24.03.2024 – HOMÉLIE DU DIMANCHE DES RAMEAUX – MARC 14,1-72.15,1-47

Un brin d’espérance

Par le Fr. Laurent Mathelot

Combien de fois avons-nous renié ce que nous avons adoré ? Combien de fois avons-nous rejeté quelqu’un que nous avons aimé ? Combien de fois sommes-nous passés de l’admiration à la déception, voire de l’amour à la détestation ?

C’est ce chemin-là que nous proposent les lectures d’Évangile : de l’entrée triomphale de Jésus dans Jérusalem, acclamé de tous comme leur nouveau roi, à ce “crucifie-le !” crié à Pilate qui le mettra à mort.

Que s’est-il donc passé ?

Pour s’en rendre compte, il faut se pencher sur le contexte de l’époque. La Judée est sous occupation et l’occupant est violent. Le peuple juif est littéralement écrasé par les Romains, militairement, politiquement et économiquement. Les chefs du peuple et les grands-prêtres sont corrompus et collaborent avec l’ennemi pour s’enrichir. L’État et le Temple sont devenus des maisons de marchandages. Jérusalem est vue par la population comme une prostituée qui couche avec l’occupant. Pour les petites gens, il n’y a plus d’espoir. Ou plutôt, il n’y a plus que l’espoir d’une délivrance venant de Dieu : l’arrivée d’un nouveau roi, d’un Messie.

Des révoltes éclatent, des hommes se lèvent, certains prennent les armes – et sont violemment réprimés comme à Séphoris, la ville toute proche de Nazareth, quand Jésus était adolescent : 2000 révoltés ont été crucifiés par les Romains. Jésus et ses contemporains ont vu l’horreur, la violence extrême de l’occupant. Les temps sont apocalyptiques et messianiques. Tous les textes de l’époque montrent un désespoir profond et l’attente d’un libérateur.

On a plusieurs exemples de leaders charismatiques qui se lèvent : les uns prêchant la purification comme Jean le Baptiste, d’autres prêchant le replis sur soi, comme la communauté essénienne à Qu’mran, d’autres encore prêchant la lutte armée (aujourd’hui, on parlerait de terroristes ; à l’époque on les appelait les Zélotes) comme Judas le Galiléen ou Bar Korbah, Jésus prêchant quant à lui l’amour entre tous.

Et peut-être pouvons-nous faire un petit rapprochement avec les temps actuels où planent incertitude, sentiment de crise et d’impuissance, oppression économique et corruption des puissants. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’un sentiment de révolte gronde à travers le monde, aujourd’hui.

Beaucoup, lorsqu’ils sont désespérés sont prêts à suivre n’importe qui, qui leur donne un peu d’espoir ; qui prétend les sauver. Beaucoup, lorsqu’ils sont désemparés sont prêts à envisager des moyens radicaux ; et certains, la violence. D’autres, enfin, sont prêts à se sacrifier.

Parmi ceux qui acclament Jésus comme un libérateur et comme un roi, il doit y en avoir beaucoup qui ont perdu tout espoir ; beaucoup qui n’en peuvent plus. Certes son entrée triomphale acclamée par des rameaux est joyeuse – comme est heureux tout espoir de délivrance – mais elle est aussi dramatique : elle se passe au milieu d’un océan de souffrance, d’un pays en crise, d’une véritable poudrière.

Ils sont nombreux, qui sont là à l’acclamer, à mettre tout leur espoir en lui, prêts à le reconnaître comme Messie. Et ils seront nombreux, quelques jours plus tard, à demander sa mise à mort à Pilate. En pleine crise, le peuple est changeant ; l’opinion fluctue au gré des angoisses. N’est-ce pas aussi un peu la cas aujourd’hui ?

Pourquoi rejette-t-on, parfois violemment, ceux en qui nous mettons tant d’espérance ?

Nous le faisons à mesure de notre espoir déçu. Que quelqu’un en qui nous plaçons notre confiance ne comble plus nos espérances et nos attentes – surtout si ces attentes sont grandes – et c’est le désespoir qui nous gagne, qui peut aller jusqu’à se changer en haine et en révolte.

Aujourd’hui les temps sont incertains et c’est un peu partout la crise. Les temps ne sont pas encore apocalyptiques mais on sent un sentiment de révolte qui monte. Ils sont nombreux ceux qui pensent que les puissants sont aujourd’hui corrompus.

Ce ne sont pourtant pas nos révoltes qui nous sauveront. Mais comme le Christ, le fait de nous mettre, par amour, en tenue de service et d’endurer, s’il le faut, quelques crucifixions. Le monde est en crise ? Allons changer les choses !

N’oubliez jamais que ce sont celles et ceux qui sont prêts à se sacrifier qui vous sauveront, pas ceux qui prônent la violence ou le combat. Non ! Le salut ne vient que de ceux qui donnent leur vie pour les autres.

Quand nous glisserons nos brins de rameaux derrière nos crucifix, pensons au sens profond du geste que nous accomplissons. Ce n’est pas tant la présence de rameaux bénis qui protège nos maisons que l’intention dont ces branches témoignent. Poser un brin de buis sur un crucifix c’est dire : je veux être de ceux qui amènent leur brin d’espérance à ceux qui souffrent. Alors Dieu nous bénira.

Fr. Laurent Mathelot

Source : RÉSURGENCE.BE, le 20 mars 2024

24.03.2024 – HOMÉLIE DU DIMANCHE DES RAMEAUX – MARC 14,1-72.15,1-47

Entrer dans la Semaine Sainte

Pistes pour l’homélie par l’Abbé Jean Compazieu


Textes bibliques : Lire


La liturgie de ce dimanche nous fait vivre une fête qui se termine en drame. Jésus monte à Jérusalem ; il est acclamé par la foule. Mais lui, Jésus, sait très bien que c’est sa dernière montée vers cette ville. C’est l’heure où le Berger va donner sa vie pour ses brebis. Ses disciples vont être désemparés par sa mort. Plusieurs fois, il leur en avait parlé. Mais pour eux, cela n’était pas possible. Alors il va essayer de les éclairer et de fortifier leur foi. Il organise lui-même une entrée solennelle à Jérusalem. Il avance, assis sur un ânon, comme le berger au milieu de son troupeau. Les gens l’acclament comme un prophète et il les laisse faire.

“Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur…” Cette joyeuse foule avait bien raison. Jésus est vraiment l’envoyé de Dieu. Mais c’est un autre chemin qu’il prendra quelques jours plus tard. Au lieu d’aller vers le temple de Jérusalem, c’est vers le Calvaire qu’il montera. Il ne sera plus là comme un roi au milieu de ses sujets mais comme un malfaiteur condamné à la mort la plus humiliante, celle qui était réservée aux criminels et aux terroristes. Il devra porter lui-même sa croix, une croix lourde de tous nos péchés.

Pilate fera placer une inscription au dessus de sa tête : “Jésus de Nazareth, roi des juifs.” Il ne croyait pas si bien dire : Jésus est vraiment Roi, pas seulement des juifs mais aussi de l’univers entier. Tout au long de cette semaine sainte, nous serons invités à suivre ce Jésus sur le chemin du Calvaire. Nous tournerons notre regard vers cette croix qui nous rappelle à quel point Dieu nous a aimés. Nous nous rappellerons cette parole de l’évangile : “Il n’y a pas de plus grand amour que de sonner sa vie pour ceux qu’on aime.” Nous avons un peu trop l’habitude de la croix du Christ. Mais pour Paul avant sa conversion, c’était inimaginable.

C’est pour le salut du monde que le Christ a donné sa vie sur la croix. Quand une personne est malade et à moitié inconsciente, le seul moyen de la sauver c’est une perfusion. Notre monde malade a lui aussi besoin d’une perfusion d’amour. C’est cela qui va se passer au cours de la semaine sainte. Le Christ est descendu au fond de notre désespérance pour y déposer cet amour qui vient de Dieu. Au-delà de la nuit, il fait naître un jour nouveau. Il n’y a plus aucune obscurité qui échappe à sa présence. Avec tous les chrétiens du monde entier, nous faisons monter une prière unanime : “Toi qui es Lumière, Toi qui es l’amour, mets en nos ténèbres ton Esprit d’amour.”

Abbé Jean Compazieu

Source : DIMANCHEPROCHAIN.ORG, le 17 mars 2024