Dimanche des Rameaux à l’épreuve du Coronavirus : Le Patriarcat latin s’adapte aux restrictions sanitaires

Dimanche des Rameaux à l’épreuve du Coronavirus : Le Patriarcat latin s’adapte aux restrictions sanitaires
Dimanche des Rameaux à l’épreuve du Coronavirus : Le Patriarcat latin s’adapte aux restrictions sanitaires 

JERUSALEM –  Le 5 avril 2020, dans un contexte de crise sanitaire qui a bouleversé la programmation des célébrations de la Semaine Sainte à travers le monde, le Patriarcat latin de Jérusalem a célébré le Dimanche des rameaux en sa Co-Cathédrale. Plus tard dans l’après-midi, au sanctuaire du Dominus Flevit, sur le Mont des Oliviers, Mgr Pierbattista Pizzaballa, Administrateur Apostolique du Patriarcat latin, a présidé une prière « en temps de pandémie ».

Le Dimanche des Rameaux 2020 restera gravé longtemps dans les mémoires des fidèles de Terre Sainte. Alors que des dizaines de milliers de chrétiens venues des quatre coins de la région et de l’étranger inondent chaque année les rues de Jérusalem pour célébrer l’entrée solennelle de Jésus dans la Ville Sainte, la traditionnelle procession a été annulée cette année en raison des restrictions sanitaires.

Dans le contexte de crise mondiale due à la propagation du Covid 19 et en raison des restrictions de circulation inédites qui ont été adoptées un peu partout dans le monde par les autorités civiles, le Patriarcat latin de Jérusalem, comme les autres institutions religieuses de Terre Sainte, a été conduit en effet à modifier largement l’organisation des célébrations de Pâques.

L’ambiance festive qui caractérise d’ordinaire les célébrations du premier jour de la Semaine Sainte à Jérusalem a ainsi laissé place à une atmosphère de recueillement, illustrée par des petits rassemblements tenus à huis clos en présence des quelques prêtres, séminaristes et une poignée de journalistes réduits au strict minimum.

C’est dans ce contexte tout à fait inédit que s’est tenue le dimanche 5 avril la messe du Dimanche des Rameaux, en la Co-Cathédrale du Patriarcat latin. Présidée par Mgr Giacinto Boulos-Marcuzzo, Vicaire patriarcal pour Jérusalem et la Palestine, la célébration était retransmise en direct par les caméras du Christian Media Center (CMC) sur la chaîne de télévision « Palestine Live », la page Facebook du Patriarcat latin, ainsi que sur plusieurs sites internet dont abouna.org. « Le Dimanche des Rameaux est l’occasion de bien interpréter et vivre le sens des circonstances spéciales et difficiles que le monde entier, ou presque, est en train de vivre – a souligné Mgr Marcuzzo dans son homélie prononcée en arabe –  «  Ce dimanche présente une contradiction interne apparente, poursuit-il : d’un côté nous célébrons l’entrée solennelle de Jésus à Jérusalem, comme le fils de David, le Roi ; de l’autre, c’est le dimanche de la Passion, le commencement de la Semaine Sainte. Le sens de cette contradiction est le suivant : on ne peut arriver à la gloire, à la vie nouvelle, à la résurrection sans passer tout d’abord par la « croix », signe du plus grand amour qui est la raison de toute nouvelle vie et de toute résurrection. » 

Dans les circonstances dramatiques actuelles, Mgr Giacinto Boulos-Marcuzzo a exhorté les fidèles à ne pas envisager cette crise comme un châtiment de Dieu. « Dieu n’est jamais la cause d’un mal, souligne le Vicaire patriarcal, mais il peut parfois rendre le mal ou les situations douloureuses possibles pour un bien plus grand ; car derrière les actes du Seigneur il faut toujours voir un acte d’amour, comme disait Saint Paul. » Et évoquant l’homélie publiée pour ce dimanche par Mgr Pizzaballa : « En lisant la Bible, on voit que Dieu rend souvent visite à son peuple. Cette visite est souvent une situation tragique, suivie d’une phase de reconstruction, d’une nouvelle vie, pour le peuple ou pour une personne, comme cela est arrivé à la Vierge Marie. […]  La situation actuelle est donc une occasion pour le Seigneur de nous montrer son amour, et pour nous de purifier et fortifier notre foi, de confirmer notre espérance en cette période de carême afin de nous préparer à nous élever à une vie nouvelle avec le Christ Ressuscité. »

La journée s’est poursuivie au Dominus Flevit, sur le Mont des Oliviers, où Mgr Pizzaballa a présidé une prière « en temps de pandémie ». Plus tôt dans la journée, l’Administrateur Apostolique du Patriarcat latin avait célébré la messe des Rameaux, avec l’accord des autorités civiles, dans la basilique du Saint-Sépulcre. Depuis la colline, entourée de Mgr Giacinto Boulos-Marcuzzo, de plusieurs prêtres du Patriarcat latin ainsi que d’une délégation de Franciscains du Clergé local dirigée par le Custode de Terre Sainte, Fr. Francesco Patton, il a prononcé un message et béni Jérusalem.

Dans son message, prononcé en anglais, il est revenu sur l’entrée « triomphale » de Jésus dans Jérusalem, dont le sens a mal été perçu par les habitants. « Ces derniers Le [reconnaissaient] comme un Roi, comme le Messie attendu, comme celui qui allait enfin recevoir leurs prières », alors que Jésus venait se faire arrêter et tuer… « C’est peut-être la leçon que Jésus veut nous donner aujourd’hui » explique Mgr Pizzaballa, dressant un parallèle avec la situation d’épidémie, où nous faisons appel Dieu afin qu’il réponde à nos prières en nous délivrant de ce fléau.  « Nous nous tournons vers Dieu quand quelque chose nous fait mal. Lorsque nous sommes en difficulté – poursuit l’Administrateur Apostolique –. […] nous voulons que Jésus devienne le genre de roi et de messie qui résout nos problèmes, […] les situations difficiles que nous traversons. Nous voulons qu’il nous sauve du Corona Virus, que tout redevienne comme avant. » Mgr Pizzaballa évoque ainsi, dans un mélange de bienveillance et d’exigence, la déception que l’on peut ressentir aujourd’hui, à l’image de la foule qui accueillait Jésus, devant un messie qui « répond à sa manière ». « Précisément parce que Jésus dit « oui » à nos désirs les plus profonds, il devra dire « non » à nos désirs immédiats. ». Comprendre cette leçon sur « l’écart entre nos attentes et la réponse de Dieu », selon les mots de l’Administrateur Apostolique, « c’est faire un grand pas vers la foi chrétienne. » La prière, elle aussi, était filmée par les par les caméras du CMC et diffusée en direct.

Dès le 12 mars, en conformité avec les directives édictées par les autorités civiles, le Patriarcat latin avait diffusé un communiqué appelant à « limiter les rassemblements de plus de cent personnes, recommandant également aux fidèles de ne pas se serrer la main ». Dans sa lettre diffusée à travers tout le diocèse de Jérusalem, Mgr Pizzaballa demandait à tous les curés de « s’efforcer de respecter et de faire respecter ces règles et d’organiser les différents événements liturgiques – y compris la messe dominicale –  de manière à se conformer aux directives gouvernementales ».

Le 26 mars, alors que la Semaine Sainte approche à grands pas, que les restrictions sanitaires se sont durcis un peu partout dans la région jusqu’aux confinement des populations décrété par la plupart des gouvernements civils du territoire du diocèse, le Patriarcat latin expose, dans un nouveau communiqué, les conditions inédites dans lesquelles se dérouleront les célébrations de la Semaine Sainte.

En tenant compte des directives des autorités civiles, mais également des documents publiés par le Saint Siège, Mgr Pizzaballa annonce alors, parmi d’autres mesures, l’annulation de la procession des Rameaux. L’Administrateur Apostolique annonce dans le même temps la réduction des célébrations au Saint-Sépulcre et fait savoir que l’ensemble du Tridiuum sacré en arabe se déroulera dans la Co-Cathédrale du Patriarcat latin, animé par les séminaristes et diffusé en direct pour l’ensemble du diocèse par le Christian Media Center.

Dimanche des Rameaux à l’épreuve du Coronavirus : Le Patriarcat latin s’adapte aux restrictions sanitaires

Source: Patriarcat latin de Jérusalem, le 7 avril 2020, par Geoffroy Poirier-Coutansais/LPJ

Prière depuis le Mont des Oliviers pour bénir Jérusalem et le monde

Mgr Pizzaballa, sur le mont des Oliviers, lors du dimanche des Rameaux, le 5 avril 2020.
Mgr Pizzaballa, sur le mont des Oliviers, lors du dimanche des Rameaux, le 5 avril 2020.

Prière depuis le Mont des Oliviers pour bénir Jérusalem et le monde

Mgr Pierbattista Pizzaballa, administrateur du patriarcat latin de Jérusalem, a présidé pour le dimanche des Rameaux une liturgie depuis le Dominus Flevit sur le Mont des Oliviers, avant de bénir la ville et le monde avec une relique de la Sainte Croix.

C’est une prière exceptionnelle, spéciale contre la pandémie de Coronavirus, qu’a prononcé en ce dimanche des Rameaux l’administrateur apostolique « sede vacante » du patriarcat latin de Jérusalem. Une prière prononcée depuis le Monts des Oliviers, au lieu de la traditionnelle procession des Rameaux de Bethphagé à la basilique Sainte-Anne. Une liturgie de la Parole célébrée en présence de quelques frères franciscains et séminaristes du patriarcat latin. 

Dans son message publié sur le site du patriarcat latin de Jérusalem, Mgr Pizzaballa revient sur les circonstances extraordinaires de cette Semaine Sainte. «Nous n’avons pas levé nos palmes et nos rameaux d’oliviers pour crier “Hosanna» à notre Roi, Jésus-Christ. Les rues qui, en ce jour, seraient pleines de monde et de chants, d’hymnes et de cornemuses sont vides et silencieuses». Une expérience qui doit inviter au questionnement,«Que pouvons-nous faire dans ces moments dramatiques pour la vie du monde et pour la nôtre ?»

Une leçon à tirer 

«C’est peut-être la leçon que Jésus veut nous donner aujourd’hui. Nous nous tournons vers Dieu quand quelque chose nous fait mal. Lorsque nous sommes en difficulté, nous voulons soudain tous poser les grandes questions difficiles», a expliqué l’archevêque de Jérusalem. Dit autrement, chacun veut «que Jésus devienne le genre de roi et de messie qui résout nos problèmes : la paix, le travail, la vie de nos enfants ou de nos parents, une aide, en bref, les situations difficiles que nous traversons. Nous voulons qu’il nous sauve du Corona Virus, que tout redevienne comme avant…»

Mais si Jésus exauce nos prières, a continué Mgr Pizzaballa, il répond à sa manière, disant «oui» à nos désirs les plus profonds, mais «non» à nos désirs immédiats.

«L’histoire de la grande entrée à Jérusalem, en somme, est une leçon sur l’écart entre nos attentes et la réponse de Dieu», la foule sera déçue car Jésus ne répondra pas à ses attentes de salut immédiat. Mais au fond, «l’entrée de Jésus à Jérusalem est vraiment le moment où le salut naît. Les “Hosanna” étaient justifiées, mais pas pour les raisons que les habitants de Jérusalem avaient supposées. Apprendre cette leçon, c’est faire un grand pas vers la vraie foi chrétienne».

Ainsi, l’administrateur apostolique invite à reconnaître que «nous sommes encore loin de cette foi simple et pure, la foi des pauvres». 

Une foi basée sur l’espoir et non la certitude

«Nous voudrions, nous voulons que notre vie change, ici et maintenant, et non pas dans un avenir vague ou dans l’au-delà. Nous voulons un Dieu tout-puissant et fort, nous voulons avoir foi en un Dieu qui nous donne certitude et sécurité. Puisse-t-il nous calmer dans cette mer de craintes et d’incertitudes dans laquelle nous nous trouvons maintenant».

L’Évangile nous dit cependant que la foi chrétienne est fondée sur l’espoir et l’amour, et non sur la certitude. En conclusion, Mgr Pizzaballa a invité à déposer devant le Messie «le peu que nous avons, nos prières, nos besoins, notre besoin d’aide, nos pleurs, notre soif de Lui et de Sa parole de consolation. Nous savons qu’il nous faut purifier nos intentions, demandons-Lui aussi cette grâce, de comprendre ce dont nous avons vraiment besoin».

Source: Vaticannews, le 5 avril 2020