08.12.2024 – HOMÉLIE DU 2ÈME DIMANCHE DE L’AVENT – LUC 3,1-6

Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers

Le texte de l’Évangile d’aujourd’hui se divise en deux. D’abord, il se situe dans le temps par l’énumération des dirigeants laïcs et religieux de l’époque : Tibère, Hérode, Caïphe … Ce n’est pas une liste anodine. Elle rappelle la férocité du moment : la domination de Rome et la corruption des élites politiques et religieuses. Aux yeux des contemporains de Jésus, ce sont des dirigeants corrompus que l’on cite là.

Jean le Baptiste lui-même est issu d’une famille sacerdotale. Zacharie, son père, est un prêtre du Temple de Jérusalem. C’est son propre monde que Jean le Baptiste trouve corrompu. Il lance alors un vibrant appel au changement, à la conversion, et en décrit le processus : il s’agit de rendre droit ce qui est tortueux et d’aplanir ce qui ne l’est pas. La métaphore est géographique, mais tout le monde comprend qu’il s’agit des tensions de la vie : des chemins tortueux que l’âme peut prendre, des abîmes de perplexité dans lesquels on sombre parfois, de la difficulté qu’il y a à remonter la pente. Ce sont les chemins de l’espérance que Jean le Baptiste veut redresser ici.

Ainsi, les dirigeants sont corrompus, le peuple souffre et Jean le Baptiste pose un geste radical, qui surprend : il tourne le dos au Temple, où il devait succéder à son père, et va au bord du Jourdain. C’est clairement un geste de défi, qui proclame que le Temple lui-même est désormais corrompu, que ce n’est plus là qu’il faut rendre un culte à Dieu, que Dieu a déserté sa terre, que le peuple d’Israël a perdu la Terre promise. Et, de fait, elle est désormais romaine la Terre promise.

Symboliquement, aller au bord du Jourdain, c’est proclamer qu’il faut à nouveau reconquérir la Terre d’Israël. Pour les plus biblistes d’entre nous, Jean le Baptiste figure ici un nouveau Moïse, et préfigure Jésus comme un nouveau Josué, celui qui dans l’Ancien Testament est le premier à entrer en Terre sainte. Ce que propose Jean le Baptiste, c’est précisément une nouvelle entrée en Terre promise.

Jésus nous enseignera plus tard que la véritable Terre sainte, le véritable Temple, c’est notre corps. On voit déjà cette idée surgir dans l’idée du baptême que propose Jean. On va au Jourdain pour symboliser une nouvelle entrée en Terre d’Israël certes, mais c’est aussi son âme et son corps que l’on purifie, le pardon de ses péchés que l’on demande. Jean le Baptiste appelle avant tout à la conversion personnelle, avant de plonger ensuite les corps dans l’eau. Dès le baptême de Jean, on voit se préfigurer cette notion du corps humain comme une terre sacrée, comme le vrai Temple. La Terre sainte, c’est le peuple de Dieu : voilà ce que proclame Jean le Baptiste.

Dès lors, on peut se poser la question pourquoi est-ce tout le peuple et non pas seulement les oppresseurs du peuple que Jean invite à se convertir ?

« Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers. »

La souffrance, l’oppression nous changent. Elles changent notre regard sur le monde, sur les autres et sur nous-mêmes. Les tristesses et les duretés de la vie assombrissent notre cœur, les agressions que nous avons subies entament profondément notre capacité d’aimer, jusqu’à susciter en nous des sentiments contradictoires : difficile de ne pas vouloir se venger quand quelqu’un nous fait du mal ; difficile de ne pas en vouloir à la Terre entière quand le malheur nous tombe dessus ; difficile de ne pas devenir injuste ; difficile de ne pas répercuter la souffrance qui nous accable sur les autres. Un vent de révolte et de haine parcourt le peuple, voilà pourquoi Jean le Baptiste l’invite à la conversion.

Cette haine de l’oppresseur, cette révolte contre le malheur, si on les laisse s’amplifier, rendent tortueuses et rocailleuses toutes nos relations. Elles instillent partout leur violence qui ne trouve nulle part d’exutoire. On se voit alors soi-même devenir quelqu’un d’agressif et de violent – violent envers les autres, violent envers soi, en pensées, en paroles et parfois en actes. Au mieux, on se voit devenir quelqu’un de fermé. La haine, l’esprit de vengeance voire simplement le fait de ne désespérément plus vouloir souffrir sont des feux qui nous rongent au risque de nous rendre injustes envers tout le monde, la vie-même et parfois Dieu. « Où est Dieu puisque je souffre ? » « Que vaut une vie pleine de malheurs ? »

Nos blessures rendent tortueux les chemins de notre cœur, nos souffrances suscitent en nous des sentiments rocailleux. « Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers. »

En ce temps de l’Avent où nous nous préparons à accueillir à nouveau l’incarnation de Dieu, à prier pour qu’il vienne au monde à travers nous, c’est faire œuvre spirituelle utile que de rechercher en soi – en son esprit et en son âme – ces chemins tortueux, nos pensées toujours rocailleuses de souffrances ; de rechercher en notre cœur ce qui est encore tordu ou escarpé.

Mais il importe surtout de rechercher la paix de l’âme, la douce sérénité qui, malgré les évènements, éclatera en joie le soir de Noël. Ce n’est pas du luxe, pendant ce temps de l’Avent, de rechercher tout ce qui nous apaise. La paix dans le monde ne surgira que de la paix personnelle de tous les cœurs.

« Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers. »

Homélie par le Fr. Laurent Mathelot

Fr. Laurent Mathelot

Source : RÉSURGENCE.BE, le 5 décembre 2024

08.12.2024 – HOMÉLIE DU 2ÈME DIMANCHE DE L’AVENT – LUC 3,1-6

Tournés vers le Christ avec Jean Baptiste

Pistes pour l’homélie par l’Abbé Jean Compazieu


Textes bibliques : Lire


Pour comprendre les textes bibliques de ce dimanche, il convient de les situer dans leur contexte historique. Nous avons tout d’abord Baruc qui appelle son peuple à la joie et à l’espérance. Ce peuple a été déporté en exil et humilié. Mais il va retrouver le bonheur et la liberté. C’est cet appel à la l’espérance que nous entendons dans la 1ère lecture : « Quitte ta robe de tristesse et de misère et revêts la parure de la gloire de Dieu pour toujours ».

L’Évangile de ce jour est une réponse à cette annonce : il nous ramène à une situation bien précise de l’histoire. Luc met au-devant de la scène tous les personnages politiques et religieux du moment : l’empereur romain Tibère, son représentant en Judée Ponce Pilate, Hérode prince de Galilée et d’autres petits rois. Il cite également les autorités religieuses, Anne et Caïphe. Face à ces personnages prestigieux, nous avons un homme tout simple ; il s’appelle Jean ; il ne vit pas dans les palais ni dans le temple mais dans le désert. C’est là que la Parole de Dieu lui est adressée.

« La parole de Dieu fut adressée à Jean dans le désert ». En nous disant cela, l’évangéliste a quelque chose d’important à nous faire découvrir : au temps de Jean Baptiste, c’était dans le désert que la Parole de Dieu pouvait être le mieux entendue. C’est important pour chacun de nous aujourd’hui : à la manière de Jean Baptiste, nous sommes tous invités au désert pour entendre ce que Dieu à nous dire aujourd’hui. C’est ainsi que nous pourrons préparer son chemin.

Bien sûr, il n’est pas question de consulter une agence de voyage pour aller dans le Sud Du Sahara. Le désert dont Dieu nous parle, il est en chacun de nous. Le désert est synonyme de silence. Aller dans le désert, c’est trouver le silence. Nous vivons dans une société où le bruit nous envahit de tous côtés. Et pourtant, le silence est absolument essentiel. « Nous sommes trop sollicités par ce monde qui va trop vite. Nous ne prenons pas le temps de nous arrêter, de faire silence pour que nous puissions nous poser la question de savoir si la vie que nous menons est bien accrochée à l’essentiel (Jean-Louis Étienne).

Emportés les uns et les autres dans le tourbillon de la vie, il nous faut faire des moments de désert si nous voulons rester des hommes et des femmes d’intériorité, si nous voulons simplement rester des croyants. Noël, c’est la visite de Dieu dans nos cœurs, mais si nous sommes ailleurs, la visite n’aura pas lieu. Pour l’entendre, il faut que nous l’écoutions. C’est pour cette raison que Jean va au désert. C’est dans le silence que nous commençons à entendre. Dieu ne demande qu’à parler au cœur de chacun.

Ce désert dont parle saint Luc nous renvoie également à celui que nous subissons : le désert de la pandémie que nous avons vécu et qui est toujours d’actualité… le désert terrible de la maladie… le désert brûlant de la mort… le désert glacial de la solitude… le désert aride de l’échec professionnel ou du chômage…

C’est dans tous ces déserts que les paroles de Jean Baptiste nous rejoignent : « Préparez les chemins du Seigneur… Aplanissez sa route ! » Pour répondre à l’invitation de Jean Baptiste, il nous faut combler les ravins de notre méfiance, abaisser les montagnes de nos préjugés et de nos apriori, il nous faut aplanir les sentiers de nos égoïsmes personnels et collectifs et de notre petite tranquillité. Cette conversion à laquelle Jean Baptiste nous appelle, c’est vraiment un changement de toute notre vie.

Cette conversion pour le pardon des péchés est offerte à tous. Mais elle ne peut devenir efficace que si nous l’accueillons librement. Ce n’est pas d’abord un passage du vice à la vertu ; c’est surtout un passage du fatalisme à l’espérance, du doute à la foi, du repli sur soi à l’ouverture. L’espérance chrétienne c’est de croire que Dieu est à l’œuvre. Même quand tout va mal il est là. Il agit dans le cœur des hommes. Nous en avons des signes dans les gestes de dévouement et de solidarité des uns et des autres. À travers eux c’est Dieu qui est là. Son amour est plus fort que la haine.

Dans la seconde lecture, saint Paul nous dit précisément que ce salut de tous les hommes est réalisé en Jésus-Christ. Ce n’est pas vous qui avez eu l’initiative. C’est d’abord l’œuvre de Dieu ; et nous y sommes tous associés. Ce qui nous est demandé, ce n’est pas de travailler “pour” le Seigneur mais de travailler à l’œuvre “du” Seigneur. Le principal travail c’est lui qui le fait dans le cœur de chacun et il veut nous y associer tous.

Ils sont nombreux dans le monde ceux et celles qui se préparent à fêter Noël. Mais beaucoup vont vivre ce jour en oubliant celui qui devrait être au centre de cette fête. Préparer Noël, c’est d’abord accueillir Jésus qui vient, c’est se mettre à l’écoute de son Esprit Saint, c’est aller au désert pour mieux entendre son appel. Par l’Eucharistie qui nous rassemble chaque dimanche, il vient nous éclairer et nous rendre la vie. Prions-le afin qu’il fasse grandir en nous sa vie divine.

Abbé Jean Compazieu

Source : DIMANCHEPROCHAIN.ORG, le 1er décembre 2024

07.07.2024 – HOMÉLIE DU 14ÈME DIMANCHE ORDINAIRE – MARC 6,1-6

Envoyé comme prophète…

Pistes pour l’homélie par l’Abbé Jean Compazieu


Textes bibliques : Lire

Les textes bibliques de ce dimanche nous parlent de ces hommes qui ont entendu l’appel de Dieu. Nous avons tout d’abord le témoignage du prophète Ézéchiel ; il est envoyé vers un peuple rebelle qui s’est révolté contre Dieu. Il sait qu’il ne sera pas écouté car il sera affronté à l’endurcissement des cœurs. Mais rien ne doit l’arrêter : qu’on l’écoute ou qu’on ne l’écoute pas, il faut que la parole de Dieu soit proclamée. Nous pensons à la petite Bernadette de Lourdes qui disait : « Je ne suis pas chargée de vous faire croire mais de vous dire. » C’est ainsi que Dieu appelle des petits pour nous transmettre les messages les plus importants. Il nous offre de nous convertir et de retrouver l’amitié perdue.

Dans la deuxième lettre aux Corinthiens, nous avons le témoignage de l’apôtre Paul. Il nous décrit les vraies conditions de son apostolat ; il a reçu des révélations extraordinaires, mais il est accablé de difficultés et d’humiliations : insultes, faiblesses, contraintes, persécutions, situations angoissantes. Il est également affronté à de graves problèmes de santé. Il a demandé au Seigneur de l’en libérer. Mais le Seigneur lui a répondu : « Ma grâce te suffit ». Paul découvre que Dieu agit dans sa faiblesse à lui. L’apôtre n’est pas seul dans sa mission. Le principal travail, c’est Dieu qui le fait dans le cœur ce ceux qu’il met sur la route de l’apôtre.

Dans l’Évangile, nous retrouvons Jésus à Nazareth. Sa prédication aurait pu être un succès. Partout en Galilée, tout le monde se réjouit de ses paroles et de ses miracles. Mais les gens de Nazareth ne voient en lui que le charpentier du village. Ce qu’on lui reproche, c’est de dire la parole de Dieu sans être qualifié pour cela ; il n’a pas fait d’étude de rabbin ; il est un simple laïc.

Voilà donc le Christ empêché d’être reconnu comme Messie : « Il est venu chez les siens et les siens ne l’ont pas reçu… » Nous n’avons pas à les juger ; nous sommes souvent rebelles quand on vient nous parler de la part de Dieu. Mais rien ni personne ne peut arrêter l’annonce de la bonne nouvelle. Devant ce refus, Jésus est parti vers les villages voisins. Les missionnaires de l’Évangile n’ont pas à âtre découragés si on refuse de les accueillir ; comme Jésus, ils doivent partir annoncer l’Évangile car tous doivent l’entendre.

Le problème des auditeurs de Jésus, c’est qu’ils étaient enfermés dans leurs certitudes et leurs traditions. C’est souvent vrai pour nous aussi ; nous pensons savoir beaucoup de choses sur Dieu. Mais ce que nous pouvons en dire sera toujours insignifiant par rapport à ce qu’il est réellement. Nous n’aurons jamais fini de nous poser la question : qui est Jésus pour nous ? Cette question, nous la retrouvons tout au long de l’Évangile de saint Marc. Et la réponse nous sera donnée par un centurion païen au pied de la croix : « Vraiment cet homme était le Fils de Dieu. »

Comme le prophète et comme Paul, nous avons conscience de nos pauvretés et de nos faiblesses. Mais le Seigneur compte sur nous pour être ses porte-paroles. Le baptême fait de nous un peuple de prophètes, marqués par l’Esprit Saint, appelés et envoyés. Dieu connaît les circonstances de la mission. Il sait mieux que nous ce qui risque d’être pesant et de nous décourager. A ceux qu’il a appelés, il a promis sa présence et son assistance.

Bien sûr, comme tous les prophètes d’autrefois, nous risquons nous aussi de connaître des difficultés. Nous sommes affrontés à l’incroyance, la mal croyance et l’indifférence. Dans le monde entier, de très nombreux chrétiens sont persécutés et mis à mort. Et à l’intérieur même de l’Église, nous assistons à des contre-témoignages qui font mal. Cette Église de Jésus Christ reste un peuple de pécheurs. Nous pouvons être tentés de la critiquer, de dire ce que nous pensons. Mais un enfant ne peut rompre le lien vital qui l’unit à sa mère.

Notre attachement au Christ doit être plus fort que la tentation de la rupture. Dieu ne choisit pas es envoyés parmi les meilleurs mais bien souvent parmi les pauvres, parmi les pécheurs. N’oublions pas que les grands témoins de la foi sont des pécheurs pardonnés. Pensons à Pierre qui avait renié le Christ car il avait peur. Mais en accueillant le pardon du Christ, il a reçu de lui la mission d’être le berger de son peuple.

En célébrant cette Eucharistie, rendons grâce pour la confiance que Dieu nous fait en nous associant à sa mission. Disciples-missionnaires, levons les yeux pour remettre entre ses mains nos fragilités. Que s’accomplisse pour nous aujourd’hui sa parole : « Ma grâce te suffit ».

Abbé Jean Compazieu

Source : DIMANCHEPROCHAIN.ORG, le 29 juin 2024