30.07.2023 – HOMÉLIE DU 17Ème DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – MATTHIEU 13,44-52

Évangile de Matthieu 13, 44-52

Le Trésor caché des Paraboles

Par le Fr. Raphaël Devillers

Nous terminons aujourd’hui la série des 8 paraboles ( et non 7 comme j’avais écrit par erreur) : en plein centre de l’évangile de Matthieu, elles tentent de révéler ce qu’est ce mystérieux « Règne de Dieu » que Jésus annonce. Contrairement à ce que dit la lecture liturgique, les 4 dernières sont adressées non à la foule mais aux disciples, en privé, « à la maison » (13, 36) : la foule incrédule ne pourrait comprendre.

5ème Parabole : Le Trésor

Le Royaume de Dieu est comparable à un trésor qui était caché dans un champ et qu’un homme a découvert. Il le cache à nouveau et, dans sa joie, il s’en va, met en vente tout ce qu’il a et il achète le champ.

Aujourd’hui encore, à l’occasion de fouilles ou de grands travaux, on met à jour des amas de pièces de monnaie que des propriétaires avaient jadis enfouies dans un coin de leur propriété pour les protéger des voleurs et dont ils n’avaient pas révélé l’endroit de la cachette à leurs descendants. C’est ainsi, raconte Jésus, qu’un ouvrier agricole a été engagé dans un domaine et tout à coup, alors qu’il est seul, sa charrue heurte une jarre contenant un trésor énorme. Fou de joie devant cette trouvaille exceptionnelle et imprévue, l’homme vend tout ce qu’il a et achète le champ.

La Loi prévoyait que, dans ce cas, découvreur et propriétaire du champ se partagent la valeur mais Jésus, sans l’approuver, écarte le problème de la malhonnêteté afin de centrer sur l’idée qui lui importe. Dans le flux des événements qui se bousculent, une réalité nouvelle est cachée, invisible, mais celui qui a la grâce de la découvrir, celui qui accueille la semence de la Parole de Jésus est bouleversé par cette valeur infinie qui le transporte d’une joie folle. Sa foi nouvelle ne se range pas, comme une opinion religieuse, à côté des autres. La plénitude qui le submerge le pousse à renoncer à tout. Il n’entre pas dans le Royaume de Dieu à coup de sacrifices et de renoncements : au contraire il découvre le Royaume au sein de son travail comme un don gratuit et il en est tellement comblé qu’il abandonne tout le reste.

Ainsi les pêcheurs du lac avaient écouté l’appel de Jésus : « Venez à ma suite… » et ils avaient tout laissé, famille et métier, pour le suivre (4, 20). Au contraire, plus tard, le jeune homme qui possédait de grands biens n’aura pas le courage de vendre ses biens et il se détournera de Jésus, l’air tout triste (19, 22). Respect scrupuleux de Dieu pour notre liberté.

Est-ce à dire que la conversion à l’Évangile oblige toujours au dépouillement total ? Tout le Nouveau Testament manifeste que, sauf l’exception des collaborateurs missionnaires, les convertis continuaient à assumer leurs obligations conjugales, familiales et professionnelles. Toutefois la parabole du semeur les mettait en garde contre la pression des sollicitations mondaines et l’obsession de la richesse qui empêchent la fructification du bon grain.

6ème Parabole : La Perle

Le Royaume de Dieu est comparable à un négociant qui recherche des perles fines. Ayant trouvé une perle de grande valeur, il va vendre tout ce qu’il possède et il achète la perle.

Cette parabole fait paire avec la précédente mais ici il s’agit d’un riche négociant qui tient un commerce de luxe pour la clientèle huppée et qui circule partout à la recherche des plus belles perles. Jusqu’au jour de la plus bluffante des découvertes : il en avait vu des belles, des admirables, mais jamais comme celle-ci. Extraordinaire. Évidemment le prix est astronomique ! Qu’importe. Emporté par l’enthousiasme, il décide de vendre tous ses biens afin de se procurer cette merveille.

Découvrir le Règne de Dieu dans la personne de Jésus, être empoigné au fond du cœur par la révélation des profondeurs infinies de l’Évangile, être appelé à recevoir la Vie du Père : seuls les convertis qui ont longtemps erré dans la boue et les ténèbres peuvent, dans les larmes et l’allégresse, bégayer leur stupeur devant la découverte des Béatitudes et de la croix glorieuse. La Bonne Nouvelle appelle au don total.

« Aussitôt que je crus qu’il y avait un Dieu, je compris que je ne pouvais faire autrement que de ne vivre que pour Lui …Dieu est si grand. Il y a une telle différence entre Dieu et tout ce qui n’est pas Lui ». (Charles de Foucauld)

Beau soufflet pour ceux qui considèrent la foi comme un peu de confiture pour adoucir les moments difficiles de la vie, avec des rites que l’on pratique sans raison et que l’on abandonne sans regret.

Damien qui débarque chez les lépreux, Kolbe qu’on laisse mourir de faim et de soif dans un bunker nazi, Soljenitsyne envoyé casser des cailloux dans l’hiver impitoyable de Sibérie, les 21 jeunes chrétiens coptes décapités parce qu’ils refusaient d’adhérer à l’islam, ne sont pas des héros. Celui qui a découvert la perle incomparable de Jésus est prêt à tout perdre car la mort la lui donne pour l’éternité.

7ème Parabole : Le Filet

Le Royaume est encore comparable à un filet qu’on jette dans la mer et qui ramène toutes sortes de poissons. Quand il est plein, on le tire sur le rivage, on s’assied, on ramasse dans des paniers ce qui est bon et on rejette ce qui ne vaut rien. Ainsi en sera-t-il à la fin du monde : les Anges viendront séparer les méchants des justes et les jetteront dans la fournaise : là il y aura des pleurs et des grincements de dents.

Le Royaume est une réalité dynamique, en cours perpétuel de construction car Dieu veut que tous les hommes soient sauvés (1 Tim 2, 4) et son projet est de nous rassembler tous ensemble dans son amour. Mais l’histoire sera toujours le lieu d’affrontements de nos tensions contraires. Les premières paraboles du semeur et de l’ivraie ont déjà expliqué que des hommes gardent leur cœur endurci, ne se laissent pas convertir par l’Évangile, qu’ils se livrent au travail destructeur, hostilité, haine, égoïsme. Bons et mauvais se côtoient, la liberté fait basculer d’un côté ou de l’autre. Le temps autorise vraie conversion ou dépérissement.

Jésus réitère sa mise en garde contre la tentation d’opérer le tri nous-mêmes et tout de suite. Nous n’en avons pas le droit. Le jugement aura bien lieu mais au moment fixé et selon un discernement dont nous sommes incapables. L’histoire reste le temps du travail de la pêche et non du rejet des pécheurs, le temps de la patience et non de la condamnation, le temps de la miséricorde et non du mépris. N’oublions pas que le bon Berger cherche sans relâche à retrouver la brebis égarée (18, 12), car il est venu appeler non pas les justes mais les pécheurs (9, 13)

8ème Parabole. : Le Scribe du Royaume

Jésus dit aux disciples : « Avez-vous compris tout cela ? ». – Oui, répondent-ils. Et il ajoute : «  C’est ainsi que tout scribe devenu disciple du Royaume de Dieu est comparable à un maître de maison qui tire de son trésor du neuf et de l’ancien ». Quand Jésus eut achevé ces paraboles, il partit de là.

Matthieu conclut ce chapitre par une 8èmecomparaison non plus à propos du Royaume mais, très discrètement, à propos de son propre travail. Depuis la destruction du 1er temple et l’invasion des puissances étrangères, la Torah, le livre des Écritures, avait pris une importance centrale dans la foi d’Israël : des experts, appelés scribes, l’étudiaient sans arrêt et l’expliquaient au peuple afin qu’il la pratique fidèlement.

Matthieu serait donc un scribe, « devenu disciple du Royaume » et qui a mis toute son intelligence et sa perspicacité à montrer comment l’histoire d’Israël se prolonge bien dans celle de Jésus, comment celui-ci, loin d’être un blasphémateur qui démolit la Loi, au contraire « l’accomplit ». D’où les nombreuses citations de son évangile : « ..ceci arriva afin que s’accomplit… ». Torah, Prophètes, Jésus constituent ensemble un trésor inépuisable dont Matthieu est fier d’extraire des explications toujours nouvelles.

« Avez-vous compris ? » : ce verbe a une énorme importance chez Matthieu et il signifie beaucoup plus qu’une simple connaissance ou même une érudition intellectuelle. Il s’agit de prendre-en soi, comme un sillon accueille le grain, comme le levain pénètre la pâte, avec la volonté de se laisser travailler par le message. Si je me permets une nouvelle parabole : il ne suffit pas d’être au courant mais de se brancher sur un courant qui va changer la vie.

Conclusions

« Avez-vous compris ? » : à présent la question nous est adressée, à vous et à moi. Ces historiettes apprises au catéchisme et écoutées dans la routine liturgique n’ont pour beaucoup guère d’importance. Or il s’agit bien de l’annonce centrale de Jésus : « Convertissez-vous : le Règne de Dieu s’approche » et c’est pour cette raison que Matthieu les a placées au cœur même de son livre. Apprenez-en la liste, faites-vous une synthèse. Pas plus que Matthieu vous ne pourrez donner une définition précise du Règne de Dieu mais vous verrez que les projecteurs des paraboles éclairent le sens de l’histoire et la vôtre. Il nous faut encore et toujours écouter, ouvrir les sillons de nos cœurs endurcis, arracher le mal qui s’insinue, laisser croître les jeunes pousses de la foi et, pour cela, écarter tout ce qui nous encombre. Seul celui qui accepte le renouveau « comprend ». Car le Règne de Dieu est toujours en train de venir.

Fr. Raphaël Devillers, dominicain

Source : RÉSURGENCES.BE, le 25 juillet 2023

30.07.2023 – HOMÉLIE DU 17Ème DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – MATTHIEU 13,44-52

« Cherchez le royaume des Cieux »

Pistes pour l’homélie par l’Abbé Jean Compazieu


Textes bibliques : Lire


Les lectures de ce dimanche nous invitent à nous rattacher aux biens qui demeurent. Nous avons entendu le témoignage du jeune roi Salomon (1ère lecture). Il aurait pu demander au Seigneur de longs jours, de nombreuses richesses ou encore la mort de ses ennemis. Mais il a compris que le plus important n’est pas là. Il demande « un cœur attentif pour qu’il sache gouverner le peuple et discerner le bien et le mal ». Il demande à Dieu le don de bien servir l’alliance entre Dieu et son peuple. Tout cela n’a rien à voir avec la gloire personnelle, les richesses, la considération et les honneurs.

Ce texte biblique  nous interpelle et nous renvoie à nous-mêmes : est-ce vraiment le discernement que nous demandons au Seigneur ? Trop souvent, nous nous attachons à la satisfaction immédiate de nos désirs. En ce dimanche, nous pouvons laisser retentir en nous la prière de Salomon. Cette prière pourrait être la nôtre en ce temps de vacances. Le Seigneur est là pour nous offrir le seul vrai trésor. Malheureusement, nous avons peut-être trop tendance à choisir la pacotille. Mais le Seigneur ne cesse de nous supplier : « Revenez à moi de tout votre cœur ».

C’est aussi ce message que l’apôtre Paul nous transmet à sa manière dans la seconde lecture. Il s’adresse à des chrétiens qui risquent de se décourager à cause des difficultés qu’ils rencontrent. Alors, il les renvoie à l’essentiel : il leur rappelle qu’ils sont engagés sur la route par Dieu lui-même. Ce cheminement s’est déroulé en plusieurs étapes : la préparation lointaine, l’appel, le bouleversement de la conversion. Au terme de cette route, nous sommes appelés à un avenir de gloire. Nous ne devons pas craindre de marcher hardiment à la suite du Christ. En lui, nous sommes établis dans une authentique relation à Dieu. Ses paroles sont celles de la Vie Éternelle.

Dans l’Évangile, Jésus nous propose des paraboles, des images, qui, précisément, nous parlent du Royaume de Dieu. Ce Royaume est comparable à un trésor caché dans un champ. L’homme qui l’a découvert le cache de nouveau. Dans sa joie, il va vendre tout ce qu’il possède et il achète le champ. Comment cet homme cet homme a-t-il pu trouver ce trésor caché dans un champ ? Il n’y a pas 36 solutions : il était en train de travailler le champ. Le Seigneur nous offre un trésor extraordinaire que l’on doit trouver à force de travail.

Ce travail, c’est celui que Dieu a demandé à l’homme dès le début de la Création. Dieu a confié la terre à l’homme pour qu’il la travaille. Travailler? Ça veut dire scruter la Parole de Dieu. Pour les rabbins (chefs religieux), la terre c’est d’abord la Parole de Dieu. Il nous faut la scruter, chercher, creuser jusqu’à ce qu’on ait trouvé le seul vrai trésor qui donne sens à notre vie.

Alors, nous dit Jésus, on vend tout pour acheter le champ. Mais ce que Dieu veut nous donner ne s’achète pas. Ce don est toujours gratuit et sans mérite de notre part. Pour comprendre cette parole, il nous vaut lire l’appel d’Isaïe (ch. 5) : « Venez acheter sans argent ». Quand il dit « sans argent, ça ne veut pas dire sans un effort personnel. Il s’agit de recevoir de Dieu à l’issue d’un travail que nous avons fait. L’important c’est de nous mettre  continuellement dans une attitude de recherche et d’accueil. Ce n’est pas pour rien que Jésus a dit : « Cherchez et vous trouverez. »

Si nous ne creusons pas le champ, nous ne trouverons pas de trésor. Si nous ne cherchons pas, nous ne trouverons pas la perle précieuse. Cette recherche, c’est le désir de connaître qui est Dieu. Nous devons le chercher avec droiture. Si nous cherchons la lumière et la vérité de notre vie, nous finirons par la trouver. Mais cela ne sera possible que si nous fermons nos oreilles aux rumeurs destructrices et à toutes les chansons du mal qui empoisonnent nos existences ;  il importe que nous ouvrions nos yeux aux merveilles de tendresse, de générosité et de réconciliation qui naissent chaque jour, parfois tout près de nous. C’est là que nous trouverons le Seigneur, notre seul vrai trésor.

Suite à cette découverte, l’Évangile nous dit que l’homme a tout vendu pour acheter. Comment ne pas penser à l’appel de Jésus au jeune homme riche : Tu as trouvé un trésor, tu m’as trouvé, tu veux me suivre : vends tout ce que tu as et donne-le aux pauvres. C’est en donnant aux pauvres qu’on achète la présence du Seigneur. C’est en se débarrassant de tout ce dont on n’a pas besoin, en le vendant et en le donnant aux pauvres qu’on va recevoir ce don précieux qu’est la présence du Christ.

Le projet de Dieu sur notre vie est merveilleux. Mais il nous appartient de le découvrir. Nous devons pour cela abandonner nos idées qui sont trop petites et trop limitées et adopter celles de Dieu. C’est dans la méditation de sa Parole, Ancien et Nouveau Testament, que nous trouverons. Et surtout, n’oublions pas ce trésor qui nous rassemble chaque dimanche. C’est là que le Seigneur rejoint les communautés réunies en non nom. En communion les uns avec les autres, « exultons de joie, il est au milieu de nous ».

Abbé Jean Compazieu

Source : DIMANCHEPROCHAIN.ORG, le 23 juillet 2023