06.08.2023 – HOMÉLIE DU 18ÈME DIMANCHE ORDINAIRE – FÊTE DE LA TRANSFIGURATION DU SEIGNEUR – MT 17, 1-9

Publié par le Fr Raphaël Devillers

Évangile de Matthieu 17, 1-9

Le visage de lumière

Cas unique dans son évangile, Matthieu rapporte la scène de la transfiguration de Jésus en référence précise avec l’épisode précédent : « 6 jours après… ». Il y a donc un lien entre les deux. Que s’est-il donc passé alors ? Un événement considérable, qui marque le grand tournant de la vie de Jésus.

Alors que Pierre venait de dire sa conviction que Jésus était le Messie, Matthieu précise que ce moment marque un nouveau « commencement » dans la mission de Jésus :

« A partir de ce moment, Jésus Messie commença à montrer à ses disciples qu’il lui fallait aller à Jérusalem, souffrir beaucoup de la part des Anciens, des Grands Prêtres et des Scribes, être mis à mort et, le 3ème jour, ressusciter ».

Coup de tonnerre ! Le Messie exécuté par les autorités religieuses ? Pierre, incrédule, ose réprimander son maître d’envisager pareille éventualité mais Jésus rejette sèchement son apôtre: « Arrière, Satan ! Tu es pour moi un scandale ! Tu penses comme un homme et pas comme Dieu ! ». Et au lieu de se rétracter, il proclame : « Si quelqu’un veut me suivre, qu’il renonce à lui-même, prenne sa croix et me suive ».

Convertir le monde ou l’Église

Matthieu a précisé le lieu de cette révélation : au nord d’Israël, dans un des plus beaux endroits de Galilée, la région verdoyante des sources du Jourdain, où le roi Philippe a fait surgir une ville nouvelle, Césarée, signe de la grandeur et du rayonnement de la civilisation gréco-romaine.

Cette civilisation païenne avec ses temples, ses statues d’idoles, son luxe, ses écoles de philosophie, ses gymnases, ses théâtres, ses champs de course fait frémir de rage les orthodoxes juifs excédés de voir ces maudits païens souiller la Terre sainte depuis plus de 90 ans. Mais Jésus, au lieu d’appeler sur cette ville la terrible colère de Dieu, n’en dit pas un mot et se tourne vers la capitale de son peuple, Jérusalem, où se dresse le Temple, la Maison de Dieu. C’est elle qu’il va appeler à la conversion. Pourquoi ?

Parce qu’il ne faut pas maudire la lourdeur de la pâte mais activer la force fermentatrice du levain. Parce qu’il ne faut pas pester contre les ténèbres mais augmenter la lumière. Parce que c’est sans doute au cœur du pouvoir (religieux et politique) qu’est serré le frein qui empêche l’évangélisation.

Evidemment cet appel à l’auto-conversion bute sur des résistances bétonnées: Jésus en a eu des signes depuis longtemps et beaucoup l’ont prévenu : si tu viens faire ta mission à Jérusalem, les responsables du Temple refuseront ton message, verront en toi un blasphémateur et décideront ta perte.

Mais Jésus a pleine confiance en son Père : puisqu’il lui a déclaré : « Tu es mon Fils bien aimé », il ne peut absolument pas l’abandonner. Lui-même vient de « faire sa conversion » : après avoir, pendant des mois, donné des enseignements, des gestes de pardon, des soins de guérison, maintenant il doit SE DONNER. Pour que le monde passe de l’égoïsme à l’amour, de la guerre à la paix, il est nécessaire d’abord que lui, le Messie, PASSE PAR LA MORT DANS LA VRAIE VIE.

Résolu, en toute conscience, il prend le chemin de Jérusalem : il a accepté la croix, il va recevoir la Lumière glorieuse.

6 jours après : la Transfiguration

Six jours après, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère, et il les emmène à l’écart, sur une haute montagne. Il fut transfiguré devant eux ; son visage devint brillant comme le soleil, et ses vêtements, blancs comme la lumière. Voici que leur apparurent Moïse et Élie, qui s’entretenaient avec lui.

Entré sur ce chemin dont il connaît l’issue épouvantable, Jésus sent plus que jamais la nécessité de s’accrocher dans la prière : c’est bien dans ce but qu’il monte dans la solitude (Luc 9, 28). Alors que la nuit descend sur la montagne, ses trois apôtres le voient changer : ses traits tendus s’apaisent, son visage crispé s’illumine. La transfiguration n’est pas un prodige gratuit, un miracle spectaculaire mais le rayonnement de la Présence divine qui l’habite. Son intimité avec Dieu est telle qu’elle l’imprègne totalement. Son Père lui offre un présage de sa victoire finale : oui il le sortira de l’abîme de la mort et lui donnera la Vie divine.

On comprend donc le lien : « 6 jours avant », il avait annoncé sa mort inéluctable : aujourd’hui il reçoit la lumière de la résurrection. Au centre de l’évangile palpite la prophétie de Pâques.

C’est par cette « pâque », ce passage de la mort à la lumière qu’aboutira le projet de Dieu du salut des hommes. L’apparition de Moïse et d’Elie signifie que la Loi et la Prophétie conduisent à la Pâque de Jésus. Ce que nous appelons « Ancien Testament » n’est pas dépassé : il est le chemin que nous avons à parcourir pour, enfin, comprendre ce qu’est l’amour de Dieu.

Faire la maison de Dieu ou être dans sa maison ?

Pierre alors dit à Jésus : « Seigneur, il est bon que nous soyons ici ! Si tu le veux, je vais dresser ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie ». Il parlait encore, lorsqu’une nuée lumineuse les couvrit de son ombre, et voici que, de la nuée, une voix disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie : écoutez-le ! » Quand ils entendirent cela, les disciples tombèrent face contre terre et furent saisis d’une grande crainte. Jésus s’approcha, les toucha et leur dit : « Relevez-vous et soyez sans crainte ! » Levant les yeux, ils ne virent plus personne, sinon lui, Jésus, seul. En descendant de la montagne, Jésus leur donna cet ordre : « Ne parlez de cette vision à personne, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts. »

Pierre est bien notre portrait. Il était désemparé et scandalisé par l’annonce de la croix : maintenant il voudrait s’installer dans le bonheur du camping à la montagne, tout fier de dresser des abris pour Jésus et les Saints. Mais Dieu lui apprend que l’essentiel n’est pas d’abord de construire des églises mais d’être englobé dans l’unique Demeure divine.

Quand Jésus accepte de donner sa vie pour les hommes et qu’il apparaît dans la lumière de la résurrection, l’Esprit de Dieu – symbolisé par la Nuée – descend et rassemble autour de Lui les hommes et les femmes de l’Ancienne et de la Nouvelle Alliance. Dans l’obscurité de la foi, tous forment une unique Eglise, une unique communauté où tous sont illuminés par le Visage de Jésus Seigneur.

Pas la vision mais l’audition : écouter et suivre

La voix de Dieu répète ce qu’elle disait au baptême : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé » mais elle ajoute à l’intention des disciples: « Ecoutez-le ». Qu’a-t-il dit ? Ce qu’il a dit « 6 jours avant » : il faut monter à Jérusalem, annoncer l’Evangile, être tué par les hommes et être ressuscité par le Père. Et celui qui veut être disciple doit prendre ce même chemin.

Le Père confirme donc l’annonce stupéfiante et met fin à ce moment d’extase dans la solitude : les disciples retrouvent Jésus dans son état naturel.

La vision était éphémère : comme toujours dans la Bible, l’essentiel c’est l’écoute en son sens profond : faire attention, assimiler un message et décider de le mettre en pratique. L’écoute n’est pas une information, un passe-temps, une distraction mais l’obéissance, l’engagement à vivre tout de suite la volonté de Dieu.

Il faut redescendre dans la plaine et poursuivre le chemin vers Jérusalem. Ce serait peine perdue que de raconter cette vision à la foule : la vérité, la lumière, c’est le chemin à prendre derrière lui.

Conclusion

Pour aller jusqu’au bout de notre chemin et affronter les difficultés, pour suivre Jésus en portant notre croix comme il nous l’a demandé, il nous est nécessaire de prier, de nous enfoncer dans la solitude et là, dans le silence, tremblant de peur encore, regarder le Visage de Lumière.

Mais la vision béatifique ne dure pas. Le Père nous invite à suivre son Fils bien-aimé et à l’écouter, à obéir à son enseignement, à aller là où nous ne voudrions pas aller.

A travers la croix, nous le retrouverons ressuscité et nous serons avec Lui dans le temple de son corps de Lumière.

Fr. Raphaël Devillers, dominicain

Source : RÉSURGENCES.BE, le 25 juillet 2023

06.08.2023 – HOMÉLIE DU 18ÈME DIMANCHE ORDINAIRE – FÊTE DE LA TRANSFIGURATION DU SEIGNEUR – MT 17, 1-9

Fête de la Transfiguration du Seigneur

Par l’Abbé Jean Compazieu

À la suite de Jésus, laissez-vous transfigurer

Textes bibliques : Lire

En cette fête de la Transfiguration du Seigneur, la liturgie nous propose des textes bibliques qui nous parlent de la gloire de Dieu. Le premier est tiré du livre de Daniel dans l’Ancien Testament. C’est un texte un peu déroutant pour ceux qui le découvrent ; mais ce qu’il faut y voir, c’est la bonne nouvelle qu’il nous laisse : il annonce le jugement des empires mondiaux, la délivrance du peuple de Dieu et l’avènement de son règne. Ce récit nous prépare à l’événement de la Transfiguration.

Dans la seconde lecture, nous avons le témoignage de l’apôtre Pierre. Il tient à préciser que sa parole n’a rien à voir avec des récits imaginaires. Il revendique avec force l’authenticité de son témoignage : “Nous avons contemplé… Nous avons entendu…” Nous, chrétiens d’aujourd’hui nous croyons en Jésus transfiguré et ressuscité parce que nous faisons confiance au témoignage de ceux qui ont vu sa gloire.

Avec l’Évangile, nous entrons dans l’événement de la Transfiguration. Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean ; et il les emmène avec lui sur une haute montagne. Il faut savoir que dans la Bible, la montagne représente le lieu de la proximité de Dieu et de la rencontre intime avec lui. C’est vraiment LE lieu de la prière en présence de Dieu. C’est là que les apôtres font cette découverte extraordinaire de Jésus transfiguré et lumineux. Son visage devient si resplendissant et ses vêtements si lumineux que Pierre en est ébloui. Il voudrait rester là pour fixer cet événement.

Mais voilà que résonne la voix du Père : “Celui-ci est mon Fils bien-aimé. écoutez-le.” Cette parole est importante. Nous devons écouter Jésus. Ce n’est pas le pape ni les évêques ni les prêtres qui disent cela, c’est Dieu lui-même qui nous le dit à tous. C’est important, même pendant les vacances. Le Seigneur est là au cœur de nos vies, de nos loisirs et de nos soucis. Mais trop souvent, nous sommes ailleurs. Nous organisons notre vie en dehors de lui.

Nous disciples du Christ, nous sommes appelés à être des personnes qui écoutent sa voix et qui prennent au sérieux ses paroles. Pour écouter Jésus, il faut être proche de lui, il faut le suivre, il faut accueillir son enseignement. C’est ce que faisaient les foules de l’Évangile qui le poursuivaient sur les routes de Palestine. Le message qu’il leur transmettait était vraiment l’enseignement du Père. Cet enseignement, nous pouvons le trouver chaque jour dans l’Évangile ; quand nous le lisons, c’est vraiment Jésus qui nous parle, c’est sa Parole que nous écoutons.

Dans cet épisode de la Transfiguration, nous trouvons deux moments significatifs : la montée et la descente. Le Seigneur nous appelle à l’écart, à monter sur la montagne. Comprenons bien, il ne s’agit pas de faire de l’alpinisme mais de trouver un lieu de silence et de recueillement pour mieux percevoir la voix du Seigneur. C’est ce que nous faisons dans la prière. Pendant l’été, beaucoup choisissent de passer quelques jours dans un monastère. Ils ont besoin de ce temps de ressourcement pour leur vie chrétienne.

Mais nous ne pouvons pas rester là. La rencontre avec Dieu dans la prière nous pousse à “descendre” de la montagne. Nous sommes invités à retourner en bas, dans la plaine et à rejoindre le monde dans ce qu’il vit. Nous y trouverons tous ceux et celles qui sont accablés par le poids du fardeau, des maladies, des injustices, de l’ignorance, de la pauvreté matérielle et spirituelle.

Nous sommes envoyés pour être les témoins et les messagers de l’espérance qui nous anime. Cette parole que nous avons reçue doit grandir en nous. Cela ne se réalisera qui si nous la proclamons. Si nous l’accueillons, ce n’est pas pour la mettre dans un conservateur mais pour la donner aux autres ; c’est cela la vie chrétienne : accueillir Jésus et le donner aux autres.

Dans quelques jours, nous fêterons l’Assomption de la Vierge Marie. Elle est là pour nous inviter à écouter Jésus et à faire chaque jour ce qu’il nous dira. Nous pouvons vraiment nous confier à elle. C’est avec elle que nous apprendrons à “monter” à travers la prière. Après avoir été imprégné de l’Amour qui est en Dieu, nous pourrons “descendre” pour le communiquer à ce monde qui en a bien besoin. C’est avec le Christ et avec Marie que ce témoignage portera du fruit.

Nous faisons nôtres les paroles de ce chant : ” Allez-vous en sur les places et sur les parvis… Allez-vous en sur les places y chercher tous mes amis”. Amen

Sources : Revue Feu nouveau – missel des dimanches – Cahiers Prions en Église – François “Selon Matthieu”

Télécharger : Fête de la Transfiguration du Seigneur

Prière universelle
Invitation
À la suite de Pierre, Jacques et Jean, tournons-nous avec confiance vers Jésus transfiguré pour déposer devant lui toutes les intentions de notre humanité, de nos communautés et de nos familles.

Refrain: Ô Christ transfiguré, exauce-nous !

Pistes pour les intentions
Seigneur, regarde avec amour ton Église
trop souvent défigurée par ses propres membres.
Donne-lui de se laisser transformer par la force
de ton amour et de ta présence bienveillante.
Qu’elle continue de dévoiler
la lumière de la parole de Dieu. R / 

Seigneur, regarde notre monde
où tant de personnes sont défigurées
par la faim, le manque d’abri,
et toutes les violences extrêmes
provoquées par les guerres
et l’indifférence par toute la planète. R /

Seigneur, nous te prions
pour toutes les femmes et tous les hommes de bonne volonté
qui œuvrent, au travers d’associations multiples,
afin de soulager la misère de millions d’êtres humains,
pour manifester qu’une fraternité universelle est possible
et que la lumière peut être plus forte que tout. R /

Seigneur, nous te prions pour tous ceux et celles
qui ont mission de gouverner le monde
afin qu’ils se laissent conduire en tout
par l’esprit des Béatitudes,
en sachant qu’il est essentiel
de donner visage humain à chacun. R /

Conclusion
Père très bon,
par le mystère de la Transfiguration,
tu affermis notre foi.
Que la Parole de ton Fils bien-aimé
soit la lumière de chacune de nos journées ;
qu’elle nous donne la force d’aimer et de servir.
Par Jésus, le Christ, notre Seigneur.

Abbé Jean Compazieu

Source: DIMANCHEPROCHAIN.ORG, le 30 juillet 2023