21.04.2024 – HOMÉLIE DU 4ÈME DIMANCHE DE PÂQUES – JEAN 10,11-18

Évangéliaire de Rabula

La porte étroite

Homélie par le Fr. Laurent Mathelot

Les quatre dimanches qui viennent, en nous conduisant à la Pentecôte, vont aborder au fil de l’Évangile de Jean, un même thème : celui d’être comme le Christ qui donne sa vie par amour.

Aujourd’hui la parabole du Bon Pasteur qui donne sa vie pour ses brebis. Dimanche prochain, il s’agira d’être unis au Christ comme les sarments à la vigne. Dans deux semaines, nous méditerons le verset « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime », en lien avec la joie. Enfin, le dimanche précédant la Pentecôte, nous réécouterons la Grande prière sacerdotale de Jésus, qui prie pour l’unité des disciples : « Que tous soient un, comme toi et moi, Père, nous sommes un. » Le thème général qui se dessine dans les semaines à venir, c’est : la vraie joie est de donner sa vie en union avec Dieu.

Il y a plusieurs façon de donner sa vie pour ceux qu’on aime. Et si le Christ a assumé le don ultime, au fond de la trahison, de l’humiliation et de l’injustice, et même si nous n’échappons jamais vraiment à la souffrance, nous ne sommes heureusement pas tous appelés au martyre.

Peut-être le savez-vous, les premiers chrétiens ne représentaient pas la crucifixion du Christ. Il n’y avait ni signe de croix, ni crucifix dans les lieux de culte ou sur les tombes. Déjà les quatre évangiles, s’il fourmillent de détails sur la Passion, restent très sobres sur la mise en croix. Comment en effet, faire croire en un sauveur que les Romains ont crucifié ?

Je l’ai évoqué le Vendredi saint, la première représentation connue de la crucifixion dans une église est un panneau en bois de cyprès, qui date des années 420, situé sur la grande porte de l’église Sainte-Sabine de Rome, la maison-mère des dominicains. La première représentation manuscrite connue du Christ en croix date, quant à elle, du VIe siècle. Il s’agit d’une enluminure de l’Évangéliaire de Rabula.

Si les premiers chrétiens ne représentaient pas le Christ en croix, c’est parce que c’était pour eux une image particulièrement scandaleuse, dans un temps où ce type de mise à mort se pratiquait encore. Tout aussi scandaleuse que l’ont été plus tard, le Christ nu de Michel-Ange, celui couvert de pustules du retable d’Issenheim ou, plus récemment, le Piss Christde l’artiste américain Andres Serrano.

La crucifixion conserve toujours quelque chose de scandaleux que nous ne voulons pas voir, au point d’oublier trop souvent que notre signe de croix est celui d’un instrument d’humiliation et de torture. Elle est profondément révoltante la croix qui orne nos églises et nos maisons. Et il est fort dommage que nous l’oubliions.

On ne trouve pas une seule croix dans les catacombes de Rome, on n’y trouve que des représentation du Bon Berger. Cependant, si cette image est graphiquement plus soutenable, elle n’en est pas moins tout aussi tragique.

Pour le comprendre, replaçons-nous dans le contexte. Nous sommes à la Porte des Brebis, une des douze portes de la muraille de Jérusalem (Néhémie 3.1-31 ; Néhémie 12.39), précisément la porte étroite mentionnée dans l’Évangile de Luc (13, 24), une petite porte proche du Temple, par où entraient les brebis et les agneaux qui allaient être sacrifiés dans la Cité sainte.

Dans la dynamique de l’Évangile de Jean, qui présente Jésus comme l’Agneau pascal, on comprend que le troupeau qu’il mène va au sacrifice. On comprend aussi ce qu’il entend par « Moi je suis la porte étroite » (Jean 10, 9), qui exprime que ses disciples auront eux aussi à passer par le sacrifice, par le même don total de soi.

Les scribes et les grands-prêtres, quant à eux, sont les bergers mercenaires dont parle la parabole. Ils passent par les portes monumentales et abandonnent le troupeau à la porte étroite, précisément au moment où il fait face au sacrifice. Jésus, lui, partage son sort.

Je l’ai dit au début, nous ne sommes heureusement pas appelés au martyre. Mais des sacrifices, dans nos vies, il y en a eu – des petits et des grands – et il y en aura encore. Notamment les sacrifices finaux : l’autonomie, la santé, le temps qui reste … et ultimement la vie ici-bas.

Le Christ sera là. Pour les gens qui subissent le martyre, il est là. Pour les gens humiliés, il est là. Pour les gens qui meurent, il est là. Pour ceux qui souffrent, qui se sentent trahis, abandonnés de tous et même de Dieu, il est là. Pour chacun de nos sacrifices, les plus petits comme les plus grands, il est là. Ayant subi le plus infâme, il est la porte de tous les sacrifices par lesquels nous passons.

Chaque fois que nous sacrifions un peu de notre vie par amour, le Christ est là, qui nous accompagne.

La semaine prochaine nous regarderons comment il convient de faire unité avec lui dans ces moments sacrificiels. Et dans quinze jours, nous verrons comment trouver là, la joie.

Fr. Laurent Mathelot OP

Source : RÉSURGENCE.BE, le 17 avril 2024

21.04.2024 – HOMÉLIE DU 4ÈME DIMANCHE DE PÂQUES – JEAN 10,11-18

Le vrai berger

Pistes pour l’homélie par l’Abbé Jean Compazieu


Textes bibliques : Lire


L’amour vrai ne se démontre pas. Il se montre”. C’est ce message que nous trouvons tout au long des lectures bibliques de ce dimanche. Nous avons tout d’abord le discours de Pierre. Nous nous rappelons qu’il a eu peur de la dénonciation d’une servante qui l’avait reconnu comme disciple de Jésus au moment de sa Passion. Face au danger qui pesait sur lui, il l’a renié trois fois.

Aujourd’hui, il affronte avec audace les terribles autorités de Jérusalem, celles-là même qui ont crucifié Jésus. Il répond que si le boiteux a été guéri c’est par le nom de Jésus. C’est aussi important pour nous. Jésus est capable de rendre la santé physique. Mais la bonne nouvelle de ce jour, c’est qu’il assure le salut de tous les hommes. Il n’y a aucun autre salut ailleurs qu’en lui. Il nous faut redécouvrir toute la richesse de ce mot “Salut” : il s’agit de toute la richesse de vie et d’amour auxquels tout homme aspire. C’est le Christ ressuscité qui répond à cette attente. “Aucun autre nom n’est donné aux hommes qui puisse nous sauver”.

La lettre de saint Jean (2ème lecture) va dans le même sens. Nous sommes peut-être trop habitués à entendre que Dieu nous aime. C’est vrai que nous sommes devenus des enfants gâtés. Mais il nous faut imaginer le bouleversement de cette révélation d’amour a pu provoquer à l’époque. Elle s’adressait aux grandes cités de l’empire Romain, à des gens exploités et méprisés, à des mal-aimés de Corinthe et d’Éphèse. Pour eux c’était un véritable renversement. Le monde de l’amour n’avait rien à voir avec celui du pouvoir. 

Ce qui est premier c’est cette révélation inimaginable d’un Dieu dont le nom est “Amour”. Nous y avons été plongés au jour de notre baptême. “Mes bien-aimés, voyez comme il est grand l’amour dont le Père nous a comblés. Il a voulu que nous soyons enfants de Dieu”. C’est une expérience vraiment extraordinaire. Il s’agit moins d’aimer que de se savoir aimés par lui. Pour nous, cela a commencé au jour de notre baptême et cela se développe tout au long de notre vie. Un jour viendra où nous atteindrons la parfaite ressemblance avec le Fils de Dieu. “Nous luis serons semblables parce que nous le verrons tel qu’il est”. Il suffit de se laisser aimer.

L’Évangile nous présente Jésus comme le bon berger.  La Bible utilise souvent cette image pour parler des responsables du peuple ou encore du Roi-Messie. C’est au moment du danger qu’on reconnaît le vrai berger. Quand ça devient vraiment dangereux, le mercenaire ne pense qu’à se mettre en sécurité. Pour lui, les brebis c’est secondaire. Avec Jésus c’est différent. Sa priorité c’est de sauver tous les hommes ; il est le “berger de toute humanité”. Il connait chacune de ses brebis. Il ne faut pas se tromper sur le sens du mot connaître. Ce n’est pas comme quand on dit : “Je connais tous mes dossiers”. La connaissance dont il est question est communication, échange, dialogue. C’est une communication de pensée et de cœur.

Oui, Jésus nous connaît tous au plus profond de nous-mêmes. Et quand il dit cela, il ne pense pas seulement aux bons chrétiens. Il pense aussi  à tous ceux qui ne le connaissent pas, ceux qui organisent leur vie en dehors de Dieu. D’une façon ou d’une autre, tous font partie de son bercail. Malheureusement, il se trouve des mauvais bergers qui font tout pour sortir Dieu de nos vies ; et comme la nature a horreur du vide, c’est la Loi du plus fort, du plus puissant, la Loi de l’argent qui a pris ses quartiers parmi nous. Mais Jésus ne cesse de vouloir “rassembler les enfants de Dieu qui sont dispersés”.

Le Seigneur compte sur nous pour participer à sa mission de bon berger. C’est pour répondre à cet appel que des chrétiens s’engagent comme catéchistes ou encore dans des aumôneries de collèges, d’hôpitaux et même dans les prisons. Avec Jésus, il n’y a pas de situation désespérée. Son amour est offert à tous les hommes. Il est capable de les sortir de la délinquance, de la drogue et de tout ce qui les détruit. Nous avons de nombreux témoignages de gens qui disent que leur rencontre avec lui a changé leur vie.

En ce jour, nous célébrons la journée mondiale des vocations. Le Seigneur continue d’appeler des prêtres, des diacres, des religieux et religieuses et des laïcs pour participer à son œuvre de rassemblement. Le Cardinal Marty disait qu’il n’appelle pas “que les enfants sages”. Nous sommes tous engagés pour cette mission. Ne disons pas que nous sommes trop âgés, trop jeunes ou trop fatigués… l’appel du Seigneur est vraiment là. Et il nous redit : “Ne crains pas, je suis avec toi.”

Si nous allons communier au Corps et au sang du Christ c’est pour puiser à la source de cet amour qui est en Dieu, c’est pour entrer dans ce projet qui anime Jésus. Alors oui, nous te prions Seigneur : donne-nous force et courage pour rester fidèles à cette mission que tu nous confies.

Abbé Jean Compazieu

Source : DIMANCHEPROCHAIN.ORG, le 14 avril 2024