21.09.2025 – HOMÉLIE DU 25ÈME DIMANCHE ORDINAIRE – LUC 16 1-13

Le culte du progrès

Homélie par le Fr. Laurent Mathelot

Évangile selon saint Jean 3, 13-

Le commerce, les affaires, nos échanges quotidiens peuvent vite devenir une religion. L’économie – notre économie – est souvent un culte fervent rendu au dieu argent. Le matraquage est incessant : il faut à tout prix maintenir la croissance, propulser l’humanité vers plus de bien-être, plus de confort !

Même avec noblesse, par charité ou esprit religieux, on peut idolâtrer l’économie : « Vivement que l’on éradique la faim dans le monde ! » ; « Vive la science qui nous sauve ! » ; « Quel progrès, si la vivacité économique pouvait offrir un revenu universel ! »…

Et c’est vrai : l’humanité a accumulé des biens immenses, considérablement progressé en savoirs et conquis un bien-être inédit. Nous avons éradiqué de nombreuses maladies et nos médicaments sont de plus en plus performants ; il n’y a plus chez nous de famines ; on a triomphé de la dernière pandémie et le progrès social vient largement en aide aux plus démunis. Tout cela est incontestable. Il y a un indéniable bien fait de la croissance, tant scientifique, technique, qu’économique.

Mais de là à dire que le progrès, la science, l’économie et même la médecine nous sauveront … ce n’est pas plus vrai aujourd’hui qu’hier. Et ça ne le sera jamais. Jamais cette humanité ne se sortira de la souffrance et du malheur par ses propres efforts, fussent-ils, comme le progrès scientifique, admirables. Tout au plus, nos progrès, nos talents et nos richesses nous aideront-ils un temps à porter nos croix, un temps à endurer la souffrance. Mais au-delà … ?

Ce qui rend vain le culte des richesses et de l’argent, le culte du progrès économique, et même scientifique, c’est qu’ils ne durent qu’un temps ; qu’ils sont d’une efficacité limitée. Et sans doute aucune génération avant la nôtre n’a-t-elle été aussi consciente que nous pourrions tout perdre – le climat, la paix sociale et la qualité de la vie – justement à force de progrès et de ce culte inouï de la croissance à tout prix, en guise de planche de salut. C’est avant tout la fureur économique – notre fureur économique – qui est la cause du dérèglement climatique et de la pollution à l’échelle planétaire.

Les lectures d’aujourd’hui nous appellent avec force : réfléchissons à notre lien aux richesses, aux biens matériels et immatériels que nous entassons ! Pourquoi désirer la richesse ? Vivre dans l’abondance ? Accumuler sans fin ? Quelles conséquences dévastatrices sur notre monde, notre vie, notre relation à Dieu ?

Le prophète Amos était un berger et un cultivateur de sycomores. On est alors en 750 avant Jésus-Christ et la Terre sainte est divisée en deux royaumes. Amos est originaire du sud, du royaume de Juda – aride, désertique et pauvre – et il prêche au nord, au Royaume d’Israël – verdoyant, riche et en pleine croissance. Petit éleveur, il fustige les riches et puissants, leur hypocrisie religieuse, leur idolâtrie assumée. Il dénonce la décadence morale et spirituelle, les injustices sociales nées de la cupidité.

On retrouve des tonalités qui résonnent avec notre époque … où règne aussi ce sentiment d’une caste privilégiée qui s’arroge toute la puissance économique et dont le mode de vie effréné se fait au mépris affiché de l’écologie et du bien commun. Paul pourtant nous encourage à prier pour les chefs d’États et ceux qui exercent l’autorité. Mais précisément pour qu’ils assurent les conditions équitables de vie et de tranquillité.

Jésus évoque deux croissances dans l’Évangile : l’honnête, juste fruit de nos efforts, récompense légitime de notre travail ; et la malhonnête, boulimique, qui accumule richesse par avidité, au détriment d’autrui et de l’environnement.

D’où surgit cette tendance universelle à entasser des biens superflus jusqu’au gaspillage, à convoiter toujours plus d’argent et de moyens ? D’où vient cette surconsommation vorace, ce désir insatiable de posséder ? Sans doute de la peur viscérale de manquer, de souffrir, de se trouver démuni. Nous accumulons pour nous rassurer. De là à placer notre foi dans l’épaisseur d’un compte en banque, il n’y a qu’un pas …

C’est précisément alors qu’on fait de l’argent, de l’opulence, du progrès matériel un dieu. On pense que l’argent nous donnera une vie meilleure, que l’abondance nous sauvera du malheur. Ce n’est pas vrai. Le réconfort matériel ne dure qu’un temps …

Imaginer que le bonheur futur dépende de la richesse, de la santé, de la science – de l’accumulation de savoirs et techniques – est une illusion ! Le génie humain, économique, social ou scientifique, est un faux dieu. Car malgré lui, le malheur persiste. C’est spirituellement s’aveugler que penser que la médecine, la science ou la croissance économique sauveront le monde. Comme c’est une illusion de penser que nos propres progrès humains, intellectuels, écologiques, économiques voire scientifiques nous sauveront du malheur. C’est encore espérer rejoindre le Ciel en construisant de nos propres mains une tour, comme à Babel.

Jésus proclame avec force : « Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent. S’attacher à l’un, c’est mépriser l’autre ! » Ne nous illusionnons pas : les petites satisfactions, les jouissances éphémères, les biens matériels ne sauvent pas – tout finit par s’évanouir. Au contraire, leur attachement nous entrave, nous barre l’accès à la joie durable, au vrai bonheur éternel. C’est l’amour de Dieu qui nous sauve, lui qui jamais ne s’éteint !

Au soir de notre vie, la médecine, la science et le progrès s’éteindront. Il arrive toujours, pour tous, un moment où la croissance matérielle devient vaine, où l’espoir fondé sur elle s’anéantit.

C’est peut-être ce stade que nous avons atteint à l’échelle de l’humanité. C’est peut-être globalement que la croyance en un salut matériel s’effondre. Aujourd’hui, peut-être enfin, notre monde se rend compte que le culte matérialiste voué au progrès, à l’abondance et à la croissance économique est une idole qui finalement, au lieu de bonheur, conduit au malheur et à la désolation.

C’est aujourd’hui peut-être que l’impact du culte de l’argent se fait le plus globalement ressentir. Et c’est sans doute un bien-fait.

Fr. Laurent Mathelot OP

Source : RÉSURGENCE.BE, le 16 septembre 2025

21.09.2025 – HOMÉLIE DU 25ÈME DIMANCHE ORDINAIRE – LUC 16,1-13

« Qui est semblable au Seigneur notre Dieu 

Homélie par l’Abbé Jean Compazieu

Textes bibliques : Lire

Aujourd’hui, Jésus nous invite à réfléchir sérieusement sur deux styles de vie qui sont opposés : le style mondain et le style de l’Évangile, l’esprit du monde et l’esprit de Jésus. Pour nous aider à mieux comprendre son message, Jésus nous raconte la parabole du gérant infidèle et corrompu : ce dernier va être licencié pour faute grave ; désormais, il va se retrouver à la rue, les poches vides. Il réfléchit très vite à la meilleure solution. Il pense s’attirer la bienveillance des débiteurs de son maître en abaissant leur dette. C’est de cette manière qu’il choisit d’assurer son avenir.

Il est bien sûr hors de question d’approuver cette fourberie. Ce qui est mis en valeur, c’est l’habileté des “fils de ce monde”. Quand il s’agit de leurs intérêts personnels, ils savent trouver des solutions. Le Christ voudrait bien que les “fils de lumière” soient aussi habiles pour que l’argent serve à tous. Le pape François nous invitait “à répondre à cette ruse mondaine par la ruse chrétienne, qui est un don de l’Esprit Saint”. Il s’agit de s’éloigner des valeurs du monde pour vivre selon l’Évangile.

À travers cet enseignement, le Christ nous appelle à choisir entre l’esprit du monde et lui, entre la logique de la corruption et de l’avidité et celle de la rectitude, de la douceur et du partage”. “Faites-vous des amis avec le malhonnête argent, afin que le jour où il ne sera plus là, ces amis vous reçoivent dans les demeures éternelles”. Sainte Teresa de Calcutta avait bien compris ce message : Ces amis, ce sont les plus pauvres parmi les pauvres, les miséreux, les exclus. À travers eux, c’est Jésus qui est là. Chaque fois que nous nous mettons à leur service, c’est lui que nous servons. La principale amitié qu’il nous faut chercher c’est celle de Dieu. Il est notre richesse suprême qui nous permettra d’être accueillis “dans les demeures éternelles”.

la première lecture nous adresse une proclamation percutante du prophète Amos. Il s’attaque durement aux désordres, aux inégalités et à l’exploitation des pauvres. Lui qui était éleveur de bétail s’y connaissait en ce qui concerne l’enrichissement des riches au détriment des pauvres. Il dénonce la  tromperie sur les marchandises. Quand on profite de la dépendance des plus faibles pour les exploiter encore plus, ce n’est pas tolérable. Ce n’est pas pour en arriver là que Dieu a fait alliance avec son peuple. À travers les opprimés et les exploités, c’est lui-même qui est frappé.

Amos n’est plus là mais son message est plus que jamais d’actualité : il faut savoir que plus de la moitié du patrimoine mondial est détenue par un pour cent de la population. Et que dire des magouilles en tous genres, des tromperies sur la marchandise, des arnaques sur Internet ? Si Amos était là, il dénoncerait l’esclavage actuel : Des hommes, des femmes et même des enfants travaillent de longues heures pour gagner à peine de quoi manger. Quand nous achetons les produits ainsi fabriqués, nous participons à cette injustice. Il est urgent que nous entendions l’appel d’Amos à la construction d’un monde plus juste et plus fraternel.

Dans la seconde lecture, nous avons le témoignage de saint Paul. L’âpreté au gain, ce n’est vraiment pas son problème. Bien au contraire, il s’est mis au service de la foi et de la vérité. Il annonce un Dieu qui veut le salut de tous les hommes. Jésus est mort pour tous, y compris pour ceux qui exercent des responsabilités politiques. Paul demande que l’on prie pour tous les hommes et plus spécialement pour les responsables de notre  société : que ces derniers facilitent le climat de paix et de dignité dont notre monde a bien besoin. La vraie prière c’est de parler à Dieu de son projet, c’est entrer dans son projet et nous en imprégner. Avec lui, nous deviendrons capables de répandre la bonne nouvelle comme une traînée de poudre. Le moment le plus important c’est la messe du dimanche. On peut la comparer à une  vaste réunion de chantier. Ce chantier, c’est celui du Royaume de Dieu. Si nous voulons être fidèles au Maître d’œuvre, notre présence est indispensable.

Dans quelques jours, nous entrerons dans le mois du Rosaire : en communion avec tous les pèlerins de Lourdes et d’ailleurs, nous demandons à la Vierge Marie de nous aider à choisir le chemin juste. C’est avec elle que nous trouverons le courage d’aller à contre-courant pour suivre Jésus et son Évangile.

Abbé Jean Compazieu

Source : DIMANCHEPROCHAIN.ORG, le 13 septembre 2025