Assassinat du père Hamel : ce que révèle l’enquête

© MARCO ZEPPETELLA / AFP – Portrait du père Hamel.

Assassinat du père Hamel : ce que révèle l’enquête

Cinq ans après l’attentat terroriste à Saint-Étienne-du-Rouvray et l’assassinat du père Hamel, l’instruction du dossier est terminée. L’hebdomadaire La Vie en révèle cette semaine les conclusions.

Il y a bientôt cinq ans, le 26 juillet 2016, le père Jacques Hamel était égorgé par deux terroristes, Adel Kermiche et Abdel-Malik Petitjean, tandis qu’il célébrait la messe à l’église de Saint-Étienne-du-Rouvray (Seine-Maritime). Alors que l’instruction est désormais close, l’hebdomadaire La Vie revient longuement sur l’enquête. Avancée dans un premier temps, la thèse du « loup solitaire » est ainsi exclue. Les deux terroristes ont répondu de manière précise à des directives en provenance de Syrie, et plus précisément d’un homme : le français Rachid Kassim. C’est lui qui a demandé aux deux terroristes de perpétrer un attentat dans l’église de Saint-Étienne-du-Rouvray. 

Tu prends un couteau, tu vas dans une église, tu fais un carnage, même tu tranches deux trois têtes, c’est bon c’est fini.

Dans des documents publiés par l’hebdomadaire, on peut lire les échanges reconstitués entre le « commanditaire » de cet attentat, Rachid Kassim, et Abdel-Malik Petitjean, l’un des deux terroristes. Des propos glaçants : « Tu prends un couteau, tu vas dans une église, tu fais un carnage, même tu tranches deux trois têtes, c’est bon c’est fini ».

Pour Me Mouhou, avocat de Guy Coponet (le paroissien grièvement blessé, ndlr), l’assassinat du père Hamel aurait pu être évité. Il souligne dans l’hebdomadaire une « double faute – de l’autorité judiciaire et des services de renseignement – et des erreurs d’appréciation qui ont été fatales ». « L’analyse du dossier, ainsi que des entretiens avec des membres des services de renseignement, confirment cette évidence : jamais Adel Kermiche (l’un des deux terroristes, ndlr) n’aurait dû se trouver en liberté sans faire l’objet d’une surveillance accrue », souligne par ailleurs l’hebdomadaire. « Rien n’a permis d’enrayer la mécanique mortifère qu’il a enclenchée avec son complice Abdel-Malik Petitjean sous la férule de Rachid Kassim ».

L’autorité judiciaire, avance le journal, a sa part de responsabilité en ayant sous-estimée la dangerosité d’Adel Kermiche. L’autre erreur fatale a consisté en l’absence de surveillance policière. Adel Kermiche n’était pas placé sur écoutes téléphoniques. « La juge d’instruction n’avait pas non plus ordonné l’interception de ses communications informatiques (avant l’attentat, ndlr) », souligne La Vie. « Dès lors, nous sommes désarmés », a reconnu auprès du média un ancien agent de la DGSI. « Nous sommes très bons dans un cadre judiciaire, mais, faute de moyens humains et techniques suffisants, nous péchons en termes de renseignement pur. » Des erreurs d’appréciation, une faute de la part de l’autorité judiciaire et un manque de moyens dans les services de police et de renseignement qui ont mené, le 26 juillet 2016, à l’assassinat du père Hamel.

Source: ALETEIA, le 7 juillet 2021

« Le Dieu qui demande de tuer n’existe pas. C’est une idole »: communiqué de Mme Hamel et de Mgr Lebrun

Roseline Hamel, soeur du p. Hamel, capture CTV
Roseline Hamel, Soeur Du P. Hamel, Capture CTV

« Le Dieu qui demande de tuer n’existe pas. C’est une idole »: communiqué de Mme Hamel et de Mgr Lebrun

« La justice, la paix, l’amour vaincront »

« Le Dieu qui demande de tuer n’existe pas. C’est un leurre, pire une idole qui incarne l’esprit du Mal »: Mgr Dominique Lebrun, archevêque de Rouen, et de Mme Roseline Hamel, sœur du père Jacques Hamel, assassiné le 26 juillet 2016 dans l’église de Saint-Etienne du Rouvray, redisent leur proximité après l’attentat meurtrier dans la basilique Notre-Dame de l’Assomption de Nice (France), ce 29 octobre 2020.

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Réunis ce matin, nos cœurs se tournent vers les familles des victimes de l’attentat perpétré à nouveau à Nice. Nous n’avons pas de mots mais nous voulons leur dire combien nous pensons à elles ainsi qu’à la communauté de la basilique Notre-Dame.

« Si Dieu existe, il devrait avoir honte », était écrit sur une pancarte dans un hommage à M. Samuel Paty. Le Dieu qui demande de tuer n’existe pas. C’est un leurre, pire une idole qui incarne l’esprit du Mal. Et cela engendre l’intolérance, sans le minimum de doute qui fait l’humanité de l’homme. Avec l’aide des non-croyants, nous devons abattre cette idole.

Dieu est amour et source d’amour. Le Père Jacques le vivait, l’enseignait, comme tant de croyants de toutes confessions. Dieu existe, et il nous redit par Jésus crucifié : « Pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ». Puis Jésus ressuscita. Alors prions de tout notre cœur pour ceux qui sont tentés par la violence, l’intolérance, la toute-puissance.

La justice, la paix, l’amour vaincront. Nous le croyons, même si aujourd’hui nous pleurons.

Rouen, le 29 octobre 2020.

Roseline Hamel, soeur du Père Jacques Hamel,

Mgr Dominique Lebrun, archevêque de Rouen.

Source: ZENITH.ORG, le 29 octobre 2020

Mgr Lebrun : « Le Royaume de nos désirs n’est pas facile à gouverner »

Diocèse de RouenMesse en hommage au père Jacques Hamel célébrée par Mgr Dominique Lebrun, archevêque de Rouen, le 26 juillet 2020.

Mgr Lebrun : « Le Royaume de nos désirs n’est pas facile à gouverner »

Dans son homélie prononcée ce dimanche lors de la messe célébrée en hommage au père Jacques Hamel, Mgr Dominique Lebrun, archevêque de Rouen, a habilement rappelé la portée du sacrifice de ce prêtre tout en élargissant la réflexion à un autre sujet qui va animer les débats cette semaine : la bioéthique.

« Tous les peuples, toutes les sociétés, tous les groupes humains sont ainsi faits : ils sont habités par des désirs nombreux et parfois contradictoires, difficiles à gouverner ». C’est une homélie particulièrement d’actualité qu’a prononcé Mgr Dominique Lebrun, archevêque de Rouen, lors de la messe célébrée en mémoire de la mort du père Jacques Hamel, assassiné il y a quatre ans par deux terroristes. Si ses mots donnent à réfléchir sur le geste des deux terroristes ayant ôté la vie au père Hamel mais aussi à celui du père Hamel qui a témoigné du Christ jusqu’au bout, il ouvre également la réflexion sur un sujet qui va particulièrement animer les débats cette semaine : la bioéthique. En effet, le projet de loi bioéthique, ouvrant notamment la PMA à toutes les femmes, est débattu à l’Assemblée nationale en deuxième lecture dès ce lundi.

« Des aspirations fortes de certains s’opposent à des convictions d’autres », reprend ainsi l’archevêque. « La protection de la santé et le désir de liberté cohabitent mal dans nos têtes. Le désir d’enfants de certains défie le droit universel de l’enfant à être protégé de toute manipulation et marchandisation. Le désir de justice ne concorde pas toujours avec le désir de non-violence ».

Donne à ton serviteur un cœur attentif pour qu’il sache gouverner et discerner le bien et le mal”(1 R 3, 9).

Frères et sœurs, la première lecture nous offre cette prière du roi Salomon, une belle prière qui plaît à Dieu:“Puisque c’est cela que tu as demandé, répond Dieu, et non pas de longs jours, ni la richesse, ni la mort de tes ennemis … je fais ce que tuas demandé” (1 R 3, 11).

Monsieur le Ministre, mesdames et messieurs les élus et les hautes autorités civiles et militaires, est-il nécessaire de vous dire que les lectures de ce dimanche n’ont pas été choisies en raison de votre présence?

Frères et sœurs,accueillons la prière de Salomon comme notre prière. Essayons d’en comprendre la portée pour nous-mêmes.Salomon parle du peuple “si nombreux qu’on ne peut ni l’évaluer –c’est-à-dire en mesurer la valeur, la force, la bonté –ni le compter –c’est à dire le dénombrer. Et devant ce peuple, Salomon avoue –au moins à Dieu –qu’il ne sait pas comment se comporter, comment gouverner.

Tous les peuples, toutes les sociétés, tous les groupes humains sont ainsi faits : ils sont habités par des désirs nombreux et parfois contradictoires, difficiles à gouverner. Des aspirations fortes de certains s’opposent à des convictions d’autres. La protection de la santé et le désir de liberté cohabitent mal dans nos têtes. Le désir d’enfants de certains défie le droit universel de l’enfant à être protégé de toute manipulation et marchandisation.Le désir de justice ne concorde pas toujours avec le désir de non-violence.

Le Royaume de nos désirs n’est pas facile à gouverner. C’est vrai pour un maire, c’est vrai pour un curé de Paroisse. Oserais-je dire ici que la période la plus difficile dans le ministère du Père Jacques Hamel semble avoir été le temps où il fut curé de Paroisse ?

Le Royaume de nos désirs n’est pas facile à gouverner : nous en faisons chacun personnellement l’expérience. Comment faire ? Les croyants ont la grâce de pouvoir rendre à Dieu ce qui lui appartient : notre cœur, avec ses joies, ses peines, ses doutes. Et, cela sans se décharger sur Dieu. Salomon ne demande pas une réussite qui serait magique.Il demande «un cœur attentif»

Ce qui touche Dieu, c’est que Salomon met son cœur à disposition : “Donne à ton serviteur un cœur attentif”. Combien de fois, avons-nous raison, et seulement raison? Et ces raisons sans cœur peuvent produire de la violence y compris dans nos propres cœurs.

Les assassins du Père Hamel pensaient avoir raison. Et nous avons raison de penser qu’ils avaient tort. Mais où cela mène-t-il sinon à l’affrontement ou la vengeance ?

Or, il y a « le dessein d’amour de Dieu », pour reprendre l’expression de saint Paul (Rm 8, 28). C’est le trésor ou la perle qui gît au fond de nous, notre désir le plus vrai: le désir d’aimer et d’être aimé. Et ce dessein est le guide de notre vie, le guide de notre cœur, celui qui rejoint la grande profondeur de l’humanité. Il appelle à rejoindre le Fils, Jésus, « pour qu’il soit l’aîné d’une multitude de frères » (Rm 8, 29). Tel est le véritable horizon de nos désirs à ordonner: voir dans toute personne, y compris celui qui assassine, un frère, une sœur.

Le fils, Jésus,trace ce chemin. Dans l’Évangile de ce jour Jésus donne un double critère à ce chemin : la joie et le choix.

Source: ALETEIA, le 26 juillet 2020 par Agnès Pinard Legry