“Corps du Christ et chair de l’Église : la messe est un mariage“

Sébastien Désarmaux / Godong
Sébastien Désarmaux / Godong

L’impossibilité actuelle pour les catholiques de participer à la messe est l’occasion de redécouvrir la place et à la spécificité de l’eucharistie dans la vie de l’Église catholique. Le regard du père Jean-Baptiste Nadler, curé de paroisse à Vannes et auteur des Racines juives de la messe (Éd. Emmanuel).

« Si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’avez pas la vie en vous » (Jn 6,53). Alors que l’immense majorité des catholiques est actuellement empêchée de participer à la messe et de communier au corps du Christ, la liturgie de ces derniers jours nous a pourtant invités à manger la chair eucharistique du Fils de Dieu. Cruelle coïncidence !

Vu le principe de laïcité, sans doute le gouvernement français est-il dans son rôle lorsqu’il traite les principales religions sur le même plan en donnant ses consignes de reprise des « offices religieux ». Mais ce que la laïcité peut difficilement prendre en compte, c’est que ces diverses religions ont des conceptions très différentes les unes des autres de la notion de culte et des rassemblements religieux : les prières à la mosquée n’ont évidemment pas les mêmes significations ni règles que les offices à la synagogue, le culte au temple protestant n’est pas non plus la messe catholique. Ajoutons que toutes ont des traditions de prières domestiques, ce qui relève donc du cadre de la vie privée, et des prières dans le lieu du rassemblement des croyants – mosquée, synagogue, église – obéissant aux normes ERP (établissement recevant du public). Au sein d’une même religion, les croyants eux-mêmes ont des rapports différents à leur propre culte : tel pratique sa foi sans jamais mettre les pieds dans une église, tel autre ne manquera aucune messe mais ne priera guère dans le secret de sa chambre.

La messe est l’acte religieux le plus complet qui soit, et, parce que l’homme est « une âme dans un corps »

Le cœur de la foi chrétienne réside dans les deux dogmes de la Trinité (Dieu unique en trois personnes-relation) et de l’incarnation rédemptrice (pour sauver les hommes, la deuxième personne de la Trinité se fait homme – « la chair est le pivot du salut »,selon le mot de Tertullien). La célébration eucharistique est le culte du mystère pascal de Jésus-Christ, fils de Dieu crucifié et ressuscité dans sa chair. Elle est précédée et préparée par la liturgie de la Parole divine, le Verbe fait chair. La messe est ainsi l’acte religieux le plus complet qui soit, et, parce que l’homme est « une âme dans un corps » (pour reprendre le mot du curé d’Ars), elle répond parfaitement aux besoins spirituels de la nature humaine, besoins de relation concrète et charnelle avec Dieu. La pleine participation à la messe trouve son accomplissement dans la communion eucharistique : « Il est conforme au sens même de l’Eucharistie que les fidèles, s’ils ont les dispositions requises, communient quand ils participent à la messe » (Catéchisme de l’Église catholique – CEC –, paragraphe 1388).

L’eucharistie réalise ce que le sacrement de mariage signifie : l’union d’amour du Christ et de l’Église. La messe est un mariage. D’ailleurs, l’échange des consentements des époux au cours de la célébration des noces se fait au même emplacement liturgique que la communion eucharistique, qui est une union des corps : celui du Christ avec celui de l’Église, en passant par mon propre corps.

Les unions d’un couple peuvent être imparfaitement vécues, à cause d’un égoïsme, d’une recherche de plaisir seulement personnel, d’un manque d’écoute des besoins de l’autre, d’une dureté de cœur. Et dans ce cas, les unions ne font pas grandir le couple. Elles peuvent même l’abîmer gravement. Mais cela n’enlève rien à la beauté de l’idéal recherché dans l’union conjugale.

Que vaut ta communion si tu n’as pas écouté la Parole, si tu n’a pas donné de tes biens et de ton temps pour les pauvres, si tu ne t’es pas réconcilié avec ton frère ?

Ainsi de nos communions eucharistiques. Elles peuvent, certes, être entachées d’égoïsme spirituel, d’inattention aux autres membres de l’Église et aux pauvres, voire du manque d’accueil du Christ lui-même. Et pourtant, malgré nos pauvretés, quel grand mystère se vit là ! Un cœur ecclésial bien préparé éprouve « la joie de ce moment où le Christ devient notre hôte » (CEC, 1387). La communion est le sommet de l’expression religieuse, l’acte humain le plus inouï que nous puissions poser. Elle suppose et perfectionne toutes les autres œuvres de la foi : que vaut ta communion si tu n’as pas écouté la Parole, si tu n’a pas donné de tes biens et de ton temps pour les pauvres, si tu ne t’es pas réconcilié avec ton frère, si tu ne t’offre pas au Père sur l’autel avec Jésus pour le salut du monde ? Toutes ces œuvres préparent notre communion comme leur sommet, mais découlent aussi d’elle comme de leur source de charité divine. De même, que valent les unions conjugales si le couple manque de dialogue, de tendresse, d’écoute, de pardon, de service mutuel et de don de soi ?

Nous sommes actuellement privés de tout cela. Cette continence eucharistique forcée peut, certes, et certainement, nous inviter à interroger nos anciennes habitudes de la communion, en vue de purifier notre pratique eucharistique. Mais cette situation ne doit pas trop durer, sinon le couple Christ-Église va en être abîmé. Un couple qui n’a plus jamais d’union et fait chambre à part est déjà proche de la rupture, sinon de fait, du moins dans les cœurs : deux vies parallèles s’installent, comme des lignes raides qui ne se rencontreront plus jamais. Je ne parle pas ici des périodes d’abstinences volontaires ou nécessaires que peut vivre un couple, comme dit l’Ecclésiaste : « Il y a un temps pour s’étreindre, et un temps pour s’abstenir » (Qo 3,5) ; dans ces moments-là, propices à une délicatesse décuplée, les époux cherchent alors à exprimer leur profond amour par d’autres gestes, dans une écoute renouvelée entre eux et envers les autres. C’est ce que vit l’Église catholique actuellement : largement privée d’eucharistie, elle s’unit à son Seigneur par d’autres moyens que les sacrements – l’écoute et le partage de la Parole de Dieu, la prière d’oraison, la présence à la Présence divine en nous, la charité active, le soin des frères plus fragiles – en redécouvrant ou approfondissant ces autres modes de communion réelle au Christ.

Pour affronter cette crise économique et sociale qui s’annonce et déjà est là, nous avons besoin d’une Église fortifiée par les sacrement, car « l’Eucharistie engage envers les pauvres ».

Mais soyons toujours attentif à la tentation récurrente d’une vie chrétienne désincarnée, par trop gnostique et, donc, élitiste. Notre corps a besoin d’être touché par les sacrements de Dieu. La tendresse de Dieu s’exprime à notre égard quand la communion est donnée et reçue avec cette infinie délicatesse qui est la marque des amoureux du Seigneur. « Mon bien-aimé est à moi, et moi, je suis à lui » (Ct 2,16).

Lorsqu’un couple va bien – et les unions authentiques y contribuent largement –, la famille tout entière va bien. Si, grâce aux sacrements reçus dans la foi, le couple Christ-Église va bien, la société tout entière s’en trouvera grandie. Pour affronter cette crise économique et sociale qui s’annonce et déjà est là, nous avons besoin d’une Église fortifiée par les sacrement, car « l’Eucharistie engage envers les pauvres » (CEC, 1397). Voilà pourquoi le peuple de Dieu veut communier au corps du Christ : « Mon âme s’épuise à désirer les parvis du Seigneur ; mon cœur et ma chair sont un cri vers le Dieu vivant ! » (Ps 83,3).

Source: La Vie, le 11 mai 2020, par Jean-Baptiste Nadler

France – Mgr Dominique Lebrun, archevêque de Rouen : jusqu’où l’État peut-il intervenir dans les affaires de l’Église ?

Rédigé par Odon de Cacqueray le 04 mai 2020 dans Religion

Les fidèles catholiques devront-ils vraiment attendre le 2 juin pour accéder aux sacrements ? N’est-il pas possible de mettre en place des mesures sanitaires ? L’État est-il légitime lorsqu’il interdit l’exercice du culte ? De nombreuses questions se posent en cette période exceptionnelle mais les mesures adoptées par le gouvernement à cause du Coronavirus mettent en lumière des questions plus profondes, justement sur l’articulation des autorités politique et religieuse comme par exemple la difficulté que pose l’obligation du mariage civil avant le mariage religieux. 

Entretien avec Mgr Dominique Lebrun, archevêque de Rouen
Propos recueillis par Odon de Cacqueray

Lors d’échanges préalables aux annonces du Premier Ministre, Mgr Éric de Moulins-Beaufort a transmis les propositions de la Conférence des évêques de France. Avez-vous l’impression qu’elles ont été prises en compte ? 

Au moment où le Premier Ministre a parlé, il n’a pas évoqué ces échanges préalables. D’où une grande surprise de notre côté, plutôt désagréable, qui explique que plusieurs d’entre nous ont réagi avec une certaine vivacité. La liberté de culte ne peut pas être considérée comme la dernière roue du carrosse de la nation française. Depuis, nous avons eu un nouveau contact et l’assurance que le dialogue repartirait à partir des propositions faites par la Conférence des évêques de France pour que nous puissions assister à la messe dans le respect de la santé publique. Notre travail conjoint avec le gouvernement avait été réalisé à son initiative. Il nous avait été demandé comment nous envisagions la reprise du culte en fonction des orientations de l’époque : le taux de remplissage des églises et l’empêchement de passer d’une région à une autre. 

Nous avons appris qu’il n’y aurait sûrement pas de reprise du culte avant le 2 juin. Pourquoi n’y a-t-il pas eu de recours juridique pour faire respecter cette liberté de culte ? 

Si vous m’interrogez en ce qui concerne la Conférence des évêques, je ne sais pas à ce stade. Pour ce qui est de ma responsabilité, au niveau de mon diocèse, il me semble que nous sommes dans une situation exceptionnelle : le dialogue n’est pas rompu. J’ai d’ailleurs une bonne communication avec le préfet de ma région. Il faut donc continuer le dialogue sans exclure les moyens juridiques. Un sujet important est levé, sur lequel il faudra se pencher : comment se combine cette liberté de culte avec des mesures sanitaires dont tout le monde s’accorde à dire qu’elles peuvent et doivent être prises, en s’imposant à tous. Il y a là une question difficile et délicate : jusqu’où peut entrer l’autorité étatique dans le déroulement même de nos célébrations ? L’État est légitime pour annoncer : « il y a un danger sanitaire à se réunir ou à se déplacer à plus de 100 mètres de son domicile, etc. » Ces règles s’imposent. Mais la façon dont ces mesures se répercutent sur le déroulement liturgique et rituel nous incombe. Je pense que lors des dernières discussions, il y avait un accord de principe sur ces aspects. Les mesures annoncées concernent la limitation des déplacements inter-régionaux et des contacts, le respect des distances physiques et des gestes barrières. D’une manière assez légitime, notre culte étant public, l’État nous demande comment nous allons faire respecter ces mesures. Nous devons continuer à dialoguer pour trouver un accord. 

Le Président de la République a organisé une réunion avec les représentants des grandes religions. Lors de cette réunion, les responsables de la Franc-maçonnerie ont également été conviés. Que vous inspire ce mélange des genres ? Pourquoi n’y a-t-il pas eu de protestations de la part des évêques ? 

J’ai trois niveaux de réactions face à cette information. Au premier niveau, je suis un peu mal à l’aise. Ensuite, je me dis « tant mieux ! », cette réunion va permettre de nous connaître et de dialoguer. Jésus n’a jamais refusé d’être dans aucun lieu, y compris ceux qui lui étaient hostiles. Enfin, je prends acte de ce que la plus haute autorité de l’État, pour réfléchir aux décisions un peu philosophiques (puisqu’il ne s’agissait pas de discuter de la reprise du culte), pense qu’il est bon de dialoguer avec des opinions contraires. C’est cette autorité qui prend la responsabilité de cette invitation et j’apprécie que nous répondions à ce genre d’invitations. Notre présence n’exclut pas que nous demandions des rencontres plus spécifiques aux cultes, des réunions avec les représentants chrétiens, voire un dialogue plus précis avec l’Église catholique elle-même. Actuellement, l’ensemble de ces niveaux fonctionne. 

Avec l’absence de célébrations de mariages civils en bien des endroits, les mariages religieux ne sont plus possibles. Mgr Di Falco a parlé d’une occasion de remettre en cause l’obligation du mariage civil avant le mariage religieux. Que pensez-vous de sa proposition ? 

Il ne vous a pas échappé que la loi elle-même a déjà remis en cause l’obligation du mariage civil avant le mariage religieux. L’article 433-21 du Code pénal dit bien : « Tout ministre d’un culte qui procédera, de manière habituelle, aux cérémonies religieuses de mariage sans que ne lui ait été justifié l’acte de mariage préalablement reçu par les officiers de l’état civil sera puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende. » Il est donc possible de célébrer exceptionnellement un mariage religieux sans que le mariage civil ait été célébré préalablement. Quand la question m’est posée, j’insiste donc sur le fait qu’il ne s’agit pas de changer la loi ou le principe. 

Le point qui pose problème dans notre pays, c’est l’absence de reconnaissance des effets civils du mariage religieux. Il y a là une question qu’il faut sans doute poser au long cours. Mais il serait malvenu de prétexter d’une situation d’exception pour ne plus reconnaître le mariage civil à notre tour. Il me semble d’ailleurs que les autorités de l’État ont annoncé qu’en cas d’urgence il pourrait y avoir des mariages civils (militaires partant en opérations extérieures par exemple). J’ai dit aux prêtres qui m’ont posé la question : vous appliquez votre bon sens : s’il y a une situation d’exception, eh bien ! vous savez que la loi tolère la célébration du mariage religieux. Peut-être qu’un certain nombre de prêtres ou de fidèles ignore cette possibilité. Il faut être attentif à cette possibilité, pour le bien des fidèles. L’objectif n’étant pas de passer outre le mariage civil. 

Néanmoins, le simple fait que le mariage civil doive habituellement être célébré avant le mariage religieux pose un problème en soi. Après le confinement, ne faudra-t-il pas saisir l’occasion de remettre en cause cette obligation ? 

Comme je le disais plus haut, je ne crois pas que ce soit une bonne « occasion ». Le problème n’est pas lié à l’antériorité du mariage civil, mais bien aux effets civils du mariage religieux. C’est la question du double mariage à laquelle il faut s’intéresser. Je ne suis pas intéressé par le fait d’avoir un mariage religieux avant le mariage civil. 

Hiérarchiquement, il est tout de même dérangeant que le droit civil prenne le pas sur le droit de l’Église. 

Ce n’est pas le sujet. Dans le mariage, il y a des effets civils qui doivent être pris en compte par le mariage religieux. Notre mariage religieux est incomplet parce qu’il ne produit pas d’effets civils, parce que l’État lui refuse cette reconnaissance des effets civils. Il n’y a pas deux mariages pour un chrétien. Il ne s’agit pas de mettre en concurrence deux mariages. Il s’agit simplement de s’intéresser à la façon dont se fait un mariage. En Italie, en Espagne, il n’y a pas deux mariages, il y a un mariage, religieux ou civil, qui produit à chaque fois des effets civils. 

Un autre sacrement est rendu difficile d’accès, le baptême. Y a-t-il encore des baptêmes dans votre diocèse malgré le confinement ? 

En cas d’urgence bien entendu des baptêmes peuvent encore être célébrés. À ma connaissance, il n’y a eu que des baptêmes par des prêtres, bien qu’in articulo mortis n’importe qui puisse baptiser. Les baptêmes célébrés dans mon diocèse répondaient à un désir de célébration rapide du sacrement, peut-être parce qu’il y avait une maladie. Pour les nouveau-nés, je préconise d’attendre la fin du confinement. Néanmoins, je renvoie à l’appréciation des pasteurs. Je préfère que les situations soient appréhendées au cas par cas. 

Nous attendons de savoir s’il faudra attendre le 2 juin pour assister de nouveau physiquement à la messe. S’il n’y a pas d’accord sur une date préalable, proposerez-vous d’autres moyens d’apporter la messe et la communion aux fidèles ? 

Je ne suis pas sûr que les mesures sanitaires et particulièrement les distances physiques puissent être respectées lors de messes domestiques. Il me semble même que ce serait plus dangereux qu’une messe célébrée dans une église. Je n’y suis donc pas, de prime abord, favorable. La question se pose de donner la communion, avec les mêmes difficultés de distanciation physique. Pour l’instant, je réfléchis à ce sujet et je n’ai pas encore pris de décision. Nous sommes dans une situation évolutive, le gouvernement va vraisemblablement regarder la situation après le 11 mai. Dans les semaines qui vont suivre, nous allons savoir si les transports, l’école, les commerces engendrent une reprise de l’épidémie ou pas. Je ne peux donc pas dire pour l’instant : « Si nous n’avons pas l’autorisation de reprendre le culte public à telle date, je prendrai telle mesure ».

Le Concile de Trente nous rappelle l’importance de l’accès aux sacrements pour les fidèles, puisqu’ils permettent l’accès au Salut. Comment l’Église peut-elle faire entendre cette voix dans une société laïque ?

Le Catéchisme de l’Église Catholique dit les choses un peu différemment en disant que beaucoup sont sauvés sans que nous sachions comment, si ce n’est par le Christ lui-même. En toute rigueur, ce ne sont pas les sacrements qui sauvent, c’est le Christ. Pour ceux qui ont la foi, qui sont entrés dans l’initiation chrétienne, les sacrements sauvent. Mais il nous faut comprendre que bien des personnes qui ne L’ont pas connu sont sauvées par le Christ lui-même. Attention à ne pas isoler une affirmation du Concile de Trente. D’ailleurs, ce concile ne dit pas combien de communions par jour, par semaine ou par an doivent être distribuées aux fidèles si ce n’est la communion pascale. Il faut se « détendre » par rapport à cette pratique des sacrements puisque nous pouvons dire qu’un seul baptême sauve, une seule communion sauve. Nous sommes pour l’instant dans un « jeûne eucharistique », même si je trouve cette expression un peu difficile, d’autant plus que je ne la vis pas moi-même. N’oublions pas que les prêtres et les évêques célèbrent l’eucharistie tous les jours.

Est-ce que l’Église peut encore réussir à faire comprendre au pouvoir civil l’importance de l’accès aux sacrements pour les fidèles catholiques ?

Nous avons l’impression que l’autorité publique ne comprend plus qu’être catholique pratiquant est plus qu’un simple loisir, comme aller au cinéma le dimanche matin. Les politiques ne se rendent pas non plus compte que, mystérieusement, la pratique religieuse peut avoir des effets bénéfiques pour la nation et peut même avoir une incidence sur la reprise économique. C’est cette prise de conscience qui m’a le plus bouleversé lors de l’annonce du Premier ministre, celui-ci pense sauver l’économie uniquement par l’économie. Alors que, justement, le Sras-Covid-19 qui a mis à terre tous les plans économiques peut permettre le retour de la nation française dans sa globalité. Pour moi, redonner l’accès au culte, c’est favoriser la nation française. 

Je constate que nos interlocuteurs ont du mal à l’entendre et à le comprendre. Peut-être à cause de positions personnelles de certains d’entre eux. Il faut en prendre acte. Mais il faut essayer d’expliquer, par nos témoignages, que la messe est un endroit où chacun est reçu dans toute sa dignité humaine et peut s’unir au Christ. L’église est le lieu où se donnent et se reçoivent les sacrements, c’est également un lieu de charité où nous sommes frères et sœurs dans le Christ et où la fraternité entre tous éclôt. 

Dans votre communiqué du 13 mars 2020, vous rappeliez les mesures d’hygiènes demandées par la CEF, avec entre autres la communion exclusivement donnée dans la main et non dans la bouche. Des canonistes (1) soulignent les problématiques liées à cette demande en particulier, un texte de la Congrégation pour le Culte Divin (2) semble indiquer que cette décision n’est pas du ressort des évêques. Lors du retour de la possibilité d’assister à la messe et de communier, les fidèles pourront-ils de nouveau communier dans la bouche ?

Honnêtement, je ne sais pas. C’est une question douloureuse parce que je sais que c’est très important pour des fidèles. J’essaie d’y voir clair, mais je ne suis pas encore en mesure d’y répondre. Vous rappeliez une prise de position de la Congrégation pour le Culte Divin, dont je n’ai pas connaissance, qui sans doute, comme c’est son habitude, était une position ciblée en réponse à quelqu’un qui l’interroge. Cette même congrégation a autorisé de façon exceptionnelle les absolutions collectives… Elle a également demandé aux différentes Conférences des évêques de se prononcer sur certains points tels que les célébrations dans les monastères… Il me semble que nous sommes encore dans le cadre de ces mesures exceptionnelles et donc il nous faudra prendre nos responsabilités le moment venu. 

Cette épidémie va-t-elle modifier l’organisation de votre diocèse ? 

Le plus clair pour moi, c’est une prise de conscience nouvelle de l’église domestique. Chez soi, il y a une petite église domestique. C’est sûrement davantage vrai dans des familles où il est possible de partager la foi, mais j’ai eu de nombreux témoignages d’enfants du catéchisme qui sont majoritairement dans des familles où tout le monde n’a pas la même pratique religieuse, où les habitudes de prières collectives sont parfois inexistantes, et j’ai eu l’impression que même s’il y a eu un engouement dans un premier temps pour suivre les offices par le biais des retransmissions, certains n’ont pas trouvé ce moyen de prier satisfaisant, et ont préféré allumer une bougie, lire la Sainte Écriture, prier un psaume, réciter le chapelet. J’espère que le virus laissera cette trace parmi tous ceux qui sont des disciples de Jésus. 

  1. P Réginald-Marie Rivoire, HN 1707
  2. Prot N. 655/09/L

Source: Homme nouveau, le 4 mai 2020