vierges qui « en émettant le saint propositum de suivre le Christ de très près, sont consacrées au Christ par l’évêque diocésain selon le rite liturgique approuvé, « s’unissent en noces mystiques au Christ Fils de Dieu et se mettent au service de l’église » (CIC can. 604 § 1). La spécificité de la virginité consacrée est la nuptialité avec le Christ qui « acquiert la valeur d’un ministère au service du peuple de Dieu et intègre les personnes consacrées dans le cœur de l’Eglise et du monde » (Rite de la consécration des vierges, Praenotanda).

Les vierges consacrées s’intègrent dans ce parcours ecclésial par une référence particulière aux affections. En fait, à travers leur vie, en Lui donnant et à son règne toutes leurs forces d’amour, elles témoignent que chaque vocation est accueil de la charité de Dieu et réponse envers lui dans le service aux autres. Elles rappellent la source théologique de l’amour surtout à travers la virginité qui rappelle cette virginité du cœur et des affections qui naît et s’alimente de la communion intime et féconde avec le Seigneur.

Lecture patristique

Saint Paschase Radbert (+ 860)
Commentaire sur l’évangile de Matthieu, 10, 23

CCM 56 B, 1112-1113

Qui s’abaissera sera élevé (Mt 23,12). Non seulement le Christ a dit à ses disciples de ne pas se faire appeler maîtres et de ne pas aimer les premières places dans les repas ni aucun autre honneur. Mais il a donné lui-même, en sa personne, l’exemple et le modèle de l’humilité. Alors que le nom de maître lui est donné non par complaisance mais par droit de nature, car tout subsiste par lui (Col 1,17), il nous a communiqué, par son entrée dans la chair, un enseignement qui nous conduit tous à la vie et, parce qu’il est plus grand que nous, il nous a réconciliés avec Dieu (Rm 5,10). Comme s’il nous disait : N’aimez pas les premiers honneurs, ne désirez pas vous faire appeler maîtres (Mt 23,7), de même que ce n’est pas moi qui recherche ma gloire, il y a quelqu’un qui la recherche (Jn 8,50). Tenez aussi vos regards fixés sur moi, car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie pour la multitude (Mt 20,28).

Assurément, dans ce passage de l’évangile, le Seigneur instruit non seulement ses disciples, mais aussi les chefs des Églises, leur prescrivant à tous de ne pas se laisser entraîner par l’avidité à rechercher les honneurs. Au contraire, que celui qui veut devenir grand soit le premier à se faire comme lui le serviteur de tous (cf. Mt 20,26-27). Si quelqu’un trouve bon de désirer une haute charge (cf. 1Tm 3,1), qu’il désire l’œuvre que celle-ci permet de réaliser et non le grand honneur qui lui est attaché ; qu’il veuille aider et servir tous les hommes, plutôt qu’être aidé et servi par tous. Car le désir d’être servi procède de l’orgueil pharisaïque, et le désir de servir naît de la sagesse et de l’enseignement du Christ.

En vérité, ceux qui sollicitent les honneurs et les réclament pour eux-mêmes sont ceux qui s’élèvent. Et ceux qui se réjouissent d’apporter leur aide et de servir sont ceux qui s’abaissent pour que le Seigneur les élève.

Il faut encore remarquer que le Christ n’a pas parlé de celui que le Seigneur élève, mais qu’il a dit : Celui qui s’élève sera abaissé, de toute évidence par le Seigneur. Il n’a pas parlé non plus de celui que le Seigneur abaisse, mais il a dit : Celui qui s’abaisse volontairement sera élevé (Mt 23,12), en retour, par le Seigneur.

Ainsi, à peine le Christ s’est-il réservé tout particulièrement le titre de maître qu’il invoque la règle de sagesse en vertu de laquelle celui qui veut devenir grand doit être le serviteur (Mt 20,26) de tous. Cette règle, il l’avait exprimée en termes différents : Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur (Mt 11,29).

Dès lors, quiconque veut être son disciple ne doit pas tarder à apprendre la sagesse dont le Christ affirme qu’il fait lui-même profession, car tout disciple accompli sera comme son maître (Lc 6,40). Au contraire, celui qui aura refusé d’apprendre la sagesse enseignée par le Maître, loin de devenir un maître, ne sera même pas un disciple.

Source : ZENIT.ORG, le 3 novembre 2023

La monnaie de Dieu, par Mgr Follo

Monnaie À L’effigie De Jules César © LesDioscures.com Source Gallica.bnf.fr

La monnaie de Dieu, par Mgr Follo

Respecter les droits supérieurs de Dieu

Rite Romain

Is 45, 1.4-6 ; Ps 95 ; 1 Ts 1, 1-5 : Mt22, 15 – 21

1)  Les taxes à l’Etat, l’homme à Dieu

Le contexte de l’Evangile de ce 29ème dimanche concerne le débat de Jésus avec les pharisiens et les hérodiens qui lui tendent un piège en lui posant une question sur les taxes à payer aux romains. Sous l’apparence de fidélité à la loi de Dieu ou à celle de l’Empereur romain, ceux-ci cherchent  des raisons pour l’accuser. Si, à leur question « Est-il permis, oui ou non, de payer l’impôt à César, l’empereur ? », Jésus répond : « Vous devez payer », ils pourraient, avec le peuple, l’accuser d’être un ami des romains. Si le Messie donne comme réponse : « Vous ne devez pas payer », ils pourraient l’accuser auprès des autorités romaines d’être un révolutionnaire. Enfin, ils veulent le mettre dans une situation que les pharisiens pensent être sans issue. Au contraire, le Christ trouve une voie d’issue en répondant à la question de l’impôt à César avec un réalisme politique surprenant. La taxe doit être payée à l’Empereur parce que l’effigie sur la monnaie est celle de l’empereur. Mais, l’homme, chaque être humain, porte en lui l’image de Dieu et c’est donc à lui et à lui seul que chacun doit « payer » l’impôt parce qu’il est débiteur de sa propre existence.

Dans sa réponse : « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu », le Christ ne reste pas seulement sur plan politique mais affirme clairement que ce qui compte le plus est le Royaume de Dieu. Les mots du Christ illuminent la ligne de conduite du chrétien dans monde. La foi ne lui demande pas de se marginaliser des réalités temporelles, cela devient plutôt pour lui une stimulation plus grande pour qu’il s’engage généreusement à les transformer de l’intérieur en contribuant à l’instauration du Royaume des Cieux.

Donc, si la première réflexion qui vient de la lecture de l’Evangile d’aujourd’hui est que le Messie n’oppose pas l’Etat à Dieu et dit de contribuer au bien commun aussi en payant les taxes, parce que le « vivre ensemble » demande de la solidarité, la deuxième réflexion qui me vient à l’ esprit est que la phrase « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu »   n’oppose pas seulement César à Dieu (ou l’homme ou Dieu) ni ne juxtapose César à Dieu (et l’homme et Dieu), mais c’est comme s’il disait « Donnez à l’homme ce qui est à l’homme de sorte qu’ il puisse sentir et vivre la joie de donner à Dieu ce qui est à Dieu ».

En se référant à l’effigie de César imprimée sur la monnaie dont les pharisiens et les hérodiens parlent, Jésus leur rappelle et nous rappelle que nous sommes créés à l’image et à la ressemblance de Dieu, et que si leurs impôts reviennent à César, leur vie appartient à Dieu. Jésus part du devoir de restituer l’argent à César dont l’image est imprimée sur le métal pour arriver à l’obligation de redonner l’homme à Dieu dont l’image est « imprimée » dans la nature humaine. Il est juste rendre à César la monnaie qui porte son image, et, il est juste rendre à Dieu l’homme fait à son image.

En proposant ces réflexions je me mets dans le sillon des Pères de l’Eglise dont un écrivit : « L’image de Dieu n’est pas imprimée sur l’or, mais sur le genre humain. La monnaie de César est or, celle de Dieu est l’humanité … Donc donne ta richesse matérielle à César mais réserve pour Dieu l’innocence unique de ta conscience où Dieu est contemplé …César, en effet, a voulu son image sur chaque monnaie, mais Dieu a choisi l’homme qu’il a créé pour refléter sa gloire » (Anonyme, Œuvre incomplète sur Mathieu, Homélie 42). Saint Augustin a utilisé plusieurs fois cette référence dans ses homélies : « Si César réclame sa propre image imprimée sur la monnaie, n’exigera-t-il pas Dieu de l’homme l’image divine sculptée en lui? » (Ennarrationes in psalmos, psaume 94,2). Et encore : « Comme on redonne la monnaie à César, on redonne à Dieu l’âme illuminée et imprimée par la lumière de son visage… Le Christ, en effet, habite à l’intérieur de l’homme » (Ibid.., psaume 4,8). Parce que l’homme n’est pas seulement réductible à la matérialité mais c’est la dimension spirituelle qui constitue la dimension dominante de chaque existence.

2) Restituer l’homme à Dieu

En commandant de payer l’impôt à César, Jésus-Christ reconnaît le pouvoir civil et ses droits, mais il rappelle clairement aussi qu’il faut respecter les droits supérieurs de Dieu (cf. Con Vat. II, Dignitatis humanae,8). En disant : « Rendez à Dieu ce qui est à Dieu », le Messie enseigne d’une manière claire que ce qui compte le plus est le Royaume de Dieu.

Donc, si, d’une part, à la lumière de l’évangile qui relate cette diatribe sur l’impôt à donner à César (cf Mc12,13-17; Mt 22,15-22; Lc 20,20-26), les chrétiens reconnaissent et respectent la distinction et l’autonomie de l’Etat, en la considérant un grand progrès de l’humanité et une condition fondamentale pour la même liberté de l’Eglise et pour la réalisation de sa mission universelle de sauver tous les peuples, d’autre part, les croyants dans le Christ prennent au sérieux le commandement de restituer à Dieu ce qui est à Dieu, c’est-à-dire tout : « parce qu’au Seigneur c’est la terre et tout ce qu’elle contient » (1Cor 10, 26). Redonnons à Dieu nos êtres chers, notre prochain, tous les hommes en les honorant, en prenant soin d’eux comme d’un trésor précieux. Chaque femme, chaque homme, sont des talents d’or qui nous sont offerts pour notre bien, et sont dans le monde les vraies monnaies d’or qui portent gravées sur elles-mêmes l’image et l’inscription de Dieu.

Une manière particulière de tout restituer à Dieu est celle des vierges consacrées qui, grâce à leur consécration sont un « espace humain habité par la Trinité » (VC 41).  Elles témoignent comme le don total d’elles-mêmes à cet Amour qui les pousse à « prendre soin de l’image divine déformée des visages des frères et sœurs « (VC 75d). Elles révèlent ainsi le mystère d’un Dieu qui se met au service de l’homme.

La vie de ces femmes est fondée sur au  moins trois piliers.

– le 1er est la « consécration » même, qui est déterminée par l’initiative de l’amour gratuit de Dieu qui appelle et par la foi en Lui comme réponse à cet amour. La consécration est vie centrée sur Dieu, en abandon total, amoureuse confiance, vie de gratuité et de gratitude, de particulière manifestation du Mystère de Dieu en une personne humble et simple

– le 2è pilier est l’amour envers les frères et sœurs du monde entier. La femme consacrée est appelée à partager l’Amour, parce que le don reçu est un don à donner, à partager, en reconnaissance et amour à Dieu qui en premier lieu l’a aimée. Le don du Seigneur qui lui a été fait n’exclut pas les autres, mais à travers elle il est destiné à circuler avant tout parmi tous ceux avec qui elle vit et travaille, pour arriver ensuite au monde entier.

– le 3è pilier ou, mieux, le but de la vie consacrée est une mission à accomplir en faveur des hommes qui habitent dans ce monde qui est de Dieu : « Allez dans le monde entier » (Mt 16,15). Dans le cœur de l’Evangile, retentissant solennellement le jour de Pentecôte, la mission du chrétien d’aller vers les autres a son secret gardé lui-aussi comme la perle précieuse dans l’évangile où le Christ dit : « Restez dans mon amour ». « Aller et rester » sont les deux coordonnées évangéliques dans lesquelles la vierge consacrée agit et d’où elle tire tous les jours sa sève vitale.

Cet « aller dans le monde entier » est la continuation du don de soi aux autres vécu dans l’Eglise et qui, à l’intérieur de la communauté chrétienne s’étend à tous les êtres humains. Dans ce geste de donation, les autres sont perçus, eux aussi, comme un don de Dieu pour nous, avec lesquels nous devons « vivre-avec » et partager les dons que nous avons reçu du Seigneur. Dans ce parcours dans le monde, l’engagement fondamental est la louange à Dieu, le témoignage de Jésus au niveau personnel et communautaire et l’annonce explicite de son nom aux nations, en vivant une dimension missionnaire vraie et en restituant le monde à Dieu.

Lecture patristique
Saint Laurent de Brindes (1559 – 1619)
29e dimanche après la Pentecôte, 2-5

Opera omnia, 8, 335.336.339-340.346.

Nous trouvons deux questions dans l’évangile d’aujourd’hui : la première a été posée au Christ par les pharisiens, la seconde aux pharisiens par le Christ. La leur est tout entière terrestre et inspirée par le diable, la sienne tout entière céleste et divine. Celle-là est un effet de l’ignorance et de la méchanceté, celle-ci procède de la sagesse et de la bonté parfaites: Cette effigie et cette légende, de qui sont-elles? Eux répondent: De César. Il leur dit : Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu (Mt 22,20-21). Il faut rendre à chacun ce qui lui revient.

Voilà une parole vraiment pleine de sagesse et de science célestes. Car elle nous enseigne qu’il y a deux sortes de pouvoir, l’un terrestre et humain, l’autre céleste et divin.  Elle nous apprend que nous sommes tenus à une double obéissance, l’une aux lois humaines et l’autre aux lois divines. Qu’il nous faut payer à César le denier portant l’effigie et l’inscription de César, à Dieu ce qui a reçu le sceau de l’image et de la ressemblance divines : La lumière de ton visage a laissé sur nous ton empreinte, Seigneur (cf. Ps 4,7).

Nous sommes faits à l’image et à la ressemblance (Gn 1,26) de Dieu. Tu es homme, ô chrétien. Tu es donc la monnaie du trésor divin, un denier portant l’effigie et l’inscription de l’empereur divin. Dès lors, je demande avec le Christ: Cette effigie et cette légende, de qui sont-elles? Tu réponds : « De Dieu. » J’ajoute : « Pourquoi donc ne rends-tu pas à Dieu ce qui est à lui ? »

Si nous voulons être réellement une image de Dieu, nous devons ressembler au Christ, puisqu’il est l’image de la bonté de Dieu et l’effigie exprimant son être (cf. He 1,3). Et Dieu a destiné ceux qu’il connaissait par avance à être l’image de son Fils (Rm 8,29). Le Christ a vraiment rendu à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. Il a observé de la manière la plus parfaite les préceptes contenus dans les deux tables de la loi divine en devenant obéissant jusqu’à mourir, et à mourir sur une croix (Ph 2,8), et il était orné au plus haut degré de toutes les vertus visibles et cachées.

L’évangile de ce jour met en évidence la prudence sans pareille du Christ, qui lui a fait éviter les pièges de ses ennemis par une réponse si sage et si habile. C’est là qu’apparaît également sa justice: elle inspire son enseignement quand il nous dit de rendre à chacun ce qui lui revient; elle montre qu’il voulut lui aussi s’acquitter de l’impôt, et qu’il paya deux drachmes pour lui-même et deux pour Pierre. C’est là que se manifeste la force d’âme qui le rendit capable d’enseigner ouvertement la vérité, de dire aux Juifs en colère, sans nullement les craindre, qu’il fallait payer les impôts à César. Telle est la voie de Dieu que le Christ a enseignée avec droiture.

Ainsi ceux qui ressemblent au Christ par leur vie, leur conduite et leurs vertus se modelant sur lui, rendent vraiment visible l’image de Dieu. Le renouvellement de cette image divine s’accomplit par la parfaite justice: Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu, à chacun ce qui lui revient.

Source : ZENIT.ORG, le 20 octobre 2023

Onzième heure : pour Dieu il y a toujours une heure bonne, par Mgr Follo

Parabole des ouvriers à la vigne © Andrei Mironov
Parabole Des Ouvriers À La Vigne © Andrei Mironov

Onzième heure : pour Dieu il y a toujours une heure bonne, par Mgr Follo

La justice de Dieu donne à chacun le meilleur

Rite Romain

Is 55, 6-9; Ps 144; Phil 1, 20-24.27; Mt 20, 1- 16

1) Dieu n’est pas injuste, il est généreux 

La première lecture de la messe d’aujourd’hui est composée par les versets 6 à 9 du 55ème chapitre du livre d’Isaïe qui est le dernier chapitre de ce livre. Dans ces versets, le prophète est inspiré par Dieu qui dit : « Autant le ciel est élevé au-dessus de la terre, autant mes chemins sont élevés au-dessus des vôtres, et mes pensées, au-dessus de vos pensées » (Is 55, 6-9). Aujourd’hui, afin de nous faire connaître la pensée de Dieu, le Christ nous donne une parabole magnifique qui décrit une façon de penser et d’agir humainement paradoxale. 

La parabole se termine ainsi : « Quand le soir fut venu, le maître de la vigne dit à son intendant : « Appelle les ouvriers, et paie-leur leur salaire, en commençant des derniers vers les premiers ». Ceux qui avaient commencé à cinq heures de l’après-midi s’avancèrent en premier, et reçurent chacun un denier. Les premiers vinrent ensuite, croyant recevoir davantage ; mais ils reçurent aussi chacun un denier. En le recevant, ils murmurèrent contre le maître de la maison ».

Le maître de la maison les a perturbés car les derniers sont payés en premier, et ils reçoivent la paye d’une journée entière pour seulement une heure de travail. La générosité du maître de la maison envers les ouvriers de la dernière heure avait suscité chez les ouvriers des premières heures l’attente injustifiée de recevoir une paye supérieure à celle qui avait été prévue. Ceux-ci s’en plaignent, mais le maître de la maison leur fait remarquer qu’il a respecté la justice à leur égard et que, s’il veut ensuite être généreux avec les autres, c’est son bon droit de leur donner autant qu’il le veut. 

Dieu n’est pas injuste, il est généreux. Il n’enlève rien aux premiers, il donne généreusement aux autres. Dieu fait vivre à tous une aventure inconnue : celle de la bonté. La bonté n’est pas juste, elle est autre, elle est beaucoup plus. La justice humaine donne à chacun ce qu’il lui appartient, la justice de Dieu donne à chacun le meilleur.

Dieu n’est pas seulement généreux, il est bonté amoureuse et infinie. Il ne paye pas mais il offre, il donne avec une abondance gratuite. Il est le Dieu de la bonté sans limites, vertige dans les pensées les plus normales, il transgresse toutes les règles de l’économie, il nous rassasie de surprises. Aucun patron ne ferait ainsi. Mais Dieu n’est pas un patron, ni le meilleur des patrons non plus. Dieu n’est pas le comptable de l’humanité et ne paye pas selon ce qui est juste, au sens distributif du terme. Dieu est le père qui donne à ses enfants, selon ce qui est le mieux pour eux. La justice distributive ne rend pas à l’être humain tout ce qui lui est du. De la même manière, et plus que du pain, l’homme a besoin de Dieu. Saint Augustin écrit : « Si la justice est la vertu qui attribue à chacun ce qui lui revient… Quelle est donc la justice de l’homme qui soustrait l’homme lui-même au vrai Dieu ? » (La Cité de Dieu, Livre XIX, 21)

Si le Maître divin agit lui-même comme il agit, ce n’est pas parce qu’il oublie ceux qui ont travaillé le plus, mais parce qu’il aime même les derniers. La justice n’est pas violée (le maître donne aux premiers ce qui avait été convenu), mais c’est la proportionnalité distributive qui l’est. L’espace de l’action de Dieu est le vaste espace de la bonté, et non l’espace restreint du « autant que« . 

Le Dieu de l’Evangile n’est pas sans justice, mais il ne se laisse pas emprisonner dans l’espace restreint de la proportionnalité. Aux yeux des hommes, la proportionnalité distributive est l’application la plus juste possible d’une loi, mais cela ne vaut pas pour Dieu. Si nous voulons rentrer dans le mystère d’amour de Dieu, nous devons nous libérer du schéma de la proportionnalité rigide dans nos relations.

Nous devons apprendre et pratiquer cette manière de penser et d’agir « pour être fidèles à celui qui n’est jamais fatigué de passer par les places des hommes jusqu’à l’onzième heure afin de proposer son offre d’amour » (pape François) et pour recevoir le Christ comme « denier », comme récompense de notre travail dans les vignes du Père. 

2) Justice et Grâce 

La justice de Dieu découle de la grâce car ce n’est pas nous qui réparons, nous qui nous soignons nous-mêmes et les autres. Le fait que « l’expiation » ait lieu dans le « sang » de Jésus signifie que ce ne sont pas nos sacrifices qui nous libèrent du poids de nos fautes ; c’est le geste de l’amour de Dieu qui s’ouvre jusqu’à l’extrême fin, jusqu’à prendre sur lui la « malédiction » qui nous appartient à nous, pauvres êtres humains, afin de nous donner en échange la « bénédiction » qui appartient à Dieu (v. Gal 3, 13-14).

Le travail que nous faisons dans la vigne du Seigneur nous vaut une récompense non pas parce que Dieu doit nous payer mais parce que, par cet humble et agréable travail, notre esprit et notre cœur s’ouvrent à la grâce qui nous recrée dans la miséricorde. 

Si nous disions que Dieu n’est juste que s’il nous paye au prix convenu, comment pourrions-nous dire que la justice se trouve là où le juste meurt pour le coupable et que le coupable reçoit en échange la bénédiction qui appartient au juste ? chacun d’entre nous ne reçoit-il pas le contraire de ce qui lui appartient ? En réalité, la justice divine est profondément différente de la justice humaine. Dieu a payé pour nous par son Fils le prix de notre rédemption, un prix vraiment disproportionné. 

La justice de la Croix met en évidence que nous sommes autarciques et autosuffisants et que, pour être pleinement nous-mêmes, nous avons besoin d’un Autre.

Cet Autre est le père, qui sort de la maison à différentes heures de la journée pour nous appeler au travail dans sa vigne et pour nous donner le bonheur. Ces différentes heures de la journée sont, comme l’écrit Saint Grégoire le Grand, les différents âges de la vie humaine : « Les différentes heures de la journée se retrouvent dans notre vie : le matin c’est l’enfance de notre intelligence ; la troisième heure, la jeunesse qui peut être comparée à l’adolescence car le soleil commence à monter, pour ainsi dire au sens où les ardeurs de la jeunesse commencent à se  réchauffer ; la sixième heure est l’âge de la maturité : le soleil s’y établit comme point d’équilibre car l’homme est arrivé à la plénitude de la force; la neuvième heure indique l’âge qui avance lorsque le soleil descend du haut du ciel parce que les ardeurs de l’âge mature se refroidissement . Et enfin la onzième heure est l’âge de la vieillesse où la journée tend vers sa fin… Comme certains mènent une vie honnête dès l’enfance, d’autres dans l’adolescence, d’autres dans la maturité, d’autres dans la vieillesse et d’autres dans le très grand âge, c’est comme s’ils étaient appelés à la vigne à différentes heures de la journée ».  Nous avons par conséquent à examiner notre façon de vivre et à voir si nous avons commencé à nous conduire comme les ouvriers de Dieu. Nous devons faire un examen de conscience pour comprendre si nous travaillons à la vigne du Seigneur, heureux d’être ses collaborateurs.

Et puis, le Pape continue :

Celui qui n’a voulu vivre pour Dieu jusqu’au dernier moment de sa vie est comme l’ouvrier qui est resté paresseux jusqu’à la onzième heure… « Pourquoi êtes-vous là, toute la journée, sans rien faire ? » C’est comme si l’on disait clairement : « Si vous n’avez pas voulu vivre pour Dieu durant votre jeunesse et votre âge mûr, repentez-vous du moins au dernier temps de la vie… venez quand même sur les chemins de la vie » … N’est-ce pas à dernière heure que le larron est arrivé ? (cf. Lc 23, 39-43) « Ce n’est pas par son âge avancé, mais par sa condamnation qu’il se trouva parvenu au soir de sa vie. Il confessa Dieu sur la croix, et il exhala son dernier souffle au moment où le Seigneur rendait sa sentence. Et le Seigneur du lieu, en admettant le larron avant Pierre dans le repos du paradis, a bien distribué les salaires en commençant par le dernier » (Saint Grégoire le Grand, Homélie sur l’Evangile, n. 19).

Un exemple de réponse dans les différents moments de la vie, à l’appel du Seigneur qui nous demande de travailler à sa vigne nous est donné par les vierges consacrées. Il est vrai que la spécificité de leur « travail », ou ministère ou service, auquel le rite de Consécration les habilite, est de vivre la virginité comme un signe prophétique de la Parousie, de la venue du Christ qui vient définitivement en tant qu’époux.

Il est vrai aussi que leur service, c’est de manifester l’amour de l’Église épouse envers le Christ, « en travaillant » avec la prière :(n’oublions pas que liturgie veut dire action du peuple pour Dieu et que la liturgie est aussi appelée Opus Dei, œuvre de Dieu).

Il faut cependant avoir à l’esprit que les vierges consacrées dans l’Eglise sont les femmes qui sous l’inspiration de l’Esprit saint, font vœu de chasteté pour aimer ardemment le christ, et servir leurs frères avec un dévouement plus libre. Leur tâche est celle s’adonner aux œuvres de pénitence et de miséricorde, à l’activité apostolique et à la prière. (RCV 2)

Lecture patristique

Saint Augustin d’Hippone (354 – 430)
Sermon 87

Les ouvriers de la vigne ou le délai de la conversion

ANALYSE. – Non-seulement nous honorons Dieu ou nous le cultivons, comme disent les Latins, mais lui aussi nous cultive, puisqu’il nous appelle sa vigne. Les ouvriers qu’il emploie à la culture de cette vigne désignent ses différents ministres; ils désignent même chacun de nous, et le dernier donné à tous pour salaire figure l’éternité du bonheur. Pourquoi ne pas répondre à son appel immédiatement? Dirons-nous que nous ne l’avons pas entendu? Mais l’univers entier est plein du bruit et de l’éclat de l’Évangile. Dirons-nous que nous avons toujours le temps, puisque la même récompense est assurée à tous, quelle que soit l’heure où ils commencent à travailler? Le désespoir est à craindre; la présomption n’est pas moins redoutable. Tremblerons-nous devant la désapprobation de certains amis puissants? Mais ils ne nous empêcheraient pas de réclamer les soins d’un médecin habile qu’ils n’aimeraient pas et par qui nous serions sûrs de recouvrer la santé. Courons tous au grand Médecin des âmes, gardons-nous, si nous ne le connaissons pas encore, de nous mettre en fureur contre lui ; prenons garde aussi à la léthargie ou à l’indifférence spirituelle et considérons comme un grand service les importunités pressantes qui ont pour but de nous en faire sortir.

1. On vient de vous lire dans le saint Évangile une parabole convenable à cette saison. Il y est question d’ouvriers qui travaillent dans une vigne, et nous sommes au temps des vendanges, des vendanges matérielles ; car il y a aussi des vendanges spirituelles, durant lesquelles Dieu se réjouit de voir le fruit de sa vigne.

Si nous rendons à Dieu un culte, Dieu aussi nous cultive. Nous ne le cultivons pas pour le rendre meilleur, puisque notre culte consiste dans l’adoration et non dans le labour. Mais lui nous cultive comme fait un laboureur de son champ; aussi cette culture nous améliore comme celle du laboureur rend son champ plus fertile; et le fruit que Dieu nous demande consiste dans son culte même. Il montre qu’il nous cultive en ne cessant, d’arracher par sa parole, de nos meurs les germes funestes, de nous ouvrir l’âme avec le soc de ses instructions, et d’y répandre ta semence de ses préceptes pour en attendre des fruits de piété. Quand en effet nous laissons ce laboureur céleste travailler nos cœurs et que nous lui rendons le culte qui lui est dû, nous ne nous montrons pas ingrats ; envers lui et nous lui présentons des fruits qui sont sa joie ; ces fruits ne le rendent pas plus riche, mais ils accroissent notre bonheur.

2. Voici maintenant la preuve que Dieu nous cultive, ainsi que je me suis exprimé. Il n’est pas nécessaire de démontrer devant vous que nous rendons un culte à Dieu; chacun répète que l’homme rend à Dieu ce culte. Mais on est tout surpris d’entendre dire que Dieu cultive les hommes; le langage humain ne se sert pas habituellement de ces termes, tandis qu’on répète souvent que les hommes rendent un culte à Dieu. Montrons par conséquent que Dieu cultive les hommes; on pourrait croire, sans cela, qu’il nous est échappé un mot inexact et murmurer intérieurement contre nous, nous accuser même, pour ne savoir pas ce que nous disons. Je veux donc et je dois vous montrer que Dieu nous cultive et qu’il nous cultive comme on cultive une terre, afin de nous rendre meilleurs. Le Seigneur dit dans l’Évangile : « Je suis le cep, vous en êtes les branches et mon Père est le vigneron (1). » Que fait un vigneron ? A vous qui l’êtes, je demande: Que fait un vigneron? Sans doute il cultive sa vigne. Si donc Dieu notre Père est vigneron, il a sûrement une vigne qu’il cultive et dont il attend la récolte.

3. Il a planté cette vigne, ainsi que le dit notre Seigneur Jésus-Christ lui-même, et il l’a louée à des vignerons qui devaient lui en rendre les fruits aux époques convenables. Afin donc (381) de les leur réclamer, il envoya vers ceux ses serviteurs. Les vignerons les outragèrent, en tirèrent même quelques-uns et dédaignèrent de payer. Il en envoya d’autres: mêmes traitements. Ce père de famille qui avait cultivé le champ, planté et loué sa vigne, se dit alors : « Je leur enverrai mon Fils unique; peut-être au moins le respecteront-ils. Et il leur envoya son Fils en personne. Voici l’héritier, dirent-ils en eux-mêmes, venez, mettons-le à mort, et son héritage sera pour nous. » Effectivement ils le mixent à mort, et le jettent hors de la vigne. Que fera, en venant, le Manne de la vigne à ces mauvais vignerons? On répondit à cette question : « Il fera mourir misérablement ces misérables et louera sa vigne à d’autres vignerons en recevoir le fruit eu son temps. (2) »

Cette vigne fut plantée lorsque la loi fut gravée dans le cœur des Juifs. Dieu ensuite envoya les Prophètes pour en recueillir tes fruits, pour exiger la sainteté; les Prophètes furent couverts d’outrages et mis à mort. Le Fils unique du Père de famille, le Christ vint ensuite; c’est l’héritier qu’ils ont tué. Aussi ont-ils perdu son héritage; leur dessein criminel a tourné contre eux-mêmes. Ils ont tué l’héritier pour accueillir sa succession et pour l’avoir tué ils ont tout perdu.

4. Tout à l’heure encore vous avez entendu dans le saint Évangile cette autre parabole. « Il en est du royaume des cieux comme d’un père de famille qui sortit afin de louer des ouvriers pour sa vigne.» Il sortit le matin, prit ceux qu’il trouva et convint avec eux du salaire d’un denier. Il sortit encore à la troisième heure et il en trouva d’autres qu’il conduisit travailler à sa vigne. A la sixième et à la neuvième heure il en fit autant. Il sortit enfin à la onzième heure, presque au déclin du jour, il rencontra quelques hommes debout dans l’oisiveté. Pourquoi restez-vous ici? leur dit-il; pourquoi ne travaillez-vous pas à la vigne? Parce que personne ne nous a loués, répondirent-ils. Vous aussi, venez, ajouta le Père de famille, et je vous donnerai ce qui conviendra. Il s’agissait d’un denier pour salaire. Mais comment ces derniers, qui ne devaient travailler qu’une heure, auraient-ils osé l’espérer? Ils étaient heureux néanmoins de compter encore sur quelque chose ; et pour une heure on les mena au travail.

Le soir venu, le Père de famille ordonna de payer tout le monde, des derniers aux premiers. Il commença donc par ceux qui étaient venus à la dernière heure, et il leur fit donner un denier. En les voyant recevoir et denier, dont on avait convenu avec eux, les premiers arrivés comptèrent sur davantage; en arriva enfin à eux, et ils reçurent un denier. Ils murmurèrent alors contre le Père de famille. Nous avons, dirent-ils, porté le poids du jour et de la chaleur brûlante, et vous ne nous traitez que comme ceux qui ont travaillé une bure seulement dans votre vigne? Le Père de famille, s’adressant à l’un d’eux, lui fit cette réponse pleine de justice: Mon ami, dit-il, je ne viole pas ton droit, c’est-à-dire je ne te trompe pas: je te donne ce qui est convenu. Je ne te trompe pas, puisque je suis fidèle à mon engagement. Je n’ai pas dessein de payer celui-ci, mais de lui donner. Ne puis-je faire de mon bien ce que je veux? Ton œil est-il jaloux, parce que je suis bon ? Si je prenais à quelqu’un ce qui ne m’appartient pas, je serais avec raison traité de voleur et d’homme injuste; je mériterais également d’être accusé de friponnerie et d’infidélité si je ne payais pas ce que je dois. Mais quand j’acquitte mes dettes et que de plus je donne à qui il me plaît, celui que je paie ne saurait me reprocher rien, et celui à qui je donne doit ressentir une joie plus vite. – Il n’y avait, rien à répliquer. Tous ainsi furent égaux; des derniers devinrent les premiers et les premiers les derniers, c’est-à-dire qu’il y eut égalité et non primauté. Que signifie en effet: Les premiers furent les derniers et les derniers les premiers? Qu’ils reçurent autant les uns que tes autres.

5. Pourquoi, alors, commença-t-on par payer les derniers ? N’avons-nous pas lu que la récompense sera donnée à tous en même temps? Car d’après un autre passage de l’Évangile que nous avons lu aussi, le Sauveur dira à tous ceux qui seront placés à sa droite : « Venez, les bénis de mon Père, recevez le Royaume qui vous a été préparé dès l’origine du monde (3).» Si donc tous les élus le doivent recevoir en même temps, comment expliquer que les ouvriers de la onzième heure ont été récompensés avant ceux de la première ? Vous rendrez grâces à Dieu si je parviens à m’exprimer de manière à vous le faire bien saisir. C’est à lui en effet que vous devez rendre grâces.

1. Jn 15,1-5

2. Mt 21,33-41

3. Mt 25,34

Source : ZENIT.ORG, le 22 septembre 2023

Le pardon n’a pas de limite, par Mgr Follo

Détail De L’œuvre De Rembrandt « Le Retour Du Fils Prodigue »

Le pardon n’a pas de limite, par Mgr Follo

« La gratuité est un des noyaux de l’Évangile »

Rite Romain

Is 56,1.6-7; Ps 66; Rm 11,13-15.29-32; Mt 15,21-28

1) Une mesure démesurée

L’Evangile de ce dimanche reporte ce que Pierre demanda au Christ sur le nombre de fois où il devait pardonner à son prochain. Le Messie, le porteur de l’évangile de la miséricorde répondit qu’il devait pardonner « non pas sept fois, mais soixante-dix fois sept » (Mt 18,21s), c’est-à-dire toujours. En effet le nombre « soixante-dix » par « sept » est symbolique et ne signifie pas une grande quantité déterminée, mais une quantité infinie, démesurée.

En disant qu’il faut pardonner « soixante-dix fois sept », Jésus enseigne que le pardon chrétien n’a pas de limites et que, seul, le pardon sans limites ressemble au pardon de Dieu.
Ce pardon divin est la raison et la mesure du pardon fraternel. C’est parce que Dieu le Père nous a fait objet d’un pardon sans mesures, que nous devons pardonner sans mesure.

Le pardon fraternel est la conséquence du pardon paternel de Dieu à invoquer sur ceux qui nous offensent, en priant : « Notre Père qui est au cieux … pardonne nous nos offenses s comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés » et en nous appropriant la prière du Christ sur la Croix lorsqu’en s’adressant au Père, il supplia : « Père pardonne-leur parce qu’ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23.34).

« Pardonne-leur » est la parole prononcée par le Christ à qui on a fait tant de mal, de façon injuste et sans mesures. Le Messie mourant pardonne et ouvre l’espace de l’amour infini à celui qui l’offense et qui le tue. Il prononce cette parole du cœur qui révèle un Dieu infiniment bon : le Dieu du pardon et de la miséricorde.

Comment pouvons-nous, nous pauvres êtres limités, mettre en pratique cet amour illimité ?
En premier lieu, en mendiant la miséricorde de Dieu, parce que nous ne pouvons donner ce que nous n’avons pas. Le Patron, celui dont parle le Christ dans la parabole d’aujourd’hui, se laisse attendrir par la supplication du serviteur et lui efface toute sa dette, en révélant un amour non seulement patient mais sans limites dans sa miséricorde. L’erreur à éviter, après avoir reçu ce pardon, est de ne pas reconnaître qu’en ce pardon il y a son amour pour nous et que cet amour grandit en nous si nous le partageons.

En deuxième lieu, en prenant conscience que l’accueil du pardon de Dieu se concrétise en sachant pardonner aux autres et qu’en pardonnant à celui qui nous a offensé, nous aimons le prochain comme nous-même et nous réalisons non seulement son bonheur et sa joie mais également notre bonheur et notre joie.

En troisième lieu, il faut prendre conscience que le pardon n’est pas seulement un acte que nous sommes appelés à faire un nombre infini de fois, mais que c’est une façon d’être qui doit influencer toute notre vie quotidienne pendant toute notre existence. C’est une dimension « religieuse » au vrai sens du terme parce qu’elle exprime notre communion avec Dieu dont l’amour transforme. « Pardonner ce n’est pas ignorer mais transformer :  Dieu doit entrer dans ce monde et opposer à l’océan de l’injustice un plus grand océan du bien et de l’amour » (Benoît XVI, 24 juillet 2005).

Un grand exemple, humain de ce pardon nous vient de la Vierge Marie qui souvent est invoquée comme Mère de Miséricorde. Aux pieds de son Fils crucifié, Marie nous pardonna, acceptant comme ses fils les hommes par lesquels le Christ avait été mis sur la Croix et par lesquels il mourrait. Avec ce « oui » (fiat) elle devint pour toujours, sans limites, notre Mère, Mère du pardon, comme auparavant elle se mit pleinement à disposition de Dieu et devint la mère de Jésus, le visage humain de la divine Miséricorde. Marie est ainsi devenue et reste pour toujours la « Mère de la Miséricorde » modèle et exemple de pardon.

              2) Pardon et gratuité

              La parabole d’aujourd’hui nous donne aussi un autre enseignement : le pardon ne doit pas seulement être pour toujours mais il doit aussi être gratuit car il ne faut pas séparer le rapport avec Dieu de celui avec le prochain. En effet le serviteur des paraboles de l’Evangile d’aujourd’hui est condamné parce qu’il garde le Pardon pour lui et qu’il ne permet pas que le pardon reçu devienne joie et pardon pour les autres aussi.

L’erreur de ce serviteur est de séparer le rapport avec Dieu du rapport avec le prochain. C’est en fait un rapport unique : comme il y a un rapport de gratuité, d’amour accueillant entre Dieu et les hommes, ainsi il doit y être la même chose entre l’homme et ses frères.

Je pense que la parabole veut souligner que l’amour de Dieu envers nous n’est pas avant tout circulaire, réciproque mais expansif et oblatif. Il est gratuit. Dieu ne se laisse pas enfermer dans l’étroite réciprocité. Donc, celui qui croit en Dieu et parle de Dieu doit élargir l’espace du pardon qui réalise la vraie justice.

L’important est de comprendre et vivre le fait que « la justice de Dieu est son pardon (Misericordiae vultus, 20). Le pape François écrit : « La miséricorde n’est pas contraire à la justice mais elle exprime le comportement de Dieu envers le pécheur en lui offrant une possibilité ultérieure de se convertir et de croire » (Id, 21). Nous devons être Eglise « en sortie » regardant les autres avec les yeux de Jésus : des yeux d’amour et non d’exclusion, certains que Dieu est tout et seul Amour. Parce qu’il est Amour, il est accueil et dialogue. Dans sa relation avec nous, hommes pécheurs, Il est compassion, grâce et pardon : miséricorde.

Les vierges consacrées sont particulièrement appelées à être des témoins de cette miséricorde du Seigneur dans laquelle nous sommes tous sauvés.

L’existence de ces femmes est une vive expérience du pardon de Dieu parce qu’elles vivent dans la conscience d’être des personnes sauvées, d’être « grandes » lorsqu’elles se reconnaissent « petites », de se sentir renouvelées et enveloppées par la sainteté de Dieu lorsqu’elles reconnaissent leur propre péché.

La vie consacrée reste donc une école privilégiée de la « componction du cœur », de la reconnaissance humble de sa propre misère, mais est aussi une école de la confiance en la miséricorde de Dieu, en son amour qu’il n’abandonne jamais.

En effet, plus nous sommes près de Dieu, plus nous sommes utiles aux autres.
Avec le don total d’elles-mêmes, les vierges consacrées expérimentent la grâce, la miséricorde et le pardon de Dieu non seulement pour elles-mêmes mais aussi pour les frères parce que leur vocation est de porter dans le cœur et dans la prière les angoisses et les attentes des hommes, particulièrement de ceux qui sont loin de Dieu.

La virginité est le fruit d’une amitié prolongée et mûrie avec Jésus par l’écoute constante de sa parole, dans le dialogue de la prière, dans la rencontre eucharistique. Pour cela les vierges consacrées sont des témoins crédibles de la foi. Elles doivent être des personnes qui vivent pour le Christ, avec le Christ et dans le Christ en transformant leur propre vie selon les plus grandes exigences de la gratuité.

La gratuité est un des noyaux de l’évangile. Tout est Grâce. « Personne » ne peut rien prétendre, tout est donné.

Comme Paul, il faut dire : « Qui donc t’a mis à part ? As-tu quelque chose sans l’avoir reçu ? Et si tu l’as reçu, pourquoi te vanter comme si tu ne l’avais pas reçu ? » (1 Cor 4,7). La gratuité n’est pas de faire les choses sans raison mais de les faire avec la plus grande de motivations, qui est la foi qui devient active par la charité (cf. Gal5,6)

Lecture patristique

Saint Augustin (354 – 430)
Sermon 83, 2.4

PL 38, 515-516.

Le Seigneur a raconté pour notre instruction la parabole du débiteur impitoyable, et, comme il ne veut pas que nous périssions, il y a joint cet avertissement : C’est ainsi que votre Père du ciel vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère de tout son cœur (Mt 18,35). Vous le voyez, mes frères, la parole est claire, l’avertissement utile ; ils réclament notre obéissance, ce moyen de salut très efficace, qui nous rend capables d’observer le commandement.

Tout homme, il est vrai, est débiteur de Dieu, et tout homme a un frère qui est son débiteur. Y a-t-il quelqu’un qui ne doive rien à Dieu, sinon celui en qui on ne peut trouver de péché ? Et quel est l’homme qui n’a pas un frère pour débiteur, sinon celui que personne n’a offensé ? Pourrait-on, à ton avis, en trouver un seul dans le genre humain, qui ne soit comptable de quelque manquement envers un frère ?

Donc, tout homme est débiteur envers quelqu’un, et il a, lui aussi, un débiteur. Dès lors, le Dieu juste t’a donné une règle à suivre envers ton débiteur, règle qu’il appliquera lui-même envers le sien. Il existe, en effet, deux œuvres de miséricorde qui peuvent nous libérer. Le Seigneur lui-même les a formulées brièvement dans son évangile : Remettez, et il vous sera remis ; donnez, et l’on vous donnera (Lc 6,37-38). La première a pour objet le pardon, et la seconde, la charité.

Le Seigneur parle du pardon. Or, tu désires obtenir le pardon de tes péchés, et tu as aussi des péchés à pardonner à quelqu’un. Il en va de même pour la charité : un mendiant te demande l’aumône et tu es le mendiant de Dieu, car nous sommes tous, quand nous le prions, les mendiants de Dieu. Nous nous tenons, ou plutôt nous nous prosternons devant la porte de notre Père de famille ; nous le supplions en nous lamentant, désireux de recevoir de lui une grâce, et cette grâce, c’est Dieu même. Que te demande le mendiant ? Du pain. Et toi, que demandes-tu à Dieu ? Simplement le Christ, qui dit : Je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel (Jn 6,51). Vous voulez être pardonnes ? Pardonnez. Remettez, et il vous sera remis. Vous voulez recevoir ? Donnez, et l’on vous donnera.

Oui, vraiment, si nous considérons nos péchés et passons en revue les fautes que nous avons commises par action, par la vue, par l’ouïe, par la pensée, par tant de mouvements de notre cœur, j’ignore si nous pourrions nous endormir sans sentir peser tout le poids de notre dette. Voilà pourquoi chaque jour nous présentons à Dieu des demandes, chaque jour nos prières vont frapper à ses oreilles, chaque jour nous nous prosternons en disant : Remets-nous nos dettes comme nous les avons remises nous-mêmes à ceux qui nous devaient (Mt 6,12).

Quelles dettes veux-tu te faire remettre ? Toutes, ou une partie ? Tu vas répondre « Toutes. » Fais-donc de même pour ton débiteur. C’est la règle que tu formules et la condition que tu poses. Tu les rappelles lorsque tu pries en accord avec ce pacte et cette alliance, et que tu dis : Remets-nous nos dettes comme nous les avons remises nous-mêmes à ceux qui nous devaient.

Source : ZENIT.ORG, le 16 septembre 2023

Le pardon n’a pas de limite, par Mgr Follo

Détail De L’œuvre De Rembrandt « Le Retour Du Fils Prodigue »

Le pardon n’a pas de limite, par Mgr Follo

« La gratuité est un des noyaux de l’Évangile »

Rite Romain

Is 56,1.6-7; Ps 66; Rm 11,13-15.29-32; Mt 15,21-28

1) Une mesure démesurée

L’Evangile de ce dimanche reporte ce que Pierre demanda au Christ sur le nombre de fois où il devait pardonner à son prochain. Le Messie, le porteur de l’évangile de la miséricorde répondit qu’il devait pardonner « non pas sept fois, mais soixante-dix fois sept » (Mt 18,21s), c’est-à-dire toujours. En effet le nombre « soixante-dix » par « sept » est symbolique et ne signifie pas une grande quantité déterminée, mais une quantité infinie, démesurée.

En disant qu’il faut pardonner « soixante-dix fois sept », Jésus enseigne que le pardon chrétien n’a pas de limites et que, seul, le pardon sans limites ressemble au pardon de Dieu.
Ce pardon divin est la raison et la mesure du pardon fraternel. C’est parce que Dieu le Père nous a fait objet d’un pardon sans mesures, que nous devons pardonner sans mesure.

Le pardon fraternel est la conséquence du pardon paternel de Dieu à invoquer sur ceux qui nous offensent, en priant : « Notre Père qui est au cieux … pardonne nous nos offenses s comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés » et en nous appropriant la prière du Christ sur la Croix lorsqu’en s’adressant au Père, il supplia : « Père pardonne-leur parce qu’ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23.34).

« Pardonne-leur » est la parole prononcée par le Christ à qui on a fait tant de mal, de façon injuste et sans mesures. Le Messie mourant pardonne et ouvre l’espace de l’amour infini à celui qui l’offense et qui le tue. Il prononce cette parole du cœur qui révèle un Dieu infiniment bon : le Dieu du pardon et de la miséricorde.

Comment pouvons-nous, nous pauvres êtres limités, mettre en pratique cet amour illimité ?
En premier lieu, en mendiant la miséricorde de Dieu, parce que nous ne pouvons donner ce que nous n’avons pas. Le Patron, celui dont parle le Christ dans la parabole d’aujourd’hui, se laisse attendrir par la supplication du serviteur et lui efface toute sa dette, en révélant un amour non seulement patient mais sans limites dans sa miséricorde. L’erreur à éviter, après avoir reçu ce pardon, est de ne pas reconnaître qu’en ce pardon il y a son amour pour nous et que cet amour grandit en nous si nous le partageons.

En deuxième lieu, en prenant conscience que l’accueil du pardon de Dieu se concrétise en sachant pardonner aux autres et qu’en pardonnant à celui qui nous a offensé, nous aimons le prochain comme nous-même et nous réalisons non seulement son bonheur et sa joie mais également notre bonheur et notre joie.

En troisième lieu, il faut prendre conscience que le pardon n’est pas seulement un acte que nous sommes appelés à faire un nombre infini de fois, mais que c’est une façon d’être qui doit influencer toute notre vie quotidienne pendant toute notre existence. C’est une dimension « religieuse » au vrai sens du terme parce qu’elle exprime notre communion avec Dieu dont l’amour transforme. « Pardonner ce n’est pas ignorer mais transformer :  Dieu doit entrer dans ce monde et opposer à l’océan de l’injustice un plus grand océan du bien et de l’amour » (Benoît XVI, 24 juillet 2005).

Un grand exemple, humain de ce pardon nous vient de la Vierge Marie qui souvent est invoquée comme Mère de Miséricorde. Aux pieds de son Fils crucifié, Marie nous pardonna, acceptant comme ses fils les hommes par lesquels le Christ avait été mis sur la Croix et par lesquels il mourrait. Avec ce « oui » (fiat) elle devint pour toujours, sans limites, notre Mère, Mère du pardon, comme auparavant elle se mit pleinement à disposition de Dieu et devint la mère de Jésus, le visage humain de la divine Miséricorde. Marie est ainsi devenue et reste pour toujours la « Mère de la Miséricorde » modèle et exemple de pardon.

              2) Pardon et gratuité

              La parabole d’aujourd’hui nous donne aussi un autre enseignement : le pardon ne doit pas seulement être pour toujours mais il doit aussi être gratuit car il ne faut pas séparer le rapport avec Dieu de celui avec le prochain. En effet le serviteur des paraboles de l’Evangile d’aujourd’hui est condamné parce qu’il garde le Pardon pour lui et qu’il ne permet pas que le pardon reçu devienne joie et pardon pour les autres aussi.

L’erreur de ce serviteur est de séparer le rapport avec Dieu du rapport avec le prochain. C’est en fait un rapport unique : comme il y a un rapport de gratuité, d’amour accueillant entre Dieu et les hommes, ainsi il doit y être la même chose entre l’homme et ses frères.

Je pense que la parabole veut souligner que l’amour de Dieu envers nous n’est pas avant tout circulaire, réciproque mais expansif et oblatif. Il est gratuit. Dieu ne se laisse pas enfermer dans l’étroite réciprocité. Donc, celui qui croit en Dieu et parle de Dieu doit élargir l’espace du pardon qui réalise la vraie justice.

L’important est de comprendre et vivre le fait que « la justice de Dieu est son pardon (Misericordiae vultus, 20). Le pape François écrit : « La miséricorde n’est pas contraire à la justice mais elle exprime le comportement de Dieu envers le pécheur en lui offrant une possibilité ultérieure de se convertir et de croire » (Id, 21). Nous devons être Eglise « en sortie » regardant les autres avec les yeux de Jésus : des yeux d’amour et non d’exclusion, certains que Dieu est tout et seul Amour. Parce qu’il est Amour, il est accueil et dialogue. Dans sa relation avec nous, hommes pécheurs, Il est compassion, grâce et pardon : miséricorde.

Les vierges consacrées sont particulièrement appelées à être des témoins de cette miséricorde du Seigneur dans laquelle nous sommes tous sauvés.

L’existence de ces femmes est une vive expérience du pardon de Dieu parce qu’elles vivent dans la conscience d’être des personnes sauvées, d’être « grandes » lorsqu’elles se reconnaissent « petites », de se sentir renouvelées et enveloppées par la sainteté de Dieu lorsqu’elles reconnaissent leur propre péché.

La vie consacrée reste donc une école privilégiée de la « componction du cœur », de la reconnaissance humble de sa propre misère, mais est aussi une école de la confiance en la miséricorde de Dieu, en son amour qu’il n’abandonne jamais.

En effet, plus nous sommes près de Dieu, plus nous sommes utiles aux autres.
Avec le don total d’elles-mêmes, les vierges consacrées expérimentent la grâce, la miséricorde et le pardon de Dieu non seulement pour elles-mêmes mais aussi pour les frères parce que leur vocation est de porter dans le cœur et dans la prière les angoisses et les attentes des hommes, particulièrement de ceux qui sont loin de Dieu.

La virginité est le fruit d’une amitié prolongée et mûrie avec Jésus par l’écoute constante de sa parole, dans le dialogue de la prière, dans la rencontre eucharistique. Pour cela les vierges consacrées sont des témoins crédibles de la foi. Elles doivent être des personnes qui vivent pour le Christ, avec le Christ et dans le Christ en transformant leur propre vie selon les plus grandes exigences de la gratuité.

La gratuité est un des noyaux de l’évangile. Tout est Grâce. « Personne » ne peut rien prétendre, tout est donné.

Comme Paul, il faut dire : « Qui donc t’a mis à part ? As-tu quelque chose sans l’avoir reçu ? Et si tu l’as reçu, pourquoi te vanter comme si tu ne l’avais pas reçu ? » (1 Cor 4,7). La gratuité n’est pas de faire les choses sans raison mais de les faire avec la plus grande de motivations, qui est la foi qui devient active par la charité (cf. Gal5,6)

Lecture patristique

Saint Augustin (354 – 430)
Sermon 83, 2.4

PL 38, 515-516.

Le Seigneur a raconté pour notre instruction la parabole du débiteur impitoyable, et, comme il ne veut pas que nous périssions, il y a joint cet avertissement : C’est ainsi que votre Père du ciel vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère de tout son cœur (Mt 18,35). Vous le voyez, mes frères, la parole est claire, l’avertissement utile ; ils réclament notre obéissance, ce moyen de salut très efficace, qui nous rend capables d’observer le commandement.

Tout homme, il est vrai, est débiteur de Dieu, et tout homme a un frère qui est son débiteur. Y a-t-il quelqu’un qui ne doive rien à Dieu, sinon celui en qui on ne peut trouver de péché ? Et quel est l’homme qui n’a pas un frère pour débiteur, sinon celui que personne n’a offensé ? Pourrait-on, à ton avis, en trouver un seul dans le genre humain, qui ne soit comptable de quelque manquement envers un frère ?

Donc, tout homme est débiteur envers quelqu’un, et il a, lui aussi, un débiteur. Dès lors, le Dieu juste t’a donné une règle à suivre envers ton débiteur, règle qu’il appliquera lui-même envers le sien. Il existe, en effet, deux œuvres de miséricorde qui peuvent nous libérer. Le Seigneur lui-même les a formulées brièvement dans son évangile : Remettez, et il vous sera remis ; donnez, et l’on vous donnera (Lc 6,37-38). La première a pour objet le pardon, et la seconde, la charité.

Le Seigneur parle du pardon. Or, tu désires obtenir le pardon de tes péchés, et tu as aussi des péchés à pardonner à quelqu’un. Il en va de même pour la charité : un mendiant te demande l’aumône et tu es le mendiant de Dieu, car nous sommes tous, quand nous le prions, les mendiants de Dieu. Nous nous tenons, ou plutôt nous nous prosternons devant la porte de notre Père de famille ; nous le supplions en nous lamentant, désireux de recevoir de lui une grâce, et cette grâce, c’est Dieu même. Que te demande le mendiant ? Du pain. Et toi, que demandes-tu à Dieu ? Simplement le Christ, qui dit : Je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel (Jn 6,51). Vous voulez être pardonnes ? Pardonnez. Remettez, et il vous sera remis. Vous voulez recevoir ? Donnez, et l’on vous donnera.

Oui, vraiment, si nous considérons nos péchés et passons en revue les fautes que nous avons commises par action, par la vue, par l’ouïe, par la pensée, par tant de mouvements de notre cœur, j’ignore si nous pourrions nous endormir sans sentir peser tout le poids de notre dette. Voilà pourquoi chaque jour nous présentons à Dieu des demandes, chaque jour nos prières vont frapper à ses oreilles, chaque jour nous nous prosternons en disant : Remets-nous nos dettes comme nous les avons remises nous-mêmes à ceux qui nous devaient (Mt 6,12).

Quelles dettes veux-tu te faire remettre ? Toutes, ou une partie ? Tu vas répondre « Toutes. » Fais-donc de même pour ton débiteur. C’est la règle que tu formules et la condition que tu poses. Tu les rappelles lorsque tu pries en accord avec ce pacte et cette alliance, et que tu dis : Remets-nous nos dettes comme nous les avons remises nous-mêmes à ceux qui nous devaient.

Source : ZENIT.ORG, le 16 septembre 2023

Dans l’Eucharistie le Christ se fait nourriture, médicament et ami de notre conversation, par Mgr Follo

Fête-Dieu 14 juin 2020, capture @ Vatican Media
Fête-Dieu 14 Juin 2020, Capture @ Vatican Media

Dans l’Eucharistie le Christ se fait nourriture, médicament et ami de notre conversation, par Mgr Follo

Fête-Dieu – Corpus Domini

Rite romain

Dt 8, 2-3.14-16 ; Ps 147 ; 1 Cor 10, 16 – 17 ; Jn 6, 51 – 58

1) Étonnement pour un don immense.

Dimanche dernier, nous avons célébré la Trinité, mystère d’Amour qui est source inépuisable de Vie qui se donne et se communique incessamment. Il fait de nous sa demeure où chaque chose retrouve Dieu, écoute Dieu, murmure Dieu, espère et aime Dieu. « Dieu est amour : c’est pour cela que Lui est Trinité… L’amour suppose un qui aime, un qui est aimé et l’amour même (Saint Augustin, De Trinitate, VIII, 10, 14). Le Père est, dans la Trinité, celui qui aime, la source et le début de tout ; le Fils est celui qui est aimé ; le Saint Esprit est l’amour avec lequel ils s’aiment.

Aujourd’hui, Fête-Dieu, solennité du très Saint Corps et Sang du Christ ou Corpus Domini comme on l’appelle encore, nous sommes invités à célébrer dans l’étonnement le mystère de la présence réelle du Seigneur dans l’Eucharistie qui nous donne la nourriture et la boisson du ciel, pour alimenter notre vie terrestre et pour affronter le chemin vers la vie céleste.

Aujourd’hui l’Eglise célèbre non seulement l’Eucharistie mais la porte aussi en procession. Ce que le Rédempteur nous a donné dans l’intimité du cénacle, nous le manifestons aujourd’hui ouvertement parce que l’amour du Christ n’est pas réservé à certains mais est destiné à tous. Aujourd’hui nous annonçons publiquement que le sacrifice du Christ est pour le salut du monde entier. Et cela ne vaut pas pour le passé. Le fait que Dieu ait aimé les hommes jusqu’au point d’envoyer son Fils pour les racheter de leur condition misérable, n’est pas un passé à regretter comme étant désormais fini : en effet il se déverse dans le présent. Cet amour est actuel, vif et opératoire aujourd’hui de manière étonnante.

Aujourd’hui l’Eglise nous invite à entrer avec étonnement dans ce « mystère de la foi », que le prêtre – chaque fois qu’il célèbre la Messe – synthétise avec les ineffables paroles de Jésus avec lesquelles le grand don de Lui-même se réalise : « Prenez et mangez, ceci est mon corps. Prenez et buvez ceci est le calice de mon sang. Faites ceci en ma mémoire » (Lc 22,16.)

Dans son encyclique sur l’Eucharistie, Saint Jean-Paul II manifestait cet étonnement en écrivant de cette façon : « Lorsque je pense à l’Eucharistie, parcourant ma vie de prêtre, d’ évêque, de successeur de Pierre, je me rappelle spontanément tous les moments et tous les lieux où je l’ai célébrée… la cathédrale de Wawel, la basilique Saint -Pierre… dans les chapelles situées sur les sentiers de montagne, près des lacs, au bord des mers, je l’ai célébrée sur des autels construits dans les stades, dans les places des villes. Ce scénario si varié m’en fait expérimenter fortement le caractère universel et, pour ainsi dire, cosmique. Oui, cosmique. Parce que lorsque l’Eucharistie est célébrée sur le petit autel de campagne, elle est toujours célébrée, dans un certain sens, sur l’autel du monde. Elle unit le ciel et la terre. Elle comprend et imprègne toute la création. Le Fils de Dieu s’est fait homme pour restituer – dans un suprême acte de louange -toute la création à Celui qui l’a crée à partir de rien. C’est vraiment cela le Mysterium Fidei que l’on célèbre dans l’Eucharistie ; le monde, sorti des mains de Dieu créateur, retourne à lui, sauvé par le Christ (Lettre Enc. Ecclesia de Eucharistia, 8)

Dans la messe et par le don de Jésus dans l’Eucharistie, chacun de nous doit vivre la même merveille, joie et gratitude dont St Jean-Paul II parle dans le passage que je viens de citer. Mettons-nous en adoration devant ce grand mystère et de miséricorde. Le Christ ne pouvait pas faire plus pour nous. Vraiment, dans l’Eucharistie, le Rédempteur nous montre un amour qui va jusqu’ à l’extrême (cf. Jn 13,1), un amour qui ne connaît pas de mesures ni de limites. Cet aspect de charité universelle du sacrement eucharistique est fondé sur les paroles mêmes du Sauveur. En l’instituant, il ne s’est pas limité à dire « Ceci est mon corps », « Ceci est mon sang », mais il a ajouté, « donné pour vous… versé pour vous… » (Lc 22,19-20). Il n’affirma pas seulement que ce qu’il leur donnait à manger et à boire était son corps et son sang mais il en a exprimé la valeur sacrificielle, en rendant présent, d’une manière sacramentelle, son sacrifice qui se s’accomplirait sur la croix, quelques heures après, pour le salut de tous.

2) Mendier le Corps du Christ crucifié 

Dans l’Eucharistie Jésus est présent non pas comme une chose mais comme une personne, comme un « moi » qui se donne à un « toi ».

Lorsque nous recevons la communion, nous tendons la main pour recevoir le Seigneur de la vie, nous sommes donc des mendiants qui tendent leurs mains pour demander la charité du pain de vie éternelle. Reconnaissons être des pauvres qui recevons tout. Encore plus, nous recevons le Tout qui n’est pas une chose mais quelqu’un qui se donne à nous. Recevoir le pain de vie est une communion de personnes, nous rencontrons le Christ et son coeur parle à notre cœur.

Dans cette rencontre eucharistique le Rédempteur ne parle pas seulement, mais il agit : « C’est le Christ qui y agit, qui est sur l’autel ». C’est un don du Christ qui se rend présent et nous rassemble autour de lui, pour nous nourrir de sa Parole et de sa vie. A travers l’Eucharistie, le Christ veut entrer dans notre existence et l’imprégner de sa grâce. Nous vivons donc l’Eucharistie avec un esprit de foi, de prière, de pardon, de pénitence, de joie partagée, de préoccupation pour les nécessiteux et pour les nécessités de beaucoup frères et soeurs, dans la certitude que le Seigneur accomplira ce qu’il nous a promis : la vie éternelle » (Pape François). La vie est la relation d’amour avec le Père qui la donne et avec les frères qui sont des fils comme toi, cela c’est déjà la vie éternelle, c’est la vie de Dieu, et c’est celle que Jésus veut nous communiquer.

A travers l’Eucharistie, il se produit une relation de communion pleine entre nous et Jésus parce que nous pouvons expérimenter ce Dieu qui a tant aimé le monde au point tel de donner son propre fils pour que le monde vive. « Manger le pain vivant… manger le corps… » : manger la chair, manger l’Amour, manger Dieu : tout est extrêmement concret et tout est d’une densité infinie. Manger l’Amour incarné de Dieu pour que Dieu continue à s’incarner et la chair de l’homme expérimente la vie de Dieu : l’amour de l’homme devienne l’Amour de Dieu er resplendisse sa gloire. Tout est Dieu et tout est si concrètement humain. Tout est merveilleux : tout requiert « seulement » le courage de croire à l’Amour infini de Dieu dans l’obscurité de la croix de Jésus.

L’Hostie est étroitement liée à la Croix. « Dans l’Eucharistie le Christ actualise toujours et à nouveau le don de Lui-même qu’il a fait sur la croix. Toute sa vie est un acte de total partage de lui par amour » (Pape François).

L’Eucharistie est par excellence le sacrement de la Passion et de la mort du Christ. Jésus l’institua dans un excès d’Amour, la nuit où il fut trahi, quand, après avoir béni et frappé le pain et après avoir béni le vin, les distribua aux apôtres en disant : « Faites ceci en mémoire de moi ». La Sainte Messe renouvelle mystiquement la Mort du Christ, en proclame le Résurrection dans l’attente de sa venue.

Toutefois, il faut tenir compte que le sacrifice du Christ est un sacrifice de communion et de louange.

Déjà dans l’Ancien Testament, parmi les différents types de sacrifices, il y avait celui qui était appelé « sacrifice de communion » ou « offrande de paix » parce qu’il voulait exprimer l’union entre Dieu et le donateur par une offrande de remerciement1. La victime était partagée entre Dieu, le prêtre et le donateur. La partie destinée à Dieu était brûlée sur l’autel. Le fidèle mangeait devant Yahvé, presque en sa compagnie. C’était le repas sacrificiel dans lequel s’établissait une communion spirituelle, une alliance entre Yahvé et le donateur. Ici, l’idée de « manger2 à la table du Seigneur », avec Lui, comme ses invités est très claire.

Pendant la Messe, le remerciement est l’aspect le plus significatif et – d’une manière surprenante – on le trouve dès le début. Notons que Jésus, même avant de ressusciter Lazare, lève les yeux et dit : « Père, je te remercie de m’avoir écouté » (Jn 11,41). Il remercie, avant de faire le miracle, certain que le Père le fera.

En transformant sa propre mort en sacrifice de remerciement, Jésus nous fait comprendre que, pour lui, Sa passion est un don du Père, que c’est sa glorification (cf. Jn 12, 28-33 ; 13, 31-32).

La mort elle-même est transformée en victoire ; Jésus vainc la mort avec la mort ; sa mort devient un sacrifice de remerciement.

L’eucharistie du dimanche ou de chaque jour devraient avoir pour effet de transformer, par le Christ, toute la vie en un perpétuel sacrifice de remerciement et nous faire vivre chaque événement comme un don. Je dis bien « devrait » parce que souvent nous nous approchons avec distraction, par habitude, ou avec prétention, par vanité. L’Eucharistie est un don de Miséricorde que nous pouvons recevoir après avoir demandé pardon et après avoir dit : « Seigneur, je ne suis pas digne de participer à ta table : mais dis seulement une parole et je serai sauvé ».

L’Église a choisi comme dernier moment de préparation à la réception de l’eucharistie, de reprendre les paroles du centurion romain de Capharnaüm lorsqu’il demanda à Jésus de guérir son fidèle serviteur malheureusement paralysé et très souffrant : « Seigneur, je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit mais dis seulement une parole et mon serviteur sera guéri » (Mt 8,8). L’attitude d’extrême humilité et de profonde confiance qui caractérisa la demande de cet officier païen qui demandait l’intervention salvifique du Christ chez lui – une vraie profession de foi – veut et doit être l’attitude de nous tous, prêtres et fidèles (ces paroles doivent être dites par le prêtre ensemble, avec les fidèles) quand nous sommes en train de recevoir le Seigneur dans notre cœur.

3) Les vierges consacrées et l’Eucharistie.

Il est certain qu’aucun de nous n’est « digne » de Jésus, de sa présence et de son amour, mais nous savons, dans la foi, qu’il nous suffit même d’un seul son, signe, d’une parole, d’un seul regard et que Lui peut nous sauver.

Attentives à cette parole et avec les yeux du cœur ouverts pour recevoir ce regard, les vierges consacrées sont des témoins significatives de cette humilité qui fait que le Christ prenne sa demeure dans le coeur humain et soit porté dans le monde.

Au sacrifice eucharistique du Christ, ces femmes unissent leur sacrifice comme don exclusif d’elles-mêmes au Christ, de cette façon elles manifestent d’une manière spéciale la dimension eucharistique de la vie quotidienne de chaque chrétien.

Le sacrifice est nécessaire à la vraie vie qui pour être telle, doit être vécue eucharistiquement. Tout le monde peut imaginer la force de cette tentation dans le panorama culturel actuel. Les sirènes de notre temps chantent la mélodie d’une vie sans sacrifice dans les liens d’affection, au travail…. Et de cette façon, en pratique elles condamnent les hommes à rester enfermés dans les épreuves de leur vie quotidienne, en leur donnant l’illusion que ces épreuves ne devraient pas exister.

Comment comprendre et vivre cette « étrange nécessité du sacrifice » ? En faisant l’expérience du don de soi et de la gratuité.

Il existe un rapport entre le renoncement et la joie, entre le sacrifice et la dilatation du coeur. Le sacrifice accompli par amour chaste ouvre le coeur, atteste l’amour préférentiel pour le Seigneur et symbolise, de la façon la plus éminente et absolue, le mystère de l’union du corps mystique à son Corps, de l’épouse à son éternel époux. La virginité consacrée, enfin, rejoint transforme et pénètre l’être humain dans son intime, par une mystérieuse ressemblance avec le Christ qui dans l’Eucharistie nous offre son Corps, Pain de vie.

Lecture Patristique

Saint Augustin d’Hippone

Sermon 131

ANALYSE. – Quel qu’avantageuse que fut la promesse de l’Eucharistie, plusieurs n’y crurent pas. C’est que la grâce est nécessaire pour croire, pour mener une sainte vie et pour persévérer dans le bien. Pourquoi revenir si souvent sur ce sujet ? C’est que plusieurs aujourd’hui le méconnaissent parmi les Chrétien ; eux-mêmes. Déjà les Juifs attribuaient à la grâce la rémission des péchés, la guérison des langueurs de l’âme, l’exemption de la corruption et le couronnement des mérites. Et aujourd’hui que le Sauveur à répandu la grâce par tout l’univers, on peut la méconnaître comme la méconnaissaient les Pharisiens ? Mais la cause est jugée, car Rome a parlé.

Nous avons entendu le Maître de la vérité, le Rédempteur divin, le Sauveur des hommes recommander à nôtre amour le sang qui nous a rachetés. Car en nous parlant de son corps et de son sang, il a dit que l’un serait notre nourriture et l’autre notre breuvage. Les fidèles reconnaissent ici le Sacrement des fidèles. Mais qu’y voient les catéchumènes ?

Afin donc d’exciter notre ardeur pour une telle nourriture et pour un breuvage si divin, le Sauveur disait : « Si vous ne mangez ma chair et si vous ne buvez mon sang, vous n’aurez pas en vous la vie, » et c’est la Vie même qui parlait ainsi de la vie, et pour celui qui accuserait la Vie de mentir, cette vie deviendrait la mort. Ce fut alors que se scandalisèrent, non pas tous les disciples, mais un grand nombre et ceux-ci (538) disaient en eux-mêmes : « Ce langage est dur, qui peut le supporter ?» Mais le Seigneur vit tout en esprit, il entendit le bruit de leurs pensées, et pour leur apprendre qu’il avait entendu leurs murmures intérieurs et les déterminer à y mettre un terme, il répondit avant même qu’ils eussent parlé. Que leur dit-il ? « Cela vous scandalise ? Et si, vous voyez le Fils de l’homme remonter où il était d’abord ?» Qu’est-ce à dire, Cela vous, scandalise ? Croyez-vous que je vais couper mes membres en morceaux afin de vous les donner ? Et «si vous voyez le Fils de l’homme remonter où il était d’abord ?» Vous comprendrez sûrement, en le voyant remonter tout entier, qu’il n’était pas consumable.

C’est ainsi qu’il nous dorme avec son corps et avec son sang une alimentation salutaire et qu’il résout en quelques mots l’importante question de son incorruptibilité. Vous qui mangez, mangez donc réellement ; buvez aussi, vous qui buvez ; ayez faim, ayez soif ; mangez la vie, buvez la vie. Manger ce corps, c’est se nourrir, mais se nourrir sans rien retrancher de ce qui nourrit. Qu’est-ce aussi que boire ce sang, sinon puiser le vie ? Mange la vie, bois la vie : ainsi tu l’acquerras en la laissant tout entière. Mais pour y parvenir, pour trouver la vie dans le corps et le sang du Christ, chacun doit manger et boire véritablement et d’une manière toute spirituelle, ce qu’il reçoit dans le Sacrement d’une manière sensible. Effectivement, nous avons entendu dire au Seigneur : « C’est l’esprit qui vivifie et la chair ne sert de rien. Les paroles que je vous ai adressées sont esprit et vie : mais il en est parmi vous, poursuit-il, qui ne croient pas. » C’était ceux qui disaient : « Ce langage est dur ; qui peut le supporter ?» Oui, il est dur, mais pour les durs ; il est incroyable, mais pour les incrédules.[1] Zebah selamin en hébreux, eucharisto en grec

2 Cela s’accomplie dans le geste de Jésus qui mange avec le pécheur et, surtout, dans l’Eucharistie. Le sacrifice de louange (Toda = merci) décrit en Lv 7,11-17, revient souvent dans les Psaumes (cf. Ps 22 ;116, 107…). Le schéma est simple : une personne se trouver dans un danger, invoque le Seigneur, en promettant un sacrifice de remercîment, l’aide désirée arrive, la personne va au Temple pour offrir le sacrifice promis.

Source : ZENIT.ORG, le 9 juin 2033