24.08.2025 – HOMÉLIE DU 22ÈME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – LUC 13,22-30

La porte étroite de la résilience mystique

Homélie du Fr. Laurent Mathelot

Évangile selon saint Luc 13, 22-30

J’ai conçu les quatre dernières homélies comme un polyptyque. Dimanche passé nous avions dénoncé le christianisme placebo qui visait à établir une paix sociale sur Terre. Un christianisme qui cherche à tout prix à éviter la souffrance sur base du principe ‘Tout le monde, il est beau. Tout le monde, il est gentil’ et ‘Nous irons tous au paradis’. Espérer échapper à la souffrance est illusoire : ce serait revenir à la religion comme opium du peuple.

Vendredi, à l’occasion de l’Assomption, j’avais présenté Marie comme la mystique par excellence. Après avoir remarqué que son « oui » mettait toute sa vie en jeu, nous avions essayé de nous mettre dans sa peau pour découvrir que la vie mystique, c’est osciller en confiance entre Magnifcat et Stabat Mater, entre tressaillements d’allégresse et cœur transpercé au pied de la croix.

Jeudi, la veille, nous avions introduit cette réflexion en méditant sur le détachement charnel et l’attachement spirituel, chemin qu’accomplit Marie au long de sa vie, comme un strapontin vers son assomption dans le ciel.

Aujourd’hui, quatrième volet : comment entrer dans la vie mystique ? Comment trouver progressivement cette confiance en Dieu qui procure autant la joie profonde qu’elle permet de se maintenir debout face au mal ?

L’Évangile de ce dimanche nous parle de la porte étroite, qui est une parabole, justement, de la vie mystique. « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite, car, je vous le déclare, beaucoup chercheront à entrer et n’y parviendront pas. »

La « porte étroite » ou « porte des brebis » était la plus petite de toutes les portes de la muraille de Jérusalem, celle par laquelle entraient les troupeaux qui allaient être sacrifiés au Temple. Quand Jésus dit « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite », il ne dit pas autre chose qu’« Efforcez-vous d’aller au sacrifice divin ».

Encore une fois, je le redis : il ne s’agit pas ici de jouer les kamikazes de la religion, comme Catherine de Sienne et son frère qui, enfants, avaient fugué pour aller faire la croisade et mourir en martyrs. Encore moins s’agit-il de glorifier le dolorisme, cette perversion spirituelle qui consiste à s’infliger des souffrances croyant ainsi plaire à Dieu. Le christianisme assume cette position délicate qui consiste à ne pas se résoudre au mal ni à la souffrance – « Père, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe » – mais à accepter d’y faire face – « Cependant, que soit faite non pas ma volonté, mais la tienne » (Lc 22, 42). Voilà la porte étroite par laquelle il s’agit d’entrer : de tout son être refuser le mal, mais accepter d’y faire face et, s’il le faut, l’assumer.

On retrouve ici le « oui » de Marie, dont nous avions constaté vendredi qu’il comportait un risque majeur pour sa vie : en effet, Marie aurait été lapidée si Joseph l’avait dénoncée. Encore une fois, si on se met à sa place, on mesure l’angoisse qu’a dû être la sienne à l’Annonciation : « Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils … » (Lc 1,31). Elle aurait été fondée à hurler vers Dieu : « Mais ils vont me lapider ! ». Au contraire, elle dit : « Que tout m’advienne selon ta parole » (Lc 1, 38). On retrouve, à la fois, l’angoisse du Christ au Jardin de Gethsémani et sa soumission confiante à la volonté du Père. Le « oui » de Marie à l’Annonciation, celui du Christ à la veille de sa Passion, sont deux magnifiques exemples de ce qu’on entend par « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite » : un « oui » donné à Dieu alors que se profile le malheur.

Remarquez que ce n’est pas un « oui » à la souffrance. Ni Marie, ni le Christ ne désirent s’affronter à la méchanceté des hommes. C’est à l’amour divin qu’ils disent « oui » dans ces circonstances tragiques.

Nos conflits se résolvent en acceptant la souffrance, pas en la rejetant. C’est en acceptant la souffrance que nous causent ceux qui nous font du mal, qui sont souvent des proches, et non en les rejetant, que nous réconcilierons l’amour entre nous et retrouverons la joie de vivre. C’est en aimant au-delà du mal que nous infligent ceux qui nous blessent, que nous ressusciterons à la vie belle.

Le mystique vit au-delà de la souffrance, dans la confiance totale au triomphe de l’amour. C’est parce qu’il est tendu vers la Résurrection qu’il peut endurer le mal. Sinon, nous sommes tous bien d’accord : c’est insupportable.

Tous, nous avons cette capacité d’endurer la souffrance jusqu’à un certain point. Tous, déjà, nous avons traversé des vallées de larmes portés par l’espérance de jours meilleurs, d’une résurrection à la joie. Tous, nous avons cette capacité de résilience face à au mal. Dans une certaine mesure …

La vie mystique, c’est la dilation de cette mesure, à force de confiance en Dieu. C’est en développant notre confiance en l’amour qu’a Dieu pour nous, littéralement en dilatant notre cœur à la mesure de cet amour, que nous pourrons repousser ce point au-delà duquel la souffrance nous fait sombrer dans le désespoir. Tous, nous avons cette capacité d’endurer, par amour, la souffrance jusqu’à un certain point et la vie mystique, c’est porter ce point au-delà de la mort, grâce à la pleine confiance en Dieu.

Alors, plus aucune souffrance, pas même la mort ne nous feront peur. Nous pourrons accepter tous les sacrifices, passer par toutes les portes étroites, tellement nous serons portés par la certitude qu’existe et que vit en nous, un amour qui ressuscite tout ; que se trouve, au-delà de toute porte étroite, un Temple où ne règne que l’amour de Dieu. Et, comme nous l’enseigne le Christ : ce Temple, c’est notre corps.

La vie mystique, c’est réaliser que l’on vit dès ici-bas de cet amour qui permet d’affronter et de transcender tous les aléas de la vie. Si, par amour, vous vous êtes déjà battus contre la souffrance, vous savez déjà que cet amour surpuissant est bel et bien vivant en vous.

Fr. Laurent Mathelot OP

Source : RÉSURGENCE.BE, le 20 août 2025

24.08.2025 – HOMÉLIE DU 22ÈME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – LUC 13,22-30

« Son amour envers nous s’est montré le plus fort ! » 
Qui pourrait ne pas être sauvé ?

Homélie par l’Abbé Jean Compazieu


Textes bibliques : Lire


Les textes bibliques de ce dimanche nous invitent à faire un pas de plus sur le chemin de la foi ; le vrai Dieu n’est pas le Dieu de quelques-uns ; il est celui qui veut rassembler tous les hommes : c’est cette bonne nouvelle que nous trouvons dans le livre du prophète Isaïe (1ère lecture): “Je viens rassembler toutes les nations, de toute langue. Elles viendront et verront ma gloire…” Ces paroles de réconfort sont adressées à des croyants qui viennent de vivre une longue période d’exil ; ils ont vécu 50 ans en terre étrangère au milieu des païens. Ils découvrent progressivement que Dieu veut rassembler toutes les nations. Son amour est offert à tous.

Cette bonne nouvelle doit être annoncée à tous les peuples. Pour cette mission, Dieu fait appel à des messagers. Ces derniers sont envoyés pour annoncer la gloire de Dieu parmi toutes les nations. Ces messagers c’étaient des rescapés d’Israël. Les rescapés d’aujourd’hui, c’est nous tous. Nous sommes tous envoyés dans le monde pour y témoigner de l’amour qui est en Dieu. Mais n’oublions pas : c’est lui qui agit dans le cœur de ceux et celles qu’il met sur notre route.

Pour l’auteur de la lettre aux Hébreux (2ème lecture), ce qui est premier c’est précisément cet amour de Dieu. Nous ne devons pas douter, même dans les épreuves. Dieu se comporte avec nous comme un père à l’égard de ses enfants : il n’hésite pas à les conseiller, à les encourager et à les reprendre. Quand on aime, on se met parfois en colère. Ce n’est que bien plus tard que les enfants comprennent les effets bénéfiques de cette colère. L’important c’est de ne jamais perdre de vue que Dieu est Amour. Il nous aime infiniment, tels que nous sommes. Il est toujours à nos côtés pour nous relever. Son grand projet c’est de nous rassembler tous dans son Royaume.

L’Évangile nous montre les conditions qui nous permettront d’entrer dans ce grand rassemblement : “Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite” nous dit Jésus. Il ne suffit pas d’accomplir quelques gestes religieux. Ce que le Seigneur attend de nous c’est une vraie conversion du cœur. Pour pouvoir entrer, nous devons nous libérer des privilèges, des honneurs, des prétentions orgueilleuses qui encombrent notre vie. Toutes les richesses que nous avons accumulées, nous devrons les laisser derrière nous. Pour aller à Jésus, il faut se faire tout petit ; il ne faut pas être imbu de notre orgueil et de nos certitudes. En définitive, cette porte étroite c’est celle de la miséricorde. On n’y entre pas sans s’être préparé, sans s’être rapproché de Dieu par la justice et le partage.

Encore une fois, le vrai Dieu est un “Dieu pour tous”. Son visage n’a rien à voir avec celui que nous proposent tous les fanatismes. Même si les paroles du Christ nous paraissent dérangeantes, nous devons comprendre que ce sont celles de l’Amour. C’est ce que l’apôtre Pierre a compris après le discours sur le Pain de vie : “Tu as les paroles de la Vie éternelle…” Comme l’interlocuteur qui s’adressait à Jésus, nous nous posons la question : “N’y aura-t-il que peu de gens à être sauvés ?” C’est normal de s’en inquiéter. Mais si nous réfléchissons bien, nous comprenons que ce qui est étroit, ce n’est pas la porte, c’est notre cœur. Mais l’appel du Seigneur est toujours bien présent : Convertissez-vous et croyez à la bonne nouvelle.

Cette porte étroite c’est celle que le Christ a franchie. En mourant sur une croix et en ressuscitant, il nous a ouvert un passage vers la Vie Éternelle. Un jour, il a dit : “Je suis la porte des brebis. Celui qui entrera par moi sera sauvé.” Notre entrée dans le Royaume dépend donc de la place que nous donnons au Christ dans notre vie. Le Salut est offert à tous, mais rien n’est possible sans notre accueil. L’amour est vrai ou il n’est pas.

En ce dimanche, nous nous tournons vers le Seigneur. Nous lui redisons notre désir de vivre en lui et d’avancer avec lui. Beaucoup chercheront à entrer et ne le pourront pas. Mais avec lui, tout est possible. Demandons-lui de nous aider à nous débarrasser de tout ce qui nous encombre et de tout ce qui retarde notre marche à sa suite. Que sa parole réveille notre foi. Alors nous pourrons marcher vers lui avec la multitude de ceux qu’il appelle. Amen.

Abbé Jean Compazieu

Source : DIMANCHEPROCHAIN.ORG, le 18 août 2025