14.12.2025 – HOMÉLIE DU 3ÈME DIMANCHE DE L’AVENT – MATTHIEU 11, 2-11

La joie de la délivrance en vue

Par le Fr. Laurent Mathelot

Nous célébrons le dimanche de Gaudete, le dimanche de la joie. Aujourd’hui, nous avons dilué le violet de l’effort spirituel avec le blanc de l’espérance divine. Dans notre montée vers Noël, nous sommes à mi-parcours.

Il y quinze jours, nous nous sommes éveillés à la perspective d’une montée vers Dieu, à la joie des sommets d’amour et de paix qu’il promet, à l’accueil de sa vie divine en nous. Nous sommes partis d’aussi bas que nous étions, de quelqu’abîme où nous avons pu chuter, et nous avons relevé la tête et décidé de remonter la pente.

Dimanche passé, nous avons compris que ce qui nous éloigne de la plénitude de la joie et de la paix, ce sont nos peurs enfouies : peur de manquer d’amour et de pain, peur de tout perdre, peur d’être socialement, affectivement, spirituellement ou charnellement mort. C’est la peur, le ressort de tous les maux du monde, et nos peurs donc, la cause de toutes nos chutes, des abîmes de désespoir dans lesquelles nous pouvons sombrer parfois ou, pire, décider de plonger. Ce sont nos peurs qui nous poussent à désirer le mal que nous ne voulons pas.

Reprenant l’allégorie de la montagne, nous avons envisagé de creuser nos peurs enfouies, pour ensuite les surmonter. Monter la montagne de Dieu, c’est avant tout escalader le talus de ce qui enténèbre notre âme et qu’il nous faut jeter dehors pour nous sentir soulagés. Ce mouvement d’expulsion de nos ténèbres intérieures à deux issues. Au pire, il se fera par des élans de mépris, de violence et de haine, envers autrui ou envers nous-même, à travers tous nos élans désespérés. Au mieux, nous les exorciserons : en les affrontant spirituellement, en les confessant à la lumière de Dieu et en les surmontant par l’attrait de son amour. Couche après couche, déblayer l’abîme de nos peurs enfouies ; pas à pas, escalader la montagne de nos angoisses.

Si d’abord, la montagne qui nous enténèbre a pu nous paraître immense, le chemin vers Dieu tortueux et les remontées spirituelles parfois escarpées, nous voici donc à mi-parcours : aussi proches du sommet que du fond de l’abîme. Le rose liturgique de notre célébration traduit cet entre-deux, ce sentiment d’espérance qui surgit dans l’effort, quand ce qu’il reste à accomplir nous apparaît plus accessible que ce que nous avons déjà surmonté.

Du point de vue de Jean le Baptiste cependant, dans l’Évangile, la vie est un peu moins rose, c’est un peu moins la joie. Jean est en prison et personne ne doute qu’il sera bientôt exécuté. Nous l’avions laissé, la semaine passée, aux bords du Jourdain. Il croupit désormais dans les prisons d’Hérode, à la merci de sa vengeance. Pourquoi donc ce passage désespérément tragique au cœur d’une célébration de la joie en perspective ?

Le texte est touchant qui, de sa prison sans issue, fait dire à Jean le Baptiste tout son désir de la venue d’un sauveur – non pour lui-même, mais pour Israël ! Alors qu’il va bientôt mourir, ce n’est pas de la libération de ses entraves dont Jean s’inquiète ; c’est de la réalisation de tout l’engagement de sa vie : l’annonce de Celui qui doit bientôt venir tout sauver, l’envoyé de Dieu au sein des hommes, le Messie.

Jean savait que nous n’arrivons jamais seul à escalader la montagne de Dieu, que nos efforts toujours s’épuisent, que beaucoup s’essoufflent à mesure qu’ils gravissent et que certains renoncent hélas exténués. Dans tous nos efforts pour nous relever et nous élever, il vient toujours un moment qui nous voit tomber à court de souffle, un moment où nous atteignons la limite de nos possibilités, un moment d’ultime abandon. Il arrive pour tous, ce moment où nous constatons que ce n’est pas par nos propres efforts que nous atteindrons le ciel.

C’est ce moment que vit Jean le Baptiste dans sa cellule : un moment où le seul espoir qui subsiste est de trouver enfin la main tendue de Dieu, le Christ venu à notre rencontre pour nous sauver. « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? » C’est tout ce qui importe à Jean, alors que plus aucun pas ne lui est possible en ce monde : avoir enfin trouvé la présence incarnée de Dieu, le Messie, celui qui conduira nos corps épuisés à l’amour et à la paix éternels. C’est en cela que Jean le Baptiste est prophète : sa vie durant, il a annoncé la venue du Christ et, au fond du dépouillement, il le trouve enfin.

Dans toutes nos remontées du désespoir, il arrive un moment d’abandon, un entre-deux où nos efforts pour toujours repartir s’épuisent, où plus un pas n’est possible sans la main tendue de Dieu. Il arrive pour tous un moment final où seule la rencontre personnelle avec le Messie nous permet d’encore avancer, un moment où seule la joie de trouver enfin le secours divin est ce qui nous attire au ciel, malgré tout.

Le rose d’aujourd’hui est encore teinté de deuil, de souffrance et d’effort. La joie que nous célébrons n’est que celle d’une délivrance en vue. Seul Noël, notre rencontre personnelle avec l’humanité divine, viendra tout blanchir. Nous aurons alors atteint le sommet et l’exaltation d’une vie accomplie. Nous aurons vu Dieu venir à nous.

Réjouissez-vous déjà : dans l’effort pour nous élever vers Dieu, le Christ nous rejoint. Bientôt, il sera là.

Fr. Laurent Mathelot

Source : RESURGENCE.BE, le 10 décembre 2025

14.12.2025 – HOMÉLIE DU 3ÈME DIMANCHE DE L’AVENT – MATTHIEU 11 2-11

Soyez dans la joie…

Pistes pour l’homélie par l’Abbé Jean Compazieu


Textes bibliques : lire


Ce 3ème dimanche de l’Avent est celui de la joie. Si nous sommes dans la joie, c’est parce que le Seigneur est proche. Sa venue dans le monde est source d’espérance. Cette bonne nouvelle, nous la retrouvons tout au long des lectures bibliques de ce jour. Elles nous révèlent un Dieu qui nous délivre du mal. Ce Dieu a un amour de prédilection pour les pauvres, les petits, les exclus. Plus tard, Jésus nous dira qu’ils ont la première place dans son cœur.

Dans la première lecture, Isaïe nous révèle les merveilles du salut à venir. Il s’adresse à un peuple qui a beaucoup souffert. Après avoir passé quarante ans en exil sur une terre étrangère, ils vont pouvoir revenir chez eux. Ce retour est présenté comme un “ouragan de joie”. Dieu ne peut accepter la situation tragique des exilés, des prisonniers, des populations asservies. Il décide alors de changer les choses. Le texte biblique utilise le mot “vengeance”. Mais la vengeance de Dieu n’est pas de punir ni d’écraser. S’il intervient c’est d’abord pour guérir et sauver. En lisant ce texte biblique, nous découvrons qu’il est le prélude à une libération autrement plus importante. Par sa mort sur la croix, et sa résurrection, Jésus va ouvrir à l’humanité toute entière le chemin de la vraie vie. La terre et ses habitants seront transfigurés.

Dans la seconde lecture, saint Jacques nous parle de la venue glorieuse du Seigneur. Ce sera infiniment mieux que le retour d’Israël vers sa terre. Il s’agira de notre entrée définitive dans le monde de Dieu. Saint Jacques nous dit que ce n’est pas pour tout de suite. Il nous invite à la patience. Il nous montre l’exemple du cultivateur. Quand ce dernier a semé, il attend avec patience l’heure de la moisson. De même, c’est tout au long de notre vie que nous nous préparons à cette rencontre définitive avec lui.

Avec Jésus, nous assistons à la réalisation progressive des prophéties d’Isaïe. C’est cette bonne nouvelle qui est annoncée à Jean Baptiste. Ce dernier a été incarcéré car il gênait les autorités en place. Du fond de sa prison, il réfléchit. Il se pose beaucoup de questions sur Jésus. Ce qu’il entend dire de lui ne correspond pas à ce qu’il avait annoncé ; il profite d’un parloir pour demander à ses fidèles disciples d’aller lui poser la question la plus importante : “Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ?”

Emprisonné, Jean Baptiste l’est aussi dans son questionnement, dans ses doutes : “Après tout, est-ce que je ne me serais pas trompé ?” Venant de Jean Baptiste, cette question est terrible. Nous n’oublions pas ses débuts provocateurs, ses succès, ses déclarations très virulentes dans le désert et au bord du Jourdain : “Préparez le chemin du Seigneur… Il y a parmi vous quelqu’un que vous ne connaissez pas… Convertissez-vous… changez de vie…” C’était le temps de l’euphorie et de la certitude. Jésus accueille la question de Jean Baptiste avec beaucoup de sérénité. Il montre aux envoyés que les promesses des prophètes se réalisent : “Allez dire à Jean : les aveugles voient, les boiteux marchent, les malades sont guéris… et surtout, la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres.”

Comme Jean Baptiste, nous pouvons aussi être enfermés dans nos doutes, nos questions. Nous pouvons aussi nous enfoncer dans des certitudes qui ne sont pas la vérité de l’Évangile. Trop souvent, nous nous faisons une fausse idée de Jésus. Il sera toujours bien au-delà de tout ce que nous pourrons dire ou écrire de lui. Avec l’évangile de ce jour, nous comprenons que notre Dieu n’est pas un Dieu vengeur mais un Dieu qui relève et qui sauve. Les pauvres, les petits et les exclus ont la première place dans son cœur.

Et si nous voulons être en communion avec ce Jésus sauveur, nous devons nous ajuster à lui. Il nous envoie vers celui qui souffre, celui qui a faim, celui qui est isolé. A travers eux, c’est lui qui est là et qui nous attend. Nous avons besoin qu’il ouvre nos yeux, nos oreilles et surtout notre cœur à leur détresse. C’est avec Jésus que la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres. Si nous avons compris cela, ce dimanche sera vraiment celui de la joie.

En nous rassemblant pour l’Eucharistie, nous nous tournons vers Celui qui est à la source de notre joie. Nous te confions Seigneur ceux qui préparent “les fêtes qui approchent” dans une activité fébrile ou un certain désenchantement. Donne-leur de s’ouvrir au Salut qui vient, au vrai sens de Noël. AMEN

Abbé Jean Compazieu

Source : DIMANCHEPROCHAIN.ORG, le 7 décembre 2025