15.06.2025 – HOMÉLIE DU DIMANCHE DE LA LA FÊTE DE LA SAINTE TRINITÉ – JEAN 16, 12-15

L’Esprit entre nous

Homélie par le Fr. Laurent Mathelot

Les couples qui s’aiment savent que former un couple, c’est bien plus que faire 1 + 1. Le couple c’est plus que « toi + moi », c’est « toi + moi, avec un cœur autours », qui symbolise l’esprit d’amour entre nous. Former un couple, c’est bien plus que sommer deux individualités, c’est créer une réalité nouvelle, qui prend corps, qui croît et qui donne du fruit. Le couple est en soi bien plus que les deux personnes qui le forment, il a une réalité propre, une existence propre. Ce qui forme un couple, c’est deux personnes qui fondent d’amour en un seul corps tout en préservant la personnalité de chacun. Et c’est cette nouvelle réalité qui engendre du fruit. Le couple, c’est l’amour qui prend corps.

C’est la même chose avec Dieu. Le couple que Dieu veut former avec moi est bien plus que Lui et moi – Dieu d’une part et moi de l’autre – le couple que Dieu veut former avec moi, c’est certes Dieu et moi, mais c’est aussi la réalité de l’Esprit d’amour entre nous.

Nous pourrions ainsi décliner les exemples, une relation parent-enfant, c’est bien plus qu’un parent + un enfant, c’est avant tout la réalité de l’esprit d’amour entre eux ; de même les amis, les fraternités d’âmes, ce qui les caractérise, ce n’est pas leur somme, mais le concret de l’esprit qui les unit.

A mesure que j’aime mon époux, mon épouse, mon enfant, mon ami, mon frère, ma sœur, à mesure que grandit l’amour entre nous, la relation se personnalise, se concrétise. Elle prend corps ; elle devient un être en soi. « Regarde quel beau couple, ils forment » ; « Vois le bel esprit entre ces deux-là ». Les amitiés, les histoires d’amour sont des états spirituels qui prennent corps, qui naissent, qui vivent, qui grandissent, qui fructifient et qui, parfois hélas, meurent.

Dans le même ordre d’idée, ne parle-t-on pas de corps médical, de corps d’armée pour parler de la réalité concrète de l’esprit d’une corporation ? Enfin l’Église elle-même, qu’un lien spirituel unit, ne se conçoit-elle pas comme le corps du Christ ? Nous professons que les esprits – bons ou mauvais, divins ou diaboliques – prennent corps, nous sommes une religion de l’incarnation. Et les esprits, à mesure qu’ils s’incarnent, changent la réalité, jusqu’à engendrer une réalité nouvelle.

Ainsi, on peut mieux comprendre la Trinité. C’est Jésus, son Père et la réalité de l’Esprit d’amour entre eux. L’amour entre le Père et le Fils, c’est l’Esprit qui prend corps. Comme nous l’avons dit du couple, deux personnes dont l’amour constitue une réalité propre, caractérisée par son esprit, tout en préservant cependant la personnalité de chacun. Comme le couple est formé de deux êtres et de la réalité de l’amour entre eux, nous concevons la divinité formée d’un Père et de son Fils et de la réalité de l’Esprit d’amour entre eux.

Spirituellement, ceci nous invite à concevoir toutes nos relations sur un modèle trinitaire : toi, moi et la réalité de l’esprit d’amour entre nous. Pas simplement toi et moi comme deux individualités qui se côtoient ; chacun de nous, bien sûr, mais aussi la manière dont notre amour s’incarne, se concrétise, existe en tant que tel. Voilà ce qui définit nos relations : deux êtres et la réalité de l’esprit entre eux.

Notre regard s’en trouve tout de suite déployé. Aimer ce n’est pas seulement mon sentiment amoureux. Aimer, ce n’est pas seulement l’être que j’aime. Aimer, ce n’est n’est pas seulement toi et moi côte à côte. Aimer, c’est certes deux êtres qui partagent des sentiments l’un pour l’autre, mais c’est aussi la réalité de cet esprit d’amour, ce qu’il engendre et qui lui est propre.

Ainsi, si ma relation avec Dieu c’est aussi la réalité de l’Esprit d’amour entre nous, ceci me force à l’examen de conscience : quel est le concret de mon amour envers Dieu ? Quels sont les fruits de cet amour ? Qu’engendre-t-il qui lui est propre ?

La vision trinitaire de nos relations, qui penche son regard sur la réalité concrète de l’esprit qui les anime, la beauté des fruits qu’il engendre, l’élan vital qu’il suscite, nous pousse à la croissance spirituelle et donc à rechercher le règne de l’Esprit Saint entre nous.

Ainsi aimer, c’est désirer voir l’Esprit Saint s’incarner dans toutes nos relations. Certes je t’aime et tu m’aimes mais, au-delà de tout, je souhaite que l’esprit d’amour entre nous soit divin.

Fais Seigneur, que dans toutes nos relations, ce soit ton Esprit Saint, la réalité de ton amour, qui s’incarne. Amen.

Fr. Laurent Mathelot OP

Source : RÉSURGENCE.BE, le 11 juin 2025

15.06.2025 – HOMÉLIE DU DIMANCHE DE LA SOLENNITÉ DE LA SAINT TRINITÉ – JEAN 16,12-15

Avec le Christ ressuscité, éveillons-nous à sa communion avec le Père par l’Esprit

Pistes pour l’homélie par le Père Jean Compazieu

En ce dimanche, nous sommes tous invités à la joie. Notre Dieu trois fois saint veut nous faire partager sa sainteté. Elle est offerte à tous, même aux pauvres pécheurs que nous sommes. Notre Dieu nous aime tous au point de nous faire partager sa vie. C’est cette bonne nouvelle que nous trouvons dans les textes bibliques de ce jour.

La première lecture est extraite du livre des proverbes. Lorsqu’il contemplait l’univers, l’homme de l’Antiquité était en admiration de sa beauté grandiose et de son harmonie. Il y voyait la marque de la sagesse de Dieu et de son habileté. C’est cette sagesse de Dieu qui présida à la création du monde. Mais ce qui est encore plus extraordinaire c’est qu’elle reste à l’œuvre tout au long de l’histoire des hommes. La Bible nous révèle Dieu qui s’est lié d’amitié avec le peuple qu’il s’est choisi. En lisant ce texte d’aujourd’hui, nous découvrons le lien d’amour qui unit le Créateur à ses créatures. Cet engagement de Dieu pour les hommes s’est accompli totalement en Jésus. C’est en lui que s’accomplit le salut de l’humanité.

En lisant ce récit, nous comprenons que le vrai Dieu n’est pas celui qui nous surveille pour nous prendre en défaut. Il est au contraire un Dieu passionné par le bonheur des hommes. Il veut leur réussite. Dieu nous aime et veille sur nous par sagesse. Tout au long de notre vie, nous sommes invités à nous mettre à l’écoute de ce Dieu amour. C’est une école où nous n’aurons jamais fini d’apprendre.

Dans la seconde lecture, saint Paul nous invite à faire un pas de plus. Il déploie sereinement sa foi qui s’enracine dans sa rencontre avec le Christ ressuscité. C’est en lui que nous trouvons la véritable paix. Il ne s’agit pas seulement d’une sérénité humaine ni d’une absence de conflit. Le plus important c’est la certitude d’être aimé de Dieu. Son amour était indéfectible. Même dans les plus grandes détresses, rien ne saurait nous ébranler. Cette assurance ne s’appuie pas sur des mots mais sur les gestes d’amour de Dieu à votre égard : le Christ s’est livré, il a versé son sang « pour nous et pour la multitude ». Par sa mort et sa résurrection, il nous ouvre l’accès au cœur de Dieu. Il nous donne son Esprit comme langage de l’amour du Père. Même en période de détresse, l’espérance ne trompe pas.

L’Évangile nous révèle un Dieu qui s’est fait proche de nous. Il ne se contente pas de nous donner des renseignements sur ce qu’il est. Il est venu à notre rencontre par son Fils Jésus. Il a pris notre condition humaine en toutes choses à l’exception du péché.

Quand nous lisons les Évangiles, nous découvrons que Jésus est attiré par celui qu’il appelle son Père. Il se retire souvent dans la montagne pour le prier longuement. Au jardin de Gethsémani, sa prière sera : “Père, non pas ma volonté mais la tienne !” Un autre jour, il avait dit : “ma nourriture c’est de faire la volonté du Père.” C’est ainsi que toute la vie de Jésus est remplie de son amour pour le Père. C’est là qu’il trouve son vrai bonheur. C’est progressivement que les apôtres entrent dans cette révélation.

Mais Jésus sait que, pour eux, c’est difficile à porter. Il promet l’Esprit de vérité qui les conduira « vers la vérité tout entière ». Une grande mission les attend. Mais ils n’ont pas à être angoissés de ne pas avoir tout compris de ce que Jésus leur a enseigné. L’Esprit de Dieu les accompagnera. Il leur fera se rappeler les paroles de Jésus. Ils vivront des situations nouvelles. Mais l’Esprit Saint les ancrera dans le Christ. Rien ne pourra les séparer de son amour.

C’est ainsi que Jésus nous révèle un Dieu qui est Père, Fils et Saint Esprit, un Dieu qui est amour, un Dieu qui veut le salut de tous les hommes. Un jour, Bernadette de lourdes avait du mal à réciter une définition de Dieu apprise par cœur. Comme elle n’y arrivait pas, elle a dit : “Dieu c’est quelqu’un qui nous aime.” Cette réponse n’était pas celle qu’attendait la catéchiste, et pourtant c’était la meilleure. Notre Dieu c’est vraiment quelqu’un qui nous aime. Il s’est révélé comme un Dieu aimant et Sauveur.

Le plus important n’est pas de donner des savantes explications sur la Trinité mais d’accueillir l’amour qui est en Dieu Père, Fils et Saint Esprit. Cet amour que nous recevons de lui nous avons à le rayonner autour de nous. Nous sommes envoyés pour en être les messagers dans ce monde qui en a bien besoin. C’est en vue de cette mission que Jésus nous envoie son Esprit Saint pour qu’ils nous conduisent vers la vérité tout entière. Il nous faut être rempli de cet amour qui est en Dieu pour pouvoir le communiquer aux autres. Tout commence par un temps où nous venons puiser à la Source dans la prière, l’écoute de la parole de Dieu et surtout l’Eucharistie. C’est à ce prix que nous pourrons être l’Église de la Pentecôte.

Que ton Esprit, seigneur, soit sur nous pour accueillir cet amour qui vient de toi. Qu’il nous donne force et courage pour en être les messagers tout au long de notre vie.

Abbé Jean Compazieu

Source : DIMANCHEPROCHAIN.ORG, le 8 juin 2025

19.05.2024 – HOMÉLIE DE LA SOLENNITÉ DE PENTECÔTE – JEAN 15, 26-27 ; 16, 12-15

L’Esprit des mots qui embrasent

Par le Fr. Laurent Mathelot

Il y a des mots qui tuent et il y a des mots qui vivifient. Il y a des mots qui crucifient et il y a des mots qui ressuscitent. Il y a des mots qui blessent et il y a des mots qui guérissent. Il y a des mots poisons et il y a des mots médicaments.

J’ai rencontré des personnes détruites par des mots méprisants, par le manque de considération d’un proche, d’un parent – détruites d’avoir été rabaissées, voire humiliées par des paroles. A l’inverse, nous mesurons tous combien les encouragements, les mots bienveillants, les gestes tendres et les regards aimants nous portent. Il y des gens qu’un regard dévalorisant d’une mère ou d’un père ont brisés. Il y a des gens auxquels un « je t’aime » a rendu vie.

Dieu ne fait que ça : dire « Je t’aime ». « Tu as du prix à mes yeux, tu comptes beaucoup pour moi et je t’aime » nous dit-il dans le Livre du prophète Isaïe (43, 4). Vivre de la plénitude de l’Esprit Saint, c’est vivre embrasé de cet amour divin. Vous le savez, la culture juive aime évoquer des images concrètes pour décrire les réalités spirituelles. Les langues de feu dont nous parle le Livre des actes (2, 3) sont cette image concrète de ce qui se passe effectivement en eux : ils ont le cœur, le corps et l’esprit embrasés d’amour pour Dieu comme le sont les amoureux.

Au-delà du coté passionnel de l’amour divin – et j’encourage tout le monde à ne jamais fermer la porte à la possibilité personnelle d’élans mystiques – au-delà du coté ‟cœur embrasé pour Dieu”, notre amour est aussi un amour raisonné et Paul nous le rappelle.

Sans doute s’en trouvera-t-il pour lever les yeux au ciel, lassés de l’entendre nous redire que « les tendances de la chair s’opposent à l’Esprit, et les tendances de l’Esprit s’opposent à la chair » : « inconduite, impureté, débauche, idolâtrie, sorcellerie, haines, rivalité, jalousie, emportements, intrigues, divisions, sectarisme, envie, beuveries, orgies et autres choses du même genre. » … Et il faut reconnaître que, sur ces mots de Paul, l’Église a trop longtemps opposé le corps et l’esprit, dans un dualisme qui n’est finalement pas chrétien. C’est en effet corps et âme que nous serons sauvés !

Il reste que nous sommes appelés à la liberté et non à être esclaves de nos passions, ni de nos sentiments. Le chrétien, précisément du fait que sa religion est celle de l’amour, est celui qui gouverne ses passions, qui maîtrise spirituellement ses sentiments. La liberté est à ce prix. Si mon corps est là pour m’informer des désirs qui me traversent, c’est mon esprit qui décide. Ce ne sont pas mes sentiments qui me gouvernent. C’est moi qui, avec l’aide de l’Esprit Saint, veille à gouverner mes sentiments jusqu’au plus intime de mes passions. Avant d’être le moraliste que certains déplorent, Paul est ici avant tout l’ardent défenseur de notre liberté la plus intime.

Quand enfin, dans l’Évangile, le Christ nous dit que « l’Esprit (…) rendra témoignage en (sa) faveur », c’est exactement ce qu’il signifie : depuis la Pentecôte, nous sommes munis de son Esprit, le seul capable de gouverner jusqu’au bout les passions. Il faut en effet une force d’esprit considérable pour ne pas se laisser emporter par la peur et la haine de ceux qui vous crucifient. C’est à mesure que nous nous laissons gagner par cet Esprit Saint qui maintient divinement l’amour en toutes circonstances, que nous réaliserons en nous l’incarnation divine, que nous comprendrons intimement, personnellement – dans la chair – qui est le Christ. Voilà comment l’Esprit rend concrètement témoignage. « Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans la vérité tout entière. » « L’Esprit reçoit ce qui vient de moi pour vous le faire connaître. »

La Pentecôte c’est la célébration de la totale liberté d’esprit sur les sentiments, les désirs et les passions qui nous traversent. Non pas la négation ou le refoulement de ces désirs, mais leur maîtrise spirituelle. Cette totale liberté d’esprit s’obtient à mesure que nous laissons l’Esprit Saint, Esprit d’amour entre le Fils et le Père, s’incarner en nous.

La très belle séquence que nous venons de chanter – le Veni creator – est la prière par excellence pour cet accomplissement : Viens Esprit Saint rejoindre mes peurs, mes colères, mes désirs désordonnés, mes troublantes envies, les divisions de mon cœur. Viens Esprit Saint quand je désespère, quand je sombre, quand je me laisse aller à ce qui m’enferme et m’emprisonne. Viens Esprit Saint rejoindre tous mes sentiments blessés, tout mon amour meurtri.

Viens Esprit Saint me rendre comme le Christ, toujours libre d’aimer.

Source : RÉSURGENCE.BE, le 15 mai 2024

Fr. Laurent Mathelot OP

19.05.2024 – SOLENNITÉ DE LA PENTECÔTE – ÉVANGILE SELON JEAN 15,26-27.16,12-15

Le don de l’Esprit Saint

Pistes pour l’homélie par l’Abbé Jean Compazieu


Lectures bibliques : Lire


En ce jour de la Pentecôte, nous célébrons avec tous les chrétiens du monde entier le don de l’Esprit Saint aux apôtres puis à toute l’Église. L’Évangile nous rappelle que la veille de sa mort, Jésus avait rassemblé les Douze. Il venait de leur annoncer qu’il allait les quitter ; mais il restera présent d’une autre manière et surtout, il leur enverra l’Esprit Saint. “Quand il viendra l’Esprit de Vérité, il vous guidera vers la Vérité toute entière”.

Cette Vérité, c’est Jésus lui-même : C’est ce que nous lisons dans un de ses dialogues avec les disciples : “Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie, personne ne va au Père sans passer par moi.” Aller vers la Vérité, faire la Vérité, c’est aller à Jésus, c’est accueillir l’amour qui est en Dieu et nous laisser envahir par lui. C’est ce qui s’est passé au jour de la Pentecôte. Saint Luc nous parle d’un bruit pareil à celui d’un violent coup de vent. Les apôtres virent apparaître comme une sorte de feu qui se partageait en langues et qui se déposa sur chacun d’eux. Ils furent remplis de l’Esprit Saint. C’est comme un cyclone qui s’engouffre dans la maison et qui les pousse à sortir et à aller au devant des foules.

Et là, c’est un changement extraordinaire. Pierre ne mâche pas ses mots. Lui qui, 50 jours plus tôt avait renié Jésus parce qu’il avait peur, se met à faire un discours stupéfiant : “Ce Jésus que vous avez fait mourir sur la croix, Dieu l’a ressuscité… Et maintenant, il a répandu son Esprit dans le monde.” Et parmi tous ces gens qui écoutent Pierre, il y a ceux-là même qui ont réclamé la mort de Jésus. Mais là les apôtres n’ont plus peur. Désormais, rien ne peut les arrêter. Cette Bonne Nouvelle qu’ils annoncent, c’est comme un feu qui doit être répandu dans le monde entier.

Et depuis la première Pentecôte, l’Esprit Saint agit dans l’Église pour la guider “vers la vérité tout entière”. Bien sûr, il ne faut pas croire que tout ce qui a été fait dans l’Église l’a été sous l’impulsion de l’Esprit Saint. Il y a eu des divisions entre disciples du Christ, des massacres, des abus et même des scandales. Ces derniers temps, les médias nous ont rappelé des événements très douloureux. Le pape Jean-Paul II avait compris qu’il fallait demander pardon. Nous-mêmes, nous pouvons faire notre examen de conscience. Nous reconnaissons nos divisions, nos égoïsmes, toutes ces faiblesses qui ont toujours tendance à reprendre le dessus. Mais le Seigneur ne nous abandonne pas. Il continue à nous envoyer son Esprit Saint pour nous embraser de cet amour qui est en Dieu.

“Le Paraclet, l’Esprit Saint que le Père vous enverra en mon nom vous enseignera et vous rappellera tout ce que je vous ai dit.” Comprenons bien, l’Évangile n’est pas un texte qu’il nous suffirait de répéter comme si le sens en était donné une fois pour toutes. Tout au long des siècles, le monde a beaucoup changé. Actuellement, il est marqué par les progrès de la technique et de la science. Mais en même temps, il vit des drames très douloureux à cause de la crise, du chômage, de la pauvreté. Les plus faibles y sont victimes de la violence et des injustices de toutes sortes.

C’est là que l’Esprit Saint intervient. Il résonne à chaque étape de notre histoire avec une perpétuelle nouveauté. C’est à sa Lumière que nous découvrons la Bible un peu comme une boussole qui nous montre la direction à prendre. Dans le contexte actuel, il vient nous rappeler que ce qui est premier ce n’est pas l’argent mais la personne. Ce qui fait la valeur d’une vie, ce n’est pas le rendement mais l’amour de tous les jours pour tous ceux et celles qui nous entourent. C’est ainsi qu’il nous remet en mémoire le grand commandement du Christ : “Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés”… “Tout ce que vous aurez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’aurez fait…” C’est ainsi que l’Église est appelée à avancer sous la conduite de l’Esprit qui lui inspire les exigences de la fidélité inventive.

Dans le récit de saint Luc, l’Esprit est comparé au vent. C’est une manière de dire qu’il est comme une énergie qui nous fait avancer et qui, à l’occasion, nous bouscule. Depuis 2000 ans, l’Église en a connu des tempêtes. Mais l’Esprit Saint n’a jamais cessé de souffler dans ses voiles. L’Église d’aujourd’hui a besoin de cette force pour reconstruire son unité. Sans lui, elle serait bien incapable d’évangéliser ce monde où les hommes ont tant de mal à se comprendre et à vivre la solidarité.

C’est avec l’Esprit Saint que nous pourrons retrouver et proposer les valeurs de l’Evangile à tous les hommes et femmes qui vivent sans perspective d’avenir. Dans une de ses lettres, saint Paul nous invite à marcher “sous l’impulsion de l’Esprit”. N’hésitons pas à lui demander son aide dans les décisions et les choix que nous avons à faire. Qu’il nous aide à retrouver la bonne route dans le maquis des sollicitations du monde actuel. Si la Pentecôte est une si grande fête, c’est parce qu’elle est l’exaltation du courage, de la vérité et de la joie. La seule vraie dévotion que nous pouvons avoir à l’égard de l’Esprit Saint c’est de lui dire “VIENS !”

En ce jour, nous rendons grâce au Seigneur pour ce don de l’Esprit qu’il renouvelle à chaque célébration Eucharistique. Ouvrons nos esprits et nos cœurs à son souffle afin de mieux comprendre le message de Jésus, afin de mieux aimer nos frères et de leur annoncer l’Évangile avec un zèle que rien ne saurait intimider. Amen.

Abbé Jean Compazieu

Source : DIMANCHEPROCHAIN.ORG, le 12 mai 2024

19.02.2024 – HOMÉLIE DU 1ER DIMANCHE DE CARÊME – MARC 1,12-15

Libres d’errer

Par le Fr. Laurent Mathelot

Vous connaissez sans doute l’importance symbolique des nombres dans la Bible. 40 est le chiffre qui parcourt les lectures d’aujourd’hui : 40 jours de déluge, 40 jours de Jésus au désert, 40 jours de Carême.

On trouve ailleurs d’autres mentions symboliques du nombre 40 : Moise, comme Jésus, se retire 40 jours sur la montagne pour jeûner ; le prophète Élie monte également vers l’Horeb, la montagne de Dieu, au terme d’une marche de 40 jours et 40 nuits ; bien sûr, l’Exode, les 40 ans d’errance du peuple libéré d’Égypte dans le désert avant d’entrer en Terre promise ; mais aussi les rois David et Salomon qui règnent tous deux 40 ans ; enfin, c’est 40 jours après la Résurrection que Jésus monte vers le Père.

Dans la tradition juive, quarante ans c’est le temps qu’il faut pour façonner un homme selon le cœur de Dieu, le temps de la maturation du disciple. On retrouve le Carême, qui est aussi un temps de maturation, de formation des disciples à la joie de Pâques.

Alors, quelles grandes lignes dégager de ces événements que le chiffre quarante rapproche ?

Le déluge est survenu, comme le dit le Livre de la Genèse, parce que « toutes les pensées du cœur de l’homme se portaient uniquement vers le mal à longueur de journée » (Gn 6, 5-8). Dieu, nous dit le texte, se repend d’avoir crée le vivant et fait de la Terre un désert maritime où erre seule, sans but, pendant quarante jours, l’arche de Noé. Vous connaissez la suite, une colombe lui apportera la promesse d’une terre émergée – d’une Terre promise et ainsi, d’une vie nouvelle.

On voit déjà se dessiner un thème que l’on retrouve dans l’Exode. Dieu a libéré son peuple de l’esclavage de l’Égypte et maintenant il erre dans le désert. Un peu comme si, à l’instar de Noé, une fois sauvé par Dieu, il devait y avoir une certaine errance ; comme si, une fois qu’on est libéré par Dieu, il y avait nécessairement une période de tâtonnement, de flou, où l’objectif, la finalité n’apparaissent pas clairement, un peu comme quand on sort de l’obscurité vers la lumière éclatante et qu’on écarquille les yeux.

De même, pendant les quarante jours qui séparent la mort de Jésus de son Ascension, les disciples ont une impression très floue de ses apparitions, comme si ce temps d’errance était nécessaire pour qu’ils comprennent de ce qui se joue sous leurs yeux.

Quarante est clairement le nombre qui symbolise le temps où l’humanité erre après avoir été libérée par Dieu – libérée du Déluge, libérée d’Égypte, libérée à Pâque de la mort.

Et au fond, toute liberté n’est-elle d’abord et avant tout une liberté d’errance ? L’exercice d’une liberté commence par la liberté d’errer, quitte à se tromper. C’est précisément ça être libre : pouvoir dans une certaine mesure se perdre, errer.

Et quand Pierre, dans la seconde lecture, rapproche notre baptême du déluge, ne rend-il pas compte justement de la liberté des enfants de Dieu ? Ne sommes-nous pas nous-mêmes dans un temps d’errance entre la libération, le salut reçu à notre baptême, et la place qui nous est finalement réservée auprès de Dieu ? Effectivement, nous sommes dans cet état : déjà sauvés et pourtant en train d’encore errer et de parfois nous tromper.

Alors pourquoi Jésus va-t-il au désert ? Faut-il qu’il y subisse une épreuve ? Dieu veut-il le tester ? Est-il lui aussi en train d’errer entre le bien et le mal ?

On est juste après son baptême. Dieu vient à peine de dire « Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie » – qui sont précisément les paroles qui, aux yeux des hommes, scellent en lui l’alliance entre la divinité et l’humanité. On pourrait dire qu’à son baptême, ceux qui l’entourent comprennent que Jésus est divin. Dans la tentation au désert, c’est l’inverse : la divinité comprend pleinement l’humain. En Jésus, Dieu se fait homme jusqu’à la tentation.

Et évidement c’est pour nous une libération. La tentation, c’est la part ultime d’humanité que la divinité accepte, justement pour nous soyons libres, totalement libres. Être tenté, ce n’est donc pas pécher, c’est au contraire envisager la plénitude de la liberté que Dieu nous donne, y compris la liberté de nous tromper. Il n’y a pas un Dieu pour nous punir de nos errances. Au contraire, il y a un Dieu qui pardonne chaque faux pas que nous reconnaissons. Précisément parce qu’il nous veut libres.

Ce qui ne veut pas dire que nous puissions faire n’importe quoi : « tout m’est permis, dira Paul, mais tout ne convient pas » (1 Co 6, 12 et 10, 23).

Le carême est précisément le travail de la tentation ; par le jeûne et l’abstinence, par certaines privations, il est un apprentissage à être tenté et à cependant maintenir un cap que l’on s’est donné.

Il est normal et tout à fait juste d’être tenté par de la nourriture quand on a faim. En organisant cependant un jeûne, nous travaillons ce sentiment de tentation, de la faim qui nous titille, d’une certaine errance entre tenir bon ou céder. Et finalement, dans cette errance, nous faisons l’exercice concret de notre fondamentale liberté.

Nous n’avons pas à avoir peur des tentations, elles sont le reflet de la liberté que Dieu nos donne. Nous n’avons pas à en avoir peur, mais nous avons à les maîtriser, les dominer pour précisément rester libres. Et c’est à ça que nous entraîne le Carême.

Fr. Laurent Mathelot OP

Source : RÉSURGENCE.BE, le 14 février 2024

19.02.2024 – HOMÉLIE DU 1ER DIMANCHE DE CARÊME – MARC 1,12-15

Peuple de l’alliance


Pistes pour l’homélie par l’Abbé Jean Compazieu


Textes bibliques : Lire


Nous voici entrés dans le temps du Carême. Nous avons quarante jours pour nous préparer à la grande fête de Pâques. Le carême n’est pas d’abord un temps de pénitence et de privation. Bien au contraire, c’est un temps pour choisir la meilleure part. Il s’agit de rejeter la pacotille et de choisir le seul vrai trésor. Le Carême est un temps de conversion, un temps pour revenir à Dieu et lui redonner toute sa place dans notre vie. Nos appareils, nos voitures ont besoin d’une maintenance, d’une mise à jour. Il en est de même pour notre foi. Comme toute relation d’amour et d’amitié, elle a besoin d’entretien.

Les lectures bibliques de ce dimanche nous révèlent un Dieu qui fait alliance avec l’humanité ; c’est ce message que nous avons entendu dans la 1ère lecture (Livre de la Genèse). Nous y avons retrouvé l’histoire de Noé qui a échappé au déluge. Ce récit nous parle de Dieu qui a établi son alliance avec tous les hommes et tous les êtres vivants qui sont avec eux. Cette alliance est inaltérable. C’est Dieu qui en a l’initiative ; il le fait sans condition, par pure gratuité. Il promet une fidélité indéfectible à ses alliés humains, même s’ils sont infidèles.

Comme signe de cette alliance, Dieu donne à Noé le signe de l’arc en ciel. Vivre le Carême c’est vivre sous cet arc qui nous mènera jusqu’à Pâques. Notre Dieu sera toujours là pour nous accompagner, pour nous prendre par la main et marcher avec nous. Il nous aide à discerner ce qu’il y a de positif dans nos vies, même si nous vivons des situations de trahison. Jamais il ne nous fermera les bras. Nous pouvons toujours compter sur son amour.

Dans sa lettre, l’apôtre saint Pierre revient sur le déluge. Il attire notre attention sur le petit nombre de sauvés, huit en tout. Ce chiffre lui permettra de montrer la grandeur du salut en Jésus. Le déluge est comme une figure du baptême. C’est bien plus qu’une simple purification. La famille de Noé est ressortie vivante des eux du déluge. Désormais c’est l’eau du baptême qui nous sauve. Nous sommes tirés de ce qui nous menait vers la mort et conduits vers Dieu. C’est lui qui fait alliance avec nous et qui nous invite à marcher avec lui.

L’Évangile de saint Marc nous rappelle que Jésus est venu pour le salut de tous les hommes. S’il est conduit au désert ce n’est pas pour construire une arche de sauvetage ; c’est pour se préparer aux combats qui l’attendent au cœur de ce monde. Pendant quarante jours, il a été tenté par Satan. L’Évangile nous dit qu’il vivait parmi les bêtes sauvages (Je peux vous assurer qu’on les y entend). Saint Marc ajoute que “les anges le servaient”. En quelques mots, l’Évangile nous la victoire de Jésus sur Satan. Il vit dans un monde réconcilié, en paix avec les bêtes sauvages et en communion avec Dieu.

Vivre le Carême c’est suivre Jésus à travers le désert. C’est là, dans le silence, que nous pourrons écouter la voix de Dieu. Dans le bruit et la confusion, ne n’est pas possible : on n’y entend que des voix superficielles. La voix de Dieu, nous l’entendons en nous mettant à l’écoute de sa Parole. Notre pape François insiste beaucoup sur la nécessité de lire l’Évangile chaque jour. C’est là que nous trouvons les paroles de la Vie éternelle. Quand nous les lisons, c’est Jésus qui est là, c’est lui qui nous parle. C’est avec lui que nous pourrons être victorieux de toutes les forces du mal.

Dans ce désert du Carême, nous ne sommes donc pas seuls. Jésus est là présent avec le Père et l’Esprit Saint. Comme pour Jésus, c’est le même Esprit Saint qui nous guide sur le chemin du Carême. Il nous aide à renoncer à Satan qui ne cesse de nous pousser au mal. Le Carême c’est d’abord un temps de libération. Le fil conducteur se trouve résumé en quelques mots : “Les temps sont accomplis, le règne de Dieu est tout proche : Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle.” Annoncer la bonne nouvelle c’est dire que le règne de Dieu est en train de commencer. Le projet de Dieu est en train de se réaliser.

Nous vivons dans un monde imprégné par l’indifférence, l’incroyance, la “non foi”. C’est pour ce monde que le Christ est venu. À travers notre vie et notre témoignage de foi, tous doivent pouvoir reconnaître que “le règne de Dieu s’est approché.” En ce jour, nous nous tournons vers la Vierge Marie qui a été un modèle de docilité à l’Esprit Saint. Qu’elle nous aide à nous laisser conduire par lui. C’est avec Jésus et avec Marie que nous sommes en route vers la victoire de Pâques.

Abbé Jean Compazieu

Source : DIMANCHEPROCHAIN.ORG, le 10 février 2024