28.04.2024 – HOMÉLIE DU 5ÈME DIMANCHE DE PÂQUES – JEAN 15,1-8

L’amour divin comme sève

Par le Fr. Laurent Mathelot

La semaine passée, j’ai essayé de monter ce que l’image du Bon Pasteur recelait de tragique, en quoi Jésus était le pasteur qui accompagnait ses brebis au sacrifice. L’image du Christ qui emmène son troupeau sur des prés d’herbe fraîche n’efface pas sa conclusion systématique, à savoir que toutes ces brebis finiront sacrifiées. L’agneau n’est jamais un animal de compagnie pour les Hébreux.

Cette image du Bon Pasteur qui accompagne son troupeau au sacrifice est renforcée quand Jésus dit « Moi, je suis la Porte des brebis » (Jn 10, 9), cette petite porte de la muraille de Jérusalem, par laquelle entraient les animaux qui allaient être sacrifiés au Temple. La conclusion dès lors est simple : tous vos sacrifices passent par moi.

Et en effet, le sacrifice de soi n’est acceptable que par amour. Autrement, c’est-à-dire quand le sacrifice nous est imposé, nous devenons des boucs-émissaires et des victimes. L’idée du Christ qui nous précède et nous accompagne dans tous nos sacrifices – les plus petits comme les plus grands – l’idée que le Christ, au moment où nous souffrons, partage nos souffrances, est une voie pour trouver en toutes circonstances la force d’aimer.

Dans l’Évangile d’aujourd’hui une autre image – non plus animalière mais végétale – celle du Christ comme la vigne que Dieu plante sur la Terre, dont nous sommes les sarments qu’il cultive. Cette image va nous permettre de comprendre comment trouver cette force d’aimer en toutes circonstances.

Le fil rouge que nous allons suivre est celui de la sève qui, précisément, est ce qui unit les sarments à la vigne. En effet, dans la parabole, Dieu est le vigneron et il considère les fruits de sa vigne comme ceux de son amour. La sève fonctionne donc ici comme l’amour de Dieu, que le Christ transmet à ses disciples. C’est la force de cette sève qui nous sauve, mais pas seulement, il y a aussi notre soif de cette sève. Dieu ne nous sauvera pas sans notre adhésion.

Sur les huit verset que nous venons de lire, sept fois, le Christ dit « Demeurez en moi » : « Demeurez en moi, comme moi en vous » ; « Demeurez en moi et que mes paroles demeurent en vous » ; « celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là porte beaucoup de fruit », « car, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire ». Cette imbrication mutuelle du Christ en nous et de nous dans le Christ est la clé pour trouver la force d’aimer en toutes circonstances que nous cherchons.

Que le Christ soit en nous, c’est la partie facile de l’équation. Il s’est complètement donné à nous dans notre baptême. C’est évidement l’autre partie qui est la plus difficile à résoudre : faire en sorte que nous soyons dans le Christ, que nous l’incarnions.

Mais il ne nous est pas demandé d’être immédiatement conformes au Christ, à son commandement d’aimer comme Dieu aime. Il nous est simplement demandé de commencer à porter du fruit. « Tout sarment qui porte du fruit, (mon Père) le purifie en le taillant, pour qu’il en porte davantage. » A force d’amour, Dieu nous affine. Il élague en nous ce qui n’est pas porteur. Il enlève tout ce qui consomme de la sève en vain, notre consommation égoïste de l’amour, sans fruits.

Si nous revenons à notre idée initiale, à savoir comment trouver la force d’aimer en toutes circonstances, nous voyons que c’est par l’habitude de se nourrir de la sève du Christ et par la docilité à la taille par Dieu.

Au fur et à mesure que nous considérerons l’amour du Christ comme vital pour nous, nous chercherons à demeurer en sa présence. Et c’est ce qui nous donnera, aux moments de la souffrance voire de la mort – au moment des sacrifices – la certitude que, tant que nous vivons, il est là et nous sommes encore en lui, plus proches de lui que tout ce qui nous concerne et nous affecte, aussi proche de lui que l’est de nous la moindre sève de vie. Je crois qu’il est important de travailler ce sentiment-là : considérer le Christ comme vital pour nous, plus vital que l’air que nous respirons ou l’amour de ceux que nous aimons. Alors le moindre signe de vie en nous évoquera sa présence.

La peur des sacrifices et de la mort s’efface devant la présence du Christ à nos côtés, c’est le fondement de notre espérance et le don reçu à notre baptême. Mais cette disparition, dans les moments de douleur, de la peur au profit de l’amour ne va pas de soi. Il est facile de s’abandonner au désespoir, et pour certains à la révolte voire la haine, quand la souffrance prend terriblement le dessus.

Nous poursuivrons notre réflexion la semaine prochaine, en creusant la question : comment trouver, au-delà de toute souffrance, l’amour ?

Fr. Laurent Mathelot

Source : RÉSURGENCE.BE, le 24 avril 2024

28.04.2024 – HOMÉLIE DU 5ÈME DIMANCHE DE PÂQUES – JEAN 15,1-8

Demeurer en Jésus

Homélie par l’Abbé Jean Compazieu

Textes bibliques : Lire 


En ce 5ème dimanche de Pâques, la liturgie nous parle de l’Église et de sa naissance. Saul, le persécuteur, est devenu Paul, le grand témoin de la foi (1ère lecture). Il lui faudra beaucoup de temps pour se faire accepter car sa présence rappelait trop de mauvais souvenirs. Ne se sentant pas à l’aise dans les milieux conservateurs de Jérusalem, il a choisi de partir vers les grands larges. Grâce à son témoignage et surtout grâce à l’action de l’Esprit Saint, la bonne nouvelle a pu être annoncée au monde païen. Rien n’arrête les progrès de l’Église. Voilà un message d’espérance pour nous chrétiens d’aujourd’hui. L’Esprit Saint ne cesse d’agir pour que notre témoignage donne du fruit.

Le problème c’est notre péché et celui du monde. Trop souvent, nous croyons qu’au point où nous en sommes, rien n’est possible. Mais, nous dit saint Jean (2ème lecture) “si notre cœur nous accuse, Dieu est plus grand que notre cœur”. Si nous fixons notre regard sur Dieu, nous avons la certitude d’être aimés, même si nous sommes de grands pécheurs. Forts de cette certitude joyeuse, nous pourrons à notre tour regarder les autres avec amour. Nous ne nous contenterons pas de paroles creuses mais nous aimerons les autres en esprit et en vérité ; ou plutôt, c’est le Christ qui les aimera en nous et par nous.

L’Évangile de saint Jean insiste sur la nécessité d’être reliés au Christ comme le sarment est relié à la vigne. Jésus se présente à nous comme “la vraie vigne”. Il insiste sur le lien vital qui doit exister entre lui et son disciple. Nous savons qu’un sarment ne peut vivre s’il est coupé du cep de vigne. De même, un disciple qui ne demeure pas en Jésus ne peut rien faire. Il n’a aucune utilité. Mais s’il est bien relié à son Seigneur, il donnera beaucoup de fruits. 

Il y a un mot qui revient sept fois en quelques lignes, c’est le verbe “demeurer”, au sens de “vivre avec”. Demeurez en moi, vivez avec moi. Il s’agit pour nous d’être vraiment attachés au Christ par la foi. Croire en lui, c’est une conversion de toute une vie, c’est une communion permanente. L’apôtre Paul nous le dit à sa manière : ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi” (Ga 2, 20). Plus simplement, un jeune écrivait sa relation au Christ en disant : “Je ne peux plus me passer de lui, de sa présence, de son aide”. On est loin de ceux qui se contentent de quelques vagues gestes religieux.

Alors se pose l’inévitable question : Demeurer en Jésus, oui mais comment ? Comment pouvons-nous être sûrs de le rencontrer ? Cela ne se passe pas comme avec notre voisin de quartier ou de village. On ne rencontre pas Jésus en direct mais par des intermédiaires. Il nous faut trois chemins pour cela : Celui de la Parole de Dieu, celui de la prière et des sacrements et celui de la vie quotidienne.

Le chemin de la Parole de Dieu : Pour demeurer dans le Christ, il nous faut demeurer dans sa Parole. Il faut se donner du temps pour l’accueillir. Cette Parole de Dieu nous est donnée par la Bible, l’Évangile, une revue, un livre religieux, une radio chrétienne ou une émission religieuse de la télévision. Et bien sûr, nous n’oublions pas celle qui est proclamée au cours de la messe du dimanche. Nous devons nous interroger ? Est-ce que nous nous donnons du temps pour accueillir cette Parole ? On ne dira jamais assez l’importance du catéchisme pour les enfants, d’une aumônerie ou d’une équipe de réflexion pour les jeunes. Et pour nous, adultes, c’est aussi important de prendre le temps d’une réflexion, seuls ou avec d’autres, sur cette Parole de Dieu.

Le deuxième chemin pour demeurer dans le Christ, c’est celui de la prière et des sacrements. Pour demeurer en sa présence, il faut lui parler et l’écouter. C’est la prière fidèle, régulière et fréquente, pas seulement une “petite prière” de temps en temps. On s’entretient avec Jésus pour lui confier quelqu’un ou pour lui dire merci ou encore pour lui demander d’éclairer notre vie. Mais quand on parle d’entretien, c’est aussi la maintenance, par exemple l’entretien de sa voiture. La prière nous aide à maintenir l’évangile en état de marche dans notre vie. Et enfin, dans la prière, on “s’entre-tient”, on se soutient les uns les autres; on prie les uns pour les autres, les uns avec les autres.

La prière nous aide donc à rester en communion avec le Christ. Cette communion se réalise aussi par les sacrements, en particulier l’Eucharistie. Nos évêques nous l’ont souvent rappelé : elle est source et sommet de toute vie chrétienne et de toute évangélisation. Elle nous donne d’être unis au Christ, de faire corps avec lui. Nous y recevons son amour pour en vivre dans notre vie de tous les jours.

Troisième chemin, celui de la vie quotidienne : Pour demeurer dans le Christ, il n’est pas question de quitter notre vie de tous les jours ni de fuir ce bas monde. Ce qui nous est demandé c’est de nous y enraciner et de porter du fruit. Ce qui fait la valeur d’une vie, ce n’est pas les belles paroles mais l’amour mutuel, les gestes de partage, d’accueil et de solidarité.

En ce dimanche, Seigneur, nous nous sommes rassemblés pour nous nourrir de ta Parole et de ton Eucharistie. Tu ne cesses de rejoindre les communautés réunies en ton nom. Garde-nous vraiment reliés à toi pour que notre mission porte les fruits que tu attends de nous. 

Abbé Jean Compazieu

Source: DIMANCHEPROCHAIN.ORG, le 20 avril 2024