07.05.2023 – HOMÉLIE DU 5ÈME DIMANCHE DE PÂQUES – JEAN 14,1-12

par Laurent Mathelot

Évangile de Jean 14, 1-12

Tous prêtres

Le 5ème dimanche de Pâques est, chaque année, l’occasion de réfléchir, méditer et prier pour les ministères dans l’Église. La première lecture nous racontait l’institution des sept premiers diacres, la lettre de Pierre nous parlait du sacerdoce chrétien et l’Évangile nous explique que, grâce au Christ, nous avons tous notre demeure auprès de Dieu.

Le diacre est celui qui est chargé par l’Église de ce qu’on appelle le « service des tables ». Et sans doute son rôle le plus visible est-il celui de dresser l’autel pour célébrer la messe. Et puisque nous disons que la Parole de Dieu est, pour nous, une nourriture, il convient que ce soit lui aussi qui lise l’Évangile. Mais le diacre a aussi un rôle moins visible et tout aussi important : le service de la charité de l’Église. Le livre des Actes des Apôtres raconte que « les frères de langue grecque récriminèrent contre ceux de langue hébraïque, parce que les veuves de leur groupe étaient désavantagées ». Dans l’antiquité, être veuve était un drame parce que seuls les hommes pouvaient accéder à un salaire. Être veuve signifiait devoir mendier et ne pouvoir vivre que de la générosité des autres. En fait, l’institution des diacres, c’est l’institution du tout premier service social de l’Histoire. Et c’est sans doute surtout à cause de ce service – qu’on appelle la diaconie – que l’Église a eu beaucoup de succès dans les premiers temps. Ce n’est pas tant parce qu’elle avait de belles idées ou un joli message – bien que ce soit important – mais c’est parce qu’elle s’est fait tout de suite un devoir de s’occuper des petites gens. Le diacre est à l’image du Christ qui prend soin des pauvres, des malades et de ceux qui ont faim. C’est tout cela qu’on appelle le service des tables.

Le prêtre, lui, est chargé de « présenter des sacrifices spirituels, agréables à Dieu, par Jésus Christ » dit la Lettre de Pierre. D’abord le sacrifice de lui-même dans la prière. Le rôle essentiel du prêtre c’est de prier pour la partie du peuple de Dieu qui lui est confiée. Au fond, le prêtre c’est celui qui vit en permanence dans la demeure de Dieu, qui parle de Dieu au peuple ou du peuple avec Dieu.

A bien y regarder, si on se borne à cette définition, elle convient à tous les baptisés. Nous sommes tous invités à offrir des prières et à sacrifier de nous-même pour tous ceux qui nous sont confiés. Nous sommes tous appelés à vivre dans la « demeure de Dieu ». Nous pouvons tous diriger la prière au sein de nos familles, groupes d’amis, etc. Nous pouvons tous bénir ceux qui nous entourent. Nous pouvons tous faire du catéchisme à ceux qui voudraient grandir dans la foi. Nous pouvons tous lire, méditer, nous former et prier pour ceux que Dieu nous confie. On peut lire l’Évangile en famille, on peut simplement montrer à ses enfants, à ses proches qu’on prie pour eux. Voilà ce qu’est « être prêtre ».

L’onction baptismale a fait de nous des Christs, c’est à dire des prêtres, des prophètes et des rois. Prêtres dans le sens que le baptême nous rends aptes d’offrir nous-mêmes des sacrifices et à conduire la prière ; prophètes parce qu’il nous permet, des signes actuels, de mieux entrevoir l’avenir ; rois parce qu’une foi adulte rend capable de se gouverner soi-même. La perspective de l’avenir et le gouvernement adulte, nous les envisageons assez bien. Mais la prêtrise de tout baptisé ?

Remarquons enfin que la distinction prêtre, prophète et roi implique que le gouvernement ou le discernement de l’avenir n’appartiennent pas qu’aux prêtres.

Ainsi, à coté du sacerdoce commun à tous, il y a aussi les prêtres ordonnés, ceux dont la mission est toute entière d’offrir des « sacrifices spirituels, agréables à Dieu », ceux dont la vocation est de faire de leur vie une incessante prière pour le peuple. C’est pourquoi l’Église attend d’eux un certain professionnalisme religieux dont elle pose les conditions, notamment celle du célibat, comme signe d’un cœur à demeure au près de Dieu.

Je gage que toutes les questions qui agitent fort l’Église en ce moment, notamment relatives au statut des prêtres seraient bien vite apaisées si chacun voulait bien se souvenir que chaque baptisé est en soi prêtre. On ne résoudra pas les problèmes d’emprise ou de vocations par le mariage des prêtres, ces réponses sont trop simplistes et assurément fausses. De même, les revendications pour l’ordination des femmes, qui ne sont que des revendications de pouvoir – lesquelles sont légitimes mais confondent ici prêtre et roi, dans ce qui reste une vision cléricale du sacerdoce. Quiconque revendique l’ordination sacerdotale l’envisage sous l’angle du prestige et du pouvoir alors qu’en réalité il s’agit, à la suite du Christ, de s’offrir soi-même en sacrifice, de choisir la position de serviteur jusqu’au don de sa vie, laquelle n’est certainement pas une position enviable.

Le seul véritable prêtre c’est le Christ : « personne ne va vers le Père sans passer par [lui] » et, à sa suite, nous sommes tous prêtres, appelés à lui rendre un culte par nos vies. Aux prêtres ordonnés, il ne reste finalement que l’intendance des sacrements. Le reste – le gouvernement, les perspectives d’avenir, le témoignage de foi apporté au monde – tout cela appartient au peuple de Dieu. « Vous êtes une descendance choisie, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple destiné au salut, pour que vous annonciez les merveilles de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière. »

Je vous en prie, soyez tous prêtres dans la vie de tous les jours : allez dire aux gens que vous priez pour eux, que vous êtes prêts à vous sacrifier pour eux.

Fr. Laurent Mathelot, dominicain

Source : RÉSURGENCES.BE, le 2 mai 2023

07.05.2023 – HOMÉLIE DU 5ÈME DIMANCHE DE PÂQUES – JEAN 14,1-12

Pistes d’homélie

Par l’Abbé Jean Compazieu


Textes bibliques : Lire


Cet Évangile, nous le connaissons bien. Il est souvent choisi pour les célébrations de sépultures. Jésus nous est présenté comme le “chemin”. En lisant ce texte, je pensais à tous ceux qui errent sur les chemins du monde sans savoir où ils passeront la nuit. Beaucoup ont eu une belle situation, un métier, une vie de famille. Puis il y a eu un événement qui a fini par les jeter à la rue. En Ukraine, en Syrie et ailleurs, ce sont des familles entières qui ont quitté leur domicile pour fuir la guerre. Ils sont partis sans savoir où leur chemin les conduira.

Quand Jésus nous dit qu’il est le chemin, c’est tout autre chose. Il ne s’agit pas d’un chemin d’errance. Il nous annonce le but et l’aboutissement de notre vie. Lui-même est toujours vivant auprès de son Père. En même temps, il nous assure de sa présence parmi nous tous les jours et jusqu’à la fin du monde. Il est pour nous “le Chemin, la Vérité et la Vie”. Lui seul peut nous conduire auprès du Père. Son grand projet, c’est de rassembler tous les hommes. Il nous prépare une maison dans laquelle tous se sentiront accueillis avec amour.

Ce qu’il nous faut bien comprendre c’est que Jésus ne se contente pas de nous montrer le chemin. Il est lui-même “le Chemin, la Vérité et la Vie.” C’est en lui seul que nous trouvons la plénitude de la vérité. Ses paroles sont celles de la Vie Éternelle. En dehors de lui, nous allons à notre perte. Personne ne peut aller vers le Père sans passer par lui. C’est lui qui nous révèle le vrai visage de Dieu. C’est en regardant vers le ciel que nous redécouvrons le vrai sens de notre vie. Cet évangile est un appel à l’espérance, même si nous sommes “bouleversés” par les incertitudes et les épreuves de la vie. Mais succomber au découragement serait pire que tout. Nous pouvons nous raccrocher aux paroles du psaume de ce jour : “Le Seigneur veille sur ceux qui l’aiment et espèrent en son amour.” Et Jésus est toujours là pour nous redire inlassablement : “Croyez en moi !”

Ceci dit, ce chemin n’est pas celui de la facilité. Il est étroit, et il nous conduit vers une porte étroite. Notre vie est un combat de tous les jours contre les forces du mal qui cherchent à nous entrainer vers des chemins de perdition. C’est la course à l’argent, la violence, la haine, la rancune. Tout cela nous détourne du vrai but de notre vie. En ce jour, cela vaut la peine de nous interroger : Jésus est-il vraiment notre chemin, notre vérité et notre vie ? Est-ce vraiment lui que nous suivons ? Si ce n’est pas le cas, nous devons réentendre son appel : “Revenez à moi de tout votre cœur… Convertissez-vous et croyez à l’Évangile…”

Le livre des Actes des Apôtres (1ère lecture) nous montre comment les premiers chrétiens ont suivi ce chemin du Christ. La Parole de Dieu est annoncée aux païens. Les veuves ne sont pas abandonnées à leur triste sort ; elles reçoivent une aide. Le partage des services se met en place. C’est ainsi qu’une communauté se met en route à la suite du Christ. C’est important pour nous aujourd’hui : la parole de Dieu doit être annoncée à temps et à contretemps ; mais les petits, les pauvres et les exclus ne doivent pas être oubliés : il n’est pas possible d’annoncer la bonne nouvelle de l’Évangile à des gens qui ont faim et froid. A travers eux, c’est le Christ lui-même qui nous interpelle.

Dans la seconde lecture, saint Pierre nous invite à nous approcher du Seigneur Jésus. Nous nous rappelons que dans l’Évangile, il nous parlait de la Maison du Père qui contient de “nombreuses demeures”. Ici, saint Pierre nous dit que Jésus en est “la pierre vivante que les hommes ont éliminée mais que Dieu a choisie parce qu’il en connaît la valeur.” Cette maison dont il parle n’est pas seulement de pierres ou de bois ; c’est une fraternité, une communauté construite par le souffle de l’Esprit Saint. En tant que disciples, nous participons à sa victoire. Nous sommes devenus “la race choisie, le sacerdoce Royal, la nation sainte, le peuple qui appartient à Dieu.”

Mais il y a un piège que nous devons éviter : le risque serait de nous complaire dans les honneurs, la facilité et l’orgueil. Nous avons une mission urgente : c’est d’annoncer “les merveilles de celui qui nous a fait passer des ténèbres à son admirable lumière”. Il est urgent de montrer à tous que nous savons où nous allons. Nous sommes sur un chemin qui est balisé par l’Évangile de Jésus Christ. Nous avons là un repère essentiel pour notre marche. Dans une de ses audiences, le pape François nous recommandait de le lire chaque jour. La Parole de Dieu est une nourriture indispensable pour notre marche vers le Père.

Pour conclure, je vous propose quelques paroles de Saint Augustin qui nous rejoignent sur notre chemin : “Ici (sur la terre), c’est l’espérance qui nous fait chanter… Chante, mais en marchant. Oublie ta fatigue en chantant, mais prends garde à la paresse… Chante et marche sans te tromper de route, sans revenir en arrière, sans piétiner sur place. CHANTE et MARCHE.”

Abbé Jean Compazieu

Source : DIMANCHEPROCHAIN.ORG, le 30 avril 2023