16.04.2023 – HOMÉLIE DU 2ÈME DIMANCHE DE PÂQUES – JEAN 20,19-31

HOMÉLIE

Par Fr. Raphaël Devillers, dominicain

Évangile de Jean 20, 19-31

Croire pour Vivre

Comment une nouvelle aussi incroyable que la résurrection d’un crucifié dont on a bien constaté la mort a-t-elle pu être admise et se soit répandue avec une telle rapidité dans un monde qui n’avait pas notre système de communications ? Déjà en 51 (20 ans après la mort de Jésus), Paul, de retour à Corinthe, s’émerveille de la foi des Thessaloniciens qui croient en Jésus mort pour le pardon des péchés, ressuscité, Seigneur, Messie qui reviendra pour le jugement final. Tous partagent la joie de la Bonne Nouvelle et acceptent de souffrir pour l’Evangile. En 64, à Rome, l’empereur Néron fait brûler les chrétiens comme des torches.

Pourtant il semblait si aberrant d’accepter pareille information ! N’était-ce pas une fabulation des disciples déçus par la disparition de leur maître ? Oui mais dans ce cas, pourquoi l’avaient-ils inventée ? Dès le début ils furent critiqués, menés au tribunal, flagellés, mis à mort. Leurs familles se déchiraient, ils étaient rejetés des synagogues, surveillés par les Romains qui craignaient une insurrection.

Et en relisant les Actes puis les Lettres suivantes des apôtres, il est tout aussi stupéfiant de constater à quelle vitesse le mystère de Jésus s’est déployé : il n’était pas un prophète condamné et revenu à la vie.

« Jésus, de condition divine, s’est dépouillé…devenant obéissant jusqu’à la mort sur une croix…Et Dieu l’a élevé afin que toute langue proclame que le Seigneur, c’est Jésus-Christ » (Phil 2,06) …

« Vous n’êtes qu’un en Jésus-Christ » (Gal 3, 28)… 

« Dieu a voulu réunir l’univers entier sous un seul chef, le Christ » (Eph 1, 10)…

Jusqu’ à l’Apocalypse qui se termine par l’appel : « Amen, viens, Seigneur Jésus » (22, 20).

Pour nous faire comprendre comment parvenir à croire sans voir, Jean termine son évangile par le célèbre épisode de Thomas. Celui-ci est le prototype des multitudes infinies qui, comme nous, n’ont pas bénéficié d’une apparition : comment nous instruit-il encore aujourd’hui ?

Le Ressuscité retrouve son Eglise

C’était après la mort de Jésus, le soir du premier jour de la semaine. Les disciples avaient verrouillé les portes du lieu où ils étaient car ils avaient peur des Juifs. Jésus vint et il était là au milieu d’eux.

Complètement sidérés par ce qu’ils viennent de vivre et qui était à mille lieux de ce qu’ils auraient jamais pu imaginer, les disciples cependant ne se sont pas dispersés dans la nature. Ils se sont rassemblés dans une maison, toutes portes closes, la peur au ventre car ils soupçonnent que les autorités sont à leur recherche. Tout à coup le Maitre est présent au milieu d’eux. Pas de fulgurance. Mais c’est bien lui. Il n’était pas là, il n’est pas leur fabrication, il est au milieu. Il devient leur milieu.

Il leur dit : «  La paix avec vous » et il montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur. Il leur dit : « La paix avec vous. De même que le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie ». Ayant ainsi parlé il répandit sur eux son souffle : «  Recevez l’Esprit-Saint. Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis ; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus ».

Celui qui n’a pas vu

Thomas, un des douze, n’était pas avec eux quand Jésus était venu. Les autres lui disaient : « Nous avons vu le Seigneur ! ». Mais il leur déclara : «  Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt à l’endroit des clous et la main dans son côté, non, je n’y croirai pas ». Huit jours plus tard, les disciples se trouvaient dans la maison et Thomas était avec eux ; Jésus vient, toutes portes closes, il était là au milieu d’eux ; il dit : « La paix avec vous ». Il dit à Thomas : « Avance ton doigt ici et vois mes mains ; avance ta main et mets-la dans mon côté. Cesse d’être incrédule mais croyant. Thomas lui dit : « Mon Seigneur et mon Dieu ». Jésus lui dit : «  Parce que tu m’a vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu ».

Remarquons que, à la différence du tableau du Caravage, il n’est pas dit que Thomas a touché les plaies : il les a vues et il a cru. Jésus lui reproche son incrédulité : il aurait dû faire confiance à l’affirmation unanime de ses confrères. Comment donc cet épisode nous apprend-il à être heureux de croire sans voir ?

Depuis longtemps peut-être, vous avez abandonné la pratique chrétienne inculquée dès votre jeune âge : comme la majorité aujourd’hui vous avez estimé que c’était une histoire dépassé. Et voilà que curieusement la question de la foi peu à peu vous interpelle : la figure de Jésus est tellement belle, son message si évidemment vrai. Mais vous achoppez sur la fin : comment accepter la résurrection ? Que vous apprend Thomas ? Bardé de vos réticences et de vos refus, osez rejoindre la communauté des pratiquants du dimanche. Car saint Jean insiste fortement sur ces conditions.

Les discussions de Thomas avec ses collègues ayant échoué, ils lui ont prescrit de rejoindre la communauté, qui se réunit dans un local le premier jour de la semaine. Donc dès le début, les chrétiens, qui étaient en majorité des Juifs célébrant le sabbat, ont effectué une révolution. Pour eux désormais, puisque Jésus était apparu le lendemain du sabbat, c’est donc en ce jour qu’il fallait se retrouver pour l’accueillir et ils l’appelèrent « domenica dies » qui donna le mot « dimanche ». Pour nous chrétiens, le week-end est vendredi-samedi. Et le dimanche inaugure la semaine nouvelle. Comme une nouvelle création : « Que la lumière soit : premer jour ».

Et qu’a vu Thomas ? Ses collègues auraient pu craindre de subir un terrible châtiment puisqu’ils venaient d’abandonner lâchement Jésus et même de le renier. Mais voilà qu’il leur était présent et leur montrait ses plaies : son horrible crucifixion étaient la source de son pardon. « Shalom …et il leur montra ses plaies ». Il ne les obligeait même pas à lui demander pardon. Leur honte d‘avoir péché se muait en ravissement du pardon immérité. D’un coup la miséricorde infinie les renouvelait, les re-suscitait. Les endeuillés sautaient de joie !!

Comme Dieu avait soufflé sur Adam et Eve pour les rendre vivants, le Seigneur Jésus maintenant envoyait son souffle sur les apôtres. Il ne fallait plus attendre des apparitions sporadiques mais être habités par l’Esprit-Saint. Non pour jouir d’une présence mais pour être emportés dans le monde, à destination de tous les hommes afin de leur offrir ce même don de l’Esprit qui les pardonnait. A condition évidemment qu’ils acceptent ce don, car il n’y a pas d’automatisme du salut : Dieu respecte notre liberté qui va jusqu’à pouvoir refuser Dieu !

Ainsi l’humanité qui avait été, par la création, soufflée hors de Dieu et qui avait péché, commence son retour à lui. Car il n’’y a qu’une mission : le Père envoie le Fils qui envoie l’Esprit sur quelques hommes et femmes afin qu’eux-mêmes envoient cet Esprit. La foi est un privilège mais qui impose un devoir. L’histoire est spirituellement l’expansion de l’Amour à tous les peuples. Si les hommes restent tentés de se déchirer et de se combattre, les chrétiens sont tenus de s’immiscer dans tous les milieux afin d’apporter la Paix.

Ne répliquons pas que nous sommes pécheurs donc incapables. Pierre, Thomas et les autres l’étaient avant nous. C’est pourquoi il n’est pas normal de commencer nos messes avec toutes ces répétitions : « Je confesse…Prends pitié… ». Elles restent inefficaces puisque nos assemblées ne montrent pas qu’elles sont transfigurées par la joie. La piété ne consiste pas à prendre un air compassé de carême.

Fin et But de l’Evangile

Les dernières lignes, essentielles, de ce chapitre 20 constituent la conclusion de l’évangile de Jean car le chapitre 21 est manifestement une addition de certains disciples.

Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence de ses disciples et qui ne sont pas mis par écrit dans ce livre. Mais ceux-là ont été écrits afin que vous croyiez que Jésus est le Messie, le Fils de Dieu, et afin que, en croyant, vous ayez la vie en son nom.

Jean ne se prétend pas un historien, il ne raconte pas la vie de Jésus. Il est un de ses disciples qui témoigne de certaines paroles et activités de Jésus. Il a compris que ces faits étaient des « signes » qui dépassaient souverainement leur simple compte-rendu. C’est pourquoi seul un témoin qui a compris leur signification peut tenter de les mettre par écrit.

Jean a fait un choix, il n’a pas voulu raconter tout car il ne s’agit pas de connaître Jésus et de lire l’évangile avec curiosité comme on lit la vie d’un hommes célèbre.

L’enjeu en effet en énorme, il s’agit en toute liberté de conduire le lecteur afin qu’il découvre peu à peu la personnalité de l’homme de Nazareth qui s’est montré comme un prophète mais qui dépasse infiniment ce titre pour être confessé comme « Messie », « Fils de Dieu ». Ainsi de Thomas qui longtemps incrédule a fini par exprimer la plus haute confession de foi : « Mon Seigneur et mon Dieu ». Parfois l’incrédule tenace monte plus loin que le pratiquant routinier.

Alors ce lecteur a la Vie éternelle. Et il est « heureux ».

Fr. Raphaël Devillers, dominicain.

Source : RÉSURGENCES.BE, le 11 avril 2023

16.04.2023 – HOMÉLIE DU 2ÈME DIMANCHE DE PÂQUES – JEAN 20,19-31

Réjouissons-nous, Christ est ressuscité

Il nous rassemble ! Alléluia !

Homélie

Par l’Abbé Jean Compazieu

Textes bibliques : Lire

En ce 2ème dimanche de Pâques, l’Église nous invite à tourner notre regard vers le mystère de la « divine miséricorde ». Parmi les textes de ce jour, seule la seconde lecture, la lettre de saint Pierre nous en parle explicitement. Elle nous invite à louer Dieu qui, “dans sa grande miséricorde… nous a fait renaître grâce à la résurrection de Jésus pour une vivante espérance”. Mais en y regardant de plus près, nous voyons bien que cette miséricorde divine transparaît également dans les autres textes bibliques de ce jour. Toute la liturgie de la Parole prolonge la bonne nouvelle de la résurrection par l’amour miséricordieux du Père.

La première lecture nous donne le témoignage de l’Église primitive. Elle ne cesse de s’agrandir dans la force de l’Esprit Saint. Par la bouche des apôtres, le Christ annonce la bonne nouvelle. Il guérit et il chasse le mal. Le même Esprit Saint continue à agir dans l’Église d’aujourd’hui. Il nous précède dans le cœur de ceux qu’il met sur notre route. Comme les premiers chrétiens, nous sommes tous envoyés pour annoncer que le salut en Jésus Christ est là, mais le principal travail, c’est lui qui le fait dans le cœur de chacun.

Avec le psaume 117, nous rendons grâce au Seigneur dont l’amour est éternel. Cet amour est plein de miséricorde. Dieu ne cherche qu’à nous combler, non à cause de nos mérites mais parce qu’il nous aime. Il veut nous associer tous à sa victoire sur la mort et le péché. Il veut nous faire participer à la joie du Salut. Au jour de notre baptême, nous avons été plongés dans cet océan d’amour qui est en lui. Alors oui, plus que jamais, nous pouvons chanter et proclamer : “Rendez grâce au Seigneur, il est bon, éternel est son amour.”

L’évangile nous invite à faire un pas de plus dans la découverte de cette miséricorde divine. C’était au soir du premier jour de la semaine, c’est-à-dire le dimanche soir. Les disciples avaient verrouillé les portes du lieu où ils étaient car ils avaient peur ; en raison du climat de haine et de violence qui régnait sur Jérusalem depuis la mort de Jésus, ils craignaient pour leur sécurité. Cette peur, nous la connaissons bien : Dans certains pays, les chrétiens sont massacrés. Ailleurs, ils sont tournés en dérision. Nous vivons dans un monde imprégné par l’indifférence, l’incroyance et la “mal croyance”. Or c’est dans ce monde tel qu’il est que nous sommes envoyés pour témoigner de notre foi en Jésus Christ.

Comme il l’a fait pour les apôtres puis pour Thomas, le Seigneur ressuscité nous rejoint dans nos enfermements. Pour lui, toutes les barrières qui nous enferment, ça ne compte pas. Il est toujours là, et il ne demande qu’à nous rejoindre au cœur de nos vies et de nos déroutes. Il reste Emmanuel, “Dieu avec nous”. Nous avons vu que Thomas a eu beaucoup de mal à croire en cette bonne nouvelle. Pour lui, ce n’était pas possible. Il avait vu Jésus mort sur la croix et enfermé dans son tombeau. Il ne pouvait pas imaginer qu’il ressusciterait. Nous n’avons pas à sourire de son incrédulité. Si nous avions été à sa place, nous n’aurions pas fait mieux.

Mais voilà que Jésus lui-même rejoint ses apôtres au cœur même de leurs doutes et de leur détresse. Sa première parole est un message de paix. Cette paix, c’est la joie retrouvée, c’est la miséricorde et le pardon, c’est la réconciliation. Au moment de les envoyer en mission, il veut les libérer de cette angoisse qui les obsède. Il veut leur redonner force et courage car ils auront une longue route à parcourir. Ils seront envoyés pour annoncer au monde entier que tous sont appelés à se convertir à Jésus Christ et à accueillir la miséricorde qu’il ne cesse de vouloir nous offrir.

Nous chrétiens d’aujourd’hui, nous sommes les héritiers de ce témoignage des apôtres et nous sommes envoyés, nous aussi, pour le communiquer autour de nous, dans nos familles, nos lieux de travail et nos divers milieux de vie. Notre foi ne sera vraiment vivante que si elle rayonne. Le Seigneur nous attends dans notre monde, à l’endroit où il nous a placés pour que nous portions du fruit. Il aime réaliser des merveilles dans notre vie ordinaire et rien ne peut nous séparer de son amour.

En ce jour, notre regard se porte une fois de plus vers la première communauté des croyants. Comme eux, nous sommes invités à appuyer notre vie chrétienne sur quatre piliers :

– Fidélité à l’enseignement des apôtres pour approfondir notre foi et permettre à la bonne nouvelle de transformer notre vie de baptisés.

– Fidélité à la communion fraternelle pouvant aller jusqu’au partage des biens.

– Fidélité à la fraction du pain et donc à l’Eucharistie.

– Fidélité à la prière, soit à la maison, soit en communauté.

Ces quatre fidélités sont nécessaires. C’est grâce à elles que nous pourrons donner le vrai témoignage de notre vie de baptisés.

Chaque dimanche, le même Seigneur ressuscité rejoint les communautés rassemblées en son nom pour l’Eucharistie. Nous venons “puiser à la Source” de celui qui est l’Amour. Qu’il soit avec nous pour que nous soyons plus courageux dans le témoignage. Qu’il nous garde plus généreux dans la pratique de la charité fraternelle. « Toi qui es Lumière, toi qui es l’amour, mets en nos ténèbres ton Esprit d’amour ». Amen

Abbé Jean Compazieu

Source: DIMANCHEPROCHAIN.ORG, le 8 avril 2023