François: défendre la dignité des pauvres plutôt que de s’émouvoir de leur sort

Déjeuner du Saint-Père avec les pauvres à l'occasion de la Journée mondiale des pauvres, le 13 novembre 2022.Déjeuner du Saint-Père avec les pauvres à l’occasion de la Journée mondiale des pauvres, le 13 novembre 2022.

François: défendre la dignité des pauvres plutôt que de s’émouvoir de leur sort

Dans son message pour la VIIe Journée mondiale des pauvres, le Pape François invite à ne pas détourner le regard de ceux qui sont en difficulté, comme les enfants qui vivent dans les zones de guerre, ceux qui ne parviennent pas à joindre les deux bouts, ceux qui sont exploités au travail, et les jeunes qui sont prisonniers d’une culture qui leur donne le sentiment «d’être des ratés».

Benedetta Capelli – Cité du Vatican

Le regard d’un pauvre change l’orientation de la vie de la personne qui le croise, mais «nous devons avoir le courage de rester sur ces yeux et d’agir ensuite en aidant, non pas en fonction de notre désir de nous débarrasser du superflu, mais en fonction de ce dont l’autre personne a besoin». Tel est l’appel qui sous-tend le message du Pape pour la VIIe Journée mondiale des pauvres, qui aura lieu le 19 novembre prochain, «un signe fécond de la miséricorde du Père»,selon François.

«Ne détournez pas votre regard des pauvres». À travers ce thème, qui fait référence au Livre de Tobie, le Pape propose une interprétation de la réalité qui consiste à reconnaître dans les plus fragiles «le visage du Seigneur Jésus», au-delà de la couleur de la peau, de la condition sociale et de l’origine. En lui, il y a un frère à rencontrer, «en nous débarrassant de l’indifférence et de l’évidence avec lesquelles nous protégeons un bien-être illusoire».

Le silence de la voix des pauvres

La réalité dans laquelle nous vivons, souligne le Pape, est marquée par un appel trop fort au bien-être, et donc par le silence de la voix des pauvres. «Il y a une tendance à négliger tout ce qui n’entre pas dans les modèles de vie destinés surtout aux jeunes générations, qui sont les plus fragiles face au changement culturel en cours». Ce qui fait souffrir est mis entre parenthèses, la réalité virtuelle est alors confondue avec la vie réelle. «Les pauvres, écrit l’évêque de Rome, deviennent des images qui peuvent nous émouvoir quelques instants, mais lorsque nous les rencontrons en chair et en os dans la rue, c’est l’agacement et la marginalisation qui prennent le dessus». Pourtant, la parabole du bon Samaritain, souligne François, interpelle le présent, et «s’impliquer personnellement est la vocation de tout chrétien».

Agir face à des politiques inefficaces

Rappelant le paragraphe 6 de l’encyclique Pacem in Terris de Jean XXIII, écrite il y a 60 ans, le Souverain pontife argentin affirme qu’il reste encore beaucoup à faire pour assurer une vie digne à nombre de personnes, pour que ces mots du Pape Roncalli deviennent réalité, «également à travers un engagement politique et législatif sérieux, aussi efficace». François espère que se développeront «la solidarité et la subsidiarité de nombreux citoyens qui croient en la valeur de l’engagement volontaire de dévouement aux pauvres» face aux échecs de la politique à servir le bien commun. En bref, il ne s’agit pas de rester les bras croisés en attendant de recevoir quelque chose «d’en haut», «ceux qui vivent dans la pauvreté», écrit le Pape, «doivent aussi être impliqués et accompagnés sur un chemin de changement et de responsabilité».

Les nouvelles pauvretés

Le Pape élargit ensuite son regard «aux nouveaux pauvres». Il évoque les enfants qui vivent un présent difficile et voient leur avenir compromis à cause de la guerre. «Personne, écrit-il, ne pourra jamais s’habituer à cette situation; maintenons vivante toute tentative pour que la paix soit affirmée comme don du Seigneur ressuscité et fruit de l’engagement pour la justice et le dialogue». Dans le cœur du Pape, il y a aussi ceux qui, face à «l’augmentation dramatique des coûts», sont obligés de choisir entre nourriture et médicaments, d’où l’invitation à faire entendre leur voix pour que le droit à ces deux biens soit garanti, «au nom de la dignité de la personne humaine».

Travail inhumain et jeunes «bernés»

Des travailleurs sont contraints à des traitements inhumains avec des salaires insuffisants, ou le poids de la précarité. Sans oublier ces «nombreuses victimes d’accidents souvent dus à la mentalité qui privilégie le profit immédiat au détriment de la sécurité».L’inquiétude est également forte pour les jeunes, «combien de vies frustrées et même de suicides de jeunes, bernés par une culture qui les conduit à se sentir  »ratés ».«Aidons-les à réagir», demande le Pape, «face à ces instigations néfastes, afin que chacun trouve le chemin à suivre pour acquérir une identité forte et généreuse».

Inviter les pauvres à sa table

Des visages, des histoires, des cœurs et des âmes: tels sont les pauvres. Le Saint-Père invite ainsi chacun à partager la table de leur maison, en signe de fraternité, tout en reconnaissant l’attention constante et le dévouement de nombreux «voisins», qui ne sont pas des «surhommes» mais des personnes capables d’écouter, de dialoguer et de donner des conseils. «La gratitude envers tant de bénévoles appelle à la prière pour que leur témoignage soit fructueux. « Ne pas détourner le regard des pauvres permet d’obtenir les bienfaits de la miséricorde, de la charité qui donne sens à toute la vie chrétienne». En conclusion, citant sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, 150 ans après sa naissance, le Successeur de Pierre rappelle que «tout le monde a le droit d’être éclairé par la charité» et demande de garder le regard toujours fixé sur le visage humain et divin de Jésus.

Source : VATICANNEWS, le 13 juin 2023

Entendre la « clameur des pauvres »

© Élodie Perriot – Lazare Lyon – Mars 2017

Une semaine avant la Journée mondiale des pauvres, ce sont les évêques de France qui ont reçu lors de leur assemblée plénière des personnes ayant vécu une grande précarité. Notre chroniqueuse Véronique Fayet, ancienne présidente du Secours catholique, tire les enseignements de cette rencontre exceptionnelle.

L’Assemblée plénière des évêques, la semaine dernière à Lourdes, a été riche de rencontres, d’émotions, de paroles fortes et il faut s’en réjouir pour l’Église ! Les médias ont surtout retenu ce qui portait sur les suites du rapport de la Ciase mais un autre événement est passé un peu inaperçu : pour la première fois dans cette noble assemblée, des personnes qui vivent la grande précarité et l’exclusion sociale se sont exprimées et ont dialogué avec les évêques. Cette rencontre était une étape du parcours de réflexion voulu par le Conseil permanent sur l’écologie intégrale. 

Le témoignage de Désirée

Démarré en 2019, ce parcours a abordé les questions de la crise écologique mondiale et de l’avenir de la planète, les thèmes de l’agriculture et de l’alimentation, de l’économie et de la production de richesses… Les évêques et leurs invités ont pu dialoguer et se laisser interpeller par des militants écologistes et des acteurs engagés dans la transition écologique. Avant le travail de synthèse de ce parcours qui aura lieu à l’Assemblée plénière de mars 2022, il fallait entendre la « clameur des pauvres », entendre leurs cris et leurs propositions pour un monde plus juste, entendre ce qu’ils attendent de l’Église pour construire et protéger la « maison commune ». Pendant deux mois, une douzaine de groupes de personnes en précarité ont travaillé, réfléchi, écrit et deux représentants de chaque groupe étaient invités à Lourdes. 

Désirée, qui a connu la prostitution en arrivant en France, est membre du groupe de partage de l’association Aux captifs la libération. Elle a rappelé que c’est « l’indifférence qui fait mal, comme les barrières, les préjugés. Il y a des barrières invisibles dans la société », ou encore que « la vie est difficile quand on n’a pas sa place dans la société ». Aux “Captifs”, dit-elle « le fait d’être ensemble, entourée d’amis, dans de bonnes réunions à la recherche de Dieu, ce sont des moments éphémères de bonheur, créés par nous, qui nous apportent de la joie. Tu te sens plus aimée. Tu es moins rejetée grâce aux Captifs ! » ! Et dans tous les groupes (Lazare, Œuvre d’Orient, Réseau Saint-Laurent, Secours catholique…) c’était le même cri, le même désir d’être reconnu, aimé, écouté. Le même désir de contribuer par son expérience et son intelligence à la construction d’un monde plus juste et plus fraternel, moins centré sur l’avoir, la possession et le pillage de la nature. 

Des demandes très simples

De nombreux évêques ont été touchés par ces échanges vrais. Ils ont été invités à prendre des initiatives concrètes et simples pour que les personnes pauvres trouvent leur place dans l’Église. Tous les intervenants ont dit à quel point ces petits groupes dans lesquels ils vivent la confiance, la fraternité, l’entraide, une parole libre autour de la Parole de Dieu sont essentiels pour ceux qui se sentent si loin de l’Église. Ils ont évoqué des pèlerinages qui permettent des rencontres vraies et des échanges en profondeur. Des demandes très simples que nous pouvons tous mettre en pratique dans nos diocèses, nos paroisses, nos quartiers : créer un groupe, une petite fraternité, ouverte en priorité aux personnes qui vivent la pauvreté et l’exclusion, pour vivre un partage de vie autour de l’évangile et petit à petit retrouver une place dans l’Église. Désirée en témoigne : « Grâce aux “Captifs” on est mieux. Accueillis à la messe, on se sent moins extérieurs. »  

Ce que vivent ces groupes de partage, c’est bien une Église qui marche au pas des plus petits, qui va chercher aux périphéries ceux qui se sentent jugés, oubliés.

Sans préjuger de ce que les évêques et leurs invités tireront comme enseignements de ces rencontres, de ce qu’ils voudront impulser dans leur diocèse, il est évident que ces échanges viennent nourrir notre démarche synodale. Ce que vivent ces groupes de partage, c’est bien une Église qui marche au pas des plus petits, qui va chercher aux périphéries ceux qui se sentent jugés, oubliés. Une Église qui comprend que les petits ont beaucoup à nous enseigner et qui se souvient que par amour, Dieu a voulu « cacher aux sages aux savants et révéler aux tout petits » sa sagesse et beaucoup d’autres choses… (Lc 10, 21) Au moment où le Pape nous invite à chercher les voies d’une Église plus synodale et qui tourne le dos à toutes formes d’abus, il serait fou de ne pas écouter et mettre en pratique cette parole de Jésus qui nous invite à la Joie.

Source: ALETEIA, le 13 novembre 2021

«Tends la main au pauvre»: le Pape célèbre dimanche la messe pour les pauvres

Messe pour la Journée mondiale des pauvres en la Basilique Saint-Pierre, le 17 novembre 2019. Messe pour la Journée mondiale des pauvres en la Basilique Saint-Pierre, le 17 novembre 2019.   (Vatican Media)

«Tends la main au pauvre»: le Pape célèbre dimanche la messe pour les pauvres

Dimanche 15 novembre aura lieu la quatrième édition de la Journée mondiale des pauvres, instituée par le Primat d’Italie en 2017. Comme l’exprime le message du Pape François en date du 13 juin, mémoire liturgique de Saint Antoine de Padoue, le thème de la Journée cette année s’articule autour du verset biblique: «Tends la main aux pauvres» (Sir 7,32).

Une conférence de presse de présentation de la journée mondiale des pauvres de dimanche a eu lieu jeudi 12 novembre 2020 en Salle de Presse du Saint-Siège, en présence notamment de Mgr Rino Fisichella, président du Conseil pontifical pour la nouvelle évangélisation.

«Tendre la main est un signe: un signe qui appelle immédiatement à la proximité, à la solidarité, à l’amour. Au cours de ces mois, où le monde entier a été comme submergé par un virus qui a apporté la douleur et la mort, le découragement et la confusion, combien de mains tendues avons-nous pu voir! La main tendue du médecin… de l’infirmière… de ceux qui travaillent dans l’administration… du pharmacien… du prêtre (…). Et d’autres mains tendues que l’on pourrait encore décrire pour composer une litanie de bonnes œuvres», a d’emblée affirmé l’archevêque italien, soulignant combien ces mains «ont défié la contagion et la peur pour apporter soutien et consolation».  

Cent pauvres présents dans l’assemblée

Ainsi, dimanche 15 novembre à 10 heures en la Basilique Saint-Pierre, le Souverain pontife célèbrera la Sainte Eucharistie à l’occasion de la quatrième Journée mondiale des pauvres. L’événement sera retransmis en direct sur les chaînes de télévision italiennes Rai 1, TV 2000, Telepace et tous les diffuseurs catholiques du monde entier connectés au Dicastère pour la communication du Saint-Siège. La messe sera bien sûr aussi diffusée en streaming sur le portail Vatican News et la chaîne YouTube du site, avec commentaire en français. 

Seules cent personnes seront symboliquement présentes dans la Basilique Saint-Pierre, représentant tous les pauvres du monde qui, en ce jour, ont particulièrement besoin de l’attention et de la solidarité de la communauté chrétienne, ainsi que des bénévoles et des bienfaiteurs, a annoncé Mgr Fisichella. Les lectures seront proclamées par des personnes qui sont assistées chaque jour par les différentes associations caritatives.

Initiatives concrètes de l’Aumônerie apostolique

Les traditionnelles initiatives comme le centre médical installé place Saint-Pierre ou le déjeuner du Pape en compagne de 1 500 pauvres en salle Paul VI, ont du etre suspendues cette année à cause des restrictions sanitaires en vigueur. Cependant, certaines actions concrètes sont bien maintenues. Par exemple, dans la clinique ambulatoire sous la colonnade de Saint-Pierre, tenue par l’Aumônerie apostolique, il est possible de réaliser un test Covid. Ouverte de 8 heures à 14 heures, la clinique a déjà effectué 50 prélèvements par jour, a informé Mgr Fisichella. 

Par ailleurs, grâce au soutien de Roma Cares et des supermarchés italiens Elite, 5 000 colis de produits de première nécessité aux familles en difficulté d’une soixantaine de paroisses de Rome sont envoyés. Chaque boîte contient des aliments de différentes sortes (pâtes, riz, sauces tomates, huile, sel fin et gros sel, farine, café, sucre, confiture, thon, biscuits et chocolat) de marques particulièrement prestigieuses, ainsi que quelques masques et une carte avec une image de prière du Pape François.

Mgr Fisichella a souligné que la distribution de ces colis a été rendue possible grâce au travail d’un groupe de vingt jeunes en attente d’emploi.

L’amour, but ultime

Les paroles du Pape François dans son message pour cette Journée expriment bien le but de ces initiatives et leur esprit:

«Quoique tu fasses, souviens-toi que ta vie a une fin » (Si 7, 36). Le texte se prête à une double interprétation. La première fait ressortir que nous devons toujours garder à l’esprit la fin de notre existence. Il y a aussi une deuxième interprétation, qui souligne plutôt le but vers lequel chacun tend. C’est la fin de notre vie qui demande un projet à réaliser et un chemin à accomplir sans se lasser. Or, le but de chacune de nos actions ne peut être autre que l’amour. Cet amour est partage, dévouement et service, mais il commence par la découverte que nous sommes les premiers aimés et éveillés à l’amour. Même un sourire que nous partageons avec le pauvre est source d’amour et permet de vivre dans la joie. Que la main tendue, alors, puisse toujours s’enrichir du sourire de celui qui ne fait pas peser sa présence et l’aide qu’il offre, mais ne se réjouit que de vivre à la manière des disciples du Christ».

Source: VATICANNEWS, le 12 novembre 2020