07.12.2025 – ÉVANGILE DU 2ÈME DIMANCHE DE L’AVENT – MATTHIEU 3, 1-12

La conversion de nos peurs enfouies

Homélie par le Fr. Laurent Mathelot

Le thème de dimanche passé, premier de l’Avent, était : « Préparez-vous » et nous nous y sommes amplement attelés en envisageant de jeter à la mer la montagne de nos angoisses et de nos peurs. Nous avons médité notre escalade de la montagne de Dieu comme l’accomplissement d’un effort du corps et de l’esprit, tant charnel que spirituel, avec ses épuisements et ses chutes certes, mais aussi avec, en ligne de mire, l’exaltation du sommet et la joie de l’accomplissement.

Aujourd’hui : « Convertissez-vous ». C’est le thème du discours de Jean le Baptiste : « Convertissez-vous, car le royaume des Cieux est tout proche. » ; et, citant le prophète Isaïe (40,3) : « Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers ». Après avoir, dimanche passé, envisagé l’ampleur de la montagne qu’il nous faut escalader, nous voici au pied du mur : surmontons donc pas à pas les escarpements de nos angoisses et de nos peurs.

Conversion vient du latin conversio : retournement, changement radical de direction. On l’entend de quelqu’un qui adhère à une religion, qui se convertit à notre foi notamment. Et c’est ainsi que Jean le Baptiste le comprend quand il incite vigoureusement les pharisiens et les sadducéens à se convertir au baptême. Mais nous, qui sommes baptisés, et donc convertis à l’espérance du Christ, ne sommes-nous pas déjà sauvés du simple fait de notre foi ? En principe, oui. Mais la foi n’est pas tant la proclamation d’un credo que la vie selon ce credo : notre foi doit s’incarner. Elle n’est pas tant un état – je suis baptisé – qu’une dynamique – je dois toujours me convertir à l’espérance de mon baptême. Il ne suffit pas de proclamer l’amour de Dieu. Il faut en vivre. Notre credo n’est pas qu’une vague intention. Parce qu’il est une prière et qu’il s’adresse à Dieu, il nous oblige.

Ainsi la conversion est un effort quotidien qui vise à nous replacer dans la perspective du sommet : à chaque chute, se relever ; chaque fois que l’on dévisse, remonter. Ici aussi, il s’agit d’une attitude qui implique tant le corps que de l’esprit : d’abord, changer notre regard sur certains évènements et sur certaines personnes, à commencer par nous-même – les replacer dans la perspective de Dieu. C’est ce changement radical de regard, ce passage de la désespérance à l’espérance, qui entraîne la résurrection du corps.

Ce qu’il faut convertir, ce n’est pas la tristesse en nous. A Gethsémani, Jésus a éprouvé son âme triste à en mourir (Mt 26, 38). Ce ne sont pas non plus nos chagrins et nos larmes. A Bethanie, Jésus a pleuré son ami Lazare (Jn 11, 13). Ce qu’il nous faut convertir, ce sont nos peurs. Si, dans l’Évangile, Jésus est affecté par la mort – la sienne ou celle d’un ami –, il n’a jamais peur, parce qu’il ne désespère jamais : il incarne la foi. Ce sont les peurs qui engendrent les vices – la peur de manquer d’amour et de pain, la peur de tout perdre, la peur de la mort, qui suscitent ressentiment, mépris, phobies, emprises et haines. Si aujourd’hui, partout dans le monde, s’éveillent les nationalismes et éclatent des conflits xénophobes, c’est parce que la peur gagne l’humanité.

Se convertir, c’est affronter la montagne de ses peurs. Qu’est-ce qui me freine, me paralyse, ou même provoque chez moi le recul ? Le danger d’une telle analyse, c’est qu’elle peut susciter elle-même la peur, en ravivant des souvenirs. Beaucoup de gens ont peur d’ouvrir le couvercle de la boite de leurs angoisses.

On ne peut affronter ses peurs qu’en tournant résolument son regard vers l’espérance. Il faut une force spirituelle – et donc une conversion incarnée – pour affronter ses angoisses. Sans cela, on cherchera plutôt à fuir ou à enfuir ses peurs. N’avons-nous pas tous des peurs enfuies aux tréfonds de nous-même ?

Toute joie découle de l’exorcisme de nos peurs enfouies. La conversion, c’est ce patient travail d’exorcisme. Il ne s’agit pas d’enjamber la montagne de nos angoisses d’un grand pas. Je l’ai dit, on prendrait alors le risque de se figer face à l’ampleur de la tâche, le risque d’un mouvement de recul face à l’épaisseur de nos ténèbres. Il s’agit plutôt d’affronter ce qui affleure : nos craintes à mesure qu’elles apparaissent. D’où l’importance d’un examen de conscience quotidien qui remet nos inquiétudes de la journée dans les mains du Christ. En les exorcisant ainsi, petit à petit, et parce qu’un souvenir en éveille bien souvent un autre, couche après couche, nous parviendrons à purger l’abîme de nos peurs enfouies jusqu’à atteindre, au fond, celle d’être mort.

Tous nos énervements, toutes nos craintes, tous nos mépris et toutes nos haines reposent sur la peur d’être mort – mort socialement, mort spirituellement, mort affectivement et, finalement, physiquement. L’angoisse du néant et de la mort, voilà le ressort de tous les péchés du monde.

Si la mort et la résurrection du Christ est ce qui fonde notre foi, c’est Noël – sa naissance en nous – qui exorcise les peurs qui nous paralysent. La conversion de notre cœur est un patient travail de croissance de la vie divine en nous, à mesure que nous laisserons l’amour de Dieu s’incarner.

Saint Jean-Paul II l’avait bien compris qui, par ces mots : « N’ayez pas peur ! », a fissuré la chape de plomb que la Guerre froide faisait peser sur l’humanité.

N’ayez pas peur d’affronter vos angoisses et vos peurs, vous avez en vous l’Esprit du Christ reçu à votre baptême. Tournez-vous vers lui, favorisez sa croissance en vous au détriment de ce qui vous effraye encore. Couche après couche, déblayez une à une les craintes qui enténèbrent encore votre âme. Vous préparez ainsi un terreau pour la joie.

Fr. Laurent Mathelot

Source : RESURGENCE.BE, le 3 décembre 2025

07.12.2025 – ÉVANGILE DU 2ÈME DIMANCHE DE L’AVENT – MATTHIEU 3,1-12


Pistes pour l’homélie par l’Abbé Jean Compazieu


Textes bibliques : Lire


La bonne nouvelle de ce 2ème dimanche de l’Avent c’est que Dieu a un immense désir de nous sauver. Il ne se contente pas de nous appeler de loin. Il envoie des messagers qui sont ses proches. Ces messagers de Dieu ont pour mission d’annoncer le Christ. Tout au long de ce temps de l’Avent, nous sommes invités à accueillir sa parole et à nous laisser transformer par elle. Le Seigneur attend de nous une réponse qui soit à la hauteur de l’amour passionné qu’il nous porte.

Isaïe (1ère lecture) s’adresse à un peuple qui vit une situation difficile. La population a souffert de la guerre avec les pays voisins. Elle a été humiliée et fragilisée par plusieurs défaites. Mais pour Dieu, rien n’est jamais définitivement perdu. Au nom de sa foi, le prophète réagit. Pour lui, le seul véritable roi c’est Dieu. Il part de presque rien pour faire surgir de l’inattendu. Isaïe nous parle de la “souche de Jessé”. Cette souche, c’est l’image de la désolation et de la mort. La Maison de David a été anéantie au moment de la destruction du temple. Mais Dieu gouverne le monde de manière imprévue. De cette souche morte, va naître un rejeton. Il assurera la paix au peuple mais aussi à l’humanité entière.

Ces paroles d’Isaïe nous rejoignent dans notre monde d’aujourd’hui. De nombreux chrétiens souffrent de la persécution. Le 20ème siècle a connu un grand nombre de martyrs. Et cela continue aujourd’hui. D’autres souffrent de l’indifférence dans laquelle ils baignent. La foi des chrétiens est tournée en dérision. Mais nous ne devons pas craindre cette dictature du relativisme et de la sécularisation. Rien ne peut étouffer le désir de Dieu qui est inscrit dans le cœur de l’homme” disait Saint Augustin. C’est sur lui que nous devons nous appuyer pour construire notre vie.

Dans sa Lettre aux Romains (2ème lecture), saint Paul nous invite à faire un pas de plus. Il rappelle aux chrétiens quels comportements ils doivent avoir en réponse à l’initiative gratuite de Dieu en Jésus Christ. Il insiste sur trois impératifs fondamentaux : méditer les Écritures, vivre dans l’unité et pratiquer l’accueil mutuel. Cette unité n’est pas à construire autour de nos idées ou de nos certitudes mais autour de Dieu. Pour servir cette unité voulue par Jésus, il importe que nous sachions nous accueillir les uns les autres comme lui-même a accueilli tous les hommes. Cet appel nous rejoint dans nos foyers, nos groupes, nos rassemblements. Nous ne serons vraiment crédibles que si nous sommes accueillants à la manière du Christ.

L’Évangile nous parle d’un autre messager de Dieu. Il s’agit de Jean Baptiste, le dernier prophète de l’Ancien Testament, celui qui a directement annoncé la venue du Messie. Sa prédication se passe dans le désert de Judée. Quand on va en pèlerinage en Terre Sainte, c’est par là qu’on commence. Le désert c’est le lieu de la conversion. La question n’est pas d’aller dans le désert de la Judée ni celui du Sahara. Aller au désert c’est une manière de dire qu’on veut se retirer loin des bruits du monde et des sollicitations publicitaires. On choisit de se dépouiller de toute chose superficielle pour ne retenir que l’essentiel.

C’est là dans le désert que Jean Baptiste intervient pour prêcher. Comme les prophètes qui l’ont précédé, il a un double langage : il est doux et encourageant pour les humbles, dur et menaçant pour les orgueilleux. Il ne s’en prend pas à des personnes ni à des catégories de personnes. Son but c’est de rejoindre chacun dans ce qu’il vit : rassurer les petits et réveiller ceux qui se croient arrivés. Il veut attirer leur attention sur des comportements. Quand il les appelle “engeances de vipères”, c’est pour les mettre en garde. Il veut leur montrer qu’ils sont de la même race que le tentateur du paradis terrestre. Ce temps de l’Avent nous invite à revenir à l’Évangile. C’est là que nous apprenons à regarder le monde avec le regard de Dieu, un regard plein d’amour et d’espérance.

“Produisez un fruit qui exprime votre conversion nous dit encore Jean Baptiste. Prier tous les jours et aller à la messe c’est bien. C’est même indispensable. Mais les fruits que Dieu attend de nous, c’est aussi le respect des autres, c’est le partage avec celui qui a faim et froid, c’est aussi le courage de pardonner à celui qui nous a blessé ; c’est aussi lutter contre tout ce qui détruit une personne, un groupe ou une société. On nous parle parfois des armes de destruction massive. C’est vrai qu’elles existent et elles font mal. Mais celles qui anéantissent le plus notre monde, c’est l’égoïsme, l’indifférence, l’injustice sociale, les scandales financiers qui plongent les plus pauvres dans la misère. Préparer la venue du Seigneur dans notre vie et notre monde, cela passe par des gestes d’accueil, de partage et de réconciliation.

C’est dans ces gestes d’amour et de partage que nous reconnaissons la présence et l’action de l’Esprit Saint. Ils sont le signe que Dieu est déjà parmi nous. Nous aussi, nous sommes invités à l’accueillir et à accueillir tous nos frères. En ce jour, Jean Baptiste nous oriente vers Celui qui doit baptiser dans l’Esprit Saint et le feu. Par ce baptême, il nous donne une force extraordinaire de renouvellement et de recréation capable de saisir les plus grands pécheurs pour en faire des saints. Ce feu dont parle l’évangile c’est celui de l’amour qui est en Dieu.

En te suivant, Seigneur Jésus, nous sommes plongés dans l’amour de Dieu. C’est mieux que les sacrifices de l’ancienne alliance. Que cette Eucharistie nous permette de partager ce bonheur avec tous ceux qui nous entourent. AMEN

Abbé Jean Compazieu

Source : DIMANCHEPROCHAIN.ORG, le 29 novembre 2025