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07.06.2023 – OFFICE DU MILIEU DU JOUR AU MONASTÈRE DE L’ANNONCIADE DE THIAIS
07.06.2023 – MESSE À LOURDES
Historique sur le culte du Sacré Cœur

Historique sur le culte du Sacré Cœur
Il n’est plus étrange aujourd’hui que d’affligeants démagogues entretiennent chez les fidèles l’illusion que la dévotion au Sacré Cœur n’est pas plus ancienne que le XVII° siècle. Il faut être bien ignorant de la réalité pour le croire ou essayer de le faire croire, puisque les origines de cette dévotion qui a pris de nos jours un si vaste et si heureux développement, remontent haut dans l’histoire de la piété chrétienne. « Le culte du Cœur de Jésus, écrivait au siècle dernier le cardinal Pie, c’est la quintessence du christianisme, c’est l’abrégé et le sommaire substantiel de toute la religion.[1] » Néanmoins, il ne faudrait pas non plus exagérer démesurément l’histoire de cette dévotion, en lui assignant une origine trop ancienne. Certes, si dès sa naissance, l’Eglise offrit à Dieu un culte d’amour, multipliant les hommages envers l’immense charité du Christ pour nous, cela ne suffit point pour dire que les premiers chrétiens ont honoré le Sacré Cœur, ni même qu’ils ont rendu un culte spécial à l’amour de Jésus. Ce n’est que l’un après l’autre, et même assez lentement, que les éléments de cette dévotion furent mis en lumière.
Dans l’Ancien Testament, le cœur désigne la source même de la personnalité de l’homme, qui lui permet de choisir librement et intelligemment. C’est dans le cœur que l’homme rencontre Dieu.
Quand l’Ancien Testament parle du cœur de Dieu (une dizaine de fois) il semble désigner son attachement et le don profond de lui-même qu’il fait à l’homme. Lorsque le Seigneur vit « que la malice de l’homme était grande sur la terre et que son cœur ne formait que pensées mauvaises à longueur de journée…il s’affligea dans son cœur [2] » ; mais, après le déluge, lorsqu’il agréa les sacrifices de Noé comme « le parfum apaisant », c’est « en son cœur » qu’il fait serment de ne plus frapper la terre et de sauver définitivement la création[3].
David reçut comme un don de l’amour du Seigneur sa connaissance des choses divines : « A cause de ta Parole et selon ton cœur, tu as fait toute cette grande chose que d’instruire ton serviteur[4] . » Après que Salomon en eut achevé la construction, Yahvé consacra le Temple, promettant sa protection au peuple qui observera ses commandements ; Dieu y accueillera les prières et les sacrifices, ses « yeux et son cœur y seront tous les jours[5]. »
Job dit que le Seigneur est « sage de cœur et robuste de force.[6] » Au prophète Jérémie, Dieu révèle son cœur comme l’expression de ce qu’il est, don d’amour : « J’ai livré ce que mon cœur a de plus cher [7] » ; « Même si Moïse et Samuel se tenaient devant moi, mon cœur ne reviendrait pas vers ce peuple.[8] » « Mais lorsque Dieu entend les désolations d’Ephraïm : voilà pourquoi mon cœur frémit pour lui.[9] » Enfin, lors de l’annonce de l’Alliance, Dieu dit : « Je mettrai ma joie à leur faire du bien, je les planterai solidement dans ce pays, de tout mon Cœur et de toute mon âme.[10] » On entend le même cri de Yahvé chez le prophète Osée : « Mon cœur bouleversé en moi, toutes mes compassions s’émeuvent.[11] »
Jésus, Verbe et Fils de Dieu, qui s’incarna « pour nous les hommes et pour notre salut » est la plus haute expression de l’Amour et du Don de Dieu. En son cœur, le cœur de Dieu rencontre pleinement et efficacement le cœur de l’homme. Par la communion, Jésus nous agrège à son cœur pour nous faire entrer au cœur de la Trinité : « Moi en eux et toi en moi, pour qu’ils soient parfaitement un [12] », et plus loin : « que l’amour dont tu m’a aimé soit en eux et moi en eux.[13] »
L’amour divin se concrétise sur la Croix : « il n’y a pas de plus grand amour que donner sa vie pour ceux que l’on aime.[14] » A la Croix, « tout est consommé[15] », le ciel est rapproché de la terre, les cieux se sont ouverts comme le rideau du Temple s’est déchiré[16] ; la terre connaît les douleurs de l’enfantement de la création nouvelle, du salut qui donne à l’homme un cœur nouveau, une vie nouvelle, la vie de Dieu : « et la terre fut secouée, et les rochers se fendirent, et les tombeaux s’ouvrirent, et les corps de nombreux saints qui dormaient se relevèrent…[17] » Par le sacrifice du Christ sur la Croix, nous recevons en nous la Vie Eternelle. La mort du Christ en Croix nous donne la grâce sanctifiante qui est la vie même de Dieu : « mais l’un des soldats, de sa lance, lui piqua le côté, et il sortit aussitôt du sang et de l’eau.[18] » Dans cette effusion, l’Eglise voit la source des sacrements comme en témoigne la Préface d’aujourd’hui : « et de son côté transpercé, laissant jaillir le sang et l’eau, il fit naître les sacrements de l’Église, pour que tous les hommes… viennent puiser… aux sources vives du salut. »
Rien, dans les écrits des Pères de l’Eglise, ne témoigne clairement d’un culte au Cœur de Jésus considéré comme symbole de son amour ; cependant si le culte proprement dit n’y est pas, il est facile d’y trouver l’esprit, et parfois même des formules capables de le traduire exactement. Il ne manque pas de textes patristiques pour célébrer la plaie du côté de Jésus, avec le symbolisme du sang et de l’eau qui en jaillirent. C’est ordinairement en commentant quelques textes des saintes Ecritures[19] que les Pères se sont le plus rapprochés de l’idée actuelle de la dévotion au Sacré Cœur de Jésus.
Ainsi, dans son commentaire du Cantique des cantiques et de l’Evangile de saint Jean, Origène a parlé avec beaucoup de piété du Cœur de Jésus comme dépositaire des secrets divins, des mystères de science et de sagesse qui sont révélés aux privilégiés. Pensée que l’on retrouve plusieurs fois dans les écrits de saint Augustin qui, peut-être plus que n’importe quel autre Père, est pénétré de l’esprit de cette devotion, sans l’avoir toutefois jamais exactement exprimée : « Contemplez les blessures du Christ pendu en croix, le sang qu’il verse en mourant, le prix dont il vous rachète… I1 a la tête inclinée pour vous donner un baiser, le cœur ouvert pour vous chérir, les bras étendus pour vous embrasser, tout le corps exposé comme prix de votre rachat. Songez à la grandeur de ces mystères ; pesez-les dans la balance de votre cœur, et que soit tout entier gravé dans votre cœur Celui qui tout entier fut pour vous cloué sur la croix.[20] » Ailleurs, saint Augustin écrit : « Le don principa1 et personnel que Jean l’Evangéliste reçut du Seigneur fut de reposer, à la Cène, sur la poitrine du Maître, pour signifler par là qu’il buvait les secrets les plus haut dans l’intime de son Cœur.[21] »
On pourrait encore citer d’autres Pères (en particulier de saint Jean Chrysostome, de saint Ambroise, de saint Grégoire le Grand ou de saint Bède le Vénérable) qui ouvrent la voie, préparent et conduisent à la vénération du Sacré Cœur comme symbole d’amour, dont les premières traces remontent au XI° siècle où, par delà la plaie du côté, apparaissent les premières références au cœur de chair du Seigneur. Le premier texte clair semble être de saint Anselme, archevêque de Cantorbéry (1033-1109) : « Jésus est doux… dans l’ouverture de son côté ; car cette ouverture nous a révélé les richesses de sa bonté, la charité de son cœur.[22] » Dans la continuité des Pères qui ont célébré la blessure du côté, puis la blessure du Cœur de Jésus, saint Bernard (1091-1153) exprime nettement la référence au cœur de chair : « Le fer a transpercé son âme, il a eu accès à son cœur, pour qu’il sache désormais compatir à me infirmités. Le secret du cœur est découvert par les trous du corps ; découvert ce grand sacrement de bonté, les entrailles miséricordieuses de notre Dieu.[23] » Guillaume de Saint-Thierry (mort vers 1150) sera plus précis : « Les ineffables richesses de votre gloire, Seigneur, étaient cachées dans le ciel de votre être mystérieux, jusqu’à ce que la 1ance du soldat ayant ouvert le côté de votre Fils, notre Seigneur et Redempteur, sur la croix, il s’en écoula les sacrements de notre rédemption, de façon que nous ne mettions pas seulement dans son côté notre doigt ou notre main, comme Thomas, mais que par la porte ouverte nous entrions tout entiers, ô Jésus, dans votre Cœur, siege assuré de la misericorde, jusqu’à votre âme sainte, pleine de toute la plénitude de Dieu. pleine de grâce et de vérité, pleine de notre salut et de notre consolation… Ouvrez votre côté à ceux qui désirent connaître les secrets du Fils.[24] » Richard de Saint-Victor (mort en 1173) sera encore plus explicite : « Plus que tout autre Emmanuel a eu un cœur de chair pour compatir, parce que pour tout ce qui est bonté affectueuse, il n’y eut jamais rien de plus tendre. » Le Cœur de Jésus est dès lors regardé comme le symbole de l’Amour de Dieu d’où jaillirent le sang et l’eau qui nous donnent la Vie Eternelle.
Au XIII° siècle, l’un des centres de la dévotion fut le monastère d’Helfta où vécurent sainte Mechtilde (1210-1282) et sainte Gertrude (1252-1302) qui, mieux que personne, célébrèrent avec un joyeux enthousiasme le mystère d’amour et de miséricorde renfermé dans le divin Cœur. Dans des apparitions, Notre-Seigneur révéla lui-même les secrets de son cœur, et elles eurent pour mission de « révéler le rôle et l’action du Cœur Divin dans l’économie de la gloire divine et de la sanctification des âmes. »
Simultanément, les Fransciscains participèrent à ce grand mouvement surnaturel qu’ils favorisèrent à la manière ardente de leur Père, saint François d’Assise, que Notre-Seigneur devait plus tard appeler, dans une vison à sainte Marguerite-Marie, « l’un des plus grands favoris de son Sacré Cœur. » Les Fransciscains aimaient à chanter des strophes toutes brûlantes :
« Regarde un peu et vois
En quel étal m’a mis l’amour.
Il est transpercé, mon Cœur,
Avec une lance.
Mon Cœur désire ton cœur,
Tu me fais languir d’amour,
Hâte-toi vers mois, viens,
Donne-moi ton cœur. »
Parmi tous les Franciscains se distingue saint Bonaventure[25], un des premiers définiteurs de la dévotion au Sacré Cœur[26] : « Va donc, va de cœur à Jésus blessé, à Jésus couronné d’épines, à Jésus pendu en croix ; et avec le bienheureux apôtre Thomas ne regarde pas seulement les traces des clous, ne mets pas seulement la main dans son côté, mais entre toute entière par la porte de son côté, jusqu’au cœur même de Jésus, toute transformée en Jésus Christ par l’ardent amour du crucifié.[27] ». Saint Bonaventure a écrit sur la blessure du côté, la blessure d’amour, des pages admirables dont plusieurs sont insérées dans la liturgie : « Approchons-nous du Cœur du très doux Seigneur Jésus, et nous exulterons, nous nous réjouirons en lui. Oh ! qu’il est bon et doux d’habiter en ce Cœur ! C’est le trésor caché, la perle précieuse que nous trouvons, ô Jésus, en creusant le champ de votre corps. Qui donc rejetterait cette perle ? Bien au contraire, pour elle je donnerai tous mes biens ; je laisserai en échange toutes mes préoccupations toutes mes affections ; tous mes soucis, je les abandonnerai dans le Cœur de Jésus : il me suffira et pourvoira sans faute à ma subsistance. C’est dans ce temple, ce Saint des saints, cette arche d’alliance, que je viendrai adorer et louer le nom du Seigneur. J’ai trouvé mon cœur, disait David, pour prier mon Dieu. Et moi aussi j’ai trouvé le Cœur de mon Seigneur et Roi, de mon frère et ami. Ne prierai-je donc pas ? Oui, je prierai, car je le dis hardiment, son cœur est à moi… O Jésus, daignez accepter et exaucer ma prière.Entraînez-moi tout entier en votre Cœur. Bien que la déformation de mes péchés m’empêche d’y entrer, cependant, puisque, par un incompréhensible amour ce Cœur s’est dilaté et élargi, vous pouvez me recevoir et me purifer de mon impureté. O Jésus très pur, lavez-moi de mes iniquités afin que, purifié par vous, je puisse habiter en votre Cœur tous les jours de ma vie, pour voir et faire votre volonté. Si votre côté a été percé, c’est pour que l’entrée nous fût grande ouverte Si votre Cœur a été blessé c’est pour que, à l’abri des agitations extérieures, nous puissions habiter en lui. Et c’est aussi pour que, dans la blessure visible nous voyions l’invisible blessure de l’amour.[28] »
L’Ordre de saint Dominique fut un autre centre d’influence, trés puissant, en faveur du culte du Sacré Cœur qui s’épanouit en son sein à partir de la sainte Humanité de Jésus, caractéristique de la piété dominicaine. Les Dominicains ont toujours fait montre d’un ardent amour envers la Passion et l’Eucharistie, or comme les affinités sont étroites entre la Passion, l’Eucharistie et le Sacré Cœur, ceux qui rendaient un culte si vivant à la Passion et à l’Eucharistie, l’étendirent naturellement au Cœur de Jésus[29]. Dès le XIII° siecle, l’Ordre dominicain introduit dans sa liturgie une fête spéciale de la « Plaie du côté de Jésus » le vendredi après l’octave du Saint-Sacrement. En 1247, le pape Innocent IV, voulant donner un blason aux missionnaires Dominicains de la célébre Congrégation des Frères Pérégrinants pour le Christ, fit graver un Christ debout et depouillé, répandant son précieux Sang par la plaie du côté.
Aussi n’est-il point surprenant de trouver un peu partout, dans les œuvres des mystiques dominicains des pages ravissantes sur le Cœur de Jésus. Jean Tauler (1300-1350) prête ces paroles à Jésus : « La très ardente soif que j’avais du salut des hommes produisait comme un flux et une éruption de mon sang bouillonnant d’amour. Ma mort fut très cruelle : c’eût été toutefois un supplice bien plus cruel à mon Cœur s’il était resté dans mon Cœur une seule gouttelette de sang et d’eau que je n’eusse versée de ce Cœur tout enflammé d’amour pour le salut des hommes. De même que le sceau imprime sa forme sur la cire, ainsi la force de, l’amour dont j’aime l’homme a imprimé en moi, dans mes mains et mes pieds, dans mon Cœur même l’image de l’homme, si bien que je ne peux jamais l’oublier.[30] »
Le bienheureux Suso (1347-1380), celui-là même qui avait gravé en traits sanglants sur son cœur le nom de Jésus, nous rapporte ce dialogue du Seigneur et de l’âme : « le Seigneur : Il faut que tu entres par mon côté ouvert dans mon Cœur blessé d’amour, que tu y cherches une habitation, que tu y demeures. Je te purifierai alors dans l’eau vive et je te colorerai en rouge avec mon sang ; je m’attacherai et m’unirai à toi éternellement. Le fidèle : Seigneur, aucun aimant n’attire le fer avec autant de force que l’exemple de vos aimables souffrances attire les cœurs pour les unir au vôtre.[31] »
Peu d’années après, sainte Catherine de Sienne (1347-1380), se faisait, avec son ardeur coutumière, l’apôtre de cette dévotion. Plusieurs fois le Sauveur lui apparut pour lui montrer la blessure de son Cœur et lui en expliquer le symbolisme. Un jour, elle demanda : « Doux Agneau sans tache, vous étiez mort lorsque votre côté fut ouvert : pourquoi donc avez-vous voulu qu’il fût blessé et ouvert, votre Cœur ? » Le Seigneur lui résuma l’idée essentielle de la dévotion : « Il y avait de nombreux motifs. Je te dirai l’un des principaux. Mon amour de la race humaine était infini, et, par contre, l’acte présent de la souffrance et des tourments était fini : je ne pouvais donc, par cette souffrance finie, vous manifester jusqu’où je vous aimais, puisque mon amour était infini. Voilà pourquoi j’ai voulu vous manifester le secret du Cœur en vous le montrant ouvert. J’ai voulu vous dire qu’il vous airnait bien plus encore qu’il n’avait pu le prouver par une souffrance finie.[32] » Elle qui avait pénétré cette doctrine profonde, ne cessa de la prêcher à ses disciples, en termes étranges parfois, toujours animés d’une rare flamme : « Je veux que vous vous cachiez dans le côté ouvert du Fils de Dieu, côté qui est une boutique ouverte, pleine da parfums, tellement que le péché lui-mème s’y pafume. Là, l’épouse aimante se repose sur un lit de feu et de sang. Là, se manifeste pleinement le secret du Cœur du Fils de Dieu. O tonneau percé qui abreuves et enivres tous les désirs de l’amour. Tu distribues la joie. Tu illumines toute inteliligence et tu remplis toute mémoire qui y aspire, tellement qu’elles n’ont plus de goût pour rien retenir, ni fixer, ni aimer hors ce doux et bon Jésus ! O Sang et Feu, inestimable Amour ! [33] »
Chacune des familles religieuse favorisa la dévotion au Cœur de Jésus qui, dès le XIV° siècle entra dans le domaine public, en possession de ses éléments essentiels. Cette dévotion était chez les Chartreux, avec Ludolphe de Saxe (1295-1378), Dominique de Trèves (1384-1461) ou Jacques de Clusa (1386-1466), chez les Augustins, avec le bienheureux Simon Fidati de Cascia (1290-1348). Elle était en Angleterre, avec la bienheureuse Julienne de Norwich (1342-1416), et en Italie, avec sainte Françoise Romaine (1384-1440).
Aux origines, les mystiques ne s’étaient guère préoccupés d’instituer des exercices propres en l’honneur du Cœur divin, encore que l’on trouve des pratiques bien déterminées chez les saintes Melchtilde et Gertrude, comme chez saint Bonaventure. Peu à peu, ces pratiques se multiplièrent, des exercices se fixèrent, et l’on vit la dévotion prendre une forme plus objective, s’organiser et se faire indépendante, avec ses pratiques propres, déjà répandues dans la seconde moitié du XlV° siècle, comme en témoigne un traité attribué à Tauler[33] , qui se termine par « un exercice divinement révélé et contenant en raccourci toute la perfection de la sainteté » : « Paré d’amour, tout plein de charité, recueillez au dedans de vous toutes vos facultés : alors approchez du Cœur de Jésus, trésor immense, fontaine inépuisable de charité et de bonté, et entrez dans ce Cœur en pratiquant ces quatre exercices. Premièrement, offrez-vous au Seigneur dans la simplicité de votre cœur, pour le temps et pour l’éternité, vous déclarant prêt à la prospérité et à l’adversité, à la vie et à la mort, animé de l’unique désir de faire sa volonté, et renonçant à votre volonté propre. Offrez-vous qu’il vous possède comme il lui plaît.
Deuxièmement, vous exigerez du Seigneur, avec une sainte liberté, toutes les grâces et vertus, tout ce qui peut servir à votre salut ou celui du prochain, tout ce qui est utile aux vivants et aux âmes du purgatoire, même des choses temporelles. Exigez plus encore une courageuse persevérance, et par-dessus tout demandez votre Bien-Aimé lui-même, Dieu, dans la nudité de l’esprit . » Suit l’exercice de conformité au Christ dans ses souffrances et ses humiliations. « Troisièmement : puisque votre Dieu est l’éternelle charité qui, de toute éternité, vous a porté en lui-même, vous vous conformerez à lui en désirant vivre, autant que cela lui plaira, dans le même délaissement, la même souffrance et ignominie, la même misère que le Christ a vecu ; vous vous transformerez en l’amour, puisque lui-même est l’éternel Amour, af!n que vous puissiez parvenir à lui et que, paré de la même charité que le Christ, vous lui soyez semblable. Quatrièmement :excitez en vous le désir puissant de lui être uni sans intermédiaire, d’une union très étroite et très heureuse. Ainsi uni à lui, vous arriverez à la divinité même. Par l’abandon de tout le crée et par l’abandon de vous-même, vous vous plongerez si profondément en votre Dieu très doux que les créatures ne pourront plus vous trouver. Et là vous désirerez être absorbé en lui et à votre tour l’absorber lui-même puisqu’il n’est qu’un océan de bonté et d’amour… Croyez-le, si la divinité vous absorbe ainsi, pendant que vous demeurerez dans le Cœur de Jésus, vous aurez la félicité. »
Au milieu du XV° siècle, une dominicaine alsacienne, Claire d’Ostren (morte en 1447), écrit : « Chaque jour, je m’enferme en un triple château. Le premier est le Cœur tout pur et virginal de la noble Vierge Marie, contre toutes les attaques de l’esprit malin. Le second est le Cœur tout bon de notre aimable Seigneur Jésus, contre toutes les attaques de la chair. Le troisième est le Saint-Sépulcre, où je me cache auprès du Seigneur contre le monde et toutes les créatures nuisibles. »
Les Chartreux prirent une part très importante à ce mouvement de la dévotion par leurs livres imprimés et leur ornementation architecturale. La Chartreuse de Cologne se distingua entre toutes, en publiant (1541) un recueil de prières et de pieuses pratiques (« Hortulus devotionis »). Un chartreux de Cologne, Lansperge (1489-1539), fut un grand propagateur du culte : « Appliquez-vous à honorer le Cœur du très tendre Jésus-Christ, toutdébordant d’amour et de miséricorde. Ayez la dévotion de le saluer souvent. Baisez-le, entrez-y en esprit. Par lui faites vos demandes et offrez vos exercices. Il est le trésor de toutes les grâces, la porte par où nous allons à Dieu et Dieu vient à nous. Ayez donc une image du Cœur divin ou des cinq plaies, ou de Jésus sanglant et tout blessé ; mettez-la en quelque lieu où vous passez souvent, pour qu’elle vous rappelle votre pratique et votre exercice d’amour envers Dieu.[35] »
Dans un autre milieu, bénédictin Louis de Blois (1506-1566), abbé de Liessies, contribua grandement à repandre en l’honneur du Cœur divin des pratiques que nous avons presque toutes conservées, jusque dans leur formule : « L’ascète confiera ses œuvres et ses exercices pour qu’il les corrige et les rende parfaits, au Cœur très pieux et suave comme le miel du Seigneur Jésus, à ce Cœur inséparablement uni à l’intime de la divinité et source de tout bien ; et il les offrira à la gloire éternelle de Dieu de cette manière, ou semblablement : Bon Jésus, cette œuvre, ces exercices que j’accomplis, je les confie à votre divin Cœur pour qu’il les corrige et les rende parfaits. Je vous les offre pour votre gloire éternelle et le salut de toute votre Eglise, en union de ce très doux amour qui vous a porté, vous notre Dieu, à vous incarner et à mourir pour nous. Ou encore : En union de vos œuvres et de vos exercices très parfaits L’ascète pourra aussi, en ces termes ou en d’autres équivalents, prier le Christ de suppléer à ses imperfections : Bon Jésus, trop imparfaits sont mon service, ma louange, mon désir et mon amour pour vous ; je suis encore trop loin de la vraie abnégation de moi-même et de la mortification, de la véritable humilité, douceur, patience, charité, pureté ; je vous demande donc de daigner suppléer à ce qui me manque, en offrant à votre Père votre Cœur divin. Ou il dira : Je remets à
votre divin Cœur, pour les corriger et les rendre parfaits, la tâche de louange que j’ai accomplie en votre honneur, et mon service tiède et distrait. Je vous les offre pour la gloire de votre nom et le salut de toute votre Eglise, en union de cet amour avec lequel vous avez ici-bas prié et loué votre Père. Je vous supplie de vous louer parfaitement en moi.[36] »
Les écrits à propos du Cœur de Jésus se multiplièrent, et au XVI° siècle, sa dévotion avait accompli la définitive conquête des milieux pieux, bien au-delà des monastéres où elle avait été cultivée jusqu’alors.
En Espagne, un prêtre ami de sainte Thérése d’Avila, Jean-Baptiste Anyès, publia un « Petit Office du Sacré Cœur » (1545) ; le bienheureux Jean d’Avila (1499-1569) apprit aux fidèles à entrer « dans le Saint des saints… le Cœur de Jésus, qui n’est pas seulement saint, mais la sainteté même[37] » ; le vénérable Louis de Grenade (1504-1588) et sainte Thérèse d’Avila (1515-1582) mirent au service de la dévotion au Cœur de Jésus leur immense autorité, de même que que le bienheureux Balthasar Alvarez (1534-1580) saint Alphonse Rodriguez (1531-1617), le Trinitaire saint Michel des Saints (1591-1625), Marine d’Escobar (1554-1633), Marie d’Agréda (1602-1665). Parmi les propagateurs de la dévotion au Cœur de Jésus, on peut nommer, en Italie, sainte Catherine de Ricci (1522-1589) ou sainte Marie-Madeleine de Pazzi (1566-1607) ; on vit, en Belgique, Nicolas de Montmorency (1556-1617), homme d’Etat qui employa ses loisirs à écrire un très pieux « Diurnate pietatis », dom Benoît Haeften, abbé d’Afflighem (1588-1648), et Jacques Marchant qui écrivit un « Hortus Pastorum » (1648).
Pendant ce temps, en France, nous rencontrons partout la dévotion au Cœur de Jésus se répandait dans le monde et même à la cour, comme dans les cloitres. Elle s’alliait aux tendances des spiritualités les plus diverses, singulièrement à celle de l’Ecole française[38] et à celle des Jésuites ; la quasi-totalité des familles religieuses anciennes et nouvelles se joignèrent à elle, et on la trouvait jusque chez les jansénistes. Les Carmélites, à peine introduite en France, encore tout enflammées par les récents exemples de leur admirable réformatrice, affermissaient le culte du divin Cœur dans leurs monastères et le répandaient dans le monde, où leur influence était grande ; le Carmel de la rue Saint-Jacques contribua largement à répandre la dévotion à la Cour de Louis XIII. Les Visitandines, furent consacrées au Cœur divin par leurs saints fondateurs.
Au milieu du siècle, Bossuet ne faisait que résumer le sentiment de son époque quand il exhortait à voir « en ce Cœur l’abrégé de toutes les merveilles du christianisme[39] » ; lorsqu’il voulut donner la formule de la perfection chrétienne, il rencontra comme naturellement la formule de la dévotion au Sacré Cœur.
Restait à rendre liturgique le culte du Sacré Cœur. Tant qu’il demeurerait privé, fût-il répandu dans tous les milieux, il lui manquerait un trait essentiel à toute dévotion vraiment catholique. C’est à saint Jean Eudes (1601-1680) que revint cette glorieuse initiative. Il avait consacré aux Saints Cœurs de Jésus et de Marie les congrégations qu’il avait fondées, et leur faisait réciter un office propre, approuvé de quelques évêques, dès 1648. En 1670 Jean Eudes publia une messe et un office propre du Sacré-Cœur de Jésus adoptés par quelques évêques et quelques couvents qui les dirent à la fête alors fixée le 20 octobre[40] . En l655, il inaugura à Coutances la première église consacrée au Cœur de Jésus. Malgré les contradictions et les adversités, missionnaire infatigable, il s’employa pendant quarante ans à populariser et à affermir son œuvre.
Or, Notre-Seigneur, à Paray-le-Monial, vint se manifester à sainte Marguerite-Marie, à partir de 1673. « Il me fit voir que l’ardent désir qu’il avait d’être aimé des hommes et de les retirer de la voie de perdition où Satan les précipite en foule, lui avait fait former ce dessein de manifester son cœur aux hommes avec tous les trésors d’amour, de miséricorde et de grâce, de sanctification et de salut qu’il contenait. »
Le 16 juin 1675, dimanche dans l’octave du Saint-Sacrement, eut lieu la grande apparition : « Voilà ce cœur qui a tant aimé les hommes, qu’il n’a rien épargné jusqu’à s’épuiser et se consommer pour leur témoigner son amour. Et pour reconnaissance, je ne reçois de la plupart que des ingratitudes par leurs irrévérences et leurs sacrilèges, et par les froideurs et les mépris qu’ils ont pour moi dans ce sacrement d’amour. Mais ce qui m’est encore le plus sensible est que ce sont des cœurs qui me sont consacrés qui en usent ainsi… C’est pour cela que je te demande que le premier vendredi d’après l’octave du Saint-Sacrement soit dédié à une fête particulière, pour honorer mon Cœur, en communiant ce jour-là, et en lui faisant réparation d’honneur par une amende honorable, pour réparer les indignités qu’il a reçues pendant le temps qu’il a été exposé sur les autels… Je te promets que mon Cœur se dilatera pour répandre avec abondance les influences de son divin amour sur ceux qui lui rendront cet honneur et qui procureront qu’il lui soit rendu. »
Les apparitions à Sainte Marguerite-Marie donnèrent le sens de la réparation au culte naissant du Sacré-Cœur de Jésus. Le Père de la Colombière, se fit l’apôtre du culte public à rendre au Sacré-Cœur. La première fête fut célébrée à Paray-le-Monial en 1685, en 1686 à Moulins et Dijon, en 1688 la messe et l’office furent approuvés à Langres. En 1720, lors de la grande peste de Marseille, l’évêque consacra son diocèse au Sacré-Cœur dont il établit la fête en 1721. En 1765 Clément XIII approuva la Messe et l’Office pour la Pologne, puis pour les Visitandines puis, les années suivantes, pour tous ceux qui le demandaient jusqu’à ce que Pie IV autorisât la Messe et l’Office (1779). Le 12 août 1856, Pie IX étendit la fête à l’Église Universelle et, en 1889, Léon XIII l’éleva au rit double de première classe. Enfin, en 1929, Pie XI composa une nouvelle messe et une nouvel office.
La réforme Liturgique de Paul VI a conservé tout le propre de la messe du Sacré-Cœur de Pie XI, à l’exception de la postcommunion et de la préface.
Textes liturgiques © AELF, Paris
[1] Cardinal Pie : « Lettre synodale » de décembre 1857.
[2] Livre de la Genèse, VI 5-6.
[3] Livre de la Genèse, VIII 21.
[4] Deuxième livre de Samuel, VII 21 ; premier livre des Chroniques, XVII 19.
[5] Premier livre des Rois, IX 3 ; deuxième livre des Chroniques, VII 16.
[6] Livre de Job, IX 4.
[7] Livre de Jérémie, XII 7.
[8] Livre de Jérémie, XV 1.
[9] Livre de Jérémie, XXXI 20.
[10] Livre de Jérémie, XXXII 41.
[11] Livre d’Osée, XI 8.
[12] Evangile selon saint Jean, XVII 23.
[13] Evangile selon saint Jean, XVII 26.
[14] Evangile selon saint Jean, XV 13.
[15] Evangile selon saint Jean, XIX 30.
[16] Evangile selon saint Matthieu, XXVII 52.
[17] Evangile selon saint Matthieu, XXVII 52-53.
[18] Evangile selon saint Jean, XIV 34.
[19] Livre du Cantique des cantiques, IV 9 ; II 14 ; VIII 6 ; Livre d’Isaïe, XII 3 ; évangile selon saint Matthieu, XI 29 ; évangile selon saint Jean, XIII 23.
[20] Saint Augustin : « De Virginitate ».
[21] Saint Augustin : « Tractatus in Johannis evangelium », XVIII 1.
[22] Saint Anselme de Cantorbéry : dixième méditation
[23] Saint Bernard : sermon LXI sur le Cantique des cantiques, 1.
[24] Guillaume de Saint-Thierry : « Méditations ».
[25] Saint Bonaventure (1221-1274), ministre-général des Franciscains puis cardinal-évêque d’Albano.
[26] Saint Bonaventure : « Vigne Mystique » (injustement attribuée à Saint Bernard).
[27] Saint Bonaventure : « De perfections vitæ ad sorores ».
[28] Saint Bonaventure : « De Passione Domini » III.
[29] Dans le « Livre du sacrement de l’Eucharistie » saint Albert le Grand (1206-1280) écrit : « Le Cœur de notre Seigneur, plénitude de grâces, et demeure de la Divinité, est l’Arche d’Alliance contenant la grâce de l’eucharistie. Car, sans aucun mérite de notre part, nous avons reçu un don si précieux. Ici se réalisent les paroles de saint Jean : La grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ. Une des raisons de nommer ce sacrement eucharistie c’est qu’il est le don de la très grande générosité de Dieu. Cette générosité se manifeste de six manières qui font déborder le cœur d’amour : la bonté et la bénignité, l’affection et la sympathie, l’amour et la miséricorde. Ce sont elles qui ont poussé le divin Cœur à nous donner cette grâce de l’eucharistie. La bonté est d’elle-même portée à se donner aux autres, à se répandre sur les autres. L’amour est une ardeur envahissant et incendiant le cœur afin qu’il se répande entièrement en fruits de prédilection. C’était donc par cet amour qui enflamme le cœur comme un feu et qui le fait se consumer entièrement pour celui qu’il aime que le divin Cœur fut poussé par une générosité infinie à nous préparer ces grâces. En vérité, c’est ce qui incite le Cœur de Dieu, dans son incommensurable générosité, à nous donner la grâce de l’eucharistie. Par ce sacrement il laisse sa bonté se déverser sur nous comme un fleuve de joie. »
[30] Jean Tauler : commentaire de saint Paul.
[31] Le bienheureux Henri Suso : « Livre de la Sagesse », XVIII.
[32] Sainte Catherine de Sienne : « Dialogue », chapitre LXXV.
[33] Neuvième lettre de sainte Catherine de Sienne au bienheureux Raymond.
[34] « De decem cæcitatibus » (les dix aveuglements).
[35] « Phareta divini amoris », I.
[36] Louis de Blois : « L’Institution spirituelle ».
[37] Le bienheureux Jean d’Avila : « Auda filia ».
[38] M. Olier, fondateur de la Compagnie de Saint-Sulpice écrivait : « Perdez-vous mille fois le jour dans son admirable Cœur. C’est là que vous entrerez dans la jouissance de tout ce qu’il est, et même des correspondances et des communications mutuelles qui se passent entre lui et son Père. C’est la pièce d’élite que le Cœur du Fils de Dieu ; c’est la pierre précieuse du cabinet de Jésus, c’est le trésor de Dieu même où il verse tous ses dons et communique toutes ses grâces… C’est en ce Cœur sacré et en cet adorable intérieur que se sont premièrement opérés tous les mystéres, et c’est dans les saints que Dieu y applique plus particulièrement que se passent ses communications plus intimes et que s’expriment le plus parfaitement tous ses divins mystéres. »
[39] Bossuet : « Panégyrique de saint Jean ».
[40] « Brûlant d’un singulier amour envers les Cœurs très saints de Jésus et de Marie, il eut le premier – et ce ne fut pas sans une sorte d’inspiration divine – l’idée d’un culte public en leur honneur. De ce culte si doux on doit le regarder comme le père, car il fit célébrer la solennité de ces Cœurs ; comme le docteur, car il composa en leur honneur des offices et une Messe ; comme l’apôtre enfin, car de tout son cœur il s’employa à répandre partout cette dévotion salutaire » (Pie X : bref de béatification de Jean Eudes, 13 décembre 1908).
Source : MISSEL
11.06.2023 – Le Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ – Jean 6,51-58

Fête du Saint Sacrement – 11 juin 2023 – Évangile de Jean 6, 51-58
Le Sacrement de soi
Vous savez que la fête du Saint-Sacrement – la Fête-Dieu – a été pour la première fois instituée à Liège. L’histoire est d’abord celle de la vision de Julienne de Cornillon, en 1209, d’une lune échancrée, dont il manque un morceau, comme s’il manquait quelque chose au rayonnement eucharistique de l’Église.

C’est la grande préoccupation du XIIIe siècle : la présence réelle de Dieu dans l’hostie consacrée et dans le monde. On est au temps des Cathares, une secte chrétienne prétendant que le monde est fondamentalement mauvais, créé non par Dieu mais par le Diable, que le corps humain est mauvais, corruptible et mortel, que le Christ n’est qu’un être spirituel. Ce que proposent les Cathares c’est tout bonnement un désenchantement du monde : pour eux, Dieu a déserté la Création.
C’est d’ailleurs pour contrer cette idéologie que saint François écrira le Cantique des Créatures ; pour dire que le Soleil, la Lune, les pluies et les vents sont des créations de Dieu, qu’ils sont nos frères et nos sœurs. Et c’est encore pour répondre aux Cathares qu’il invente la crèche. Peut-être ne le savez-vous pas mais, dans la première crèche, saint François n’avait pas mis d’enfant dans la mangeoire. Il y avait mis un pain, expressément pour affirmer la présence réelle de Dieu dans l’Eucharistie et donc dans le monde d’aujourd’hui.
A l’instar des Cathares, notre époque a évacué la présence réelle de Dieu. Si pour beaucoup de nos contemporains Dieu existe encore, il a été repoussé bien loin dans le ciel. Aujourd’hui, pour beaucoup, Dieu est un Dieu qu’on rencontrera éventuellement au moment de la mort, mais il n’a plus vraiment de présence réelle dans la vie de nos contemporains.
Même la Nature nous apparaît malade et polluée. Notre monde est à nouveau gouverné par un mauvais génie et ce diable responsable de tous les maux de la Terre, c’est désormais l’homme. Pour les Cathares, Dieu avait déserté la Création ; pour notre époque, il a déserté l’Humanité. Ils sont de plus en plus nombreux à penser l’homme intrinsèquement nuisible, responsable de toutes les pollutions, de tous les maux.
Il est urgent de reproposer une « Église Saint-Sacrement », une Église qui offre la présence de Dieu aussi simplement, aussi humblement, que s’offre le pain ; une Église qui visiblement se nourrit et vit de la présence actuelle de Dieu ; une Église qui témoigne de cette présence réelle, incarnée, donnée aujourd’hui au monde.
C’est d’abord par notre propre sacrement, notre propre sanctification que nous pourrons participer à ce réenchantement de l’Humanité. Où sont les saints d’aujourd’hui, les hosties vivantes données au monde pour l’amour de Dieu ? Plus que nous effrayer, l’état actuel de l’Église, le mépris croissant des religions devraient nous inciter à endosser la responsabilité de mieux incarner la présence eucharistique aujourd’hui.
Seigneur, fais de nous des hosties vivantes, ta présence nourrissante offerte à notre monde. Amen.

Source : RÉSURGENCES.BE, le 6 juin 2023
11.06.2023 – Le Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ – Jean 6,51-58
Souviens-toi !
Pistes pour l’homélie
Par l’Abbé Jean Compazieu
Textes bibliques : Lire
Après le sommet Eucharistique du Jeudi Saint, nous nous retrouvons pour une grande fête de l’Eucharistie, celle du Saint Sacrement, Corps et Sang du Christ. C’est Jésus lui-même qui se donne en nourriture. Il a voulu nous laisser sa présence sous la forme d’un repas. L’Eucharistie est vraiment la nourriture essentielle de notre vie. Le curé d’Ars disait : “Vous n’en êtes pas dignes mais vous en avez besoin”. Les textes bibliques de ce dimanche nous préparent à accueillir ce don de Dieu.
La 1ère lecture nous ramène au 7ème siècle avant Jésus Christ. Pour le peuple d’Israël, c’est une période de prospérité et d’abondance ; la tentation est grande de croire que cette réussite vient du seul génie des hommes. On se pose la question : “Pourquoi continuer à honorer Dieu alors qu’on est tiré d’affaire ?” Mais la Parole de Dieu vient le rappeler à l’ordre : “Souviens-toi”. La marche dans le désert était un temps de probation. Au cours de cette difficile traversée, Dieu n’a jamais cessé d’être là. Il a multiplié les bienfaits pour assurer la survie de son peuple. Il a fait pleuvoir la manne et jaillir l’eau du rocher. Il a surtout offert sa Parole qui est la nourriture essentielle de l’âme.
Quand le peuple se nourrit de la manne, il reconnaît que tout vient de Dieu. Nous aussi, nous reconnaissons que nous dépendons de lui. C’est le seul moyen de ne pas devenir esclave d’un autre car le vrai Dieu est libérateur. Nous qui vivons dans un monde indifférent ou hostile à la foi chrétienne, nous devons réentendre cet appel du Seigneur : “Souviens-toi !” N’oublie jamais de te nourrir de la Parole de Dieu et de l’Eucharistie.
Dans sa 1ère lettre aux Corinthiens, l’apôtre saint Paul insiste précisément sur l’importance de l’Eucharistie. La bénédiction de la coupe et la fraction du pain ne sont pas que des gestes rituels. Elles ne sont pas non plus une simple évocation des gestes du passé. Sous le signe du pain et du vin, nous communions au Corps et au Sang du Christ ; nous faisons nôtre l’amour de Celui qui a livré son Corps et versé son Sang pour nous et pour la multitude. Cet amour qui nous unit à lui doit aussi nous unir à tous nos frères. Nous apprenons à les regarder avec le regard même du Christ, un regard plein d’amour et de miséricorde.
L’Évangile nous propose un extrait du long discours sur le Pain de vie. C’était après la multiplication des pains près du lac de Tibériade. Jusque-là, Jésus avait demandé à ses auditeurs de croire en sa parole. Aujourd’hui, il franchit un nouveau pas dans la révélation de sa personne. Ce pain dont il parle, il dit que c’est lui-même “pain vivant” ; il dit aussi que c’est “sa chair donnée pour la vie du monde”. Il annonce ainsi sa mort qu’il présente comme don de la Vie éternelle au monde.
Le Pain descendu du ciel c’est donc Jésus lui-même. Sa chair et son sang sont une nourriture qui donne la Vie éternelle. Aujourd’hui comme autrefois, Jésus nous demande de faire un acte de foi. Il faut se nourrir de son enseignement et boire ses paroles. Elles sont celles du Fils qui nous apporte la vie du Père. Mais pour accueillir ce don, il nous faut sortir de nos certitudes et de nos raisonnements humains. Il nous faut avoir un cœur de pauvre, entièrement ouvert à celui qui est “le chemin, la Vérité et la Vie.
L’Eucharistie est “Pain de vie”. Cette fête d’aujourd’hui doit raviver notre désir de communion avec Dieu pour “demeurer en lui et lui en nous.” Ces jours-ci, quelqu’un disait : “Toute Eucharistie est bien plus forte que tout le mal du monde”. C’est vrai, à chaque messe, nous célébrons le sacrifice du Christ et sa victoire sur la mort et le péché. Nous rendons grâce à Dieu qui ne cesse de nous combler de ses bienfaits. C’est en lui que nous trouvons la vraie joie. Malheureusement, nous sommes trop souvent victimes de la routine alors que nous devrions être dans l’émerveillement. Nous entrons dans l’Eucharistie sans transition, sans préparation. Et nous repartons souvent sans avoir pris le temps d’accueillir Celui qui veut faire en nous sa demeure. Et surtout nous n’avons pas compris que nous sommes envoyés pour vivre la communion.
Il nous faut aujourd’hui retrouver la force du message de l’Évangile. Quand nous sommes rassemblés pour célébrer l’Eucharistie, c’est vraiment LE moment le plus important de la journée. Malheureusement, beaucoup sont les grands absents : Tout cela n’est pas nouveau. Déjà, au moment où saint Jean écrit son évangile, il souffre beaucoup de la désaffection des communautés vis à vis de l’Eucharistie. Alors, il leur rappelle avec force ce que Jésus avait dit aux juifs d’autrefois : “Moi, je suis le pain qui est descendu du ciel.”
Que cette bonne nouvelle nous mette dans la joie, l’action de grâce, et donne un élan nouveau à toute notre vie.

Source : DIMANCHEPROCHAIN.COM, le 4 juin 2023
CAP FATIMA- LETTRE DE LIAISON NO 150 DU 31.05.2023

Lettre de liaison n° 150 (31 mai 2023)
Chers amis,
Après avoir entendu la Sainte Vierge demander une nouvelle fois de réciter le chapelet tous les jours (voir précédente lettre de liaison), Lucie lui demanda la guérison d’un malade. Notre-Dame lui répondit : « S’il se convertit, il guérira durant l’année. » Cette courte phrase n’est pas la plus connue des paroles de Notre-Dame à Fatima. Pourtant, elle mérite de figurer parmi les plus importantes.
La conversion précède nécessairement la guérison
Bien que brève, la réponse de la Sainte Vierge contient une leçon d’un grand intérêt. Elle est parfaitement dans l’esprit de l’Évangile. En effet, le plus souvent ce n’est qu’après la conversion du cœur que Jésus guérit les corps. Il suffit parfois d’un simple acte de foi, comme pour l’aveugle de Jéricho qui cria : « Fils de David, aie pitié de moi ». Jésus lui répondit : « Va, ta foi t’a sauvé » et lui rendit la vue. Autre exemple : la guérison de la femme atteinte d’un flux de sang. Une fois que la femme eut touché son manteau, Jésus lui dit : « Ma fille, ta foi t’a sauvée. Va en paix et sois guérie. » L’Évangile est rempli d’exemples similaires. Jusqu’à la dernière minute, Jésus a agi ainsi, comme le montre l’exemple du bon Larron.
Pourquoi Dieu agit-Il ainsi ? À vrai dire, nous ne Lui laissons guère le choix. Lorsqu’Il nous comble de biens matériels ou autres, nous finissons le plus souvent sinon par L’oublier, tout au moins par Le mettre au second rang. Arrive la moindre difficultés, nous nous tournons alors vers Lui pour demander guérison, travail, réussite, … etc. Lui qui nous aime tant, qui nous a aimé jusqu’à donner son propre Fils, attend en retour que nous L’aimions. Mais souvent, nous ne nous rappelons son existence que lorsque des difficultés surgissent. Mettez-vous à sa place. Que feriez-vous pour attirer l’attention d’un être aimé qui ne répondrait que dans les difficultés ?
Dieu nous laisse libre. Si nous ne nous tournons vers Lui que dans les difficultés, Il nous laissera nous y confronter pour que nous revenions à Lui. Au contraire, si nous L’aimons encore plus dans les satisfactions terrestres, Il nous les laissera. C’est nous qui choisissons. Mais Dieu est miséricordieux et si nous revenons sincèrement à Lui, de tout notre être, et définitivement, alors la souffrance aura joué son rôle et Il la fera disparaître. Mais si une fois guéri ou comblé, nous recommençons à l’oublier, ce qui hélas arrive trop souvent, alors Il nous laissera à nouveau affronter la souffrance, seul moyen que nous Lui laissons pour que nous nous tournions vers Lui. Voilà pourquoi Notre-Dame a dit : « S’il se convertit, il sera guéri dans l’année. »
Cette guérison que nous pouvons obtenir par notre conversion, ne concerne pas uniquement les maux physiques individuels ; celle-ci peut aussi obtenir la guérison des souffrances morales ou des maux dont notre société est atteinte et dont nous souffrons aussi : immoralité publique, guerres, etc. C’est d’ailleurs un des enseignement de l’Ange dans son apparition de l’été 1916 ; en expliquant la nécessité d’offrir des sacrifices, il dit : « De cette manière, vous attirerez la paix sur votre patrie. »
Mais qu’est-ce que se convertir ?
Nous nous faisons souvent une fausse idée de la conversion. Beaucoup s’imaginent qu’elle consiste à s’imposer d’austères mortifications, à renoncer à ce que nous avons, voire à rentrer au couvent, … Se convertir, c’est avant tout revenir à Dieu. Et pour que nous comprenions bien en quoi consiste ce retour, l’Évangile offre à notre réflexion de nombreux exemples de conversion : Marie-Madeleine, la Samaritaine, la femme adultère, Zachée, l’enfant prodigue, saint Pierre après avoir renié Jésus trois fois, le publicain, le bon larron, saint Paul, etc. Ces diverses conversions concernent des hommes de toutes conditions et dans toutes les situations possibles. Parmi tous ces exemples, il y a sûrement une situation qui se rapproche de la nôtre.
Se convertir, ce n’est pas changer notre façon de vivre (sauf bien sûr s’il y a, dans notre vie, des points en désaccord avec la loi divine et qu’il convient donc de corriger) ; c’est remettre Jésus-Christ dans notre vie. C’est faire ce que nous faisons habituellement, mais en le faisant pour, avec et en Jésus, au lieu de le faire égoïstement. C’est respecter sa loi dans notre vie quotidienne. « Aime et fais ce que tu veux » disait saint Augustin. Dans son Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge, saint Louis Marie Grignion de Montfort demande de « commencer, continuer et finir toutes ses actions par elle [la Sainte Vierge], en elle, avec elle et pour elle afin de les faire par Jésus-Christ, en Jésus-Christ, avec Jésus-Christ et pour Jésus-Christ notre dernière fin. » (n° 115)
Ceci consiste essentiellement à nous conduire comme Notre-Seigneur l’a indiqué à sœur Lucie, à savoir respecter sa loi et accomplir son devoir d’état (voir lettre de liaison n° 145). Voilà la véritable conversion que Dieu nous demande.
Bien sûr, il existe des cas où Dieu demande plus, notamment à ceux qui veulent s’approcher d’une plus grande perfection. « Va ; vends tout ce que tu as ; donne-le aux pauvres ; (…) puis viens et suis-moi » dit Jésus au jeune homme riche (Marc X, 17-25). Ainsi Dieu appelle certains qu’Il a plus particulièrement comblé de grâces, à une vie plus parfaite, comme la vocation sacerdotale ou religieuse. Mais pour la plupart d’entre nous, Il se contente de dire : « Va et ne pèche plus » comme le fit Jésus à la femme adultère (Jean VIII, 3-11).
Difficulté de la conversion
Vu comme cela, se convertir est simple, car la loi divine est claire et nombreux sont ceux qui l’ont suivi ou la suivent. De plus si nous avons besoin de guérir, les moyens proposés sont eux aussi simples comme le montre l’exemple de Naaman le Syrien (2 Rois V, 1-14) ou des dix lépreux (Luc XVII, 11-18). Notre-Seigneur ne demande pas de grandes pénitences ou de durs pèlerinages. Non, Il demande simplement de respecter sa loi et d’accomplir son devoir d’état dans la joie, malgré le caractère souvent monotone de la vie quotidienne : mère de famille, travail à la chaîne, …
Malgré tout, la conversion est le plus souvent difficile, car nous avons de mauvaises habitudes bien enracinées. Notre nature a été abîmée par le péché originel qui nous pousse à nous éloigner de la voie tracée par Dieu. S’il y a de nombreux exemples de conversion dans l’Évangile, il y aussi hélas des exemples de non-conversion : le jeune homme riche, Pilate, Judas, … plusieurs pharisiens, … même le grand prêtre ! C’est le triste apanage de la liberté humaine. Et pourtant, tous pouvaient constater la bonté et la sainteté de Notre-Seigneur. Malgré cela, soit ils n’ont pas voulu ouvrir les yeux, soit ils ont refusé de modifier leur mode de vie. Dieu nous laisse libre. C’est pourquoi Notre-Dame dit : « S’il se convertit ». Ah que ce « si » est parfois difficile à entendre ! Combien nous aimerions que certaines choses se fassent sans notre concours !
Il est vrai que certains se sont mis dans des situations parfois si inextricables qu’en sortir semble impossible à vue humaine. Que l’on pense à tous ceux qui, s’étant remariés après un divorce, ont eu des enfants avec celui ou celle qui n’est pas et ne peut pas être leur époux ou épouse légitime devant Dieu. Situation particulièrement difficile qu’il ne nous appartient pas de juger : nous ne connaissons par leur for interne ; nous ne devons pas les juger ; seul Dieu peut le faire. « Ne jugez pas et vous ne serez pas jugé ; ne condamnez pas et vous ne serez pas condamné ; remettez et il vous sera remis. » (Luc VI, 35) Par contre, si dans leur conduite, des actes sont non conformes à la loi divine, c’est un véritable devoir de charité de le leur rappeler dans la mesure où il est dans notre devoir d’état de le leur dire. « Est, est ; non, non. » (Mat V, 37) Condamner le pécheur : non ; mais condamner son péché : oui.
Alors comment faire pour se convertir dans ce cas ? Il faut l’aide divine Il nous faut la grâce divine. « Sans moi, vous ne pouvez rien faire. » (Marc X, 26-27) Sans l’aide du Ciel, impossible de corriger certaine situation.
Comment se convertir
Se reconnaître pécheur
La première condition est de se reconnaître pécheur ; c’est d’avoir une claire conscience de notre triste état. Sans cette conscience, impossible de demander vraiment la grâce nécessaire. Pour cela, l’exemple du bon larron est particulièrement utile méditer. Il n’y avait pas situation plus désespérée ; il n’avait plus la possibilité de se racheter par une vie vertueuse. Mais il reconnut humblement son état. Il dit à son compagnon : « Ne crains-tu donc pas Dieu, toi non plus, condamné que tu es au même supplice ? Pour nous, c’est justice, car nous recevons ce qu’ont mérité nos crimes ; mais lui, il n’a rien fait de mal.» Puis il dit à Jésus : « Seigneur, souvenez-vous de moi, quand vous serez parvenu dans votre royaume.» Quel extraordinaire aveu ! Non seulement, il reconnaît sa faute. Mais, sans doute par une inspiration divine, il ose demander la grâce d’être sauvé ! Avouez qu’il ne faut pas manquer de culot ! Mais cet aveu le sauvera pas et lui permettra de demander sincèrement la grâce d’être sauvé… et de l’obtenir ! Jésus lui répondra « Je te le dis en vérité, aujourd’hui tu seras avec moi dans le Paradis. » (Luc XXIII, 40-43)
Méditons cet exemple. Bien sûr, il faut éviter de vivre comme le bon larron durant sa vie. Mais son exemple montre dans quel esprit nous devons demander à Dieu la grâce de notre conversion. À vue humaine, c’est difficile, voire impossible avec les seules forces humaines. Mais à Dieu, rien n’est impossible.
Avoir un bon directeur de conscience
Pour avoir cette claire conscience de notre état et pouvoir ainsi demander sincèrement la grâce d’en sortir, il faut se faire aider ; il faut un bon directeur de conscience. Il faut qu’un saint prêtre nous renvoie une image réelle de ce que nous sommes. Beaucoup n’osent pas aller voir un bon prêtre de peur d’entendre ce qu’il risque de leur dire. C’est sûrement là une des plus grandes difficultés de la conversion. Mais c’est absolument nécessaire pour bien prendre conscience de la situation dans laquelle nous nous trouvons, de notre indignité, de la nécessité que nous avons tous de nous convertir.
À ce sujet, il faut éviter d’écouter ceux qui, de nos jours, tentent d’édulcorer la loi divine, notamment la loi morale, en prétendant qu’elle est mieux comprise de nos jours. Même si certains hauts prélats, et même très hauts prélats, tentent d’assouplir cette loi (ou même de la changer), affirmant que l’Église a « enfin » (!) mieux compris, que nous sommes devenus adultes, … n’écoutons pas ce langage inspiré par le prince du mensonge. Dieu ne change pas. Les commandements de Jésus n’ont pas changé. Ils sont clairs. Depuis 2 000 ans, l’Église les a toujours enseignés de la même façon. Cet enseignement constant, aucun évêque, aucun cardinal, aucun pape, aucun concile n’a le pouvoir de l’interpréter dans un sens différent de celui dans lequel il a été interprété pendant vingt siècles. C’est pourquoi, de nos jours, trouver un bon directeur de conscience ou un bon confesseur peut s’avérer parfois difficile. Mais Dieu qui est la bonté même, ne nous refusera pas de nous en donner un si nous le Lui demandons.
Dieu nous donne les moyens
Cependant, avoir une claire conscience de ce que nous sommes réellement ne suffit pas : il faut ensuite agir en conséquence. Dieu est miséricordieux et ne nous demande pas quelque chose d’impossible, aussi compliquée soit notre situation. Et les moyens pour obtenir notre guérison sont simples : la guérison de Naaman le Syrien le prouve ; celle des dix lépreux également. Il en est de même pour la lèpre du péché. C’est une constante dans la Bible : l’action demandée aux hommes est toujours une action simple et à leur portée. Dieu connaît nos limites et ne nous demande jamais l’impossible.
Or que nous demande Dieu aujourd’hui ? Dieu ne nous demande pas de nous recouvrir d’un sac et de nous asseoir sur de la cendre. Aux dix lépreux, Jésus dit simplement : « Allez vous montrer aux prêtres ». Pour nous aujourd’hui, cela veut dire avoir un bon directeur, comme nous venons de le dire.
Mais ce n’est pas le seul moyen. Dieu a toujours donner les moyens de se relever. À sainte Marguerite-Marie, Il a donné la dévotion à son Sacré Cœur, promettant entre autres : « Les âmes tièdes deviendront ferventes. Les âmes ferventes s’élèveront à une grande perfection. »
À Fatima, par la voie de sa mère, Dieu nous a donné deux autres moyens :
- Le premier est la récitation du chapelet. Juste avant de dire « S’il se convertit, il guérira dans l’année », la Sainte Vierge a renouvelé sa demande sur le chapelet. (Voir lettres de liaison n° 148 et n° 149) Ce rappel à cet endroit indique sûrement que c’est le remède le plus approprié pour guérir.
- Le deuxième moyen, révélé par l’Ange et Notre-dame, est d’offrir les sacrifices de notre vie quotidienne. (Voir notamment dans la lettre de liaison n° 145 ce que dit sœur Lucie sur l’accomplissement du devoir d’état dans le respect de la loi divine, dans ses lettres ou réponses à Mgr Ferreira, à John Haffert, …)
Voilà ce que nous demande Dieu aujourd’hui. Un jour, sœur Lucie confia au père Fuentès comment elle avait compris cette nécessité d’offrir les sacrifices :
Mes cousins François et Jacinthe se sont sacrifiés parce qu’ils ont toujours vu la Très Sainte Vierge très triste en toutes ses apparitions. Elle n’a jamais souri avec nous et cette tristesse, cette angoisse que nous remarquions chez Elle, à cause des offenses à Dieu et des châtiments qui menacent les pécheurs, pénétrait notre âme et nous ne savions qu’inventer en notre petite imagination enfantine comme moyens pour prier et faire des sacrifices.
Quand bien même nous ne serions capable que de faire peu, ayons confiance que Notre-Dame nous aidera à nous convertir, à nous sortir des situations les plus inextricables, comme le bon larron. Cette puissance du recours à la Sainte Vierge a été remarquablement illustrée par saint Alphonse de Liguori dans son livre Les gloires de Marie. Voici par exemple une histoire parmi les nombreuses qu’il rapporte :
Un homme marié vivait dans le désordre. Son épouse, femme vertueuse, ne pouvant le persuader de renoncer au péché, le pria de vouloir au moins, dans cet état misérable, pratiquer quelque dévotion envers la Mère de Dieu, ne fût-ce que de la saluer en récitant un Ave Maria toutes les fois qu’il passerait devant une de ses images. Il consentit à observer cette pratique.
Une nuit que ce malheureux était sorti dans le dessein de se livrer au péché, il aperçut de loin une lumière, s’approcha et vit que c’était une lampe qui brûlait devant une statue de Marie tenant entre ses bras Jésus enfant. Il récite l’Ave Maria selon sa coutume ; mais ensuite, quel objet s’offre à ses regards ! Le divin Enfant lui apparaît tout couvert de plaies fraîchement ouvertes et d’où le sang tombe à grosses gouttes.
Épouvanté et en même temps attendri, considérant que c’était lui qui, par ses péchés, avait ainsi déchiré les membres de son Rédempteur, il se mit à pleurer ; mais il remarqua que Jésus lui tournait le dos. Alors, tout pénétré de confusion, il eut recours à la sainte Vierge, et lui parla ainsi : « Mère de miséricorde, votre Fils me repousse ; je ne puis trouver d’avocate plus bienveillante ni plus puissante que vous, qui êtes sa Mère ; ô ma Reine, assistez-moi, priez-le pour moi. » La Mère du Sauver lui répondit par sa statue : « Vous autres, pécheurs, vous m’appelez Mère de miséricorde, mais, en même temps, vous ne cessez de faire de moi une mère de misère, en renouvelant continuellement la passion de mon Fils et mes propres douleurs »
Néanmoins, comme Marie ne sait jamais renvoyer sans consolation celui qui se jette à ses pieds, elle se tourna vers son divin Fils et le pria de pardonner à ce malheureux. Jésus continuait de montrer de la répugnance à accorder ce pardon ; mais la sainte Vierge, déposa son cher Enfant dans la niche, se prosterna devant lui, en disant : « Mon Fils, je ne me relève pas, je reste ici à vos pieds, si Vous ne pardonnez à ce pécheur. − Ma Mère, dit alors Jésus, je ne puis rien vous refuser : vous voulez qu’il lui soit pardonné ; pour l’amour de vous, Je lui pardonne, faites-le venir baiser mes plaies ». Le pécheur s’approcha tout en larmes ; et, à mesure qu’il baisait les plaies du saint Enfant, elles guérissaient aussitôt. Enfin, Jésus l’embrassa en signe de réconciliation. Dès ce moment, cet homme changea de conduite, mena une vie édifiante, et donna des marques d’une ardente dévotion à la bienheureuse Vierge, qui lui avait obtenu une faveur si grande.
Voilà ce que peut obtenir la récitation habituelle d’un simple Ave Maria ! Alors chaque jour récitons notre chapelet (ou au moins une partie) et offrons, pour la conversion des pécheurs, les sacrifices qu’exige notre devoir d’état.
Conclusion
Voilà quelques actions bien concrètes qui peuvent nous conduire à une véritable conversion, aussi bien ceux qui ont un dur chemin à faire pour retrouver une vie d’union avec Dieu, que ceux qui, jusqu’ici, ont eu la chance ne pas trop s’en écarter. Car tous nous avons à nous convertir, les tièdes pour devenir fervents, les fervents pour s’approcher plus de la perfection.
De plus, en agissant ainsi, nous ferons la joie de Dieu ! Car « il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de repentir. (…) Il y a de la joie devant les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se repent. » (Luc XV, 7 et 10) « O felix culpa ! » pourrions-nous dire, comme dans l’Exultet. Car notre conversion nous offre la possibilité de faire la joie de Dieu ! Alors demandons bien à Notre-Dame de nous accorder cette grâce de la conversion et de nous guérir de toutes nos infirmités.
En union de prière dans le Cœur Immaculé de Marie.
Yves de Lassus
07.06.2023 – AUDIENCE GÉNÉRALE À ROME
Audience générale: laissons-nous aider par le témoignage de sainte Thérèse
Poursuivant son cycle de catéchèses sur le zèle apostolique, le Pape François est revenu sur la figure de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, patronne universelle des missions, dont les reliques étaient présentes mercredi matin sur la place Saint-Pierre. Le Pape a annoncé son intention de lui dédier une Lettre apostolique à l’occasion des 150 ans de sa naissance.
Ce mercredi 7 juin, la figure de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus était au cœur de la catéchèse du Pape François lors de l’audience générale tenue place Saint-Pierre. Une place où ont été exposées les reliques de la sainte, patronne universelle des missions, qui vont pérégriner jusqu’au 17 juin en Italie. Arrivant sur l’estrade du parvis, le Souverain pontife a d’emblée déposé une rose blanche et s’est recueilli en prière devant le reliquaire de la sainte. Née il y a 150 ans, celle qui mourut à 24 ans, faite Docteur de l’Église en 1997 par Jean-Paul II est un exemple toujours vivant de la mission aujourd’hui, a expliqué le Saint-Père, qui a rappelé qu’elle se définissait elle-même comme «un petit grain de sable».
«Si son corps était infirme, son cœur était vibrant, missionnaire», a encore souligné François, rappelant que dans son journal, Thérèse expliquait «qu’être missionnaire était son désir et qu’elle voulait l’être non seulement pour quelques années, mais pour le reste de sa vie, voire jusqu’à la fin du monde».
Le zèle de Thérèse
«Sans en avoir l’air, elle intercédait pour les missions, cachée comme un moteur qui donne au véhicule la force d’avancer», a poursuivi l’évêque de Rome, demandant aux fidèles réunis place Saint-Pierre d’où venait ce zèle. «Deux épisodes survenus avant l’entrée de Thérèse au monastère nous aident à le comprendre», a t-il expliqué.
«Le premier concerne le jour qui changea sa vie, Noël 1886, où Dieu opère un miracle dans son cœur. Thérèse aura bientôt 14 ans. En tant que benjamine, elle est choyée par tout le monde à la maison. Au retour de la messe de minuit, son père, très fatigué, n’a pas envie d’assister à l’ouverture des cadeaux de sa fille et dit: « Dieu merci, c’est la dernière année! Thérèse, de nature très sensible et prompte aux larmes, en fut blessée, monta dans sa chambre et pleura. Mais elle réprima rapidement ses larmes, redescendit et, pleine de joie, elle réjouit ainsi son père. Que s’est-il donc passé? Cette nuit-là, alors que Jésus s’était fait faible par amour, elle était devenue forte dans son âme».
Le deuxième épisode concerne le zèle que la sainte a orienté vers les pécheurs, «les éloignés», a poursuivi le Pape. Thérèse apprend l’existence d’un criminel condamné à mort pour des faits horribles, Enrico Pranzini: reconnu coupable du meurtre brutal de trois personnes, il est destiné à la guillotine, mais ne veut pas recevoir les consolations de la foi. Thérèse prie alors pour sa conversion, afin que le condamné «ait un petit signe de repentir et fasse place à la miséricorde de Dieu». Pranzini est exécuté, mais Thérèse découvre en lisant le journal le lendemain que sur l’échafaud, le criminel saisit un Crucifix et baisa trois fois les plaies de Jésus. «Alors son âme alla recevoir la sentence miséricordieuse de Celui qui a déclaré qu’au Ciel il y a plus de joie pour un seul pécheur qui fait pénitence, que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de pénitence!», commenta la sainte.
Vivre comme instrument de l’amour de Dieu
«Voilà la force de l’intercession mue par la charité, voilà le moteur de la mission», a relevé François. Selon lui, le missionnaire n’est pas seulement celui qui parcourt de longues distances, apprend de nouvelles langues, fait de bonnes œuvres et est doué pour l’annonce, mais est aussi «celui qui vit, là où il se trouve, comme instrument de l’amour de Dieu». Le zèle apostolique ne procède jamais par prosélytisme ou par contrainte, mais «par attraction», a encore souligné le Saint-Père: on ne devient pas chrétien parce qu’on y est forcé par quelqu’un, mais parce qu’on est touché par l’amour.
François a ainsi rappelé combien l’Église avait «besoin de cœurs comme celui de Thérèse, de cœurs qui attirent à l’amour et rapprochent de Dieu», demandant à la sainte «la grâce de dépasser notre égoïsme et la passion d’intercéder pour que Jésus soit connu et aimé».
Source : VATICANNEWS, le 7 juin 2023
07.06.2023 – MESSE À NOTRE-DAME DE LA GARDE
Emprisonné, Mgr Alvarez s’en remet à l’amour de Marie

Emprisonné, Mgr Alvarez s’en remet à l’amour de Marie
Mgr Alvarez, évêque du diocèse de Matagalpa au Nicaragua, a pu s’exprimer le 25 mars 2023 pour la première fois depuis son emprisonnement le 10 février 2023, après sa condamnation à 26 ans de prison pour « complot » et « diffamation » contre le régime de Daniel Ortega. Détenu dans la prison de Modelo, située au nord de la capitale, l’évêque a été photographié et filmé au cours d’un repas avec son frère et sa sœur par le média El 19 Digital, considéré comme un média pro-gouvernemental.
Mgr Alvarez apparaît ensuite dans une vidéo dans laquelle il évoque son état de santé et son moral, déclarant être « dans la paix, dans le Seigneur et la Sainte Vierge ». Il y remercie les autorités ainsi que le personnel de la prison pour le repas partagé avec sa famille. L’évêque se dit également « en bonne santé », avant d’évoquer la Sainte Vierge, fêtée le 25 mars, jour de l’Annonciation. « Je remercie la Très Sainte Vierge en ce jour de l’Annonciation de l’ange à la Mère de Dieu, dont le “Oui” a permis que le Verbe se fasse chair et habite parmi nous pour notre salut et rédemption. En ce jour, ma famille a pu venir me voir », dit Mgr Alvarez dans la vidéo, avant de conclure : « Notre Mère nous protège et nous couvre toujours tous du même amour maternel. »
A la tête du diocèse de Matagalpa au Nicaragua depuis 2011 Mgr Alvarez, âgé de 55 ans, avait été arrêté et placé en détention provisoire en août 2022, accusé par le gouvernement de chercher à « déstabiliser le pays ». Après avoir refusé de monter dans l’avion expulsant plus de 200 prisonniers politiques vers les États-Unis, l’évêque avait été transféré à la prison de Modelo, régulièrement décrite comme la prison la plus dure d’Amérique latine.
Adapté de : Aleteia
Prions :
Je vous salue Marie, pleine de grâce ;
Le Seigneur est avec vous.
Vous êtes bénie entre toutes les femmes
Et Jésus, le fruit de vos entrailles, est béni.
Sainte Marie, Mère de Dieu,
Priez pour nous pauvres pécheurs,
Maintenant et à l’heure de notre mort.
Amen
Source : une minute avec Marie