Le Pape implore le don de la paix pour la Birmanie

Le Pape et les pèlerins du diocèse italien de CremaLe Pape et les pèlerins du diocèse italien de Crema (Vatican Media)

Le Pape implore le don de la paix pour la Birmanie

François a reçu ce samedi matin en salle Paul VI au Vatican les pèlerins du diocèse italien de Crema. C’est de cette ville qu’est originaire le bienheureux Alfredo Cremonesi, martyr, tué en 1953 en Birmanie. Le Saint-Père est revenu sur la figure du missionnaire et de trois de ses qualités: l’humilité, la joie et l’émerveillement. 

Xavier Sartre – Cité du Vatican

Peu importe que la pandémie de Covid-19 ait repoussé cette rencontre entre le Pape François et les pèlerins du diocèse de Crema, venus de cette région du Nord de l’Italie mais aussi de Birmanie. Car c’est de cette ville lombarde que le père Alfredo Cremonesi, proclamé bienheureux en 2019, est originaire. Martyr tué en 1953 en pleine guerre civile, «homme universel», selon les mots du Pape, il se donna «sans calcul, et sans s’épargner pour le bien des personnes qui lui étaient confiées, croyants et non-croyants, catholiques et non catholiques». Il travailla «malgré mille difficultés et dangers», restant proche de ses fidèles pour «construire et reconstruire ce que la guerre et la violence continuaient à détruire», rappelle François. Aujourd’hui encore, la Birmanie demeure «une terre tourmentée» que le Saint-Père porte dans son cœur et pour laquelle il invite à prier «implorant de Dieu le don de la paix».

Le bienheureux Alfredo Cremonesi incarnait «les solides vertus» de sa terre d’origine: «une robuste piété, le travail généreux, la vie simple et la ferveur missionnaire». «Il a exercé la charité spécialement envers les plus nécessiteux, se retrouvant plus d’une fois sans rien, contraint lui-même à mendier», relate le Pape. «Il ne s’est laissé ni intimider ni décourager par les incompréhensions et les oppositions violentes, jusqu’à la rafale de mitraillette qui l’a abattu». Son esprit parle encore à travers l’œuvre d’autres missionnaires qui ont suivi ses pas, comme le père Pierluigi Maccalli, otage pendant deux ans au Niger et au Mali.

Humilité, joie et émerveillement

Citant le bienheureux, le Pape invite les pèlerins à s’approprier les caractéristiques décrites par le père Cremonesi: «l’humble conscience d’être un petit instrument dans les grandes mains de Dieu; la joie d’accomplir “un merveilleux travail” en faisant se rencontrer les frères et sœurs avec Jésus; l’émerveillement devant ce que le Seigneur accomplit dans qui Le rencontre et l’accueille.»

François salue alors ces pèlerins, riches de «couleurs de chaque âge et condition»«Le trésor de l’Église, oui, c’est vous, c’est nous, tous pauvres devant Dieu et tous riches de son amour infini», poursuit-il avant de les encourager à «cultiver la communion, entre les personnes et entre les communautés, dans l’aide réciproque, dans la collaboration, dans l’ouverture même à des voies nouvelles, dans un monde qui change toujours plus vite»«N’ayez pas peur de traduire vos valeurs anciennes dans des langages modernes pour qu’ils puissent atteindre tout le monde et pour que tous puissent y goûter et profiter de leurs bienfaits».

Le Pape les exhorte aussi à être toujours accueillants et à inclure ceux qui frappent à leur porte, à veiller à l’éducation des plus jeunes, à ne pas oublier les personnes âgées, les plus faibles, spécialement les pauvres et les malades. «Je vous invite à les écouter parce qu’il y a tant à apprendre de qui sait ce que sont la vie, les épreuves et la souffrance».

Source : VATICANNEWS, le 15 avril 2023

En Birmanie, les chrétiens célèbrent Pâques dans la répression et la pauvreté

Une église détruite par les flammes dans le village de Daw Ngay Ku, dans l'est de la Birmanie.Une église détruite par les flammes dans le village de Daw Ngay Ku, dans l’est de la Birmanie.

En Birmanie, les chrétiens célèbrent Pâques dans la répression et la pauvreté

L’évêque coadjuteur du diocèse de Mawlamyine, dans le sud du pays, évoque les souffrances de la population, déchirée par les conflits ethniques et les agissements de la junte militaire. Les chrétiens sont consolés par les prières et les appels que le Pape François a lancés à plusieurs reprises pour cette terre asiatique martyrisée. L’Église locale œuvre à la réconciliation et prie également pour les persécuteurs. Les mouvements et les horaires des célébrations de Pâques seront restreints.

Marco Guerra – Cité du Vatican

Le christianisme en Birmanie est pratiqué par environ 6% de la population, en particulier parmi les groupes ethniques Kachin et Karen en raison de l’activité missionnaire historique dans leurs régions. Il s’agit d’une réalité aux racines séculaires qui a toujours semé des graines de paix et de réconciliation dans le cadre national complexe, malgré les persécutions cycliques qu’elle a dû endurer au cours du siècle dernier.

La situation sociopolitique

Une nouvelle flambée de persécution des dissidents et des minorités est en cours depuis février 2021, date à laquelle les militaires ont pris le contrôle de la Birmanie à la suite d’un coup d’État. La junte militaire au pouvoir, qui a destitué le gouvernement élu d’Aung San Suu Kyi, a déclenché des manifestations pacifiques qui ont rapidement dégénéré en résistance armée, puis en affrontements généralisés que certains experts de l’ONU qualifient de guerre civile. Ces deux dernières années, de nombreuses condamnations à mort ont été prononcées à l’encontre de dissidents. En 2017, les violences des militaires avaient débordé sur la minorité rohingya, avec un bilan de plus de 10 000 morts et au moins 800 000 personnes ayant fui vers le Bangladesh. Le drame vécu par ce pays d’Asie du Sud-Est, de 53 millions d’habitants, a toujours été dans les pensées et les prières du Pape François qui, lors de l’Angélus du 22 janvier, s’est tourné vers la Vierge pour demander la paix en Birmanie.

Mgr Wai: prières pour ceux qui ont perdu leur maison

Mgr Maurice Nyunt Wai, évêque coadjuteur du diocèse de Mawlamyine, à l’extrême sud du pays, explique à Vatican News que le Carême passe entre prières et actes de solidarité tandis que les célébrations de Pâques seront placées sous le signe de la sobriété en raison de la pauvreté généralisée. «Nous prions beaucoup pour la paix et la tranquillité, nous faisons aussi pénitence pour la souffrance des gens et pour ceux qui n’ont pas de maison», explique-t-il, «En fait, à cause de la guerre, beaucoup de gens n’ont plus de maison, leurs maisons ont été brûlées. Nous prions pour eux et essayons de les aider». Ces derniers mois, certaines églises ont également été incendiées dans le cadre d’opérations militaires.

Prières pour le Pape

L’évêque rapporte que des conflits locaux se poursuivent dans le pays entre l’armée et les milices armées de certaines ethnies qui s’opposent au gouvernement de Rangoun: «Dans les grandes villes, la situation est plus calme, mais dans les provinces les violences sont plus fréquentes, dans certaines zones les gens ne vivent pas en paix». Les chrétiens, eux, ressentent la proximité exprimée par le Pape François à plusieurs reprises: «Nous écoutons ses prières pour la Birmanie, et à notre tour nous avons beaucoup prié pour lui lorsqu’il était hospitalisé».

Des célébrations limitées

Les restrictions gouvernementales et les mesures strictes de sécurité et de contrôle affectent également les célébrations de Pâques. En effet, l’évêque explique que la traditionnelle messe de minuit du samedi de Pâques sera célébrée à 17 heures pour éviter le couvre-feu imposé la nuit. De plus, les chrétiens sont autorisés à célébrer dans l’église et à proximité des lieux de culte, mais n’ont pas le droit d’afficher des symboles religieux à l’extérieur de ceux-ci, et aucune procession n’est donc prévue dans les rues. Et ce, bien que les relations avec les autres religions soient bonnes: «Nous nous entraidons», ajoute Mgr Wai, qui évoque ensuite la situation de tension perçue surtout entre les jeunes manifestants et la junte militaire. Un contraste qui aboutit souvent à la violence: «Un conflit entre frères qui s’entretuent comme Caïn et Abel», regrette-t-il.

Des chrétiens engagés pour la paix

Enfin, l’évêque de Mawlamyine relève l’esprit de réconciliation qui anime les chrétiens, qui prient pour la paix et œuvrent pour l’harmonie même lorsque «leurs maisons sont brûlées». Mais la persécution est subie par «tout le peuple», tient à préciser Mgr Wai, qui invite enfin à célébrer Pâques en famille sans trop de faste, par respect pour les nombreux pauvres qui souffrent de la faim.

Source : VATICANNEWS, le 8 avril 3023

MYANMAR – Les Sœurs de la Réparation : « Nous marchons aux côtés du peuple, demandant la paix et la justice »

MYANMAR – Les Sœurs de la Réparation : « Nous marchons aux côtés du peuple, demandant la paix et la justice »

 » Lorsque le coup d’État a eu lieu (le 1er février 2021, ndlr), je me trouvais dans l’État birman de Kayah. J’ai également participé aux manifestations pacifiques du peuple birman, partageant les sentiments de la population, notamment des jeunes, qui craignent de perdre leur liberté et leur démocratie. En mars et avril, notre congrégation au Myanmar, en collaboration avec l’église locale, a commencé à mettre ses installations à la disposition des personnes déplacées fuyant les bombardements. Dans notre couvent de Doungankha, dans le diocèse de Loikaw, où se trouvent une maison de repos pour les sœurs âgées, une maison de formation pour les jeunes sœurs et un centre d’exercices spirituels, environ 150 personnes des villages voisins ont trouvé refuge : des femmes (certaines enceintes), des enfants, des personnes âgées ». Sœur Regina Khuan Num Sang, une religieuse birmane de la Congrégation des Sœurs de la Réparation, s’adresse à l’Agence Fides. Arrivée en Italie en avril 2015, en février 2020, Regina est retournée au Myanmar pour rendre visite à sa famille. Elle était censée retourner en Italie au bout de deux mois mais, à cause de la pandémie, elle n’a pas pu rentrer. Puis, le coup d’État militaire qui l’a bloquée jusqu’au mois dernier.


Son témoignage d’un pays en guerre depuis plus d’un an parle d’atrocités dramatiques, de bombardements aveugles et de peur, mais il parle aussi de solidarité, d’unité contre la violation de la dignité humaine, de la loi, de la proximité de l’Église qui accueille les personnes touchées ou obligées de fuir. Dans ce contexte, plus de 380 Sœurs de la Réparation birmanes sont présentes dans 13 diocèses depuis 1895, en particulier dans les villages les plus reculés du Myanmar où les missionnaires de l’Institut Pontifical pour les Missions Etrangères (PIME) les ont introduites pour entreprendre un chemin de partage avec la population locale.


« L’église de Notre-Dame de la Paix et la maison des prêtres, qui se trouvent à côté de notre couvent, ont été attaquées par l’armée, poursuit Sr Regina, et sérieusement endommagées. Plusieurs maisons ont également été endommagées, brûlées par des bombardements d’artillerie aveugles. Nous avons vu un hélicoptère survoler notre maison, puis deux avions de chasse sont arrivés. Je n’ai jamais pensé que les militaires viendraient frapper les gens depuis le ciel. Nous étions tous remplis de peur, nous savions que cette fois nous ne pourrions pas nous échapper. J’ai beaucoup prié, confiant que le Seigneur nous protégerait jusqu’à la fin.


Les militaires n’épargnaient pas les civils : « Parfois, ils emmenaient des innocents sans raison. Une nuit, j’ai été surpris par un grand bruit et, en regardant par la fenêtre, j’ai vu des soldats enfoncer les portes de la maison voisine de la nôtre. Puis, soudain, une lumière vive a été dirigée vers ma chambre : je me suis rapidement caché sous la table et j’ai bouché mes oreilles, mais j’ai gardé les yeux ouverts pour voir ce qui allait se passer, craignant que quelqu’un ne tire. La nuit, ils entraient dans les maisons pour vérifier si des personnes logeaient dans les familles. Parfois, sans raison, ils emmenaient des personnes innocentes. Fin décembre, en raison de bombardements plus intenses, presque tous les habitants de Loikaw, y compris nos sœurs, ont dû trouver refuge dans d’autres régions. Les bombardements aériens se poursuivent et de nombreuses personnes, notamment des jeunes, perdent la vie.


Sœur Regina conclut : « Avec les sœurs, nous cheminons avec les gens, à travers les larmes et la douleur, en faisant face aux différents défis. Notre nation a besoin du soutien international et de la solidarité de tous pour pouvoir garantir la paix et la justice à son peuple. L’appel pour chacun d’entre nous est d’être des artisans de la paix : éteindre la haine et ouvrir toujours des voies de dialogue », conclut-elle.


La religieuse est intervenue lors de l’événement organisé ces derniers jours par le PIME à Milan  » pour rallumer la lumière sur le drame du peuple birman « , comme l’a expliqué à Fides Francesca Benigno de  » New Humanity International « , une ONG liée au PIME, engagée dans la paix, la coopération et le développement. La journée de rencontre « Ensemble pour le Myanmar », en collaboration avec la communauté birmane, qui s’est tenue le 9 avril à Milan, comprenait une pièce de théâtre sur le Père Alfredo Cremonesi (Crema, Italie, 1902 – Donoku, Myanmar, 1953) missionnaire du PIME au Myanmar, proclamé bienheureux comme « prêtre et martyr » le 19 octobre 2019.


Source: Agence Fides, le 11 avril 2022

Birmanie : l’armée réquisitionne et profane deux églises

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DH Saragih I Shutterstock – Église baptiste saint Emmanuel de Rangoun (Birmanie).

Birmanie : l’armée réquisitionne et profane deux églises

Plongée dans le chaos depuis le coup d’État du 1er février 2021, la Birmanie est le théâtre de violents affrontement entre l’armée et les opposants. Fin août, l’armée birmane a réquisitionné et profané deux églises située dans l’État de Chin, dans l’ouest du pays. L’Église, parce qu’elle se place du côté des plus faibles et des plus démunis, se trouve régulièrement prise pour cible.

Après les prêtres arrêtés c’est au tour des églises d’être réquisitionnées et profanées en Birmanie. Fin août, l’armée birmane a réquisitionné et profané deux églises, l’église catholique Saint-Jean et une église baptiste, dans le village de Chat, toutes deux situées dans l’État de Chin, dans l’ouest du pays. Le diocèse de Hakha où se situent les deux édifices a confirmé le 31 août que les militaires ont saisi les lieux de culte et ont installé leur quartier général à l’intérieur des deux églises.

Ils ont ouvert le tabernacle, pris les hosties consacrées et les ont jetées par terre, les piétinant et les pillant.

« C’est exécrable. Les militaires ont réquisitionné l’église pour leur usage. Ils ont ouvert le tabernacle, pris les hosties consacrées et les ont jetées par terre, les piétinant et les pillant », a dénoncé le père John Aung, curé de l’église Saint-Jean, auprès de Fides. « Ils ont détruit toutes les armoires fermées à clé. Nous condamnons l’agression et la violence gratuite et la profanation de notre église, avec la violation flagrante de la liberté de culte ». « Les soldats ont détruit nos bibles, le mobilier de l’église, les générateurs électriques et les amplificateurs de son », a également indiqué, consterné, Shane Aung Maung, l’un des chrétiens du village. « Ils boivent de l’alcool à l’intérieur du bâtiment de l’église. Ils abattent le bétail et font cuire la viande dans l’église ».

Un vaste mouvement de désobéissance civile, né après le coup d’état du 1er févier 2021, est durement réprimé par l’armée. Quelque 1.000 civils auraient été tués depuis le coup d’état, a avancé mi-août l’ONG Assistance Association for Political Prisoners (AAPP). Le besoin urgent de sécurité et de nourriture pousse les familles à fuir après la destruction de leurs maisons. Sur place, les églises continuent tant bien que mal à servir les besoins spirituels et matériels des populations. Et parce que l’Église soutient les plus vulnérables, les déplacés et les plus faibles sans distinction aucune, elle est régulièrement, à travers ses prêtres, ses religieuses et ses églises, prise pour cible par l’armée birmane. Dans le pays qui compte au total à peine plus de 6% de chrétiens (et moins de 3% de catholiques), l’Église catholique a bien évidemment un rôle limité. Mais un rôle qu’elle tient à assumer. 

Source: ALETEIA, le 2 septembre 2021

Bombardements en Birmanie, des réfugiés tués dans une église catholique

L'église de Kayan Tharyar, frappée par des tirs de mortier ce dimanche en BirmanieL’église de Kayan Tharyar, frappée par des tirs de mortier ce dimanche en Birmanie 

Bombardements en Birmanie, des réfugiés tués dans une église catholique

Ce dimanche, de violents combats ont éclaté entre les militaires et l’une de ses factions, le Parti national progressiste karenni (KNPP), établie notamment dans l’État de Kayah. L’armée a utilisé des hélicoptères et des chars contre les insurgés, tirant au mortier. Les combats ont fait des victimes civiles dans l’église d’un village. 

Les militaires de l’armée birmane ont attaqué dimanche soir avec des tirs d’artillerie le village de Kayan Tharyar, situé à 7 km de Loikaw, capitale de l’État de Kayah (est), dans le but de frapper de présumés groupes rebelles, parmi lesquels le Parti national progressiste karenni (KNPP). L’un des obus de mortier s’est abattu sur l’église catholique du village, tuant au moins quatre personnes et blessant de nombreuses autres personnes déplacées qui y avaient trouvé refuge. Les habitants avaient cru que l’église serait un «lieu de refuge sûr pour ceux qui fuyaient les accidents et les fusillades dans la région, mais ils ont dû se rétracter tragiquement», écrivent les Jésuites de Birmanie, dans une note adressée à l’Agence Fides.

Ce dimanche 16 mai, le Saint-Père célèbre une messe pour la communauté des fidèles de Birmanie résidant à Rome. Leur pays d’origine est toujours plongé dans le chaos, plus de 100 …

La répression sanglante continue

La cathédrale du Sacré-Cœur de Pekhon (à une quinzaine de kilomètres de Loikaw) a également été endommagée par les tirs d’artillerie. Les Jésuites condamnent ces «crimes odieux de la manière la plus ferme possible» et demandent que «les militaires birmans soient appelés à rendre des comptes» et cessent immédiatement les attaques contre les civils et contre les églises. Les bombes ont aussi détruit d’autres bâtiments, les réduisant à l’état de ruines.

L’État de Kayah, où 75 % des habitants appartiennent à des minorités ethniques, est celui qui compte le plus fort pourcentage de chrétiens en Birmanie. La présence catholique dans cette région a commencé à la fin des années 1800 avec l’arrivée des premiers missionnaires italiens de l’Institut pontifical des missions étrangères (PIME). Aujourd’hui, il y a plus de 90 000 catholiques sur les 355 000 habitants environ de cette province.

La violence prend de l’ampleur depuis quelques jours en Birmanie, où l’on observe toujours plus l’usage d’armes de guerre. Depuis le 1er février, 818 personnes ont été tuées, selon l’Association d’assistance aux prisonniers politiques (AAPP). Les manifestations populaires contre la junte militaire au pouvoir continuent de secouer les villes, dont 30 sont soumises à un couvre-feu de 20 heures à 4 heures du matin, tandis qu’à Yangon et Mandalay, épicentres de la rébellion, le couvre-feu commence deux heures plus tôt. Les zones rurales ne sont pas épargnées par la violence, les arrestations et les raids militaires. Des dizaines de milliers de Birmans ont aussi été déplacés en raison d’affrontements entre l’armée et des milices ethniques, très nombreuses dans le pays.

Aung San Suu Kyi comparaît devant la justice birmane

Pour la première fois depuis le coup d’État, l’ex-dirigeante birmane Aung San Suu Kyi, inculpée à de multiples reprises par la junte, a comparu ce lundi en personne devant la justice, se montrant défiante face aux généraux qui l’ont renversée.

Depuis le tribunal de Naypyidawm elle a affirmé que «son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (LND) existera tant que le peuple existera, car il a été fondé pour le peuple», selon des propos rapportés par son avocate. Les généraux birmans menacent de dissoudre la formation, qui a remporté massivement les élections législatives de novembre dernier, alléguant de fraudes lors de ce scrutin. Une décision pourrait être annoncée prochainement, la commission électorale, proche du régime, ayant indiqué que son enquête était quasiment achevée.

Source: VATICANNEWS, le 24 mai 2021

«Le seul secours de la Birmanie est désormais dans la prière»

Manifestation contre la junte militaire au pouvoir en Birmanie, le 15 mai 2021 à Dawei Manifestation contre la junte militaire au pouvoir en Birmanie, le 15 mai 2021 à Dawei  

«Le seul secours de la Birmanie est désormais dans la prière»

Ce dimanche 16 mai, le Saint-Père célèbre une messe pour la communauté des fidèles de Birmanie résidant à Rome. Leur pays d’origine est toujours plongé dans le chaos, plus de 100 jours après le coup d’État qui a porté les militaires au pouvoir. Un missionnaire sur place décrit un climat pesant, où la voie du dialogue semble impossible pour résoudre la crise. 

Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican

Ce mardi 11 mai a marqué une étape, symbolique seulement, tant le conflit birman s’enlise: 100 jours plus tôt, les généraux birmans renversaient le gouvernement élu d’Aung San Suu Kyi, trois mois après leur défaite aux élections législatives, mettant brutalement fin à une parenthèse démocratique de dix ans.

Le bilan de cette centaine de jours est douloureux: le soulèvement populaire provoqué par ce putsch est réprimé dans le sang – au moins 780 civils ont été tués ces trois derniers mois, d’après l’Association d’assistance aux prisonniers politiques (AAPP) -, l’économie est paralysée par une grève générale sans précédent, et des combats intenses entre l’armée et des factions rebelles ont fait voler en éclat tout espoir de réconciliation de ce pays multi-ethnique. Par ailleurs, plus de 3 800 personnes sont actuellement détenues, en général dans des lieux tenus secret, d’après l’AAPP qui déplore des violences envers les femmes, des exécutions extra-judiciaires et des tortures.

Une haine grandissante

«Le début du mois a été plutôt calme», constate le père Ludovic Mathiou, mais depuis quelques jours, la situation s’envenime à certains endroits. Le prêtre des Missions Étrangères de Paris évoque une ville du Sud de l’État de Chin assiégée par l’armée, laquelle répond à des tirs de mousquets avec des armes lourdes et en envoyant des hélicoptères.

Finalement, le sommet de l’ASEAN du 24 avril dernier sur la Birmanie ne semble pas avoir eu de répercussions sur le terrain. «Les gens étaient en colère de voir que la communauté internationale prenait en compte les militaires comme les vrais représentants du pays», relève le prêtre, selon lequel «la communauté internationale a montré ses limites», même si l’on peut encore nourrir l’espoir qu’elle «se réveille».

À l’heure actuelle, les deux gouvernements – celui de la junte, et celui parallèle, appelé «d’unité nationale» et constitué par les députés élus à l’issue des élections de novembre 2020 contestées par l’armée – «se considèrent mutuellement comme des terroristes, et s’appellent mutuellement “terroristes”, donc il n’y a aucune possibilité de dialogue». L’armée, bien que largement impopulaire, s’accroche au pouvoir, car elle «ne veut pas perdre la face ni de l’argent». Chez les Birmans, elle suscite la peur mais aussi le ressentiment. «Il y a une vraie haine qui s’installe contre les militaires, les gens se réjouissent dès qu’il y a des morts du côté des militaires», constate le père Ludovic.

Des conséquences désastreuses pour la population

La population reste déterminée à ramener le pays sur la voie de la démocratie, surtout les «jeunes générations qui refusent de retourner à une époque antérieure»«On voit moins de grosses manifestations, ce sont de petits rassemblements qui ont lieu partout, mais il y en a tout de même tous les jours», explique le prêtre français. Chez ces habitants exaspérés, frustrés en raison d’une «élection volée» et d’un sentiment de retour en arrière, la violence est désormais un moyen d’action. Beaucoup de jeunes ont par exemple «rejoint des groupes armés qui existaient déjà», d’autres se sont rassemblés pour constituer de nouveaux groupes. Le missionnaire observe que l’usage de bombes artisanales se répand. «Maintenant les gens veulent se battre», remarque-t-il, parfois même dans les rangs de l’Église. «Quand je parle aux séminaristes, ils n’ont qu’une envie, c’est d’aller se battre. Des sœurs aussi disent parfois “si on pouvait, on prendrait les armes”».  

La jeunesse birmane est prête au sacrifice pour que le pouvoir militaire cède enfin la place à la démocratie, mais pour l’heure, le seul résultat qui se dessine est celui d’un désastre éducatif. Les professeurs ne souhaitent en effet pas retravailler et les étudiants se refusent à retourner en cours. «Depuis un an les écoliers et les étudiants ne vont pas à l’école», rappelle le père Ludovic, craignant que des générations entières ne reçoivent plus d’éducation.

La paralysie de toute l’économie du pays est une autre conséquence du mouvement de désobéissance civile. Le prêtre des MEP évoque par exemple la difficulté de retirer de l’argent, les banques étant fermés, les déplacements entre villes devenus quasi impossibles, les coupures d’internet qui compliquent les communications, les nombreuses arrestations de médecins et d’étudiants en médecine. «En trois mois l’économie a été mise à terre, résume-t-il, en trois mois ils ont détruit dix ans de progrès». La moitié des 54 millions d’habitants risque de passer sous le seuil de pauvreté dès 2022, soit un retour en arrière de seize ans, a récemment averti le Programme des Nations unies pour le développement. La Banque mondiale a quant à elle annoncé une contraction de 10% de l’économie en 2021, après une croissance de près de 7% en 2019.

«L’ambiance est très lourde dans le pays». Même si le missionnaire se sent en sécurité dans le séminaire où il réside, «oasis de paix et de tranquillité» dans la tourmente, il ne communie pas moins aux souffrances de son pays de cœur, et pas seulement dans la prière. «Un des jeunes qui devait rentrer au séminaire a été tué pour le simple fait d’aller faire son plein d’essence»,glisse-t-il. «On évite beaucoup de sortir désormais», et face aux rares personnes rencontrées, «on invite à la paix, à prier».

Une Église aux mains tendues

Ainsi l’initiative du Pape François est «très importante spirituellement pour redonner de la force au pays, et aux chrétiens». Il est bon que le Souverain Pontife «prie et fasse prier pour l’Église et pour notre pays, car Dieu sait si on en a besoin», souligne le père Ludovic. À ses yeux, cette messe célébrée depuis la basilique Saint-Pierre donnera aussi «une visibilité à ce qui se passe en Birmanie»«Notre secours est dans le Nom du Seigneur», lit-on en priant le psaume 123, et en effet, complète le missionnaire, «le seul secours de la Birmanie est désormais dans la prière et dans cette force que le Seigneur peut donner au pays».

Sur le terrain, l’Église catholique birmane accomplit courageusement une mission «de proximité et de charité». Les prises de paroles sont moins fréquentes qu’au début de la contestation et la présence de religieux, prêtres ou séminaristes parmi les manifestants se raréfie, mais l’Église «parle par ses actions», assure le prêtre des MEP. Il se dit particulièrement «impressionné» par le travail des sœurs, infatigables témoins de la maternité et de la charité de l’Église. Une Église «touchée aussi dans son corps», puisque nombre de ses membres sont visés par les décisions arbitraires de l’armée au pouvoir. Le père Ludovic évoque ainsi l’arrestation récente d’un prêtre birman qui retirait de l’argent pour aider des familles.

Dans une semaine, en Birmanie comme partout ailleurs, l’Église fêtera la Pentecôte. Une solennité qui permettra de raviver l’espérance dans ce pays asiatique où l’horizon semble s’être transformé en impasse. Plus qu’aucune autre année, «on sent la nécessité que l’Esprit Saint vienne adoucir ce qui est dur et redresser ce qui est tordu, vienne changer les cœurs», conclut le missionnaire français.

Source: VATICANNEWS, le 15 mai 2021

Birmanie: « Je m’agenouille moi aussi … Moi aussi, j’ouvre les bras … »

Soeur Ann Nu Thawng (Birmanie), ! mars 2021, capture @ Reuters
Soeur Ann Nu Thawng (Birmanie), ! Mars 2021, Capture @ Reuters

Birmanie: « Je m’agenouille moi aussi … Moi aussi, j’ouvre les bras … »

L’appel du pape François pour la fin de l’effusion de sang

« Je m’agenouille moi aussi … Moi aussi, j’ouvre les bras … »: le pape François a lancé un nouvel appel, ce mercredi 17 mars 2021, pour que cesse l’effusion de sang au Myanmar-Birmanie.

Au terme de l’audience générale du mercredi, en la bibliothèque du palais apostolique du Vatican, le pape François a fait allusion à l’attitude d’une religieuse qui s’est interposée entre la police et les manifestants ces dernières semaines. Les photos ont fait le tour du  monde.

« Encore une fois, a dit le pape ce mercredi, en italien, et avec une grande tristesse, je ressens l’urgence d’évoquer la situation dramatique au Myanmar, où tant de personnes, en particulier des jeunes, perdent la vie pour offrir l’espérance à leur pays. Je m’agenouille moi aussi dans les rues du Myanmar et je dis: que la violence cesse! Moi aussi, j’ouvre les bras et je dis: que prévale le dialogue! Le sang ne résout rien. Que prévale le dialogue. »

Le dimanche 28 février, soeur  Ann Nu Thawng,  religieuse de l’ordre de Saint-François-Xavier — congrégation de droit diocésain dans le diocèse de Myitkyina, dans le Nord de la Birmanie—  s’est agenouillée et a imploré les policiers de s’arrêter, rapporte Radio Vatican: « Au nom de Dieu, épargnez ces jeunes vies. Prenez la mienne. »

Patricia Yadanar Myat Ko, l’une des jeunes filles  qui a trouvé refuge dans son monastère, raconte: «Nous sommes saufs grâce à l’intervention miraculeuse de cette sœur. C’est une véritable héroïne. Nous lui devons la vie».

«Ce n’est qu’à cause de son appel pressant que sœur Ann a réussi à freiner les militaires qui s’acharnaient sur les jeunes. C’est un modèle pour l’Eglise dans toute la Birmanie. Et, après avoir calmé les esprits, elle a couru soigner les blessés», ajoute Joseph Myat Soe Lat, un autre des témoins oculaires, toujours selon Radio Vatican.

Soeur Anne Rose a réitéré son geste le 8 mars,  la religieuse catholique s’est agenouillée devant des policiers, leur faisant signe de partir. Deux d’entre eux se sont agenouillés, les mains jointes et l’un d’eux s’est prosterné à terre, la religieuse aussi. Elle était accompagnée de l’une de ses consoeurs. Elle a raconté à l’agence Reuters qui publie la vidéo:  « Je les ai suppliés de ne pas faire de mal aux manifestants mais de les traiter comme des membres de leur famille… Je leur ai dit de plutôt me tuer moi et que je ne me lèverai pas avant d’avoir leur parole qu’ils n’attaqueraient pas brutalement les manifestants. » Des policiers ou des soldats désertent et fuient le pays pour ne pas devoir tirer sur la foule.

L’appel du 3 mars

Le mercredi 3 mars déjà; le pape avait lancé un appel à la paix et à la démocratie en disant: « De Birmanie parviennent encore de tristes nouvelles d’affrontements sanglants, avec des pertes en vies humaines… Je désire rappeler l’attention des autorités concernées, pour que le dialogue prévale sur la répression et l’harmonie sur la discorde. »

Le pape en a appelé à la Communauté internationale: « J’adresse également un appel à la communauté internationale, pour qu’elle se prodigue afin que les aspirations du peuple du Myanmar ne soient pas étouffées par la violence. »

Le pape François a spécialement plaidé pour les jeunes: « Qu’aux jeunes de cette terre soit donnée l’espérance d’un avenir où la haine et l’injustice laissent place à la rencontre et à la réconciliation. »

Il a lancé cet appel à la libération des leaders emprisonnés: « Je répète, enfin, le vœu exprimé il y a un mois: que le chemin vers la démocratie, entrepris ces dernières années au Myanmar, puisse reprendre à travers le geste concret de la libération des divers responsables politiques emprisonnés (cf. Discours au Corps diplomatique, 8 février 2021). »

Le pape a en effet déclaré devant le Corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège, le 8 février dernier: « Ces jours-ci, ma pensée va de façon particulière au peuple du Myanmar, auquel j’exprime mon affection et ma proximité. Le chemin vers la démocratie entrepris ces dernières années a été brusquement interrompu par le coup d’état de la semaine dernière. Il a conduit à l’incarcération de plusieurs responsables politiques, qui je l’espère seront rapidement libérés, comme signe d’encouragement en vue d’un dialogue sincère pour le bien du pays. »

Dès l’angélus du 7 février, le pape François avait lancé un appel au « bien commun », à la « justice sociale » et la « stabilité nationale » en Birmanie (Myanmar), pour une « coexistence démocratique harmonieuse »,.

Il a exprimé son inquiétude, après le coup d’Etat de l’armée birmane, et l’appel du cardinal Bo à la reprise du dialogue.

Intervention à l’ONU

Le Saint-Siège a lancé un appel dans ce sens auprès des Nations Unies le 12 février dernier: se mettre au service « des droits humains et civils fondamentaux », de la « stabilité nationale », pour une coexistence « démocratique et pacifique » : c’est l’appel de Mgr Ivan Jurkovic aux responsables de la crise en Birmanie (Myanmar), après le coup d’Etat militaire du 1er février.

Mgr Jurkovic, observateur permanent du Saint-Siège aux Nations unies à Genève (Siosse) est en effet intervenu le 12 février 2021 lors de la 29e session spéciale du Conseil des droits de l’homme sur la crise en Birmanie.

Il a assuré le peuple birman de la proximité spirituelle, de la prière et de la solidarité du Vatican.

« Ces jours-ci, a-t-il déclaré, le Saint-Siège a suivi avec une grande attention et une profonde préoccupation » la situation de ce pays « que le pape François a porté dans son coeur avec tant d’affection depuis sa visite apostolique en 2017 ».

Mgr Jurkovic a « imploré » ceux qui ont des responsibilités « de se mettre avec une volonté sincère, eux et leurs actions, au service du bien commun, des droits humains et civils fondamentaux, de la promotion de la justice sociale et de la stabilité nationale, pour une coexistence harmonieuse, démocratique et pacifique ».

Il a aussi invité « à laisser de côté tout ce qui bloque l’indispensable processus de dialogue et de respect mutuel de la dignité humaine ».

En souhaitant « la résolution pacifique et rapide des tensions », le Saint-Siège a exprimé sa confiance que « la poursuite du dialogue » amène « la paix tant désirée ».

Source: ZENIT.ORG, le 17 mars 2021

Ann Nu Tawng, la sœur courage de Birmanie

MYANMAR

Handout / Myitkyina News Journal / AFP

À Myitkyina, au nord de la Birmanie, sœur Ann Roza Nu Tawng s’est à nouveau interposée lundi 8 mars entre des policiers et des manifestants. Si cela a permis à certains de s’échapper, deux d’entre eux ont été abattus à proximité de la cathédrale.

Malgré l’escalade des tensions et des violences, sœur Ann Roza Nu Tawng ne baisse pas les bras. C’est une nouvelle démonstration de courage qu’a donné la xavière ce lundi 8 mars. À Myitkyina, capitale de l’État Kachin (qui compte un peu plus de 100.000 chrétiens sur 1,7 million d’habitants), dans le nord de la Birmanie, la religieuse s’est à nouveau interposée entre des policiers et des manifestants ce lundi 8 mars. Si certains ont pu trouver refuge dans la cathédrale saint Colomban située à proximité, d’autres n’en ont pas eu le temps.

Malgré l’appel adressé par la religieuse aux forces de police de « ne pas arrêter et poursuivre en justice des manifestants pacifique », les agents ont ouvert le feu et n’ont pas voulu quitter les lieux. Deux personnes ont été abattues et sept autres blessées lors de cette manifestation. Un bilan provisoire fait état d’une soixantaine de civils tués depuis le coup de force militaire du 1er février et l’arrestation d’Aung San Suu Kyi. Au total , plus de 1.800 personnes ont été arrêtées ces dernières semaines.

Dans le pays qui compte au total à peine plus de 6% de chrétiens (et moins de 3% de catholiques), l’Église catholique a bien évidemment un rôle limité. Mais un rôle qu’elle tient à assumer. « La paix est possible. La paix est la seule voie et la démocratie est la lumière de cette voie », avait déclaré deux jours à peine après le coup d’État militaire l’archevêque de Ragoun, le cardinal Bo. « Il a publiquement demandé à ce que les règles du jeu démocratique soient respectées, que les résultats des élections soient appliqués avec dignités », expliquait à Aleteia Sophie Boisseau du Rocher, chercheur Centre-Asie de l’Institut français des relations internationales (IFRI). « Agissant ainsi, l’Église catholique a pris position en faveur du mouvement de résistance et l’a fait de façon beaucoup plus claire que la communauté bouddhiste ».

Source: ALETEIA, le 9 mars 2021

Le courage de soeur Ann

Soeur Ann Nu Thwang, devant les militaires birmans.Soeur Ann Nu Thwang, devant les militaires birmans. 

Le courage de soeur Ann

La photo de cette religieuse birmane a fait le tour du monde. On la voit à genoux implorer l’armée de ne pas tirer sur les manifestants. Un geste prophétique et courageux qui a évité un bain de sang. 

Paolo Affatato-L’Osservatore Romano

Elle s’est agenouillée et les a implorés de s’arrêter. «Au nom de Dieu, épargnez ces jeunes vies. Prenez la mienne». Sœur Ann Nu Thawng,  religieuse de l’ordre de Saint-François-Xavier — congrégation de droit diocésain dans le diocèse de Myitkyina, au nord d ela Birmanie— était jusqu’à présent restée entre les murs de son couvent, soutenant par le silence, la prière, l’encouragement spirituel, ces jeunes qui défilaient avec passion dans les rues, en demandant la liberté et la démocratie. Elle les regardait avec l’attitude maternelle et l’affection discrète que les adultes réservent aux adolescents et aux jeunes qui ont tant d’idéaux, de rêves, d’énergies pour réaliser le bien. Mais dimanche 28 février, sans attendre, elle a transformé ce support moral en action courageuse qui s’est révélée décisive pour éviter un massacre.

Au cours d’une journée dramatique pour la Birmanie, l’élan humanitaire et l’audace de sœur Ann rappellent le sacrifice de nombreux martyrs de la foi. A plus de quatre semaines du début de la crise, alors que le mouvement de désobéissance civile est presque parvenu à bloquer la machine de l’Etat et que les manifestations populaires continuent dans les plus grandes villes birmanes, la répression de l’armée s’est faite plus dure et plus violente et la police a ouvert le feu sur la foule sans défense. A la date du 28  février, l’on comptait au moins 18 victimes, ce qui a  été confirmé par les Nations unies, là où l’ambassadeur de Birmanie à l’Onu, Kyaw Moe Tun, s’est distingué par une intervention pressante en faveur des manifestants et, contestant la férocité de la junte militaire, a conclu par le signe distinctif des trois doigts levés, ce qui lui a valu d’être immédiatement licencié.

A Myitkyina, capitale de l’Etat Kachin, un territoire où les chrétiens sont environ un tiers de la population (plus de  550 mille sur  1,6 millions d’habitants), les manifestants descendent dans la rue depuis des semaines. Le 28 février, l’affrontement avec les militaires est devenu plus dur et au moins cinquante jeunes ont été arrêtés dans la ville, où la police a utilisé des grenades assourdissantes et des gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants qui ont organisé deux cortèges différentes dans les rues, un le matin, l’autre l’après-midi.

En cette circonstance, le rassemblement est passé près du couvent catholique de Saint-Colomban, où habitent les religieuses de Saint-François-Xavier, qui gèrent un dispensaire et une petite clinique pour les malades les plus indigents. Précisément au cours de ces moments de désordre, les tirs, la fumée, les cris des personnes présentes ont attiré l’attention des sœurs qui ont assisté à des scènes de violence et d’agressions. A ce moment-là, les risques de voir du sang innocent se répandre sur le sol étaient très élevés. «Caritas Christi urget nos» a dit sœur Ann. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, elle a ouvert le portail et est descendue dans la rue, se dirigeant sans défense vers la police alignée en tenue anti-émeutes. Agenouillée, elle a levé les mains vers Dieu et a imploré: «Ne tirez pas, ne tuez pas des innocents. Si vous voulez, tirez sur moi». Ce geste prophétique et courageux a déconcerté les agents qui n’ont pas tiré et  qui ont arrêté leur marche armée de boucliers et de fusils. Ces soldats, jeunes eux aussi, n’ont pas eu la force d’aller plus loin, alors qu’une larme creusait  leurs visages.

Le courage de sœur Ann a permis à au moins cent manifestants de trouver refuge dans le couvent des religieuses, alors que plus de quarante blessés ont été conduits dans la clinique attenante, où ils ont reçu les premiers soins. La violence a cessé et cet affrontement, qui pouvait se transformer en tragédie, n’a pas eu de suite. La médiation spontanée de sœur Ann a eu un succès inattendu. Patricia Yadanar Myat Ko, l’une des jeunes filles  qui a trouvé refuge dans le monastère, raconte: «Nous sommes saufs grâce à l’intervention miraculeuse de cette sœur. C’est une véritable héroïne. Nous lui devons la vie». «Ce n’est qu’à cause de son appel pressant que sœur Ann a réussi à freiner les militaires qui s’acharnaient sur les jeunes. C’est un modèle pour l’Eglise dans tout la Birmanie. Et, après avoir calmé les esprits, elle a couru soigner les blessés» ajoute Joseph Myat Soe Lat, un autre des témoins oculaires.

Source: VATICANNEWS, le 4 mars 2021