Émus et masqués, ils ont participé à une messe « privée »

Émus et masqués, ils ont participé à une messe « privée »

Émus et masqués, ils ont participé à une messe « privée »

Dans plusieurs diocèses, des fidèles invitent un prêtre à venir célébrer la messe chez eux en respectant toutes les consignes sanitaires. « La Croix » s’est rendue, samedi 16 mai, à Paris dans l’une de ces messes en appartement.

Dominique et Florence n’ont pas hésité une seconde après avoir lu, dans La Croix du 30 avril, une interview du père Yann Vagneux. Ce prêtre des Missions étrangères de Paris (MEP) vivant normalement à Bénarès, en Inde, mais retourné à Paris pour deux mois de confinement en famille, indiquait qu’il serait heureux, en attendant la reprise des messes en public, de célébrer chez des particuliers, comme il l’a souvent fait en Argentine et en Inde.

Ce couple de médecins retraités a donc fait signe au père Vagneux, ainsi qu’à six amis connus lors d’un voyage en Inde en 2018. « Nous étions en manque de communion sacramentelle », explique le couple, en soulignant combien ces deux mois de messes virtuelles lui ont permis de « prendre la mesure de ce que vivent les communautés chrétiennes, en Amazonie ou ailleurs, qui ne voient un prêtre qu’une fois par an ».

Dans la salle à manger de leur appartement parisien du 6earrondissement, Dominique et Florence ont recouvert leur table familiale d’une nappe blanche et ont allumé deux bougies. Les chaises disposées tout autour de la pièce sont à plus d’un mètre l’une de l’autre et du gel hydroalcoolique est à disposition.

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La grande prière de l’Église

Le père Vagneux, tout en enfilant son aube, insiste encore : « Aucune messe n’est privée puisque, par définition, c’est le Christ qui s’offre à tous ». Et puis, « la prière de la messe est la grande prière de l’Église, la prière la plus communautaire ». Il commence la célébration en offrant cette action de grâce (traduction du mot grec « eucharistia ») pour « tous les bienfaits reçus par chacun pendant ces deux mois de confinement avec le Seigneur ».

La lecture des Actes des apôtres, à propos d’un voyage missionnaire de Paul, montre combien celui-ci, selon le père Vagneux pendant son homélie, « a le sens des circonstances » puisqu’il se laisse conduire par l’Esprit Saint et s’adapte à toutes les situations. Chacun est alors invité à discerner les appels de l’Esprit « maintenant que la vague de la pandémie commence à se retirer, et que l’on aperçoit ce qui a été changé, détruit, et que beaucoup de nouveaux appels sont en train d’émerger ».

Pendant la prière universelle, la petite assemblée partage spontanément ses intentions, citant quelques prénoms de proches, malades ou décédés pendant la pandémie. Mais rapidement elle élargit sa prière à l’Église universelle, en confiant notamment « ces Indiens pauvres qui parcourent à pied des milliers de km pour rentrer chez eux ».

Après avoir reçu l’hostie consacrée dans la main, chacun communie dans un recueillement profond, conscient d’une faim qui attendait d’être rassasiée depuis longtemps. Ce que confirme le père Vagneux quelques minutes plus tard, au cours du déjeuner convivial, en citant Maurice Zundel : « Il nous a pris au point le plus matériel, au point le plus élémentaire de notre vie charnelle, dans le besoin de manger. Et Il nous a appris à manger saintement, à manger divinement, à communier sous la fragilité du pain au Roi immortel des siècles ».

Source et plus sous: La Croix, le 18 mai 2020

« Qu’est-ce qui nous empêche de célébrer des messes dans les maisons ? »

« Qu’est-ce qui nous empêche de célébrer des messes dans les maisons ? »

« Qu’est-ce qui nous empêche de célébrer des messes dans les maisons ? »

Entretien 

Prêtre des missions étrangères en Inde, actuellement confiné en France, et chroniqueur pour la Croix, le père Yann Vagneux porte son regard de missionnaire sur la prolongation du confinement pour les croyants.

La Croix : Vous êtes missionnaire à Bénarès, en Inde, mais actuellement confiné à Paris. Quel regard portez-vous sur la déception des catholiques privés de messe encore jusqu’au 2 juin ?

Père Yann Vagneux (1) : J’entends bien le cri des chrétiens qui ont besoin de la messe, de se nourrir de l’eucharistie, de pouvoir prier ensemble. Des rassemblements de 10 personnes seront possibles après le 11 mai, alors utilisons cette possibilité, plutôt que d’attendre de retrouver nos grandes églises ! Pourquoi rester paralysé par le contexte et par le droit canonique ? Le droit canon, comme le rappelle le pape François, est d’abord fait pour le « salut des âmes ». Il s’agit de s’adapter.

Ainsi qu’est-ce qui nous empêche de faire des tournées et de célébrer des messes dans les maisons, comme cela se fait en Inde ou en Argentine pendant le temps pascal ? Ce fut la joie du début de mon sacerdoce en retournant dans le barrio où j’ai vécu jadis en Argentine. Les familles se sentaient visitées, considérées, honorées de recevoir le Seigneur chez elles.

On n’imagine pas la force de célébrer dans une maison. Souvent, les fidèles se sentent loin du célébrant, comme des spectateurs passifs dans une église à moitié vide. Or quand on célèbre dans une maison, la proximité est tout autre. La messe réassume toute la vie concrète de la famille, elle ressaisit tout son quotidien. Les Évangiles sont pleins de récits de Jésus entrant dans les foyers.

C’est ce qu’a vécu l’Église primitive, l’Église dans la persécution, l’Église missionnaire aussi. Depuis des siècles, les missionnaires sont allés de lieux reculés en lieux reculés et ont célébré la messe dans les maisons avec des petites communautés rassemblées… Le début de l’aventure missionnaire, c’est cela : on avait établi un programme, il y a eu des blocages, mais le blocage a été une chance pour inventer d’autres choses.

Source et suite sous : La-Croix, le 30 avril 2020