05.05.2024 – HOMÉLIE DU 6ÈME DIMANCHE DE PÂQUES – JEAN 15,9-17

L’amour, en plein et en creux

Par le Fr. Laurent Mathelot

« Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis.» Nous avons été choisis par Dieu. Avons-nous conscience d’être les élus de son cœur ?

Nous aurions pu naître ailleurs, loin de la religion chrétienne. Nous aurions pu ne pas avoir été baptisés et même avoir été éduqués dans le mépris de la foi. Nous aurions pu, comme tant d’autres, avoir déserté l’Église. Mais nous avons été choisis, divinement attrapés par le cœur et c’est pour cela que nous sommes ici.

Depuis toujours, nous sommes assoiffés d’amour au point de ne l’espérer que divin, c’est à dire total et éternel. Voilà le signe de notre élection par Dieu. Plus que nous-mêmes avoir choisi l’amour, c’est lui qui nous porte depuis l’enfance, avant que nous en ayons eu conscience. Si nous sommes ici, c’est parce qu’il y a en nous une puissance d’aimer qui nous dépasse, confine au divin et qui, depuis toujours, nous fait vivre.

Même malade, même en souffrance, et peut-être particulièrement là, nous éprouvons un véritable désir d’amour. Peut-être même l’amour d’un père, d’une mère, de proches nous a-t-il manqué ? C’est encore le signe que nous sommes tout entier tournés vers l’amour.

Mesurons-nous à quel point nos joies comme nos peines révèlent le fait que nous ne vibrions que d’amour ? Nous sommes tellement gagnés par le désir d’amour que nous en avons fait notre religion. Oui, l’amour s’incarne pleinement et, oui, c’est ce que nous voulons vivre.

Bien sûr, il n’y a pas besoin d’être croyant pour aimer et se sentir aimé. L’amour humain est accessible à tous et la fraternité humaine est possible entre tous, croyants et non-croyants. Mais le désir de vivre un amour absolu ne vient, lui, que de la rencontre avec Dieu. Notre soif n’est pas tant celle d’un amour naturel que celle d’un amour surnaturel, qui pourtant nous touche et nous porte concrètement, quotidiennement. Nous aspirons au divin dans l’amour humain, non pas comme un idéal abstrait vers lequel il faudrait désespérément tendre, mais pratiquement, incarné en nous, ici et maintenant.

D’ailleurs, le commandement que nous donne le Christ n’est pas tant de nous aimer les uns les autres – c’est le minimum bien sûr – que de nous aimer « comme Dieu nous a aimés ». Lui en premier, lui avant tout et lui plus de tout. C’est lui qui nous a choisis et nous ne faisons que languir de cet amour. De là, notre désir de le voir à l’œuvre encore à travers nous. De là, notre présence ici.

Le commandement de Dieu c’est de ne pas sortir de l’amour ; d’encore voir dans nos blessures et dans nos peines, même dans l’amour qui nous manque, encore et d’abord l’amour ; de ne jamais rester centré sur nos souffrances, mais plutôt sur l’amour qu’elles révèlent malgré elles. Que mon frère m’offense, c’est bien que je ne désire que l’aimer. Suis-je en deuil ? C’est bien par amour. Ai-je l’impression que quelqu’un m’abandonne ou me trahit ? C’est parce que je l’aime. Tout ce qui blesse notre amour témoigne encore de sa présence.

Donner sa vie pour ceux qu’on aime, c’est trouver dans toute l’existence, dans les joies comme dans les peines, la trace, en plein ou en creux, de cet amour – intense, profond, puissant, qui transcende le bien comme le mal, et que nous éprouvons quoi qu’il advienne.

Enfin, il n’y a pas d’amour sans, quelque part, la joie d’aimer. « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite. » nous dit le Christ. Si nous parvenons à voir que toute tristesse est le signe d’un amour blessé – et donc d’un amour vif, bien plus profond qu’il n’est meurtri – si nous parvenons à voir que toute blessure affective est le signe d’un plus grand amour qu’encore nous éprouvons, alors il est toujours possible de retrouver la joie de cet amour. Si nous parvenons à voir la tristesse comme le reflet blessé d’une plus grande joie d’aimer, alors notre joie sera parfaite, puisque de toutes circonstances.

Donner sa vie, c’est trouver dans toutes ses circonstances, les plus belles comme les plus affligeantes, la trace de l’amour d’autrui. Alors nous aimerons comme Dieu nous aime.

Fr. Laurent Mathelot

Source : RÉSURGENCE.BE, le 1er mai 2024

05.05.2024 – HOMÉLIE DU 6ÈME DIMANCHE DE PÂQUES – JEAN 15,9-17

Pistes pour l’homélie par l’Abbé Jean Compazieu


Textes bibliques : Lire


Les lectures bibliques de ce dimanche se résument en un mot : “AIMEZ”. C’est un commandement que nous trouvons tout au long de la Bible. Mais le livre des Actes des Apôtres (1ère lecture) nous rappelle que ce n’est pas gagné, même chez les chrétiens. Pour les juifs convertis au Christ, tout soldat romain était un ennemi national. Tout étranger était exclu de la plénitude de l’Alliance. Il était interdit à tout juif pieux de fréquenter la maison des païens. Les premiers chrétiens partageaient cette façon de voir. L’expansion de l’Évangile devait se traduire dans un premier temps par le rassemblement des douze tribus d’Israël.

Mais l’Esprit Saint fait voler en éclat cette barrière. Pierre doit intégrer dans la communauté des croyants un païen converti. L’Évangile de Jésus Christ est pour tous, même pour ceux qui sont très loin. C’est très important pour nous qui avons toujours tendance à juger ceux qui ne sont pas de notre bord. Il y a des paroles méprisantes et blessantes qui sont un obstacle à l’annonce de l’Évangile. Nous oublions que ces personnes ont la première place dans le cœur de Dieu. Elles sont son bien le plus précieux. En les rejetant, c’est contre Dieu que nous péchons.

La lettre de saint Jean (2ème lecture) insiste fortement sur le grand commandement de l’amour : “Mes bien-aimés, aimons-nous les uns les autres puisque l’amour vient de Dieu”. C’est important pour nous d’entendre cet appel, surtout quand on est confronté aux divisions et aux disputes qui empoisonnent la vie chrétienne. L’amour du frère s’enracine dans l’amour dont Dieu nous aime. Il faut le dire et le redire : Dieu nous a aimés, il a aimé le monde pour que nous vivions de la vie divine. Il s’est offert en sacrifice pour le pardon des péchés. Il attend de nous une réponse qui soit à la mesure de son amour pour nous.

L’Évangile nous rappelle les paroles de Jésus au joie du Jeudi Saint : “Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour.” Ces paroles sont le testament qu’il nous a laissé la veille de sa mort. Elles s’adressent aux apôtres mais aussi à chacun de nous aujourd’hui. Ce sont ses dernières volontés. Elles nous révèlent ce qu’il y a de plus profond en lui, ce qu’il nous confie de réaliser.

Jésus tient à préciser que c’est un commandement nouveau. Ce qui est nouveau, ce n’est pas l’amour. Ce commandement de l’amour existait dans l’Ancien Testament, bien avant la venue de Jésus : “Tu aimeras ton prochain comme toi-même”. Avec l’Évangile de ce jour, nous faisons un pas de plus : “Aimez-vous les uns les autres COMME je vous ai aimés.” L’amour que nous devons avoir les uns pour les autres nous vient du Père par Jésus. Ce qui est premier, c’est cette affirmation : Dieu est amour. Cet amour, ce n’est pas une simple qualité de Dieu. C’est tout son être qui est amour.

Quant à nous, nous ne sommes pas l’amour, mais nous avons en nous celui qui est l’Amour. C’est pour cette raison que saint Jean écrit : “celui qui demeure dans l’amour demeure en Dieu et Dieu demeure en lui.” On ne peut pas vivre sans cet amour qui est en Dieu Père, Fils et Esprit Saint. Et cet amour qui vient de Dieu, nous ne pouvons le vivre qu’en passant par les autres.

Il nous appartient d’en tirer toutes les conséquences dans nos familles, nos villages, nos quartiers. Quand un chrétien va visiter une personne malade ou un prisonnier, c’est toujours au nom de cet amour qui est en Dieu. Il en est de même quand nous partageons avec les plus pauvres, ceux qui ont tout perdu. C’est toujours une réponse à Jésus qui nous commande de nous aimer les uns les autres. Aimer nous fait ressembler à Dieu.

Bien sûr, quand nous parlons d’amour, il faut éviter les contrefaçons. Nous le savons bien : le verbe aimer comporte des nuances qui vont du sublime au sordide. L’amour vrai trouve sa source en Dieu. Il fait sans cesse le premier pas vers nous. C’est la croix du Christ qui nous le révèle. Elle nous le montre livrant son corps et versant son sang pour nous et pour la multitude. C’est ce don de Dieu qui nous rassemble chaque dimanche à la messe. Nous accueillons celui qui est l’Amour pour le porter aux autres.

Seigneur, toi qui es l’Amour, nous te prions les uns pour les autres et pour notre monde. Rassemble-nous tous dans la paix de ton amour. Amen

Abbé Jean Compazieu

Source : DIMANCHEPROCHAIN.ORG, le 28 avril 2024