11.06.2023 – Le Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ – Jean 6,51-58

Fête du Saint Sacrement – 11 juin 2023 – Évangile de Jean 6, 51-58

Le Sacrement de soi

Vous savez que la fête du Saint-Sacrement – la Fête-Dieu – a été pour la première fois instituée à Liège. L’histoire est d’abord celle de la vision de Julienne de Cornillon, en 1209, d’une lune échancrée, dont il manque un morceau, comme s’il manquait quelque chose au rayonnement eucharistique de l’Église.

Sainte Julienne de Cornillon

C’est la grande préoccupation du XIIIe siècle : la présence réelle de Dieu dans l’hostie consacrée et dans le monde. On est au temps des Cathares, une secte chrétienne prétendant que le monde est fondamentalement mauvais, créé non par Dieu mais par le Diable, que le corps humain est mauvais, corruptible et mortel, que le Christ n’est qu’un être spirituel. Ce que proposent les Cathares c’est tout bonnement un désenchantement du monde : pour eux, Dieu a déserté la Création.

C’est d’ailleurs pour contrer cette idéologie que saint François écrira le Cantique des Créatures ; pour dire que le Soleil, la Lune, les pluies et les vents sont des créations de Dieu, qu’ils sont nos frères et nos sœurs. Et c’est encore pour répondre aux Cathares qu’il invente la crèche. Peut-être ne le savez-vous pas mais, dans la première crèche, saint François n’avait pas mis d’enfant dans la mangeoire. Il y avait mis un pain, expressément pour affirmer la présence réelle de Dieu dans l’Eucharistie et donc dans le monde d’aujourd’hui.

A l’instar des Cathares, notre époque a évacué la présence réelle de Dieu. Si pour beaucoup de nos contemporains Dieu existe encore, il a été repoussé bien loin dans le ciel. Aujourd’hui, pour beaucoup, Dieu est un Dieu qu’on rencontrera éventuellement au moment de la mort, mais il n’a plus vraiment de présence réelle dans la vie de nos contemporains.

Même la Nature nous apparaît malade et polluée. Notre monde est à nouveau gouverné par un mauvais génie et ce diable responsable de tous les maux de la Terre, c’est désormais l’homme. Pour les Cathares, Dieu avait déserté la Création ; pour notre époque, il a déserté l’Humanité. Ils sont de plus en plus nombreux à penser l’homme intrinsèquement nuisible, responsable de toutes les pollutions, de tous les maux.

Il est urgent de reproposer une « Église Saint-Sacrement », une Église qui offre la présence de Dieu aussi simplement, aussi humblement, que s’offre le pain ; une Église qui visiblement se nourrit et vit de la présence actuelle de Dieu ; une Église qui témoigne de cette présence réelle, incarnée, donnée aujourd’hui au monde.

C’est d’abord par notre propre sacrement, notre propre sanctification que nous pourrons participer à ce réenchantement de l’Humanité. Où sont les saints d’aujourd’hui, les hosties vivantes données au monde pour l’amour de Dieu ? Plus que nous effrayer, l’état actuel de l’Église, le mépris croissant des religions devraient nous inciter à endosser la responsabilité de mieux incarner la présence eucharistique aujourd’hui.

Seigneur, fais de nous des hosties vivantes, ta présence nourrissante offerte à notre monde. Amen.

Fr. Laurent Mathelot OP

Source : RÉSURGENCES.BE, le 6 juin 2023

11.06.2023 – Le Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ – Jean 6,51-58

Souviens-toi !

Pistes pour l’homélie

Par l’Abbé Jean Compazieu


Textes bibliques : Lire


Après le sommet Eucharistique du Jeudi Saint, nous nous retrouvons pour une grande fête de l’Eucharistie, celle du Saint Sacrement, Corps et Sang du Christ. C’est Jésus lui-même qui se donne en nourriture. Il a voulu nous laisser sa présence sous la forme d’un repas. L’Eucharistie est vraiment la nourriture essentielle de notre vie. Le curé d’Ars disait : “Vous n’en êtes pas dignes mais vous en avez besoin”. Les textes bibliques de ce dimanche nous préparent à accueillir ce don de Dieu.

La 1ère lecture nous ramène au 7ème siècle avant Jésus Christ. Pour le peuple d’Israël, c’est une période de prospérité et d’abondance ; la tentation est grande de croire que cette réussite vient du seul génie des hommes. On se pose la question : “Pourquoi continuer à honorer Dieu alors qu’on est tiré d’affaire ?” Mais la Parole de Dieu vient le rappeler à l’ordre : “Souviens-toi”. La marche dans le désert était un temps de probation. Au cours de cette difficile traversée, Dieu n’a jamais cessé d’être là. Il a multiplié les bienfaits pour assurer la survie de son peuple. Il a fait pleuvoir la manne et jaillir l’eau du rocher. Il a surtout offert sa Parole qui est la nourriture essentielle de l’âme.

Quand le peuple se nourrit de la manne, il reconnaît que tout vient de Dieu. Nous aussi, nous reconnaissons que nous dépendons de lui. C’est le seul moyen de ne pas devenir esclave d’un autre car le vrai Dieu est libérateur. Nous qui vivons dans un monde indifférent ou hostile à la foi chrétienne, nous devons réentendre cet appel du Seigneur : “Souviens-toi !” N’oublie jamais de te nourrir de la Parole de Dieu et de l’Eucharistie.

Dans sa 1ère lettre aux Corinthiens, l’apôtre saint Paul insiste précisément sur l’importance de l’Eucharistie. La bénédiction de la coupe et la fraction du pain ne sont pas que des gestes rituels. Elles ne sont pas non plus une simple évocation des gestes du passé. Sous le signe du pain et du vin, nous communions au Corps et au Sang du Christ ; nous faisons nôtre l’amour de Celui qui a livré son Corps et versé son Sang pour nous et pour la multitude. Cet amour qui nous unit à lui doit aussi nous unir à tous nos frères. Nous apprenons à les regarder avec le regard même du Christ, un regard plein d’amour et de miséricorde.

L’Évangile nous propose un extrait du long discours sur le Pain de vie. C’était après la multiplication des pains près du lac de Tibériade. Jusque-là, Jésus avait demandé à ses auditeurs de croire en sa parole. Aujourd’hui, il franchit un nouveau pas dans la révélation de sa personne. Ce pain dont il parle, il dit que c’est lui-même “pain vivant” ; il dit aussi que c’est “sa chair donnée pour la vie du monde”. Il annonce ainsi sa mort qu’il présente comme don de la Vie éternelle au monde.

Le Pain descendu du ciel c’est donc Jésus lui-même. Sa chair et son sang sont une nourriture qui donne la Vie éternelle. Aujourd’hui comme autrefois, Jésus nous demande de faire un acte de foi. Il faut se nourrir de son enseignement et boire ses paroles. Elles sont celles du Fils qui nous apporte la vie du Père. Mais pour accueillir ce don, il nous faut sortir de nos certitudes et de nos raisonnements humains. Il nous faut avoir un cœur de pauvre, entièrement ouvert à celui qui est “le chemin, la Vérité et la Vie.

L’Eucharistie est “Pain de vie”. Cette fête d’aujourd’hui doit raviver notre désir de communion avec Dieu pour “demeurer en lui et lui en nous.” Ces jours-ci, quelqu’un disait : “Toute Eucharistie est bien plus forte que tout le mal du monde”. C’est vrai, à chaque messe, nous célébrons le sacrifice du Christ et sa victoire sur la mort et le péché. Nous rendons grâce à Dieu qui ne cesse de nous combler de ses bienfaits. C’est en lui que nous trouvons la vraie joie. Malheureusement, nous sommes trop souvent victimes de la routine alors que nous devrions être dans l’émerveillement. Nous entrons dans l’Eucharistie sans transition, sans préparation. Et nous repartons souvent sans avoir pris le temps d’accueillir Celui qui veut faire en nous sa demeure. Et surtout nous n’avons pas compris que nous sommes envoyés pour vivre la communion.

Il nous faut aujourd’hui retrouver la force du message de l’Évangile. Quand nous sommes rassemblés pour célébrer l’Eucharistie, c’est vraiment LE moment le plus important de la journée. Malheureusement, beaucoup sont les grands absents : Tout cela n’est pas nouveau. Déjà, au moment où saint Jean écrit son évangile, il souffre beaucoup de la désaffection des communautés vis à vis de l’Eucharistie. Alors, il leur rappelle avec force ce que Jésus avait dit aux juifs d’autrefois : “Moi, je suis le pain qui est descendu du ciel.”

Que cette bonne nouvelle nous mette dans la joie, l’action de grâce, et donne un élan nouveau à toute notre vie.

Abbé Jean Compazieu

Source : DIMANCHEPROCHAIN.COM, le 4 juin 2023