Le Pape met en garde l’Église hongroise contre le défaitisme et le conformisme

Ce vendredi 28 avril, première journée de son voyage en Hongrie, le Pape François a rencontré en la cocathédrale Saint-Étienne de Budapest les évêques, prêtres, diacres, consacrés, séminaristes et agents pastoraux venus des différents diocèses du pays. Face aux défis que doit affronter l’Église, a-t-il expliqué, celle-ci est appelée à un «accueil prophétique», en faisant preuve d’écoute, de communion, et surtout de fidélité à la prière. 

Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican

«Le Christ ressuscité, centre de l’Histoire, est l’avenir», a confié comme une boussole le Pape François au début de son discours prononcé sous la coupole de la cocathédrale Saint-Étienne de Budapest, où s’étaient rassemblés environ 1100 fidèles selon les autorités locales, tandis que des milliers suivaient la rencontre depuis le parvis.  

Cultiver notre saison

«Notre vie, bien que marquée par la fragilité, est fermement placée entre ses mains», a-t-il assuré aux nombreux membres de l’Église catholique hongroise, dont quelques-uns avaient auparavant témoigné devant le Souverain pontife, dans cet édifice inauguré jadis par l’empereur François-Joseph.

Mgr András Veres, évêque de Győr, président de la Conférence épiscopale de la Hongrie, avait notamment évoqué «la sécularisation, l’hédonisme, une certaine indifférence à l’égard des valeurs évangéliques, la difficulté de transmettre la foi dans les familles, le manque de vocations sacerdotales et religieuses».

Des défis face auxquels peuvent surgir deux tentations, a averti le Pape, «le défaitisme catastrophiste et le conformisme mondain». L’Évangile indique une parabole appropriée: celle du figuier (cf Mc 13, 28-29). Elle résonne aujourd’hui pour les chrétiens comme invitation «à cultiver notre saison, à la lire, à y semer l’Évangile, à élaguer les branches sèches du mal, à porter du fruit. Nous sommes appelés à un accueil prophétique», a-t-il expliqué.

Ne pas se raidir

Le Saint-Père a dénoncé lui aussi «la diffusion du sécularisme et à ce qui l’accompagne, qui risque souvent de menacer l’intégrité et la beauté de la famille, d’exposer les jeunes à des modèles de vie marqués par le matérialisme et l’hédonisme, de polariser le débat sur des thèmes et des défis nouveaux». Il a également pointé du doigt la tentation de «se raidir, de se fermer et d’adopter une attitude de ”combattants”».

Ces défis, a-t-il poursuivi, sont plutôt à envisager comme une opportunité pour les chrétiens, une invitation à «entrer en dialogue avec l’Évangile, à chercher des voies, des instruments et des langages nouveaux», «sans peur ni rigidité».

Il s’agit plus concrètement de «mettre à jour la vie pastorale, sans se contenter de répéter le passé et sans peur de reconfigurer la paroisse sur le territoire, mais en donnant la priorité à l’évangélisation et en instaurant une collaboration active entre prêtres, catéchistes, agents pastoraux, enseignants», a indiqué François.

Le Pape et les évêques hongrois dans la cocathédrale Saint-Étienne, 28 avril 2023

Le Pape et les évêques hongrois dans la cocathédrale Saint-Étienne, 28 avril 2023

Ensemble dans la vigne du Seigneur

Le Pape a reconnu que la «surcharge de travail pour les prêtres»représentait une sérieuse difficulté, tout comme le manque de vocations, et cela partout en Europe. Il est donc «important que tous – pasteurs et laïcs – se sentent coresponsables: avant tout dans la prière, parce que les réponses viennent du Seigneur et non du monde, du tabernacle et non de l’ordinateur», a-t-il souligné.

Le Saint-Père a ensuite insisté sur l’importance de l’unité entre les différents membres de l’Église. Une «bonne pastorale est possible si nous sommes capables de vivre cet amour que le Seigneur nous a commandé et qui est un don de son Esprit», a-t-il ajouté. En revanche «si nous sommes distants ou divisés, si nous nous raidissons dans nos positions et dans nos groupes, nous ne portons pas de fruits». «Le premier travail pastoral est le témoignage de la communion, parce que Dieu est communion et est présent là où il y a la charité fraternelle», a déclaré le Souverain pontife, exhortant à surmonter «les divisions humaines pour travailler ensemble dans la vigne du Seigneur».

L’exemple des saints

Puis François s’est adressé aux prêtres, les invitant à avoir «des regards et des approches miséricordieux et compatissants». Il a cité en exemple un bienheureux hongrois évoqué auparavant par son propre frère, prêtre lui aussi: le bienheureux János Brenner, «tué de façon barbare à seulement 26 ans»par le régime communiste. Les Hongrois peuvent également s’inspirer de saint Martin ou du roi saint Étienne de Hongrie, «évangélisateur intrépide et fondateur de monastères et d’abbayes», qui «savait aussi écouter et dialoguer avec tous et s’occuper des pauvres». Ils nous montrent «l’Église dont nous devons rêver: capable d’écoute réciproque, de dialogue, d’attention aux plus faibles; accueillante envers tous et courageuse pour porter à chacun la prophétie de l’Évangile», a déclaré le Pape. 

Le Saint-Père a enfin loué la «foi granitique des Hongrois», dont ont témoigné notamment de «nombreux évêques, prêtres, religieuses et religieux martyrisés au cours de la persécution athée». «S’il y a un million de Hongrois en prière, je n’aurai pas peur de l’avenir», dit même un proverbe local. François a exhorté les chrétiens du pays à être «des femmes et des hommes de prière, car l’histoire et l’avenir en dépendent». «Je prie pour vous, afin que, à l’exemple de vos grands témoins de foi, vous ne soyez jamais pris par la fatigue intérieure, mais que vous avanciez avec joie», a-t-il assuré en guise de conclusion.

Reliquaire de saint Étienne, 28 avril 2023

Reliquaire de saint Étienne, 28 avril 2023

Source : VATICANNEWS, le 28 avril 2023

Cérémonie de bienvenue du pape François en Hongrie

Sur les rives du Danube, le Pape presse l’Europe de retrouver son âme

Inspiré par Budapest, son histoire, ses ponts et ses saints, le Pape François a prononcé un grand discours sur l’Europe, vendredi 28 avril rencontrant les autorités hongroises dans l’ancien monastère des Carmélites, au château de Buda. Depuis le cœur de la Mittel Europa, dans la lignée de ses discours de Strasbourg et du prix Charlemagne, le Saint-Père a interpellé le Vieux continent sur le déclin de son rêve de paix alors que grondent les bombes à ses portes orientales.

Delphine Allaire – Budapest, Hongrie

La marche hongroise de Berlioz résonnant dans la cour du château de Buda, surplombant le Danube. Le Pape François a été accueilli en grande pompe par les autorités, avant deux rencontres successives en privé avec le couple exécutif calviniste formé par la présidente Katalin Novak et le Premier ministre Viktor Orban. La jeune présidente de 45 ans a introduit la rencontre officielle avec les autorités, considérant pour sa part que ce retour pontifical en Hongrie «n’est pas une conséquence des corrélations politiques mondiales», mais «un kairos», moment et lieu opportuns «pour proclamer une paix juste», «moment où la Hongrie et l’Europe en ont le plus besoin».

Saint-Père, inspiré par Budapest, «lieu central de l’histoire», a filé la métaphore de la ville. Citant le poème hongrois d’Attila Jozsef Au bord du Danube, le Pape a décrit la métropole de deux millions d’habitants, comme une protagoniste du présent et de l’avenir: «Du Danube qui est futur, passé, présent, les doux flots ne cessent de s’embrasser». Poème qui continue ainsi: «La mémoire dissout en une paix posthume les luttes acharnées de nos aïeux.»

L’Europe est un berceau vital

Budapest, ville d’histoire, de ponts et de saints, peut aider, estime François. Son histoire reflète celle de l’Europe. Chaque coin de rue témoigne «de vestiges celtiques et romains», une splendeur liée à la modernité «lorsque Budapest était capitale de l’Empire austro-hongrois». Née en temps de paix, Budapest a pourtant connu de douloureux conflits: «non seulement les invasions d’autrefois mais, au siècle dernier, les violences et les oppressions causées par les dictatures nazie et communiste –comment oublier 1956 ?», a demandé le Pape, poursuivant: «Après avoir payé ce lourd tribut aux dictatures, Budapest porte en elle la mission de garder le trésor de la démocratie et le rêve de la paix», a souhaité François, comparant l’itinéraire budapestois au «chemin unitaire entrepris par l’Europe», dans laquelle «la Hongrie trouve son berceau vital».

“Après un lourd tribut aux dictatures, Budapest porte en elle la mission de garder le trésor de la démocratie et le rêve de la paix.”

Retrouver la mémoire et l’âme

Et le Pape de regretter là le triste déclin du rêve «choral» européen fait de multilatéralisme et de politique communautaire, qui ne sont plus «que des beaux souvenirs».

«Tandis que les solistes de la guerre prennent la place, l’enthousiasme pour la construction d’une communauté des nations pacifique et stable semble s’être désintégré dans les esprits», a-t-il remarqué, déplorant que les nationalismes recommencent à gronder.

Or, l’Europe est fondamentale. Elle représente la mémoire de l’humanité. «Il est donc essentiel de retrouver l’âme européenne: l’enthousiasme et le rêve des pères fondateurs, des hommes d’État qui ont su regarder au-delà de leur époque, au-delà des frontières nationales et des besoins immédiats, en mettant en œuvre des diplomaties capables de recoudre l’unité et non d’élargir les déchirures», a souhaité le Saint-Père, convoquant largement De Gasperi, Adenauer et Schuman et interpellant fortement le parterre de dignitaires. «Dans ce moment historique, les dangers sont nombreux; mais, je me demande, en pensant également à l’Ukraine meurtrie, où sont les efforts créatifs pour la paix?»

L’histoire est faite de ponts, et le Pape d’évoquer ceux de la «perle du Danube», qui font réfléchir «à l’importance d’une unité qui n’est pas synonyme d’uniformité». Budapest a plus de 20 circonscriptions, l’Europe en a 27.

Entre eux, l’harmonie est nécessaire. François rappelle un tout qui n’aplatit pas les parties et des parties qui se sentent bien intégrées dans le tout.

Gare au supranationalisme abstrait

Le Pape a dans un souhait très articulé plaidé pour «une Europe qui ne soit pas l’otage des partis, en proie aux populismes autoréférentiels, mais qui ne se transforme pas non plus en une réalité fluide, voire gazeuse, en une sorte de supranationalisme abstrait, oublieux de la vie des peuples». Ce dernier est selon le Pape la voie néfaste des “colonisations idéologiques” qui éliminent les différences, «comme dans le cas de ladite culture du genre, ou qui font passer des conceptions réductrices de liberté avant la réalité de la vie, par exemple en vantant un “droit insensé à l’avortement”, qui est toujours un échec tragique».

“Que l’Europe ne se transforme pas en une réalité fluide, voire gazeuse.”

Le Souverain pontife a loué à ce moment les politiques promouvant la famille et la natalité dont la Hongrie est un exemple selon lui -«Nous avons des pays européens où l’âge moyen est de 46-48 ans», avant d’évoquer la Constitution du pays sur la protection des minorités nationales, l’une des spécificités hongroises. «Cette perspective est véritablement évangélique, contrecarrant une certaine tendance, parfois justifiée au nom des traditions et même de la foi, à se replier sur soi-même».

Le Pape qui a eu un mot pour «une saine laïcité», qui ne tombe pas «dans le laïcisme généralisé se montrant allergique à tout ce qui est sacré pour s’immoler ensuite sur les autels du profit».

Flux migratoires, travailler à des mécanismes partagés

Enfin au sujet de l’accueil, François a rappelé combien ceux qui viennent avec des langues et des coutumes différentes «ornent le pays». Car, écrivait saint Étienne, roi fondateur de Hongrie, «un pays qui n’a qu’une seule langue et une seule coutume est faible et décadent. C’est pourquoi je te recommande d’accueillir bien volontiers les étrangers et de les considérer avec honneur, afin qu’ils préfèrent rester chez toi plutôt qu’ailleurs» (Admonitions, VI).

“Un pays qui n’a qu’une seule langue et une seule coutume est faible et décadent.”

L’accueil suscite beaucoup de débats à notre époque et est certainement complexe, a-t-il assuré, déclarant cependant, pour ceux qui sont chrétiens, l’attitude de base ne peut pas être différente de celle que saint Étienne a transmise, après l’avoir apprise de Jésus qui s’est identifié à l’étranger à accueillir (cf. Mt 25, 35). «C’est pourquoi il est urgent, en tant qu’Europe, de travailler à des voies sûres et légales, à des mécanismes partagés face à un défi historique qui ne pourra être maîtrisé par le rejet, mais qui doit être accueilli pour préparer un avenir qui, s’il n’est pas ensemble, ne sera pas», a-t-il noté. Isten, áldd meg a magyart ! (Que Dieu bénisse les Hongrois!)

Source: VATICANNEWS, le 28 avril 2023

Pourquoi le pape François va-t-il en Hongrie ?

budapest
Shutterstock / zevana – Budapest.

Geste pour la paix aux frontières de l’Ukraine, relations avec Moscou, sécularisation en Europe, réfugiés… Tour d’horizon des enjeux du voyage imminent du pape François en Hongrie, du 28 au 30 avril.

« Un voyage au centre de l’Europe, sur laquelle les vents glacés de la guerre continuent de souffler. » Le pape François a présenté lui-même cet événement en ces termes, à l’issue du Regina Caeli du 23 avril. Alors que la Hongrie a accueilli près d’un million de réfugiés ukrainiens depuis le début du conflit selon son gouvernement, le Pape a insisté sur les « questions humanitaires urgentes » que pose la guerre, en évoquant le « déplacement de tant de personnes ». Les combats qui se poursuivent depuis 14 mois dans le pays frontalier seront donc au cœur des préoccupations du pontife de 86 ans, qui a tenu à ce déplacement malgré ses difficultés de mobilité et sa récente hospitalisation pour une bronchite, fin mars.

En parlant de ce voyage, le pape François a aussi rappelé qu’il s’était déjà rendu très brièvement en Hongrie en septembre 2021 à l’occasion du Congrès eucharistique international, et a dit sa joie de retrouver « une Église et un peuple qui [lui] sont chers ». À l’époque, François n’avait pas souhaité faire un déplacement dans le pays, mais seulement une étape de quelques heures sur le chemin vers la Slovaquie. 

Le Pape en « pèlerin, ami et frère de tous »

Pour ce 41e déplacement hors d’Italie, François se présente comme « pèlerin, ami et frère de tous ». Durant ces trois journées à Budapest, le chef de l’Église catholique doit rencontrer les leaders politiques, parmi lesquels le Premier ministre Viktor Orbán, avec lequel les relations ont été fluctuantes. Sa politique restrictive sur l’accueil des migrants en faisait en effet un adversaire du pontife argentin. Mais ces derniers mois, leurs positions sur la guerre russo-ukrainienne, consistant à appeler au dialogue et à la cessation des hostilités, ont rapproché les deux hommes. 

Le thème des réfugiés sera d’ailleurs l’un des points saillants de ce voyage. Le pape doit rencontrer samedi des réfugiés d’Ukraine, du Pakistan, d’Afghanistan, d’Irak, d’Iran et d’Afrique, sur un territoire qui en 2015 a fermé ses frontières avec la Serbie, d’où venaient les migrants de la route des Balkans. 

Autres thèmes attendus, selon le directeur du Bureau de presse du Saint-Siège, Matteo Bruni : l’écologie, domaine dans lequel la Hongrie est très impliquée ; le rôle de l’Union européenne et son engagement pour la paix globale ; et l’œcuménisme. Bien que l’on ne sache pas encore si des représentants du patriarcat de Moscou seront présents à certains événements, on rappelle, du côté des organisateurs, que tel était le cas lors du premier passage du pape en 2021. Une entrevue avec le métropolite Hilarion, ancien ‘ministre des Affaires étrangères’ du patriarcat de Moscou, à présent en poste à Budapest, est envisagée par certains observateurs. Mais elle n’est pas prévue au programme officiel. 

Soutien aux chrétiens persécutés

Le Pape aura par ailleurs un rendez-vous avec les évêques, prêtres et religieux, et célèbrera une messe avec la communauté catholique, sur la Place Kossuth Lajos de Budapest. Une communauté qui a vécu une renaissance après la persécution sous le régime communiste, mais qui accuse aujourd’hui les effets de la sécularisation du Vieux continent. Le peuple hongrois s’est éloigné de la pratique religieuse et vit « un certain athéisme pratique, […] la vie comme s’il n’y avait pas de Dieu, l’impuissance du bien-être matériel et l’absence de sens spirituel », explique ainsi le jésuite hongrois Zoltán Koronkai, directeur d’un centre intellectuel à Budapest, en évoquant les réalités auxquelles serait confronté le successeur de Pierre. 

Enfin, la promotion de la famille et de la natalité, ainsi que le soutien aux chrétiens persécutés au Moyen-Orient, constituent des points de proximité entre les visions hongroise et pontificale. Tout comme le Pape dénonce régulièrement les « colonisations idéologiques », le gouvernement s’oppose à l’idéologie du gender. La présidente de la République Katalin Novák, élue en 2022, incarne ainsi une défense de la famille traditionnelle ‘père, mère, enfants’, en ligne avec la Doctrine de l’Église catholique.

Source : ALETEIA, le 27 avril 2023

Cardinal Parolin: le Pape en Hongrie sera un pèlerin de paix, d’accueil et de rencontre

Sur cette photo prise le 12 septembre 2021, le Pape François fait un tour dans un véhicule ouvert pour saluer les fidèles avant une messe à la fin d'un congrès eucharistique international à Budapest. Sur cette photo prise le 12 septembre 2021, le Pape François fait un tour dans un véhicule ouvert pour saluer les fidèles avant une messe à la fin d’un congrès eucharistique international à Budapest. (AFP or licensors)

Cardinal Parolin: le Pape en Hongrie sera un pèlerin de paix, d’accueil et de rencontre

Les trois jours du Pape François à Budapest ne manqueront pas de souligner son engagement à construire une société fraternelle, dans une Europe blessée par la guerre, et qui connaît – comme le rappelle le secrétaire d’État du Saint-Siège, le cardinal Pietro Parolin, – «la plus grande crise de réfugiés depuis la Seconde Guerre mondiale».

Massimiliano Menichetti – Cité du Vatican

Les derniers préparatifs battent leur plein en Hongrie pour la visite du Pape, qui sera à Budapest à partir de demain, 28 avril, et jusqu’à la fin du mois. Un voyage apostolique qui verra François rencontrer les fidèles pour la deuxième fois dans la « perle du Danube »: en 2021, il y avait eu en effet l’accolade à l’occasion du Congrès eucharistique international. Il est le deuxième Pape à effectuer un voyage apostolique dans cette nation, après saint Jean-Paul II en 1991 et 1996. Pendant trois jours, les événements seront concentrés dans la capitale. L’attente est grande de rencontrer le Successeur de Pierre, qui viendra confirmer dans la foi. La population attend les paroles du Pape sur les thèmes de la famille et de l’accueil. «Nous vivons en Europe la plus grande crise de réfugiés depuis la Seconde Guerre mondiale», a déclaré aux médias du Vatican le secrétaire d’État du Saint-Siège, le cardinal Pietro Parolin, qui a insisté sur la «foi vivante de la Hongrie» et sur le fait que, «après avoir surmonté la phase des menaces du communisme», les nouveaux défis pour le clergé et les jeunes sont ceux «apparemment plus inoffensifs que le matérialisme et le consumérisme».                       

Cardinal Parolin, le 41e voyage apostolique de François se fera en Hongrie, un pays fermement ancré dans la foi qui a souffert de la dictature communiste. Comment ce voyage est-il né?

Je dirais que ce voyage est un peu l’heureux accomplissement d’une promesse. Comme nous le savons, le Saint-Père s’était en effet rendu à Budapest il y a un an et demi, en septembre 2021, pour la conclusion du Congrès eucharistique international. Et dans ce cadre, outre la messe solennelle, il y avait eu plusieurs rencontres: au niveau privé avec les autorités, puis avec les évêques et enfin avec des chrétiens d’autres confessions et des représentants des communautés juives. Avec ce voyage apostolique qu’il s’apprête à effectuer, le Saint-Père entend tout d’abord donner une suite et un achèvement à sa précédente visite à Budapest, et le voyage sera donc consacré la plupart du temps à des rencontres avec les différents groupes, avec les différentes composantes du peuple hongrois. Des rencontres publiques sont prévues avec les autorités, avec le clergé, les diacres, les agents pastoraux, avec le monde des marginaux – nous pensons surtout aux nombreux réfugiés de l’Ukraine voisine -, avec les jeunes – nous sommes presque à la veille des Journées mondiales de la Jeunesse, qui se tiendront cette fois sur le continent européen, au mois d’août, à Lisbonne – et ensuite avec le monde de la culture.

La visite se concentre sur la capitale Budapest, il n’y aura pas d’autres étapes. Pourquoi cette modalité a-t-elle été choisie?

Elle a été choisie surtout parce qu’elle permet de concentrer le maximum de rencontres dans la capitale, en évitant les déplacements et en faisant converger les différentes réalités du pays vers Budapest, une ville qui, par ailleurs, célèbre cette année un anniversaire important, le 150e anniversaire de sa fondation.

Le Saint-Père sera au cœur de l’Europe blessée par la guerre. La Hongrie est limitrophe de l’Ukraine. Quelle est l’importance de la présence du Pape?

Cette visite a été programmée depuis longtemps, et n’est donc pas principalement motivée par la situation actuelle, marquée par la guerre en Ukraine. Mais comme nous le savons, cette tragédie qui se perpétue est très chère au cœur du Pape et je suis sûr qu’au cours de cette visite, aucune occasion de promouvoir la paix ne sera négligée. Cette attention particulière du Saint-Père enrichit donc également sa présence en Hongrie en l’encourageant à s’engager davantage en faveur de la paix.

La Hongrie est très engagée dans le soutien à la famille et le Pape a toujours les jeunes et les grands-parents dans son cœur. Cette rencontre avec le Successeur de Pierre favorisera-t-elle la construction de ponts entre les générations et les nations?

Rappelons-nous que le Pape a décidé il y a deux ans, en 2021, d’instituer la Journée mondiale des grands-parents et des personnes âgées, qui tombe chaque année le quatrième dimanche de juillet, et cette année ce sera le 23 juillet. Et ce thème dans le contexte de la Hongrie est encore plus actuel si l’on considère que la présidente – qui a également occupé le poste de ministre de la Famille de 2020 à 2021 – accorde beaucoup d’attention à la famille; nous avons pu le constater lorsqu’elle a rendu visite au Saint-Père ici et que nous l’avons rencontrée à la Secrétairerie d’État. Une attention à la plus petite mais aussi à la plus importante pierre angulaire de toute société. Il me semble qu’une coexistence harmonieuse entre les membres d’une famille génère des effets positifs, disons qu’elle a un effet domino sur le cercle plus large des familles et ainsi de suite. Ainsi, en partant de la famille, on peut également essayer de construire des sociétés plus pacifiques. Nous espérons donc que, sur la base de ce pont familial intergénérationnel, un pont de paix pourra également être construit entre les nations.

Le pays est au centre des flux migratoires de la route des Balkans et de ceux qui fuient la guerre entre Moscou et Kiev. À l’église Sainte-Élisabeth de Hongrie, il y aura une rencontre avec les pauvres et les réfugiés, comme vous l’avez également mentionné plus tôt. La visite du Pape incitera-t-elle encore davantage à reconnaître et donc à aider ceux qui sont dans le besoin?

Nous vivons la plus grande crise de réfugiés en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale: plus de 8 millions de réfugiés ukrainiens sont entrés dans l’Union européenne. Et la Hongrie, dans cette situation, s’est engagée à garder ses frontières ouvertes aux personnes fuyant la guerre en Ukraine, et plus de 4 millions de personnes sont passées par la Hongrie, soit directement depuis l’Ukraine, soit depuis la Roumanie. Et bien qu’il n’en reste que quelques-uns – les chiffres donnent environ 35 000 – l’Église catholique locale, par l’intermédiaire de Caritas en particulier, mais aussi avec l’aide du gouvernement, a fait de son mieux pour accueillir et prendre soin de ces réfugiés alors qu’ils poursuivent leur voyage vers d’autres pays européens. Une partie de ce travail a également consisté à empêcher les femmes et les enfants, en particulier, d’être victimes de la traite des êtres humains. En même temps, l’Église reste préoccupée par la situation de la migration irrégulière le long de la route des Balkans et par la situation difficile à laquelle beaucoup sont confrontés, par exemple le long de la frontière entre la Hongrie et la Serbie. Bien que beaucoup de ceux qui se trouvent à la frontière ne soient pas des réfugiés, la plupart d’entre eux ont besoin de protection et tous doivent être traités avec le respect qu’ils méritent en tant que personnes humaines. Mais nous soulignons également, et il est juste de le faire, qu’il s’agit d’un problème qui ne concerne pas seulement la Hongrie, mais tous les pays de la région, en particulier ceux situés le long de la frontière avec l’Union européenne, qui luttent pour faire face à des flux croissants de migration mixte en provenance de pays en conflit et en situation d’extrême pauvreté. En ce sens, l’Europe tout entière doit trouver un moyen d’assumer la responsabilité de ceux qui cherchent une vie meilleure à l’intérieur de ses frontières. Bien entendu, il s’agit aussi d’aider les migrants à rester dans leur pays d’origine, dans la paix et la sécurité, afin qu’ils ne soient pas contraints de fuir ou de chercher la paix, la sécurité et un travail décent à l’étranger.

L’attente est grande dans le pays: l’Église et le gouvernement travaillent ensemble pour donner à chacun la possibilité d’assister à la rencontre avec le Pape. Par exemple, le transport vers les lieux de la visite sera gratuit. Tout le pays a donc une foi vivante?

Une foi vivante et admirable, celle du peuple hongrois, liée notamment aux nombreux saints qui sont vénérés dans le pays, de saint Martin à saint Étienne, en passant par sainte Élisabeth. Mais c’est aussi une foi dont des figures récentes ont témoigné de manière exemplaire: pensons aux différents martyrs et confesseurs de la foi liés à la période de persécution athée – comment ne pas rappeler ici la figure emblématique du vénérable cardinal József Mindszenty! Une foi, donc, forgée dans la souffrance et pratiquée pendant des années par une Église cachée qui, telle une graine, a ensuite germé et fleuri après des années de répression.

La Hongrie est un pays qui a une foi vivante et qui, dans les circonstances changeantes d’aujourd’hui, a besoin, disons, de garder cette foi vivante, en gardant à l’esprit que nous vivons dans un contexte différent de celui du passé, dans un contexte qui – comme le Pape nous l’a rappelé à plusieurs reprises – n’est pas seulement un temps de changement, mais un changement d’époque. Il y a donc de nouveaux défis à relever, qui concernent le clergé, qui concernent les jeunes: ce sont les défis d’une foi qui, après avoir passé la phase des menaces du communisme, est maintenant confrontée à d’autres défis, par exemple ceux qui ne sont qu’apparemment plus inoffensifs que le matérialisme et le consumérisme.

Éminence, qu’attendez-vous de ce voyage?

Que le Pape remplisse les objectifs qu’il se propose en se rendant en Hongrie et en complétant sa visite précédente, donc, l’aspect du pasteur universel qui confirme ses frères dans la foi, où confirmer dans la foi signifie aussi consoler, encourager, relancer la beauté de l’annonce de Jésus. C’est la devise même de la visite qui nous y conduit: «Le Christ est notre avenir»; elle se tourne vers l’espérance au nom de l’Évangile et s’inscrit précisément dans l’intention prioritaire du pontificat du Pape François, telle qu’il l’a exprimée dans l’Exhortation apostolique Evangelii gaudium, la promotion de l’activité missionnaire, d’une Église qui va vers le monde pour témoigner de la beauté de l’Évangile de Jésus. Cette visite sera également l’occasion d’embrasser un peuple particulièrement cher au Pape depuis l’époque des religieuses hongroises qu’il a rencontrées en Argentine. Enfin, je cite quelques-unes de ses paroles, celles qu’il a prononcées dimanche après le Regina caeli: «Ce sera aussi un voyage au centre de l’Europe, sur laquelle continuent de souffler les vents glacés de la guerre, tandis que les mouvements de tant de personnes mettent à l’ordre du jour des questions humanitaires urgentes».

Source : VATICANNEWS, le 27 avril 2023

Rod Dreher, l’Américain qui veut soulever l’Europe conservatrice depuis la Hongrie

« L’écrivain à l’origine du concept de «pari bénédictin» s’est établi à Budapest à l’automne 2022, séduit par le pays de Viktor Orbán. Avec son «pari bénédictin», Rod Dreher apporte une stratégie à une partie des chrétiens déroutés par les mutations sociétales en Occident. | Elekes Andor via Wikimedia Commons :

En Europe ou aux États-Unis, le terreau est fertile pour une mobilisation des conservateurs, mais dans ce monde vibrionnant, il manque souvent des pensées et des stratégies de référence. D’un côté comme de l’autre de l’Atlantique, l’écrivain américain Rod Dreher parvient à aimanter lecteurs et adeptes de sa pensée stratégique.

On croit trop souvent que la pensée conservatrice américaine est à l’image des punchlines des conventions de l’association de défense du port d’armes, la National Rifle Association of America (la NRA), ou de la réunion annuelle organisée par les conservateurs, la Conservative Political Action Conference (la CPAC). En vérité, il existe nombre de penseurs conservateurs américains à l’œuvre substantielle et structurée. C’est le cas de Rod Dreher, qui s’est fait connaître voici quelques années en France avec la parution de son ouvrage Comment être chrétien dans un monde qui ne l’est plus – Le pari bénédictin, édité dans l’Hexagone en 2017.

Communautés pour chrétiens déboussolés par la modernité

Initialement protestant, puis catholique, et enfin orthodoxe de confession, Rod Dreher postulait dans cet ouvrage très original que, face à la déchristianisation du monde, les chrétiens devaient se regrouper en communautés à l’écart du monde, enlever leurs enfants du système éducatif et faire vivre ces phares spirituels dans un monde à la dérive. Ce «pari bénédictin», comme il le nomme, avait vocation à répondre au légitime questionnement des chrétiens, parfois déboussolés par l’évolution du monde et la modernité, et soumis à des attaques nourries de la part des progressistes ou des woke.

La pensée de Rod Dreher est, de par sa sophistication, aux antipodes des meetings de l’ex-président Donald Trump, lequel doit être déjà bien en peine d’expliquer succinctement qui est saint Benoît. Son livre a été accueilli avec intérêt en France et son sujet débattu aussi librement qu’honnêtement. Il a participé de la réflexion du monde catholique français post-Manif pour tous. Accords ou désaccords, parfois profonds, avec ce «pari bénédictin» ont permis de discerner quels possibles s’offraient aux chrétiens d’Europe et, d’abord, de France.

Il existe un large éventail de conservatismes aux États-Unis et tous ne se ressemblent pas, loin s’en faut:

Des paléoconservateurs aux néoconservateurs, des plus pratiquants à ceux qui sont relativement distants par rapport à la religion, les courants sont nombreux dans le pays.

Agir face au «totalitarisme mou»

Avec son «pari bénédictin», Rod Dreher apporte une stratégie à une partie des chrétiens déroutés par les mutations sociétales en Occident. Il pointe d’abord le déclin des valeurs traditionnelles et chrétiennes dans nos sociétés et les menaces qui planent, selon lui, sur la famille ou l’éducation.

D’après le conservateur, les valeurs adverses sont une attaque massive sur celles portées par les croyants. Il conviendrait donc d’entrer en résistance face à une forme de «totalitarisme mou» qui s’en prendrait aux chrétiens, aux hétérosexuels et, s’il reconnaît qu’il ne s’agit pas d’un totalitarisme comme celui de l’URSS des grandes persécutions, il note que la parole évangélique se confrontait alors directement au KGB tandis que désormais, elle se perd dans le brouillard. D’où l’idée de créer des communautés solidaires chrétiennes à l’écart du monde moderne pour résister. Il cite volontiers Hannah ArendtRené GirardLéon Bloy et sait séduire, au-delà des États-Unis, jusqu’à nombre de catholiques français et ailleurs.

Face à ce «totalitarisme mou», Rod Dreher encourage en somme à devenir chrétien dissident. C’est l’objet de son second ouvrage, paru en 2021: Résister au mensonge – Vivre en chrétiens dissidents. La réécriture de romans après la mort de leurs auteurs, la chasse sourcilleuse à l’emploi de certains mots, la mise à l’index d’autres, la dénonciation d’enseignants nourrissent considérablement les rangs de ses lecteurs.

Coup de foudre à Budapest

Le fait marquant dans l’évolution de Rod Dreher est que ce conservateur américain, qui devrait être comblé par la flambée conservatrice dans son pays, est séduit par la Hongrie de Viktor Orbán et son illibéralisme. Force est de constater que le voyage à Budapest est au conservateur des années 2020 ce que l’excursion à Caracas était au progressiste des années 2000, avec sans doute l’inévitable part d’illusions, la volonté d’ignorer certaines données géographiques et historiques. Toujours est-il que la Hongrie attire différentes familles de la pensée conservatrice, y compris dans sa variante identitaire.

Comme beaucoup de conservateurs américains (hors néoconservateurs), Rod Dreher est en phase avec le pouvoir hongrois à la fois sur le plan sociétal et sur le plan géopolitique. Dans le magazine d’opinion The American Conservative, il dénonçait ainsi, le 8 mars, les «mensonges» des « liberals » américains à propos de la Hongrie, mais aussi de la guerre en Ukraine. Rod Dreher reproche à ses compatriotes de vouloir ignorer la société hongroise comme ils ont ignoré les Afghans –bien que lui-même tende à projeter sur Charles Maurras, par exemple, sa propre vision des choses, qui en est relativement éloignée.

S’il a une vision radicale, au sens étymologique du terme, de la mutation que doivent accomplir chrétiens et conservateurs –qu’il tend à confondre, selon une logique propre à ce camp aux États-Unis–, Rod Dreher réussit parfaitement à stimuler le débat dans son pays et en Europe. Incitant à la création de communautés en quasi autarcie pour faire vivre le christianisme à l’abri des excès de la modernité, il a invité à la «dissidence» notamment en matière éducative, puis s’est installé en Hongrie en 2022.

Puisque l’écrivain n’est pas adepte d’un conservatisme dans un seul pays, on peut comparer sa théorie comme sa pratique à une sorte de foquisme conservateur. Mois après mois, il a, sur les jeunes générations, une influence que certains intellectuels trotskistes (entre autres) eurent sur la jeunesse de leur époque. En matière idéologique, les réflexions stratégiques se comportent parfois comme un balancier. »

En savoir plus: 

Monde Hongrie Etats-Unis conservatisme chrétiens religion

Ref. Rod Dreher, l’Américain qui veut soulever l’Europe conservatrice depuis la Hongrie

Source : SLATE LE 24 avril 2023

Entre le Saint-Siège et Budapest, des affinités électives

Messe de clôture du 52e congrès eucharistique international de Budapest, célébrée par le Pape François, sur la place des Héros de la capitale hongroise, le 12 septembre 2021.
Messe de clôture du 52e congrès eucharistique international de Budapest, célébrée par le Pape François, sur la place des Héros de la capitale hongroise, le 12 septembre 2021. (Vatican Media)

Entre le Saint-Siège et Budapest, des affinités électives

À quelques jours du départ du Pape François pour la Hongrie, tour d’horizon des thèmes communs à Budapest et au Vatican avec l’ambassadeur hongrois près le Saint-Siège, Édouard Habsbourg-Lorraine.

Entretien réalisé par Delphine Allaire – Cité du Vatican 

Un millénaire lie la couronne d’Étienne au trône de Pierre. Au fil de dix siècles d’histoire tourmentée, de l’occupation ottomane à l’oppression soviétique, avec un intervalle de quatre siècles de catholicisme habsbourgeois, la Hongrie s’est bâtie une foi solide indissociable de son identité et unité nationale. Un pays d’Europe centrale marqué depuis toujours par la coexistence de diverses nations et ethnies en son sein.

Pour le diplomate en poste depuis 2015, ce 41e voyage apostolique du Pape François constitue «une troisième rencontre» avec le peuple hongrois; confer la messe au sanctuaire marial de Csíksomlyó -nom hongrois de Sumuleu Ciuc– lors de son voyage en Roumanie en 2019, où avaient participé près de 100 000 Hongrois, puis le congrès eucharistique de Budapest en 2021. Entretien avec Édouard Habsbourg-Lorraine depuis la Villa Franknoi, abritant l’ambassade hongroise près le Saint-Siège à Rome.

Quelle est la nature de la proximité du Pape avec le peuple hongrois?

Elle est entre autres biographique et personnelle. En présentant mes lettres de créances au Souverain pontife –ndlr, le 7 décembre 2015-, je lui demandais: «Saint-Père, êtes-vous déjà allé en Hongrie?» «Pas encore, mais je connais tout sur la Hongrie», m’avait-il assuré, confiant se rendre chaque mois au monastère de «Mary Ward», du nom de cette vénérable religieuse anglaise de la Renaissance, aujourd’hui situéprès de Buenos Aires lorsqu’il en était encore l’archevêque. Un groupe de religieuses hongroises de la Société de Jésus ayant quitté leur pays natal en 1956 après la révolution s’était réfugié au sein du monastère. À leurs côtés, le Pape participait aux messes, aux confessions, aux repas. «J’ai tout appris de la Hongrie par ces sœurs», me soufflait-il.

Le congrès eucharistique et la visite du Pape ont ensuite déclenché quelque chose chez nous. Quelques jours avant sa venue en 2021, il y a eu une procession eucharistique du Saint-Sacrement dans les rues de la capitale, 300 000 personnes y ont pris part. Je n’ai jamais vu cela lors d’une procession en Europe ces soixante dernières années. Le peuple hongrois est un peuple chrétien millénaire, certes qui traverse des problèmes communs aux autres Européens, notamment celui de la sécularisation. Mais, plus que nombre d’Européens occidentaux, les Hongrois sont dotés d’une forte conscience de leur histoire. 

Quels liens historiques unissent le peuple hongrois au Saint-Siège?

Peu après l’an mil, le roi Étienne Ier a choisi Rome au lieu de Constantinople. Le futur saint patron de la Hongrie a de suite construit une maison pour pèlerins à côté de la basilique Saint-Pierre. Nous avons un hymne du Pape entonné depuis des siècles et sommes très proches de saint Pierre. Cadeau des Papes, nous avons dans la crypte de la basilique Saint-Pierre une petite chapelle hongroise consacrée à la Magna Domina Hungarorum; donnée par Paul VI, inaugurée par Jean-Paul II en 1980. Une messe y a lieu tous les mardis matins. Jean-Paul II est venu deux fois en Hongrie à un moment crucial de l’Histoire. Ces liens entre le trône de Pierre et la Hongrie sont destinés à encore plus s’approfondir après ce 41e voyage apostolique.

“Étienne Ier a choisi Rome au lieu de Constantinople.”

Aujourd’hui, quels sont les points de convergence entre le Saint-Siège et Budapest selon vous?

Beaucoup de médias soulignent la guerre en Ukraine comme thème commun. Les deux voix qui parlent de la paix et non de la guerre sont le Pape François et Viktor Orban. Ils ont évoqué ces dernières semaines les négociations et le cessez-le-feu. Le Pape s’est aussi rendu compte de nos positions sur la famille, sur la protection des mineurs contre l’idéologie du genre ou encore sur l’hiver démographique auquel il est attentif. Il apprécie notre politique financièrement généreuse avec les familles, mais aussi le fait d’encourager l’image de la famille dans l’espace public. Ces politiques en Hongrie ont infléchi quelques tendances: les mariages augmentent, les naissances aussi, tandis que les divorces et les avortements diminuent. Le Pape sait aussi que nous aidons les chrétiens persécutés dans le monde, pas seulement les chrétiens d’ailleurs, malgré la petite taille de notre pays -moins de 10 millions d’habitants. Nous avons conduit un projet avec le Vatican des Open Hospitals en Syrie, où le nonce apostolique à Damas avait solliciter Budapest pour aider ces hôpitaux.   

Comment la politique en matière d’accueil des réfugiés ukrainiens est-elle perçue entre Rome et Budapest?

Jusqu’à maintenant, les différences entre Budapest et le Saint-Siège ont été pointées du doigt sur les migrants. Or, actuellement, la Hongrie, qui traverse la plus grande action humanitaire de son histoire, a accueilli un million de réfugiés ukrainiens. La plupart a traversé le pays pour aller ailleurs, mais 30 à 40 000 d’entre eux sont restés. Nous leur avons donné des logements, trouvé du travail, encouragé des entreprises à les embaucher, et les écoles à scolariser les enfants. La Hongrie est très préoccupée par la guerre chez son voisin ukrainien. Nous avons une minorité de 150 000 personnes de langue hongroise qui vit en Ukraine, en Transcarpatie. Nous entendons donc tous les jours les nouvelles dramatiques du front par ce biais, entre autres. Le Saint-Siège sait cela. Le cardinal Michael Czerny, préfet du dicastère pour le Service du développement humain intégral, est venu sur place l’année dernière constater l’aide à la frontière entre la Hongrie et l’Ukraine.

Quel message envoie ce voyage apostolique à l’Europe centrale?

Le Pape est très conscient de ce qu’est l’Europe centrale. J’ai l’impression qu’il observe bien la zone et s’y intéresse. Nous voyons cela aussi à travers les activités de la Secrétairerie d’État et les voyages de Mgr Gallagher, souvent en Europe centrale ou dans les Balkans. Ceci exprime aussi l’intérêt du Saint-Père pour cette partie de l’Europe. Je sais aussi que François est conscient de la situation «des Hongrois à travers la frontière». Quand il a préparé son voyage en Roumanie en 2019, et qu’il a rencontré ces 150 000 hongarophones pour une messe, c’est qu’il était très au fait de leur situation de minorité catholique en Roumanie. L’Europe centrale joue un rôle important de pont entre l’Est et l’Ouest.

Qu’est-ce qu’une diplomatie chrétienne selon vous, et est-elle possible?

Je fais ce travail depuis huit ans, et donc suis encore nouveau et jeune. Mais je me rends compte que la foi et les institutions religieuses peuvent très souvent aider là où les institutions séculières ne le peuvent plus. Une diplomatie de foi peut sauver des situations que l’État ne peut plus gérer. Dans certaines zones de crises, les populations n’ont plus confiance dans leurs responsables politiques, mais l’ont encore dans leurs chefs spirituels. Je vois tout le travail du Saint-Siège et du Pape, qui est une autorité spirituelle et morale. Il est respecté dans le monde entier car le Saint-Siège n’a pas d’intérêts propres, mais aide vraiment au dialogue et à la paix, offrant toujours une médiation.

“Une diplomatie de foi peut sauver des situations que l’État ne peut plus gérer.”

Plus personnellement, je prie chaque matin avant d’aller au travail. Je passe une bonne partie de la semaine à genoux, car comme j’aime le dire à des amis, ici on me paye pour aller à la messe (rires). Une bonne partie de mon agenda est rempli de messes et de discussions avec des collègues ambassadeurs après ces célébrations. Il est plus facile de discuter ensemble après avoir prié ensemble. Beaucoup de mes collègues ambassadeurs sont aussi des chrétiens croyants, qui essaient de porter leur foi dans la vie quotidienne professionnelle.

Il était un grand diplomate chrétien et un Européen convaincu, Otto von Habsbourg, l’un de vos aïeux. Que pensez-vous qu’il penserait de l’Europe actuelle?

Otto était l’héritier de l’empire austro-hongrois. C’était la fin de la monarchie, il aurait pu toute sa vie poursuivre ce rêve de remonter sur le trône. Otto de Habsbourg connaissait l’histoire de la famille Habsbourg, connaissait l’histoire du Saint-Empire-romain germanique et celle de l’empire, dont le principe était la coexistence des nations, de façon paisible, autour de valeurs communes. Il s’est donc dit que le lieu possible où vivre cela est l’Europe unie. L’Union européenne, ce grand projet, nous a apporté la paix en Europe. Otto a lutté pour cela toute sa vie. Sous le communisme, il a insisté pour qu’au Parlement européen, plusieurs chaises demeurent vides en symbole des peuples de l’autre côté du rideau de fer.

Après 1989, la Hongrie et les autres pays ont pu accéder à ce projet, il serait donc content que l’UE existe encore. Peut-être verrait-il quelques améliorations à apporter, en tant que Habsbourg pensant fortement à la subsidiarité. C’est le principe le plus important de l’empire habsbourgeois, l’idée de respecter les nations, leurs mœurs, leurs langues, leurs droits. Je vois parfois une tendance au centralisme, à Bruxelles, qui ne respecte pas assez les voix diverses de l’Europe. Les peuples d’Europe centrale voudraient être respectés dans leurs idées locales, mais cela peut encore se produire. Je suis optimiste car le projet de l’Europe unie est le plus important de ces derniers temps.

Source : VATICANNEWS, le 24 avril 2023

Le cardinal Erdő salue «l’amitié et la solidarité» du Pape envers la Hongrie

Le Pape François à Budapest, à l'occasion du 52e congrès eucharistique international, le 12 septembre 2021. Le Pape François à Budapest, à l’occasion du 52e congrès eucharistique international, le 12 septembre 2021. (AFP or licensors)

Le cardinal Erdő salue «l’amitié et la solidarité» du Pape envers la Hongrie

L’archevêque d’Esztergom-Budapest se réjouit du retour du Saint-Père en Hongrie, cette fois «pour accorder pleinement son attention» au pays. Le Pape était venu sur les rives du Danube de la capitale quelques heures pour clôturer un congrès eucharistique international, en septembre 2021. Un an et demi plus tard, François viendra encourager fidèles et clergé locaux dans le contexte de la guerre en Ukraine, un pays qui partage une centaine de kilomètres de frontière avec la Hongrie. 

Entretien réalisé par Delphine Allaire – Cité du Vatican 

Le Pape François visitera la Hongrie du 28 au 30 avril prochain. Il s’agit de la seconde visite du Souverain pontife argentin en terre magyare, où il s’était rendu quelques heures seulement, pour la clôture du 52econgrès eucharistique internationalà Budapest, le 12 septembre 2021. Une célébration qui était la première messe pontificale dans la capitale hongroise depuis trente ans, le Pape polonais Jean-Paul II n’ayant que transité par Budapest lors de sa dernière venue en 1996. 

Ces derniers mois, les autorités officielles hongroises se sont succédé au Vatican, préparant le retour du Successeur de Pierre. La présidente du pays, Katalin Novák, a été reçue en audience le 25 août 2022, un peu plus tôt au printemps 2022, le 21 avril, c’était au tour du Premier ministre calviniste Viktor Orbán.

Les évêques hongrois ont appris l’officialisation de ce 41e voyage apostolique «avec une grande joie». Dans un communiqué paru lundi, ils qualifient ce voyage d’important pour les catholiques, mais aussi pour tous les Hongrois du pays et de la diaspora. Au regard de l’âge du Pape François, tous les événements auront lieu à Budapest, la capitale, explique Mgr András Veres, président des évêques de Hongrie, évêque de Győr. L’épiscopat invite les fidèles de tout le pays et d’Europe centrale à se joindre à la messe qui sera célébrée dimanche 30 avril, sur la place située derrière l’illustre Parlement néogothique.

Entretien avec le cardinal Péter Erdő, archevêque d’Esztergom-Budapest, primat de Hongrie, précédemment président du Conseil des conférences épiscopales d’Europe.

Comment accueillez-vous la nouvelle de la venue du Saint-Père cette fois-ci pour trois jours et non plus une demi-journée? Qu’en attendez-vous pour Budapest et la Hongrie?

C’est une grande joie pour nous tous, le pays, notre diocèse, toute la communauté catholique hongroise. Nous avons espéré que le Saint-Père puisse revenir en Hongrie après sa visite lors du 52e congrès eucharistique international. Il s’agissait alors d’une visite à portée internationale avec la participation de délégués et pèlerins provenant de 83 pays. Désormais, le Saint-Père peut accorder son attention à l’Église hongroise, à nos fidèles, prêtres, religieux, et à nos œuvres de charité. À ce titre, il est très important que figure dans le programme du voyage apostolique une visite dans un institut accueillant des enfants aveugles et handicapés -ndlr, visite privée aux enfants de l’Institut du bienheureux László Batthyány-Strattmann. C’est une grande œuvre de notre Église, signifiant toute la solidarité avec ces personnes. Nous sommes très reconnaissants au Saint-Père pour ce geste d’amitié et de solidarité.

Dans ses choix de voyage, le Pape François indique privilégier les petits pays. La Hongrie est une périphérie, mais aussi un cœur. Le cœur de l’Europe, peut-être parfois délaissé… Qu’en pensez-vous?

Le Saint-Père a déjà visité la Slovaquie, la Roumanie. À chaque fois, nous avons participé à ces visites pastorales dans les pays voisins. Qu’il vienne directement chez nous maintenant représente une grande fête. Le cœur de l’Europe porte encore beaucoup d’éléments de culture chrétienne. Cette culture chrétienne européenne peut nous aider face aux difficultés de notre temps.

Quels sont les défis de l’Église hongroise aujourd’hui?

L’Église hongroise doit naturellement accepter la tâche de solidarité actualisée par la guerre en Ukraine. Nous avons beaucoup de réfugiés, 1 million et demi d’Ukrainiens arrivés l’année passée en Hongrie. Nous devons aider à les scolariser, organiser l’aide humanitaire avec les familles. Nous avons la Caritas, mais aussi les paroisses, les diocèses directement, les familles chrétiennes, les chevaliers de Malte, etc. C’est une grande action de solidarité et charité, certains vont en Ukraine-même porter ces aides. Cela montre l’unité de nos peuples. Nous avons une grande proximité avec ceux qui souffrent de cette guerre.

Dans les pas de saint Jean-Paul II, en quoi cette venue de François est-elle aussi un message fort pour l’Europe centrale?

Nous considérons cette visite comme un grand signe de solidarité. Nous sentons le Pape provenant de l’Amérique latine aussi très proche de nous. Quelqu’un avait dit que la Hongrie, comme l’Amérique latine, se situe aux périphéries du monde occidental. C’est pourquoi nous avons des problèmes spécifiques, et nous avons l’impression que le Saint-Père comprend notre situation et nos problèmes. C’est une grande joie.

Source : VATICANNEWS, le 27 février 2023

Le programme du Pape en Hongrie, du 28 au 30 avril

Le 12 septembre 2021, lors de la première venue du Pape François à Budapest pour le 52e Congrès eucharistique international.Le 12 septembre 2021, lors de la première venue du Pape François à Budapest pour le 52e Congrès eucharistique international. (AFP or licensors)

Le programme du Pape en Hongrie, du 28 au 30 avril

François se rendra à Budapest en Hongrie du 28 au 30 avril prochain pour son 41e voyage apostolique. Le programme du déplacement a été dévoilé lundi 27 février. Parmi les points forts de la visite, une rencontre avec les pauvres et les réfugiés en l’église Sainte-Elisabeth de la capitale hongroise. 

«Acceptant l’invitation des autorités civiles et ecclésiastiques, le Pape François effectuera un voyage apostolique en Hongrie du 28 au 30 avril 2023 et visitera la ville de Budapest», annonçe la Salle de presse du Saint-Siège dans un communiqué publié lundi 27 février.

C’est la deuxième fois que le Pape François se rend en Hongrie. En septembre 2021, il avait fait le déplacement à Budapest pour célébrer la messe de clôture du 52e Congrès eucharistique international. Jean-Paul II s’était lui rendu deux fois en Hongrie, en 1991 et 1996.

Vendredi 28 avril

L’évêque de Rome quittera la capitale italienne à 8h10 pour une arrivée prévue à l’aéroport international de Budapest à 10h. Il sera accueilli officiellement avant de rejoindre le palais Sándor, la résidence officielle du président de la République de Hongrie, pour une cérémonie de bienvenue et une visite de courtoisie à la cheffe de l’État, Katalin Novák, en poste depuis l’année dernière. Peu avant midi, le Saint-Père ira ensuite rencontrer le Premier ministre, Viktor Orbán.

Chef de file du parti de droite populiste Fidesz, Viktor Orbán a d’abord été Premier ministre entre 1998 et 2002, puis depuis 2010. La dernière rencontre entre le Pape et Viktor Orbán remonte à avril 2022. 

A 12h20, le Pape procédera à la traditionnelle rencontre avec les autorités, la société civile et le corps diplomatique, dans l’ancien monastère des Carmélites de la capitale hongroise. Enfin à 17h, pour clore cette première journée de voyage, à la co-cathédrale Saint-Etienne, François ira à la rencontre des évêques, consacrés, séminaristes et travailleurs pastoraux locaux.

Samedi 29 avril

La deuxième journée du voyage du Saint-Père débutera à 8h45 avec la visite privée aux enfants de l’institut Bienheureux László Batthyány-Strattmann. László Batthyány-Strattmann est un aristocrate et médecin hongrois, surnommé le «docteur des pauvres», béatifié en 2003 par Jean-Paul II. 

A 10h15, François se rendra auprès des pauvres et des réfugiés à l’église Sainte-Élisabeth de Hongrie, d’où il prononcera un discours.

Plus tard dans la journée, à 16h30 au stade Sportaréna de Budapest, la plus grande salle du pays avec une capacité de 12 500 places, aura lieu une rencontre avec les jeunes. Enfin, la journée se terminera avec une rencontre privée avec la compagnie de Jésus à la nonciature apostolique.

Dimanche 30 avril

Depuis la place Kossuth Lajos, devant l’imposant Parlement de Budapest, le Pape François présidera une messe, suivie de la prière du Regina Cæli.

Dans l’après-midi à 16h, à la faculté d’informatique et des sciences bioniques de l’université catholique de Budapest, rencontre avec le monde universitaire et de la culture, avant une cérémonie de congé depuis l’aéroport international de Budapest.

François quittera les terres hongroises à 18h pour une arrivée prévue à l’aéroport de Fiumicino à Rome à 19h55.

Source : VATICANNEWS, le 27 février 2023

Aux évêques de Hongrie : « Ayez toujours des paroles d’encouragement! »

Rencontre avec les évêques de Hongrie © Vatican Media

Rencontre Avec Les Évêques De Hongrie © Vatican Media

Aux évêques de Hongrie : « Ayez toujours des paroles d’encouragement! »

Le long discours du pape

Eviter la tentation du découragement, ou celle de la défense des structures, ne pas rechercher les privilèges ; avoir toujours « des paroles d’encouragement », ne pas craindre « la diversité » multiculturelle, et cultiver une « passion ardente pour l’Evangile, tel qu’il est ». Ce sont quelques-uns des recommandations que le pape François a données aux évêques hongrois, en visitant Budapest quelques heures, ce 12 septembre 2021.

Le pape était en effet en Hongrie – avant de rejoindre la Slovaquie – pour la clôture du Congrès eucharistique international.

Devant les évêques qu’il a rencontrés à huis-clos, il a évoqué l’histoire de l’Eglise de Hongrie, « marquée par une foi inébranlable, par des persécutions et par le sang des martyrs ». 

Le pape a spécialement exhorté à protéger le passé et regarder vers l’avenir : « Protéger nos racines religieuses, protéger l’histoire dont nous provenons, mais sans rester le regard fixé en arrière, a-t-il insisté. Regarder vers l’avenir, regarder de l’avant et trouver de nouvelles voies pour annoncer l’Evangile. »

Le ministère épiscopal, a affirmé le pape dans son long discours, « ne sert pas à répéter une nouvelle du passé », il est « une voix prophétique de l’actualité pérenne de l’Evangile ». Il a alors appelé les évêques à éviter la tentation « de se refermer dans la défense des institutions et des structures ».

L’Evangile comme il est

« À vous évêques, a-t-il insisté, il vous est demandé avant tout ceci : non pas l’administration bureaucratique des structures, tout le monde le fait. Non pas la recherche de privilèges et d’avantages. S’il vous plait, soyez des serviteurs. Des serviteurs, pas des princes. » Ces serviteurs, a précisé le pape, ont une « passion ardente pour l’Evangile, comme il est : l’Evangile ».

Il a aussi exhorté les évêques, en sortant de son texte préparé à l’avance, à être proches de Dieu, des autres évêques, des prêtres et du peuple. « Moi, comme frère, a-t-il notamment interpelé, je te demande: tu pries ? Ou bien tu vas seulement dire le bréviaire ? Ton coeur prie ? Tu prends du temps pour prier ? “Mais c’est que je suis si occupé…”. Mais dans tes occupations de tous les jours, mets aussi ceci : prier. »

Il a évoqué le devoir de l’évêque envers les prêtres, même « difficiles » : « Dis-moi, quel père n’a pas d’enfant difficile?… Les enfants doivent être aimés comme ils sont, non pas comme je voudrais qu’ils soient. »

« N’ayez pas peur de donner de la place à la Parole de Dieu et d’impliquer les laïcs : ce seront les canaux à travers lesquels le fleuve de la foi irriguera à nouveau la Hongrie », a assuré le pape François.

La diversité fait toujours un peu peur

« Diverses ethnies, minorités, confessions religieuses et migrants ont transformé aussi ce pays en un environnement multiculturel », a constaté le pape en consacrant une partie de son discours à la « diversité ».

« La diversité fait toujours un peu peur, a-t-il dit, parce qu’elle met à risque les sécurités acquises et qu’elle provoque la stabilité établie. Cependant, c’est une grande opportunité pour ouvrir son coeur au message évangélique : ‘Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés’ (Jn 15,12). »

« Face aux diversités culturelles, ethniques, politiques et religieuses, a-t-il poursuivi, nous pouvons avoir deux attitudes : nous enfermer dans une défense rigide de notre identité ou nous ouvrir à la rencontre avec l’autre et cultiver ensemble le rêve d’une société fraternelle. » Il faut « dialoguer, sans négocier son appartenance ».

Le pape a demandé aux évêques « de montrer toujours, avec les prêtres et les collaborateurs pastoraux, le visage de l’Eglise : elle est mère » : « Un visage accueillant envers tous, y compris de celui qui vient de l’extérieur, un visage fraternel, ouvert au dialogue. »

Dans le style de Dieu, « qui est un style de proximité, de compassion et de tendresse », les évêques slovaques ont reçu pour mission de témoigner de « la certitude rassérénante que Dieu est miséricorde, qu’il nous aime à chaque instant de la vie et qu’il est toujours prêt à nous pardonner et à nous relever ».

Devant les problèmes sociaux en Hongrie après la chute de la dictature – le pape a cité la dégradation de la vie morale, l’augmentation de la criminalité, le commerce de la drogue, le trafic d’organes d’enfants – « la tentation de nous abattre et de nous décourager ne vient jamais de Dieu. Jamais, a-t-il prévenu. Cela vient de l’ennemi, mais se nourrit dans de nombreuses situations : derrière la façade du bien-être, derrière un habit de traditions religieuses, l’on peut cacher tant de côtés obscurs ».

Comme évêques du pays, a-t-il conclu, « ayez toujours des paroles d’encouragement » : « Que l’on ne trouve pas sur vos lèvres d’expressions qui marquent les distances et imposent des jugements, mais qui aident les personnes à devenir libres et responsables de la vie, qui est un don de grâce à accueillir, non pas un casse-tête à résoudre. »

Source: ZENIT.ORG, le 12 septembre 2021

Édouard Habsbourg: le Pape vient rallumer le feu de la foi en Hongrie 

La Sainte Couronne de Hongrie du roi fondateur saint Étienne, en fleurs, au Congrès eucharistique de Budapest, le 8 septembre 2021. La Sainte Couronne de Hongrie du roi fondateur saint Étienne, en fleurs, au Congrès eucharistique de Budapest, le 8 septembre 2021.  

Édouard Habsbourg: le Pape vient rallumer le feu de la foi en Hongrie 

Dans les pas des saints Papes Paul VI et Jean-Paul II, le Souverain pontife argentin est le troisième évêque de Rome de l’époque moderne à prendre part personnellement à un Congrès eucharistique. Il préside la messe de clôture du 52ème Congrès eucharistique international de Budapest, dimanche 12 septembre à 11h30. L’ambassadeur de Hongrie près le Saint-Siège, Édouard de Habsbourg-Lorraine, explique le sens et le contexte d’une telle visite pontificale pour le peuple d’Europe centrale. 

Entretien réalisé par Delphine Allaire – Cité du Vatican

Dimanche 12 septembre sur la place des Héros de la capitale hongroise, au bord du Danube, le Pape François clôturera le 52ème Congrès eucharistique international. Une semaine intense de prière et réflexion autour du point culminant de la foi chrétienne: la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie.

Moment de grande joie pour les Hongrois, qui reçoivent la venue du Pape comme un honneur, celui-ci ne se déplaçant pas systématiquement lors de ces rendez-vous spirituels.

Édouard de Habsbourg-Lorraine, ambassadeur de Hongrie près le Saint-Siège, revient sur l’expression particulière de la foi hongroise, et l’accueil que le peuple magyar s’apprête à réserver à l’évêque de Rome.

Entretien avec Édouard de Habsbourg-Lorraine

Comment l’Église et le peuple hongrois accueillent la présence du Pape à ce congrès eucharistique?

C’est un énorme cadeau pour les Hongrois. Nous sommes très conscients que le Pape normalement ne vient pas à des Congrès eucharistiques. Pour nous, c’est un signe que le Saint-Père aime les Hongrois, un honneur, un signe d’espérance car nous sortons d’un temps très difficile. Nous espérons tous que cette visite du Saint-Père va donner un nouveau feu à la foi en Hongrie et à tous les peuples après cette pandémie.  

Quelle est la place de l’Église dans la société hongroise actuelle?

La Hongrie est un pays chrétien, à majorité catholique. Les calvinistes sont très présents dans le secteur public, notre Premier ministre est calviniste. Les Églises travaillent avec l’État pour le bien de la société, comme le dit notre Constitution. Naturellement, il y a une très nette distinction entre État et Église, mais nous travaillons ensemble, tout comme avec les autres communautés religieuses.

Les représentants des communautés religieuses sont visibles et respectés en Hongrie. C’est un pays où la foi est présente dans le secteur public.

Quelles sont, selon vous, les particularités de la foi hongroise, de la piété populaire?

Elle est la même que dans tous les pays de la Mitteleuropa (ndlr, Europe centrale). En Hongrie, la particularité est la rencontre avec des éléments orientaux, la forte présence des gréco-catholiques, leur travail pour les roms, la présence de prêtres mariés avec enfants, qui seront à leur tour prêtres grec-catholiques. Les Églises orthodoxes, protestantes se rencontrent très bien, notamment sur ce congrès eucharistique, ce qui donne de fortes et belles couleurs à Budapest.

L’Église en Hongrie d’aujourd’hui est l’héritière d’un passé millénaire, et plus récemment des persécutions communistes dans la 2ème moitié du XXème siècle, quelles traces subsistent?

Les Hongrois ont l’habitude d’être occupés. Au XVIème siècle, 150 ans d’occupation ottomane, ensuite sont venus les Habsbourg, ma famille, puis par les nazis et les communistes. Nous avons aujourd’hui une Église très consciente des valeurs encore présentes chez nous, mais un peu oubliées en Europe occidentale: la famille, la nation, la foi.

Comment l’Église en Hongrie et les catholiques hongrois se situent-ils en Europe centrale, quel lien tisser avec l’Europe au sens large?

Avec la Pologne, la Hongrie est l’un des pays au sein desquels l’enthousiasme pour l’Europe est le plus fort. J’entends souvent que la Hongrie quitterait l’Union européenne, pas du tout, jamais. La population est très enthousiaste de l’idée européenne, et les Hongrois se sentent européens. Le symbole le plus visible pour l’Église en Hongrie était que notre cardinal Peter Erdő était le président de la conférence épiscopale européenne pour un certain temps. Pendant longtemps, la Hongrie était derrière un rideau de fer, l’Europe se terminait à ce rideau. Mon oncle Otto de Habsbourg a lutté au Parlement européen pour dire «Paneurope», «toute l’Europe», à savoir les pays derrière le Rideau de fer aussi en font partie. Il avait raison.

Source: VATICANNEWS, le 11 septembre 2021