14.04.2024 – HOMÉLIE DU 3ÈME DIMANCHE DE PÂQUES – LUC 24,35-48

Touchez-moi, regardez

Par le Fr. Laurent Mathelot

A l’instar de Marie-Madeleine, nous pouvons voir la Résurrection comme le Christ nous appelant par notre prénom, assis sur la margelle de nos tombeaux vides. Il est là qui nous appelle au creux de tous nos deuils – deuils de nos proches, deuils de nous-mêmes – au creux de toutes les déchirures, souffrances et humiliations qui nous ont changés. La Résurrection ne se comprend intimement qu’à travers toutes nos résurrections. De quelles morts ai-je, comme le Christ, à force d’amour, déjà ressuscité ?

Nos corps dépérissent à force de chagrins ; ils se retissent à force d’amour. Les peines, les douleurs et même les maladies se surmontent plus facilement dans un corps pétri d’amour. Il y a toujours une joie d’aimer qui peut l’emporter sur la tristesse de dépérir. C’est par ce biais là – de l’amour qui déjà nous ressuscite – que nous pouvons mieux aborder la Résurrection du Christ et finalement, au-delà de la mort, la nôtre.

Le Christ ressuscité se présente à ses disciples comme une réalité concrète, en ce monde. Dans le passage que nous venons de lire de l’Évangile, il insiste sur sa présence réelle. Il n’est pas un esprit ; il mange. Il est là, en chair et en os, dit le texte, vivant parmi eux, avec son Corps crucifié.

« Voyez mes mains et mes pieds. Touchez-moi, regardez. »

On a souvent la vision de ce passage comme l’a représenté le Caravage dans le tableau intitulé L’incrédulité de saint Thomas, qui montre l’apôtre mettant physiquement son doigt dans la plaie latérale du Christ. Il y a quelque chose de l’auscultation médicale représentée dans cette œuvre. Mais il y a plus : la main crucifiée du Christ se saisit littéralement de la main de Thomas pour l’enfoncer dans la plaie de son flanc. « Touche mes plaies », concrètement, physiquement.

Ainsi, pour voir la résurrection de près, il s’agit de mettre le doigt sur la souffrance, guidé par la main du Christ. J’ose dire, de manière un peu forte, appuyer avec lui là où ça fait mal.

Nous sommes l’Église ; nous disons que nous sommes le corps du Christ. C’est nous qui, avec lui, ressuscitons. Comment mieux toucher ses plaies autrement qu’en touchant nos propres plaies, puisqu’il a dit porter nos souffrances ? C’est au creux de nos propres blessures que nous pouvons le mieux nous rendre compte de ce qu’est la Résurrection. Le Christ nous dit tes plaies sont mes plaies ; ta crucifixion est ma crucifixion ; touche en toi mes plaies.

C’est spirituellement difficile – ce n’est jamais agréable de se pencher sur ses souffrances – mais c’est inéluctable. Le Christianisme n’est pas une religion qui nous permet d’échapper à la souffrance, qui pourrait nous anesthésier la douleur – on retrouverait-là la notion d’opium du peuple. Le Christianisme nous permet de transcender la souffrance, de la vivre et d’aller au-delà, pas d’y échapper.

Au contraire, il s’agit de toucher ses propres plaies, d’y faire face au lieu de s’en détourner et d’y voir les plaies du Christ : tu es désespéré : le Christ a eu l’âme triste à en mourir ; tu es méprisé : le Christ a été humilié ; tu es crucifié par la douleur : le Christ a enduré la croix. Toutes nos souffrances trouvent un écho dans celles du Christ. Et ce n’est qu’en touchant nos plaies comme ses propres plaies, en y trouvant malgré la douleur encore la force d’aimer, que nous verrons en effet surgir la Résurrection.

C’est dans ce difficile exercice spirituel qui consiste à raviver nos souffrances pour mieux saisir la puissance de l’amour qui les a portées, à les toucher à nouveau pour en mesurer la guérison alors que nous voudrions plutôt les fuir ou les enfouir, c’est dans la relecture – j’ose dire presqu’à vif – de toutes nos épreuves que nous mesurons la puissance vitale de l’amour qui nous traverse, que nous trouvons la force de faire face à nos douleurs actuelles et que nous puisons l’espérance de pouvoir endurer toutes les morts à venir.

Le Christ dit : Touche en moi tes plaies. Tes plaies sont mes plaies. Tes chagrins sont mes chagrins. Ta douleur est ma douleur. Ton humiliation est mon humiliation. Touche mes plaies en touchant tes plaies. Alors tu verras combien, depuis toujours, c’est ensemble et par amour, que nous ressuscitons.

Fr. Laurent Mathelot OP

Source : RÉSURGENCE.BE, le 10 avril 2024

14.04.2024 – HOMÉLIE DU 3ÈME DIMANCHE DE PÂQUES – LUC 24,35-48

Appelés pour témoigner

Pistes pour l’homélie par l’Abbé Jean Compazieu


Textes bibliques : Lire


Ce dimanche pourrait être appelé le “dimanche du témoignage”. Le livre des Actes des apôtres (1ère lecture) nous rapporte le discours de Pierre : il y témoigne de ce qu’il a vu. Il vient de guérir un homme paralysé qui mendiait à la porte du temple. Il s’adresse à la foule stupéfaite à cause de ce qui vient de se passer. Il leur explique que ce n’est pas par ses propres forces qu’il a pu opérer cette guérison. C’est Jésus mort et ressuscité qui en est le principal acteur. Ce Jésus qu’ils ont renié est ressuscité. Pierre et ses amis en sont témoins. La première urgence c’est que chacun se convertisse et se tourne vers Dieu.

C’est aussi cet appel que nous adresse saint Jean dans la 2ème lecture : “Je vous écris pour que vous évitiez le péché.” C’est donc un appel à ne pas nous détourner de l’amour de Dieu et de nos frères. “Mais si l’un de vous vient à pécher, nous avons un défenseur devant le Père, Jésus le Juste.” Dans son Évangile, saint Jean rappelle que Jésus avait promis à ses apôtres de leur envoyer “un autre défenseur” (Jn 14, 16). Pourquoi un autre défenseur ? Parce que Jésus est notre premier défenseur auprès du Père, notre premier avocat ; l’Esprit Saint est notre défenseur parce qu’il nous conduit à plénitude d’une telle vérité. Voilà une bonne nouvelle de la plus haute importance. Il nous faut tout faire pour qu’elle soit proclamée partout dans le monde. Le Christ ressuscité n’a jamais cessé de vouloir ramener tous les hommes à Dieu.

L’Évangile nous montre comment Jésus rejoint les siens au moment où ils parlent de lui. C’est ce qui s’est passé avec les disciples d’Emmaüs. Saint Luc nous dit qu’après l’avoir reconnu à la fraction du pain, ils sont repartis à Jérusalem pour annoncer la bonne nouvelle aux disciples : c’est là que Jésus les rejoint ; il est là au milieu d’eux. Il se fait reconnaître. Non ce n’est pas un esprit. Il est celui-là même qui a subit la Passion. Ses mains et ses pieds en gardent la trace. C’est bien le Crucifié qui est revenu à la vie. Il leur fait constater qu’il est vraiment ressuscité. Il est avec eux pour toujours.

Cette rencontre extraordinaire a été un bouleversement pour les apôtres. Avec amour et patience, Jésus leur explique tout ce qui était écrit dans la loi de Moïse, les prophètes et les psaumes. Et c’est ce qu’il continue à faire le dimanche : quand nous nous rassemblons à l’église, il est là bien présent au milieu de nous. Il vient raviver notre foi ; il nous nourrit de sa Parole et de son Corps. Puis il nous envoie en mission pour témoigner de la foi qui nous anime. Ce qui nous est demandé, ce n’est pas de rester entre chrétiens à l’intérieur de l’Église. Notre témoignage doit rejoindre tous les hommes, en particulier ceux qui sont dans les “périphéries”, ceux qui ne connaissent pas le Christ, ceux qui n’ont pas célébré Pâques.

Annoncer l’Évangile, ce n’est pas seulement proclamer des formules. Nous ne pouvons pas nous contenter de belles paroles. Jésus ne nous a pas envoyés pour cela. Le plus important c’est de tout faire pour que ces paroles se traduisent en actes dans nos vies. Il faut que nous soyons de plus en plus ajustés à cet amour qui est en Dieu. En y regardant de près, nous reconnaissons que nous sommes loin du compte. Mais le Seigneur n’a jamais cessé de nous aimer. S’il nous offre don pardon, c’est pour que nous puissions devenir de vrais témoins de la foi.

Pour être de vrais messagers du Christ, nous avons besoin d’être complètement imprégnés et habités par sa présence. C’est SA lumière, SON amour que nous avons à communiquer au monde d’aujourd’hui. Si nous ne prenons pas le temps de l’accueillir dans notre vie, rien ne se passera. Nous serons comme le sel affadi qui n’est plus bon à rien. L’Évangile de ce dimanche nous rappelle que les disciples d’Emmaüs ont vécu deux moments importants : l’accueil de la Parole (Moïse et les prophètes), puis la Fraction du Pain (C’est le nom qui était donné à l’Eucharistie). C’est là que nous sommes invités à puiser en vue de la mission que le Seigneur nous confie.

Lire les Écritures, prier les psaumes, prendre le temps d’approfondir sa foi, c’est entrer dans le plan de Dieu. C’est se préparer à recevoir le Christ. Dans certains pays, les chrétiens sont obligés de se cacher pour lire la Bible. À travers l’histoire, certains ont voulu la détruire en la brûlant, d’autres entraient dans les maisons pour la confisquer et la détruire. Mais dans sa fidélité Dieu veillait sur sa Parole de sorte que nous l’avons encore aujourd’hui ! Profitons de cette chance qui nous est offerte ; le pape François nous dit que “La joie de l’Évangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus. Ceux qui se laissent sauver par lui sont libérés du péché, de la tristesse, du vide intérieur, de l’isolement. Avec Jésus Christ la joie naît et renaît toujours.”

Nous te prions, Seigneur, ouvre-nous à cette joie de l’Évangile. Que ta Parole soit notre nourriture et notre trésor chaque jour. A qui irions-nous, Seigneur, tu as les paroles de la Vie éternelle.

Abbé Jean Compazieu

Source : DIMANCHEPROCHAIN.ORG, le 7 avril 2024