RDC, le Pape aux victimes de l’Est: la paix naît des cœurs libérés de la rancœur

RDC, le Pape aux victimes de l’Est: la paix naît des cœurs libérés de la rancœur

Le point culminant du 40e voyage apostolique en RDC a eu lieu ce mercredi après-midi 1er février à la nonciature apostolique de Kinshasa. Le Pape François a écouté quatre récits crus et déchirants de victimes d’exactions physiques et mentales dans la guerre qui ravage l’Est de la RDC. Dans un discours dense, l’évêque de Rome s’est uni aux douleurs du peuple éprouvé, s’adressant fermement aux «entités» à l’œuvre dans cette guerre. «Cela suffit», a tancé François. 

Delphine Allaire – Cité du Vatican

Le Souverain pontife a pris la parole après l’écoute des quatre victimes venues de différentes provinces de l’Est. Ces quatre représentants ont chacun apposé un geste fort de réconciliation, déposant au pied de la Croix les objets de leurs tortionnaires. Et c’est le sentiment du choc qu’a éprouvé en premier le Saint-Père. «Il n’y a pas de mots; il faut seulement pleurer en silence», a-t-il relevé, énumérant les noms des localités d’origines des victimes. «Bunia, Beni-Butembo, Goma, Masisi, Rutshuru, Bukavu, Uvira, des lieux que les médias internationaux ne mentionnent presque jamais.» Le Pape l’assène très clairement: «Il n’y aura pas de paix en RDC tant qu’elle ne sera pas obtenue dans la partie orientale du pays». À ces Congolais de l’Est, le Pape a souhaité insister: «Je suis proche de vous. Vos larmes sont mes larmes, votre souffrance est ma souffrance».

“Il n’y aura pas de paix en RDC tant qu’elle ne sera pas obtenue dans la partie orientale du pays.”

Pardon pour la violence de l’homme sur l’homme

«À chaque famille en deuil ou déplacée en raison des villages brûlés et d’autres crimes de guerre, aux survivants des violences sexuelles, à chaque enfant et adulte blessé, je dis: je suis avec vous, je veux vous apporter la caresse de Dieu. Son regard tendre et compatissant se pose sur vous», a-t-il poursuivi, leur assurant ces paroles d’Isaïe: «Tu as du prix à mes yeux, tu as de la valeur et je t’aime». (Is 43, 4).

RDC, le Pape aux victimes de l’Est: la paix naît des cœurs libérés de la rancœur

Le point culminant du 40e voyage apostolique en RDC a eu lieu ce mercredi après-midi 1er février à la nonciature apostolique de Kinshasa. Le Pape François a écouté quatre récits crus et déchirants de victimes d’exactions physiques et mentales dans la guerre qui ravage l’Est de la RDC. Dans un discours dense, l’évêque de Rome s’est uni aux douleurs du peuple éprouvé, s’adressant fermement aux «entités» à l’œuvre dans cette guerre. «Cela suffit», a tancé François. 

Delphine Allaire – Cité du Vatican

Le Souverain pontife a pris la parole après l’écoute des quatre victimes venues de différentes provinces de l’Est. Ces quatre représentants ont chacun apposé un geste fort de réconciliation, déposant au pied de la Croix les objets de leurs tortionnaires. Et c’est le sentiment du choc qu’a éprouvé en premier le Saint-Père. «Il n’y a pas de mots; il faut seulement pleurer en silence», a-t-il relevé, énumérant les noms des localités d’origines des victimes. «Bunia, Beni-Butembo, Goma, Masisi, Rutshuru, Bukavu, Uvira, des lieux que les médias internationaux ne mentionnent presque jamais.» Le Pape l’assène très clairement: «Il n’y aura pas de paix en RDC tant qu’elle ne sera pas obtenue dans la partie orientale du pays». À ces Congolais de l’Est, le Pape a souhaité insister: «Je suis proche de vous. Vos larmes sont mes larmes, votre souffrance est ma souffrance».

“Il n’y aura pas de paix en RDC tant qu’elle ne sera pas obtenue dans la partie orientale du pays.”

Pardon pour la violence de l’homme sur l’homme

«À chaque famille en deuil ou déplacée en raison des villages brûlés et d’autres crimes de guerre, aux survivants des violences sexuelles, à chaque enfant et adulte blessé, je dis: je suis avec vous, je veux vous apporter la caresse de Dieu. Son regard tendre et compatissant se pose sur vous», a-t-il poursuivi, leur assurant ces paroles d’Isaïe: «Tu as du prix à mes yeux, tu as de la valeur et je t’aime». (Is 43, 4).

Le Pape François a condamné les violences armées, les massacres, les viols, la destruction et l’occupation des villages, le pillage des champs et du bétail qui continuent d’être perpétrés, tout comme «l’exploitation, sanglante et illégale, de la richesse du pays», ainsi que les tentatives de partition dans le but de pouvoir le gérer. Inclinant la tête, la douleur dans le cœur, le Saint-Père a demandé pardon pour la violence de l’homme sur l’homme.

«Père, aie pitié de nous. Console les victimes et ceux qui souffrent. Convertis les cœurs de ceux qui commettent de cruelles atrocités qui jettent la honte sur l’humanité tout entière! Ouvre les yeux de ceux qui les ferment ou qui se détournent devant ces abominations», a-t-il supplié. Le Pape a qualifié cette guerre de «déchainée par une insatiable avidité de matières premières et d’argent», alimentant «une économie armée laquelle exige instabilité et corruption». «Quel scandale et quelle hypocrisie: les personnes sont violées et tuées alors que les affaires qui provoquent violences et morts continuent à prospérer!», s’est-il indigné.

«Cela suffit de s’enrichir avec de l’argent entaché de sang!»

L’évêque de Rome a alors adressé un vibrant appel à toutes les personnes, entités internes et externes qui tirent les ficelles de la guerre en RDC, «en la pillant, en la flagellant et en la déstabilisant». «Vous vous enrichissez par l’exploitation illégale des biens de ce pays et le sacrifice cruel de victimes innocentes. Entendez le cri de leur sang: faites taire les armes, mettez fin à la guerre. Cela suffit! Cela suffit de s’enrichir sur le dos des plus faibles, cela suffit de s’enrichir avec des ressources et de l’argent entachés de sang!»

Pour atteindre la paix, le Successeur de Pierre a proposé quatre types d’actions basées sur deux «non» et deux «oui».

Non à la violence

Aimer son peuple, c’est ne pas nourrir de haine envers les autres. «C’est un tragique mensonge: la haine et la violence, à plus forte raison pour ceux qui sont chrétiens, ne sont jamais acceptables», a dénoncé le Pape, encourageant le peuple congolais: «Ne vous laissez pas séduire par les personnes ou les groupes qui incitent à la violence en son nom. Dieu est le Dieu de la paix et non de la guerre. Prêcher la haine est un blasphème. Celui qui vit de violence, en effet, ne vit jamais bien: il pense sauver sa vie mais il est emporté dans un tourbillon de mal qui, en l’amenant à combattre les frères et sœurs avec lesquels il a grandi et vécu pendant des années, le tue à l’intérieur».

“Celui qui vit de violence ne vit jamais bien: il pense sauver sa vie, mais il est emporté dans un tourbillon de mal”

Mais pour dire vraiment «non» à la violence, il faut en extirper les racines: le Pape a cité l’avidité, l’envie, la rancœur. Tout en saluant le courage hors-normes des quatre témoins qui ont réussi «à désarmer leur cœur». «Je le demande à tous, au nom de Jésus qui a pardonné à ceux qui lui ont transpercé les poignets et les pieds avec les clous pour le fixer à une croix : je vous prie de désarmer votre cœur», a-t-il prié, reconnaissant que cela ne signifie pas de cesser de s’indigner devant le mal et ne pas le dénoncer, ceci est pour lui «un devoir». «Cela ne signifie pas non plus l’impunité et l’annulation des atrocités, en allant comme si de rien n’était. Ce qui nous est demandé, au nom de la paix, au nom du Dieu de la paix, c’est de démilitariser le cœur : ôter le poison, rejeter la haine, désamorcer l’avidité, effacer le ressentiment». Dire «non» à tout cela semblerait être de la faiblesse; cela rend libre, parce que cela donne la paix. «Oui, la paix naît des cœurs, des cœurs libérés de la rancœur», a osé affirmé François.

Le texte intégral des témoignages des victimes de violence

Non à la résignation

Un deuxième «non» est celui contre la résignation. La paix demande de combattre le découragement, la morosité et la méfiance qui conduisent à croire qu’il vaut mieux se méfier de tout le monde, vivre séparés et éloignés plutôt que de se tendre la main. «Un avenir de paix ne tombera pas du ciel; il pourra advenir si les cœurs sont débarrassés du fatalisme résigné et de la peur de s’impliquer avec les autres», a-t-il assuré, plaidant pour un avenir nouveau qui adviendra «si l’autre, qu’il soit tutsi ou hutu», n’est plus un adversaire ou un ennemi, mais un frère et une sœur «dans les cœurs duquel il faut croire que se trouve, caché, le même désir de paix». Et François de s’exclamer: «Dans l’Est aussi, la paix est possible! Croyons-y! Et travaillons-y sans renvoyer le changement!»

«Frère, sœur, tous tes voisins sont tes frères, qu’ils soient Burundais, Ougandais ou Rwandais. Nous sommes tous frères, parce que fils du même Père. Ne restons pas prisonniers de la crainte: le mal que chacun a souffert doit être converti en bien pour tous», a-t-il souhaité afin que tous puisse crier ensemble plus jamais: plus jamais de violence, plus jamais de rancœur, plus jamais de résignation!

Oui à la réconciliation

Le Pape a ensuite développé les deux «oui» pour la paix. Oui à la réconciliation. François a de nouveau confié son admiration devant ces victimes qui veulent s’engager à pardonner mutuellement et à répudier les guerres et les conflits, en priant ensemble, dans un instant, serrés autour de l’arbre de la Croix sous lequel, «avec grand courage, vous voulez déposer les signes des violences que vous avez vues et subies : uniformes, machettes, marteaux, haches, couteaux…»

Et le Pape de les exhorter à être eux aussi «des arbres de vie»«Faites comme les arbres qui absorbent la pollution et qui restituent l’oxygène». Ou bien, comme le dit un proverbe cité par le Pape et résumant la prophétie chrétienne: «Dans la vie, fais comme le palmier: il reçoit des pierres, il rend des dattes», à savoir répondre au mal par le bien, à la haine par l’amour, à la division par la réconciliation. Pourquoi tout cela est plus fort que le mal. «Parce que la réconciliation transforme la réalité de l’intérieur plutôt qu’elle ne la détruit de l’extérieur», a répondu le Pape.

“Dans la vie, fais comme le palmier: il reçoit des pierres, il rend des dattes.”

Oui à l’espérance

La souffrance s’est ainsi transformée en espérance: «Se réconcilier, c’est engendrer demain», a-t-il annoncé, expliquant le dernier oui, décisif: «Oui à l’espérance». Le Pape a recouru à une métaphore arborée: «Si l’on peut représenter la réconciliation comme un arbre, comme un palmier qui donne du fruit, l’espérance est l’eau qui le rend florissant». Cette espérance a le nom de Jésus.

«Avec Lui, qui a fait d’un sépulcre, le début d’une histoire nouvelle. Avec Lui, chaque tombe peut se transformer en un berceau, chaque calvaire en un jardin pascal. Avec Jésus l’espérance naît et renaît», a lancé le Saint-Père. L’espérance est pour vous, Congolais, a-t-il assuré, mais elle est aussi «un droit à conquérir», en la semant chaque jour, avec patience. Le Pape a conclu bénissant les populations de l’Est, chaque personne blessée par la violence dans ce pays, priant pour que toute femme «soit respectée, protégée et valorisée».

“Avec Jésus, chaque tombe peut se transformer en un berceau, chaque calvaire en un jardin pascal.”

Rencontre avec des victimes de la violence dans l’Est de la RDC

Source : VATICANNEWS, le 1er février 2023

Les jeunes Congolais réclament une «éducation à la vie et à la foi»

En saluant le Saint-Père lors de leur rencontre au stade des Martyrs, les jeunes de la République démocratique du Congo ont porté leur désir d’avoir accès à une éducation fondée sur les valeurs fondamentales qui les prépare à une vie épanouie.

Rencontre du Pape François avec les jeunes de la RDC au stade des Martyrs le 2 février 2023Rencontre du Pape François avec les jeunes de la RDC au stade des Martyrs le 2 février 2023 (AFP or licensors)

Jacques Ngol, SJ – Cité du Vatican

Le Pape François a rencontré au stade des Martyrs de Kinshasa les jeunes Congolais venus de tout le pays. Devant le Saint-Père et les autorités ecclésiales, la jeunesse congolaise n’a pas hésité de faire entendre son désir de sortir des violences qui est un frein à son épanouissement et lui empêche de préparer son avenir.  

La jeunesse congolaise face à un monde perverti

Avec les jeunes Congolais, François exhorte à rejeter la corruption

02/02/2023

«Saint-Père, nous, jeunes, nous manquons de paix», ont plaidé les jeunes dans leur message de bienvenu adressé au Pape François ce 2 février au stade des Martyrs. Ces jeunes pleins de désir de vivre une vie épanouie sont confrontés à une guerre qui déchire le pays depuis des décennies avec «des conséquences néfastes sur notre formation et notre éducation à la vie et à la foi». Cette situation de guerre a créé dans les cœurs désolation et angoisse, les conduisant à croire à «la sorcellerie» et à avoir «recours au fétichisme» pour espérer être protégés.

De «nombreux jeunes vivent dans l’indifférence et dans l’égoïsme, calculent et programment pour leur propre profit», ont-ils expliqué. Poursuivant leur allocution, les jeunes expliquent au Pape toutes les difficultés auxquelles ils sont confrontés, outre la situation de guerre et notamment le «système de dot» qui «risque parfois de devenir une sorte d’achat de la femme, pour un gain économique de la famille d’origine de celle-ci, discriminées, la drogue».

Une jeunesse qui aspire à une éducation à la vie et à la foi

«Faites porter au monde le souci des jeunes pour la bonne information», ont supplié les jeunes, demandant au Saint-Père d’«insister auprès des dirigeants du monde pour qu’ils s’occupent réellement de la jeunesse». Au-delà de tous les chemins qui les désorientent tels que «la crise socio-politico-économique, le chômage», les jeunes ont manifesté leur désir d’avoir une «éducation à la vie et à la foi» afin de se mettre au service de leur Église et de leur société.

À cette fin, la jeunesse désire s’engager «dans la vie de la famille, du mariage, de la vie sacerdotale et religieuse» et de lutter pour défendre «les valeurs de la famille». Ils se confient enfin au Saint-Père et à sa prière pour que Dieu leur accorde cette grâce et d’exaucer leur aspiration les plus profondes.

Source : VATICANNEWS, le 2 février 2023

RDC: Un prêtre catholique affirme que le monde a abandonné ce peuple africain assiégé par des terroristes

Attaque de l'église à Kasind, République Populaire du Congo. Photo : AED

Attaque De L’église À Kasind, République Populaire Du Congo. Photo : AED

RDC: Un prêtre catholique affirme que le monde a abandonné ce peuple africain assiégé par des terroristes

Les réactions du prêtre interviennent après que des attaquants armés aient attaqué le 15 janvier une église protestante près de la frontière avec l’Ouganda.

ZENIT News / Nord Kivu, Congo, 27.01.2023). – Un prêtre catholique de la République démocratique du Congo a dénoncé ce qu’il qualifie d’indifférence internationale face aux actes de terreur qui ravagent certaines parties du pays.

Le père Marcelo Oliveira, missionnaire combonien responsable de la province orientale du Nord-Kivu, s’est entretenu avec l’organisation caritative catholique Aide à l’Église en Détresse (AED) quelques jours après une attaque contre une église à Kasindi, une ville de la région. « La terreur est très répandue », a déclaré le Père Oliveira à AED.

Face aux critiques de ce qu’il a décrit comme un manque d’attention internationale aux communautés pauvres et sans défense, le Père Oliveira a lancé un cri désespéré d’aide : « C’est un peuple ici aujourd’hui, un autre demain là-bas, et cela en tout silence. Et c’est ce qui nous affecte, en tant que missionnaires, c’est de voir le silence de la communauté internationale, le silence assourdissant, alors que des vies humaines sont massacrées. »

Le père Oliveira a également souligné la peur généralisée parmi la population de la République démocratique du Congo, en particulier dans les zones touchées par diverses milices armées, dont la présence ces dernières années a causé d’énormes problèmes de sécurité dans le deuxième plus grand pays d’Afrique.

Il a déclaré : « Les attentats sont courants dans cette région du Nord-Kivu… et les rebelles ont l’habitude d’attaquer les villages et de semer la terreur parmi la population, qui est obligée de fuir et de se cacher dans la jungle jusqu’à ce que les milices partent à nouveau. » Il a ajouté : « Son objectif est de faire fuir les gens, afin de pouvoir conserver une partie de leur terre, qui est pleine de ressources naturelles ». Il a affirmé enfin que « la terreur est partout » dans l’est de la RDC.

Les commentaires du prêtre interviennent après que des attaquants armés d’explosifs improvisés aient attaqué le 15 janvier une église protestante à Kasindi, près de la frontière avec l’Ouganda. Au moins 15 personnes ont été tuées et des dizaines ont été blessées après la détonation d’une bombe placée au milieu de la congrégation.

Le groupe insurgé des Forces démocratiques alliées (ADF), qui a revendiqué la paternité de l’attentat, aurait décidé de le perpétrer un dimanche, alors que l’église était pleine et que des baptêmes étaient célébrés.

Source : ZENIT.ORG, le 30 janvier 2023

RDC – « Dans l’est du Congo, la situation est insupportable », déclare le père Luis Arcos, expliquant pourquoi le Pape a renoncé à s’y rendre

Goma (Agence Fides) –  » Pourquoi le Pape ne va-t-il pas dans l’est du pays? Parce que c’est une situation insupportable. Il y a un risque qu’on lance une bombe et qu’on tue des innocents », explique le père Luis Arcos, un père blanc de nationalité espagnole, missionnaire dans l’est de la République démocratique du Congo depuis 52 ans. Dans le programme du voyage que le Pape François aurait dû effectuer en RDC et au Soudan du Sud en juillet 2022 et qui a été reporté par la suite, une visite à Goma était prévue contrairement au voyage en cours qui débute aujourd’hui, 31 janvier et ou l’étape dans la capitale du Nord-Kivu n’est pas au rendez-vous.
« En fait, explique le père Luis, lorsque les préparatifs de sa visite ont commencé, il y avait déjà de nombreux problèmes et plusieurs victimes causés par les plus de 100 groupes armés différents dans la province. Et l’insécurité engendre la pauvreté pour beaucoup », souligne le Père Luis, qui résume la situation par cette image: « On ne pouvait pas quitter sa propre maison après six heures du soir ; mes frères congolais ne peuvent pas aller rendre visite à leurs parents qui se trouvent à 50 kilomètres de Goma. »
Il faut garder à l’esprit que Goma est une ville surpeuplée en raison des personnes qui y ont déménagé des villages du Nord-Kivu à la recherche d’un minimum de sécurité. « Goma a vu sa population passer de 300 000 à 1,5 million d’habitants en 30 ans », rapporte le missionnaire. « Ils viennent de l’intérieur du Nord-Kivu à Goma parce que c’est plus sécurisé, mais il y a aussi des meurtres dans les environs. L’ambassadeur italien Luca Attanasio a été tué à 20 km de là où je me trouvais », dit le père Luis. « Et à Goma, les déplacés trouvent aussi le volcan Nyiragongo, qui reste actif, et qui a balayé 3 000 maisons, il y a deux ans. »
Comme tous les missionnaires qui travaillent dans l’est de la RDC, le père Luis souligne qu’au cœur du drame de ces terres se trouve la lutte pour le contrôle et l’exploitation des immenses richesses minérales de ces régions. En se référant aux ADF (Allied Democratic Forces), le groupe armé d’origine ougandaise également connu sous le nom d’État islamique – Province d’Afrique centrale (ISCAP, voir Fides 16/1/2023)). « On parle de l’islamisme depuis quelques années, mais on n’en parlait pas avant. Le problème est plus politique et économique que religieux, car la République démocratique du Congo possède du coltan, un minerai très important pour le développement des pays les plus avancés. Il s’agit d’une énorme richesse minérale, mais qui en profite ? »
Le père Luis a été dans quatre diocèses congolais différents au cours de ses 52 années de mission en RDC, et a été témoin de la profonde transformation de l’Église congolaise. « Tous les évêques sont maintenant congolais, il n’y a pas de blancs. Il y a également de moins en moins de missionnaires en Afrique d’origine européenne. Il y a de plus en plus de missionnaires africains pour continuer la vie missionnaire. » De la visite du Pape François, le missionnaire attend « une parole d’espoir, et de courage, car venir au Congo dans cette situation a été un geste de courage. »

Source :Agence Fides, le 31 janvier 2023

RDC – Nouveau massacre en Ituri deux jours avant la visite papale, tandis que le M23 progresse au Nord-Kivu

Kinshasa (Agence Fides) – Alors que le Pape François se prépare à arriver à Kinshasa, des nouvelles dramatiques continuent d’arriver de l’est de la République démocratique du Congo. Au moins 15 personnes sont mortes dans une triple attaque contre trois villages de l’Ituri, attribuée aux ADF (Allied Democratic Forces), le groupe d’origine ougandaise responsable de l’attaque commise le dimanche 15 janvier contre l’Eglise du Christ au Congo (ECC) à Kasindi, dans le territoire de Beni, au Nord-Kivu (voir Fides 16/1/2023).
Les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu sont soumises à un  » état de siège  » instauré par le gouvernement de Kinshasa depuis mai 2021 pour contenir les violences commises par des centaines de groupes armés opérant dans les deux zones (voir Fides 7/5/2021).
Ces mesures, qui affectent la population parce qu’elles donnent de larges pouvoirs aux militaires, pas toujours respectueux des droits de l’homme (voir Fides 29/5/2021), ne semblent pas en mesure d’endiguer les actions des groupes de guérilla, à commencer par le M23.  » Le M23 contrôle désormais les deux routes principales qui relient la partie nord (le Grand Nord) du Nord-Kivu à sa capitale, la ville de Goma, qui se trouve désormais complètement isolée, le M23 ayant bloqué la circulation sur ces deux routes, la Kasindi – Beni – Butembo – Kanyabayonga – Kitchanga – Goma et la Bunagana – Rutchuru – Goma « , indique le dernier rapport reçu par Fides du Réseau Paix pour le Congo. « En conséquence, Goma souffre déjà de la pénurie et de l’augmentation des prix de la nourriture et des produits de première nécessité », souligne le rapport.  » Le M23 occupe actuellement plus de 100 villages dans le territoire de Rutchuru ; dans nombre d’entre eux, il a mis en place une administration parallèle à celle de l’État, en nommant de nouvelles autorités locales qui lui sont fidèles et en imposant des taxes illégales ; il a procédé à des massacres de populations civiles (par exemple à Ruvumu et Rutchuru) ; et il a également imposé des taxes illégales : à Ruvumu et Ruseke, respectivement les 21 juin et 1er juillet 2022, avec 21 victimes ; à Kishishe, les 29 et 30 décembre 2022, avec 131 victimes selon la Monusco, 287 victimes selon le gouvernement congolais) ; il a procédé à des arrestations arbitraires et à des actes de torture. »
« Comme le montre le dernier rapport du groupe d’experts de l’ONU sur la République démocratique du Congo publié fin décembre 2022, le M23 est soutenu par l’armée rwandaise, qui lui fournit des troupes (plusieurs centaines de soldats rwandais, peut-être plus d’un millier), des armes, des munitions, des uniformes, des casques, des gilets pare-balles », indique le Réseau pour la paix au Congo.
Le Pape François se rendra en République démocratique du Congo (RDC) le 31 janvier 2023 et y restera jusqu’au 3 février 2023. François ne se rendra pas dans l’est du pays en raison de l’insécurité. C’est à Kinshasa, capitale de la RDC, qu’il priera pour les populations de l’Est, victimes de la barbarie et de la méchanceté des hommes depuis trois décennies. « Le principal défi du moment est l’unité de tous les Congolais. Ils doivent mettre de côté toutes les dissensions et toutes les autres divisions pour gagner, ensemble, la lutte contre la balkanisation du pays et pour sauver l’intégrité territoriale et la souveraineté nationale de la RDC. Selon Mgr Théophile Kaboy, évêque émérite du diocèse de Goma, « le message ‘Tous réconciliés en Jésus-Christ’, fil conducteur du voyage pastoral du Pape François en RDC, exhorte le peuple congolais à intensifier la prière, à reconstruire les espoirs brisés, à guérir les blessures de toutes sortes à l’exemple du bon Samaritain de l’Évangile, et à faire face ensemble aux dangers réels des bouleversements du pays, dont les symptômes sont aujourd’hui bien visibles. C’est ce dont nous avons besoin de toute urgence en ce moment ».

Source :Agence Fides, le 30 janvier 2023

O1.02.2023 – Messe à Kinshasa: François invite les Congolais à cultiver paix et réconciliation

Messe à Kinshasa: François invite les Congolais à cultiver paix et réconciliation

Depuis l’aérodrome de N’dolo, au bord du fleuve Congo, le Pape François, lors de sa deuxième journée en territoire kinois, a livré devant plus d’un million de fidèles une homélie centrée sur la paix, possible grâce à la force du pardon, à celle de la communauté, et à celle de la mission.

C’est la ferveur qui l’a emporté ce mercredi 1er février à Kinshasa. Entouré de danses, d’environ 700 choristes, au son du Gloria en lingala, une langue bantoue de la région, François a traversé la foule en papamobile, avant de célébrer la messe pour la paix et la justice selon le missel romain pour les diocèses du Zaïre. «Esengo», a d’abord lancé le Souverain pontife aux fidèles de RDC et des pays environnants, «joie» en lingala. «J’ai beaucoup désiré ce moment, merci d’être là», a-t-il dit en souriant, sept mois après le report de ce 40e voyage apostolique, initialement prévu à l’été 2022, mais retardé pour raisons de santé.

Reprenant les paroles du Ressuscité aux siens, «La paix soit avec vous», François a livré une homélie sur la paix qui arrive dans les cœurs «en ruines» des disciples. «Alors qu’ils ressentent en eux la mort, il annonce la vie», «la paix de Jésus survient au moment où tout semble fini pour eux, au moment le plus inattendu et inespéré, où il n’y aucune lueur de paix». Des mots qui font écho aux souffrances des Congolais. Plus tard dans la journée, François ira rencontrer des victimes venues d’Ituri, du Nord et du Sud-Kivu, régions sous la coupe de groupes rebelles armées, empêtrées dans la guerre du Kivu depuis 2004.

Le Seigneur tend la main, a poursuivi le Saint-Père, «lorsque nous sommes sur le point de sombrer, il nous relève quand nous touchons le fond». C’est pourquoi «nous qui appartenons à Jésus, nous ne pouvons pas laisser la tristesse l’emporter sur nous, nous ne pouvons pas laisser la résignation et le fatalisme s’installer».

Faire de sa fragilité une force

Le Souverain pontife a développé trois clefs pour cultiver la paix: le pardon, la communauté et la mission.

Jésus, avant de remettre le pouvoir de pardonner aux apôtres, montre ses plaies, «parce que le pardon naît des blessures. Il naît lorsque les blessures subies ne laissent pas des cicatrices de haine mais deviennent le lieu où faire de la place aux autres et accueillir leur faiblesse», a-t-il continué, «les fragilités deviennent alors des opportunités, et le pardon devient le chemin de la paix».

Ainsi, lorsque «la culpabilité et la tristesse nous oppressent», François invite à regarder vers les plaies de Jésus, «il connaît tes blessures, il connaît les blessures de ton pays, de ton peuple, de ta terre». Depuis mars 2022 et la résurgence des violences notamment liées à la résurgence du groupe M23, aux alentours du lac Kivu, aux frontières de l’Ouganda, du Rwanda et du Burundi, plus de 520 000 personnes ont été déplacées, selon des chiffres des Nations unies de décembre dernier. «Jésus souffre avec toi», a affirmé le Pape aux fidèles congolais, et il permet «de trouver la force de pardonner à soi-même, aux autres et à l’histoire», pour avoir «le courage d’accomplir une grande amnistie du cœur». Le Pape qui a également invité à embrasser le crucifix, et à ouvrir les portes de son cœur et de sa maison à la paix.

La communauté comme source de paix

Jésus ressuscité parle aux disciples «au pluriel», en tant que communauté, a ajouté François, pour qui «il n’y a pas de christianisme sans communauté, tout comme il n’y a pas de paix sans fraternité». Pour faire communauté, il ne faut pas tomber dans l’écueil d’«être ensemble mais avancer seul en cherchant dans la société, mais aussi dans l’Église, le pouvoir, la carrière, les ambitions», car c’est ainsi que l’on finit comme les disciples «enfermé chez soi, vide d’espérance, rempli de peur et de désillusions».

Des fidèles lors de la messe du 1er février.

Des fidèles lors de la messe du 1er février.

Le danger est de «suivre l’esprit du monde plutôt que celui du Christ», a éclairé François. Mais alors quel est le moyen «de ne pas tomber dans les pièges du pouvoir et de l’argent, de ne pas céder aux divisions, aux flatteries du carriérisme qui rongent la communauté, aux fausses illusions du plaisir et de la sorcellerie qui renferment en soi-même?» La solution, a expliqué François, est de partager avec les pauvres, «Avoir le courage de regarder les pauvres et de les écouter car ils sont des membres de notre communauté, et non pas des étrangers à ôter de notre vue et de notre conscience».    

Ouvrir son cœur serait donc la source pour faire communauté et accéder au pardon, une des racines de la paix, avec la dernière que le Pape a développé dans son homélie depuis l’aérodrome de N’dolo: la mission.

Le choix de la paix

Depuis l’indépendance de la Belgique acquise le 30 juin 1960, l’histoire de la RDC est construite de guerres. La paix est un choix, a rappelé François aux fidèles du plus grand pays catholique francophone du monde, «c’est faire de la place dans nos cœurs pour tous, c’est croire que les différences ethniques, régionales, sociales et religieuses viennent après et ne sont pas des obstacles; croire que les autres sont des frères et des sœurs, membres de la même communauté humaine; croire que tous sont destinataires de la paix apportée dans le monde par Jésus».

Alors que le pays, riche en minerais, est pillé depuis des décennies, les chrétiens sont appelés «à briser le cercle de la violence, à démanteler les complots de la haine», à «être la conscience de paix du monde». Des consciences critiques, a-t-il précisé, mais surtout des témoins d’amour, «non pas ceux qui cherchent leurs intérêts, mais des missionnaires de l’amour fou que Dieu a pour chaque être humain.»

«Choisissons d’être des témoins du pardon, des acteurs dans la communauté, des personnes en mission de paix dans le monde», a conclu le successeur de Pierre, avant de terminer sur un proverbe en lingala, «Moto azalí na matói ma koyóka, ayoka, moto azalí na motéma mwa kondima, andima», «Celui qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende, celui qui a le cœur pour consentir, qu’il consente».

Source: VATICANNEWS, le 1er février 2023

01.02.2023 – Rencontre du pape François avec les victimes de l’Est de la RDC

Les victimes des violences à l’Est de la RDC portent leurs souffrances au Pape

Troisième étape de son 40e voyage apostolique en RDC, acmé indicible de souffrances et d’espérances, le Pape François a rencontré quatre délégations de victimes des violences sévissant à l’Est du pays, à la nonciature apostolique de Kinshasa, mercredi 1er février après-midi. L’innommable, le déchaînement du mal à l’état pur, et pourtant au creux des horreurs, la lueur humainement difficilement envisageable, mais divinement présente du pardon. 

Delphine Allaire – Cité du Vatican

Dans le salon de la représentation pontificale de la nonciature, après un chant d’entrée en swahili et la projection d’une éloquente vidéo, quatre victimes d’exactions ont livré leur témoignage devant le Saint-Père profondément recueilli et à l’écoute. Ces personnes sont originaires de villes de l’Est de cet immense pays, Butembo-Beni, Goma, Bunia, Bukavu et Uvira, chacune appartenant aux trois provinces orientales que sont le Sud-Kivu, le Nord-Kivu et l’Ituri.

Un moment intense, ritualisé, où chacune des victimes a entrepris la démarche de déposer au pied la Croix un objet lié à son bourreau, signe du calvaire vécu, amorce d’un processus de guérison difficile. 

Un jeune agriculteur de 16 ans 

Face à une assemblée priante, la première victime à s’exprimer devant le Pape est un jeune agriculteur de 16 ans, Ladislas Kambale Kombi, qui a vu son père et son grand-frère assassinés en territoire de Beni. Sa mère disparue, il est seul avec ses deux petites sœurs. Il confie avec émotion au Saint-Père ne plus pouvoir dormir, car il a vu de ses propres yeux le massacre de son père.

«Grâce à l’accompagnement spirituel et psycho-social de notre Église locale, moi et les autres enfants qui sont ici, avons pardonnés à nos bourreaux», a-t-il énoncé avec difficulté, déposant aux pieds du Christ la machette identique à celle qui a tué son père. Deux autres petits enfants de la région ont fait de même, déposant un couteau.

Une jeune fille de 17 ans de Goma

La seconde est une fille de Goma, lisant le témoignage d’une jeune de 17 ans ne sachant pas bien lire le français: «Un jour nous allions puiser de l’eau à la rivière. C’était à Musenge. C’était en 2020. En route, nous avions rencontré des rebelles. Ils nous ont amenées dans la forêt. Moi, c’est le commandant qui m’a désirée. Il m’a violée comme un animal. C’était une souffrance atroce. Je suis restée pratiquement comme sa femme. Il me violait plusieurs fois par jour, comme il voulait, pendant plusieurs heures. Et cela a duré 19 mois, 1 an et 7 mois. J’ai eu, avec une de mes amie, la chance de m’échapper, après 19 mois de souffrances. De cette expérience, suis revenue enceinte. J’ai eu des jumelles, qui ne connaitront jamais leur père.

Avec la présence des dizaines de groupes armés, les tueries se sont intensifiées partout, les familles se sont déplacées à plusieurs reprises, les enfants sont demeurés sans parents, se sont vus exploités dans les mines ou plutôt dans les armées rebelles; les filles et les femmes ont commencé le calvaire de violences sexuelles de tous ordres et des tortures sans nom. «Votre Sainteté, en tout cela l’Église reste le seul refuge qui panse nos plaies et console nos cœurs à travers ses multiples services de soutien et de réconfort: les Paroisses et les services de la Caritas diocésaine restent nos lieux de recours et de secours», a assuré la jeune femme, déposant sous la Croix, la natte, symbole de «sa misère de femme violée», afin que le Christ la«pardonne pour les condamnations portées dans le cœur contre ces hommes», ainsi que la lance identique à celles qui ont transpercé les poitrines de «beaucoup de ses frères».

Un survivant déplacé 

Le troisième témoignage présenté au Pape provient de Bunia, de la part d’un jeune survivant d’une attaque du camp de déplacés de Bule en Ituri, disparu depuis, et donc lu par l’abbé Guy-Robert Mandro Deholo. Dans cette délégation, plusieurs jeunes ont levé leur mains amputés vers le ciel dans un silence qui s’est fait profond, avant que le récit de l’abbé ne reprenne. 

«L’attaque a eu lieu dans la nuit du 1er février 2022 par un groupe armé, lequel a fait 63 morts. J’ai vu la sauvagerie: des femmes éventrées, des hommes décapités. Nous vivons dans des camps de déplacés sans espérance de retourner chez nous, car les tueries, les destructions, les pillages, le viol, le déplacement des populations, les kidnappings, les tracasseries, bref, on dirait l’exécution d’un plan d’extermination, d’anéantissement physique, moral et spirituel se poursuit tous les jours.

Saint–Père, nous avons besoin de Paix et rien d’autre que de Paix, ce don gratuit de Jésus-Christ. Nous voulons retourner dans nos villages, cultiver nos champs, rebâtir nos maisons, éduquer nos enfants, cohabiter avec nos voisins de toujours, loin des bruits des armes ! Nous voulons que le mal perpétré en Ituri s’arrête, qu’l soit puni et réparé!», a imploré l’abbé congolais, déposant à son tour machettes et marteaux sous la Croix, afin que le Christ leur pardonne «le sang injustement versé».

Une femme de 33 ans

Enfin, le dernier témoignage arrive de Bukavu et Uvira dans le Sud-Kivu, lu par Aimée au nom d’Emelda M’Karhungulu, qui ne parle pas français.

«Des rebelles avaient fait incursion dans notre village de Bugobe; c’était la nuit d’un vendredi, en 2005. Prenant en otage tous ceux qu’ils ont pu, déportant tous ceux qu’ils avaient trouvé, leur faisant porter les objets qu’ils avaient pillé. En route, ils ont tué beaucoup d’hommes par balles ou au couteau. Les femmes ils les emportèrent dans le parc de Kahuzi-Biega. J’avais alors 16 ans. J’ai été retenue comme esclave sexuelle et j’ai subi des maltraitances pendant trois mois. Ils nous faisaient manger la pâte de maïs et la viande des hommes tués. De fois, ils mélangeaient les têtes des gens dans la viande des animaux. C’était ça notre nourriture de chaque jour. Nous vivions nues pour ne pas nous échapper. Je suis de ceux qui leur ont obéi jusqu’au jour où, par grâce, je me suis échappée lorsqu’ils nous envoyèrent puiser de l’eau à la rivière. Arrivée à la maison, mes parents m’ont conduite à l’hôpital de Panzi en passant par le centre Olame où j’ai suivi des soins appropriés. Par l’animation de l’Église j’ai dû assumer et accepter ma situation. Aussi, les personnes qui avaient un regard moqueur sur moi ont changé. Aujourd’hui je vis bien en femme épanouie qui assume son passé»,confie-t-elle.  

Leur province est un lieu des souffrances et de larmes. Aussi théâtre de catastrophes naturelles, boue des inondations, camps des sinistrés, promiscuité. «C’est vraiment le siège de l’immoralité. La prostitution bat le plein dans ces cadres de vie», déplore-t-elle.

À cause des guerres interethniques dans les plateaux, depuis 2019, dans les Hauts plateaux des Territoires de Fizi, Mwenga/Itombwe et Uvira, tous les territoires ont été abandonné aux hommes armés.

Cette victime des atrocités a placé sous la croix du Christ des habits des hommes en armes qui leur font encore peur, affirmant «pardonner à ses bourreaux» et «demander au Seigneur la grâce d’une cohabitation pacifique, humaine et fraternelle».

Le geste de réconciliation

Après le discours du Pape François, les représentants des victimes se sont approchés de la Croix du Christ, pour déposer les symboles de leur souffrance. Les cinq ont entouré la Croix, se tenant par la main, signe de communion et de réconciliation. Ils ont récité un acte d’engagement: «Aujourd’hui nous nous engageons à changer nos cœurs et nos vies pour que notre pays puisse changer. Nou nous pardonnons au pied de la Croix».

«Seigneur notre Dieu, de qui nous tenons l’être et la vie, Aujourd’hui nous déposons les instruments de nos souffrances sous la croix de ton Fils. Nous nous engageons à nous pardonner mutuellement et à fuir tout chemin de guerre et de conflit pour résoudre nos divergences. Nous Te demandons, Père, par ta grâce, de faire de notre Pays, la République démocratique du Congo, un lieu de paix et de joie, d’amour et de paix où tous s’aiment et cohabitent fraternellement. Que ton Esprit nous accompagne toujours et que le Saint-Père ici présent prie pour nous.» Le Pape François a conclu le moment par une bénédiction.

Source : VATICANNEWS, le1er février 2023

Le Pape s’est envolé pour la RDC et le Soudan du Sud

Le Pape François se recueille devant le Monument aux morts de Kindu, à Fiumicino. Le Pape François se recueille devant le Monument aux morts de Kindu, à Fiumicino.

Le Pape s’est envolé pour la RDC et le Soudan du Sud

François a quitté l’aéroport de Fiumicino à 8h29, heure de Rome, à bord d’un vol ITA Airways et arrivera en République démocratique du Congo à 15h00 ce mardi 31 janvier. L’évêque de Rome sera à Kinshasa, la capitale congolaise, jusqu’au vendredi 3 février avant de décoller pour Juba, capitale sud-soudanaise, du 3 au 5 février, pour accomplir son pèlerinage de paix. 

Le Pape a entamé son 40e voyage apostolique «œcuménique de paix»comme il l’a lui-même appelé dimanche 29 janvier à la fin de l’angélus, qui le conduira dans deux pays de la périphérie du monde, tous deux traversés par la très forte contradiction d’avoir un sous-sol très riche mais des populations rongées par la pauvreté et la violence. La République démocratique du Congo et le Soudan du Sud attendent le Souverain pontife après de longs mois d’attente, depuis le report de la visite initialement prévue en juillet dernier.

Rencontre avec des migrants et des réfugiés

L’Airbus A350 d’ITA Airways a décollé à 8h29, destination de Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo. François, qui hier soir, à la veille de son voyage, s’est rendu en la basilique Sainte-Marie-Majeure pour prier devant l’icône de la Vierge Salus Populi Romani et lui confier son prochain voyage, avant de quitter la Maison Sainte-Marthe et de se rendre à l’aéroport, a rencontré une dizaine de migrants et de réfugiés de la République démocratique du Congo et du Soudan du Sud, accueillis et soutenus, avec leurs familles, par le Centre Astalli de Rome. Ils étaient accompagnés du préfet du dicastère pour le Service de la charité, le cardinal polonais Konrad Krajewski.

 Fiumicino, hommage aux morts de Kindu

En arrivant à l’aéroport de Fiumicino, la voiture du Saint-Père s’est arrêtée brièvement près du Monument aux morts de Kindu, dans le Maniema, à la mémoire de 13 aviateurs italiens tués au Congo le 11 novembre 1961. Aux victimes de ce massacre sanglant et à tous ceux qui ont perdu la vie en participant à des missions humanitaires et de paix, le Pape François a dédié une prière, puis s’est dirigé vers l’avion qui le conduira à Kinshasa. À partir du 3 février, François se rendra à Juba, capitale du Soudan du Sud, où il restera jusqu’au 5 février, jour de son retour à Rome.

Paix et œcuménisme

Le thème de la paix sera au cœur de la présence du Pape dans ces deux pays. La rencontre avec la chrétienté africaine sera la confirmation de l’attention que François porte à ce continent, d’abord en RDC, déchirée au fil des ans par un conflit qui voit un nombre impressionnant de guérillas, et ensuite au Soudan du Sud, un pays très jeune, né en 2011, où malgré les accords de 2018 qui ont tenté de mettre fin à la guerre civile, la paix n’est jamais arrivée, et où en plus de la violence, la pauvreté, la famine et le changement climatique dévastent le pays. Un voyage à Juba que François fera avec le primat anglican Justin Welby et le modérateur de l’assemblée générale de l’Église d’Écosse, Iain Greenschields, témoignant de l’éminente valeur œcuménique de la visite. Dans les deux pays, on s’attend à l’émotion de rencontrer des victimes dans l’est du Congo et, au Soudan du Sud, des personnes déplacées à l’intérieur du pays.

Après un vol d’une durée de 6h50 minutes, le Pape arrivera à Kinshasa à 15 heures à l’aéroport international de N’djili, où il sera accueilli par le nonce apostolique Mgr Ettore Balestrero et le Premier ministre du pays. Après l’accueil officiel, les délégations se rendront au Palais de la Nation, où François sera accueilli par le président de la République Félix Tshisekedi Tshilombo.

Source : VATICANNEWS, le 31 janvier 2023

François, «un pèlerin de la paix» en RDC et au Soudan du Sud

François, «un pèlerin de la paix» en RDC et au Soudan du Sud

Après la prière de l’angélus, dimanche 29 janvier, François est revenu sur son prochain voyage qui le portera à partir du mardi 31 janvier en République démocratique du Congo et au Soudan du Sud. Un voyage initialement prévu en juillet, repoussé pour des raisons de santé. «Depuis très longtemps je voulais me rendre dans ces deux pays», a affirmé le Saint-Père. 

Pour ce 40e voyage apostolique, le Pape revêtira son habit de «pèlerin de paix et de la réconciliation», a-t-il déclaré à la foule rassemblée place Saint-Pierre, à l’issue de la prière de l’angélus, deux jours avant son départ pour Kinshasa. «Ces terres, situées au centre du grand continent africain, sont éprouvées par de longs conflits, a-t-il développé, la République démocratique du Congo souffre, surtout dans l’Est du pays, en raison d’affrontements armés et de l’exploitation, le Soudan du Sud, déchiré par des années de guerre, a hâte que cessent les violences continuelles qui obligent beaucoup de personnes à vivre déplacées et dans des conditions de grande détresse.»

Le mardi 31 janvier, le Pape quittera Rome pour la capitale de la République démocratique du Congo.

Une Église vivante dans un pays martyrisé

Malgré l’instabilité politique actuelle du pays, l’Église catholique congolaise continue d’être l’une des Églises les plus vivantes d’Afrique. En témoignent le nombre toujours croissant de catholiques, qui représentent environ 33% de la population (dont 90% est chrétienne), la forte fréquentation de l’Église, même chez les jeunes, les vocations florissantes, l’activisme laïc catholique et sa large présence dans la société et dans les médias.

L’est de la RDC compte quelque 120 groupes armés, dont des rebelles islamistes prenant pour cible des civils. Cette visite intervient d’ailleurs deux semaines après un attentat meurtrier revendiqué par l’organisation de l’État islamique (EI) dans une église pentecôtiste du Nord-Kivu.

Soudan du Sud, une étape œcuménique     

Dans son message, le Pape a également rappelé qu’il arrivera au Soudan du Sud, l’État le plus jeune du monde, accompagné de l’archevêque anglican Justin Welby et du révérend Dr Iain Greenshields.

Éprouvé par une instabilité chronique, ce pays pauvre de 11 millions d’habitants a sombré dans une sanglante guerre civile en 2013 opposant les ennemis jurés Riek Machar et Salva Kiir, qui a coûté la vie à près de 400 000 personnes.

Le Pape François a exprimé à plusieurs reprises sa préoccupation constante pour le sort du peuple sud-soudanais, et a lancé au fil des années plusieurs appels à la paix dans le pays, mais aussi un certain nombre d’initiatives significatives. Parmi celles-ci, la veillée de prière spéciale pour le Soudan du Sud et la République démocratique du Congo qu’il a présidée dans la basilique Saint-Pierre le 23 novembre 2017. La même année, il a également lancé l’initiative «Pope for South Sudan», une contribution financière d’environ un demi-million de dollars américains pour soutenir des projets sanitaires, éducatifs et agricoles dans le pays.

Le 11 avril 2019, le Pape et Justin Welby avait invité les plus hautes autorités civiles et ecclésiales sud-soudanaises à se joindre à une retraite œcuménique au Vatican. À la fin de la retraite, à la maison Sainte-Marthe, Fançois avait accompli un geste hautement significatif: embrasser les pieds du président Kiir et de son rival Machar.

Source : VATICANNEWS, le 29 janvier 2023

Voici le premier pays catholique francophone au monde

TONY KARUMBA / AFP
Église Saint-Joseph de Kinshasa, capitale de la RDC

Alors que le pape François s’envole pour la République démocratique du Congo (RDC) du 31 janvier au 3 février, la rédaction d’Aleteia s’est intéressée de plus près à ce pays, considéré d’après les chiffres communiqués par le Saint-Siège comme le premier pays catholique francophone au monde.

Le pape François s’apprête à se rendre pour la première fois de son pontificat en République démocratique du Congo, du 31 janvier au 3 février 2023. Selon les chiffres communiqués par le Saint-Siège*, le pays compte plus de 52 millions de catholiques, soit près de la moitié de la population de ce pays d’Afrique estimée à un peu plus de 105 millions.

Cela fait de la RDC le plus grand pays catholique d’Afrique, avec près de 20% des catholiques du continent africain (257 millions). Le pays représente un peu moins de 4% des catholiques du monde entier (1 milliard 360 millions, selon les chiffres de Fides publiés en octobre 2022).

Les catholiques, 50% de RDC

La RDC est ainsi le premier pays catholique francophone au monde en termes de fidèles. Bien que le nombre de catholiques congolais ait augmenté ces dernières années – ils étaient un peu plus de 43 millions en 2015 selon le Vatican -, la population du pays a grandi davantage – 81 millions en 2015 versus 105 millions en 2021. Les catholiques congolais sont ainsi passés sous la barre des 50% de la population totale.

Concernant le nombre de prêtres catholiques dans le pays, il reste faible au regard de la communauté catholique (6.162 prêtres). En comparaison, la France comptait encore près de 14.000 prêtres en 2021. Le nombre de prêtres en RDC est relativement stable depuis 2015 où l’on comptait 5.957 prêtres diocésains et religieux. À noter toutefois que le nombre de prêtres diocésains augmente légèrement quand le nombre de prêtres religieux diminue : en 2015, le pays comptait 2.042 prêtres membres de communautés religieuses, soit 1.000 de plus qu’aujourd’hui.

L’Église en République démocratique du Congo compte par ailleurs sur un réseau très important de laïcs, investis dans les missions pastorales et sociales. Le pays compte 76.794 catéchistes.

La concurrence des évangéliques

L’un des enjeux du voyage du pape en République démocratique du Congo est d’encourager une Église catholique fortement concurrencée par les Églises évangéliques qui connaissent un succès croissant ces dernières années. « Pour le catholicisime, la RDC représente un paquebot d’un point de vue numérique. Mais cette Église est aujourd’hui menacée par la prolifération des Églises du réveil », glisse un bon connaisseur de la région. Le Vatican estime que 22% de la population congolaise est protestante et 19% font partie des milieux évangéliques et pentecôtistes.

Par ailleurs, l’Église en RDC souffre d’un manque de visibilité au sein de l’Église universelle. Elle ne compte qu’un seul cardinal, en la personne de l’archevêque de Kinshasa, Fridolin Ambongo, élevé à la pourpre cardinalice en 2019 par le pape François.

« Au-delà de la RDC, je constate qu’au sein de la Curie romaine, il n’y a plus aucun africain chef de dicastère depuis les départs du cardinal Sarah et du cardinal Turkson », note un diplomate qui imagine que ce voyage est aussi pour le Saint-Siège une occasion d’identifier des profils pour servir à Rome. « Compte-tenu des priorités affichées du pape François pour les périphéries, cela me semblerait logique qu’il procède à des nominations de personnalités africaines », juge-t-il.

*Les statistiques varient selon les sources. Le rapport de la CIA indique que les catholiques représentent 30% de la population de la RDC. Il assure toutefois que les chrétiens dans leur ensemble forment 90% de la population du pays.

Source : ALETEIA, le 28 janvier 2023