L’Onu envisage une conférence pour la protection des sites religieux

L'église catholique arménienne des Martyrs, dans la ville syrienne de Raqqa, le 26 décembre 2017.L’église catholique arménienne des Martyrs, dans la ville syrienne de Raqqa, le 26 décembre 2017.  (AFP or licensors)

L’Onu envisage une conférence pour la protection des sites religieux

Les chefs religieux pourraient être bientôt invités, ainsi que les «organisations d’inspiration religieuse», personnalités politiques ou membres de la société civile et de la presse, à rejoindre les États membres et différentes entités onusiennes pour prendre part à une conférence mondiale pour «mobiliser un soutien politique» au plan d’action des Nations unies pour la protection des sites religieux.

Aucune date n’est arrêtée à ce jour, mais le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a été invité à convoquer cette conférence mondiale par l’Assemblée générale des Nations unies dont les membres ont adopté une résolution dans ce sens jeudi dernierL’Arabie saoudite, par la voix de son ambassadeur a présenté ce texte rappelant que «les sites religieux sont des enceintes de paix, représentant l’histoire, le tissu social des individus». «Quelle douleur de voir ces sites religieux menacés ou détruits, qu’il s’agisse de mosquées musulmanes, d’églises chrétiennes, des synagogues juives ou des temples sikhs ou indous», ajoutait Abdallah al-Mouallimi.

Condamnation unanime

Aujourd’hui 20% des biens inscrits sur la Liste du patrimoine mondial de l’Unesco ont un caractère religieux ou spirituel, et ces sites sont aujourd’hui «de plus en plus fréquemment» la cible d’attaques conduites par des terroristes, des milices hors-la-loi, mais aussi par «des acteurs étatiques» dans des situations de conflit mais aussi de paix, souligne un communiqué de l’ONU revenant sur la 50e session de l’Assemblée.

Au final, «ces lieux sont altérés, complètement détruits ou soumis au vol et au trafic», peut-on lire. Dans sa résolution, qui n’est pas contraignante mais a une valeur politique importante, l’ONU «condamne tous les actes et toutes les menaces de violence, de destruction, de dégradation ou de mise en péril visant des sites religieux» et dénonce «tout acte visant à faire disparaître ou à transformer par la force tout site religieux».

Le rôle clé du dialogue

Le texte «demande à la communauté internationale de redoubler d’efforts pour favoriser un dialogue à l’échelle mondiale sur la promotion à tous les niveaux d’une culture de la tolérance et de la paix fondée sur le respect des droits humains et de la diversité des religions et des convictions». Un débat «ouvert constructif et respectueux» ainsi qu’un dialogue interreligieux et interculturel au niveau mondial régional ou local peuvent jouer un rôle positif dans la lutte contre la haine religieuse.

La future conférence nait de la nécessité de mener une action globale et son objectif est «de contribuer à mobiliser un soutien politique en faveur d’actions visant à faire avancer le plan des Nations unies pour la protection des sites religieux».

L’initiative de l’Arabie a été soutenue par une trentaine de pays dont l’Egypte, les Emirats arabes unis, l’Irak, le Maroc, le Pakistan ou le Venezuela qui reconnaissent aujourd’hui dans ce texte que «la liberté de religion ou de conviction, la liberté d’opinion et d’expression et le droit de réunion pacifique et de libre association sont interdépendants et intimement liés et (qu’ils) se renforcent mutuellement». 

Quelques anicroches

La résolution a été adoptée sans vote, mais après de longues discussions. Les États-Unis regrettaient par exemple une certaine «confusion» entre le discours et les actes de violence, pouvant compromettre la liberté d’expression. L’Union européenne soulignait, pour sa part, que la liberté d’expression et la liberté des médias doivent être respectées comme le droit de ne pas croire.

Enfin, en marge de ces discussions, des tensions sont apparues entre l’Inde et le Pakistan. New Delhi accuse les forces de l’ordre pakistanaises d’avoir soutenu une attaque perpétrée contre un temple hindou en décembre dernier. Pour l’Inde, la défense de ce texte sert de «paravent» à un pays qui «écrase» ses minorités. De son côté, le Pakistan a rejeté des allégations non fondées et a déroulé la liste des «graves violations» faites aux droits des minorités en Inde, comme par exemple l’interdiction des mariages interconfessionnels.

Source: VATICANNEWS, le 23 janvier 2021

La Cour suprême américaine donne raison aux Petites Sœurs des Pauvres

LITTLE SISTERS OF THE POOR

MARK WILSON | GETTY IMAGES NORTH AMERICA | AFP

La Cour suprême américaine donne raison aux Petites Sœurs des Pauvres

La plus haute instance judiciaire des États-Unis soutient l’objection de conscience pour conviction religieuse. Mais la loi peut-elle régler tous les problèmes moraux ? 

La Cour Suprême des États-Unis vient de rendre deux verdicts significatifs. Dans l’un, elle a reconnu que les Petites Sœurs des Pauvres n’étaient pas obligées de participer au remboursement des frais de contraception et d’avortement de leurs employées (voir « Aux États-Unis aussi, la liberté religieuse est menacée », Aleteia, 11 mai 2020). Dans l’autre, elle a admis le droit d’écoles catholiques à ne pas conserver des personnels n’adhérant pas à ce que nous appelons le « projet d’établissement ».

La plus haute instance judiciaire des États-Unis soutient l’objection de conscience pour conviction religieuse. Mais la loi peut-elle régler tous les problèmes moraux ? 

La Cour Suprême des États-Unis vient de rendre deux verdicts significatifs. Dans l’un, elle a reconnu que les Petites Sœurs des Pauvres n’étaient pas obligées de participer au remboursement des frais de contraception et d’avortement de leurs employées (voir « Aux États-Unis aussi, la liberté religieuse est menacée », Aleteia, 11 mai 2020). Dans l’autre, elle a admis le droit d’écoles catholiques à ne pas conserver des personnels n’adhérant pas à ce que nous appelons le « projet d’établissement ».

Les Petites Sœurs des Pauvres étaient la cible d’organisations considérant le contrôle des naissances comme un droit imprescriptible des femmes. L’accusation était « tirée par les cheveux », car ces religieuses évidemment chastes recueillent dans leurs maisons des personnes âgées qui risquent encore moins qu’elles d’être enceintes. Mais leurs employées laïques pouvaient l’être, et la nouvelle loi d’assurance-maladie promulguée en 2011 faisait obligation à tous les employeurs de payer la part patronale du remboursement de tousles frais médicaux, y compris la contraception et l’avortement. 

Quand le politique s’en mêle

Cette congrégation a refusé. Une exemption était prévue pour « objection de conscience », mais il fallait signer un papier reconnaissant la légitimité des « soins » et promettant en cas d’IVG l’octroi d’un congé sans perte d’emploi — ce qui revenait à une approbation tacite ou du moins passive. Les sœurs ne l’ont pas accepté : c’était une question de principe. Et c’est pourquoi elles ont été poursuivies — également pour des raisons purement théoriques, voire idéologiques, puisqu’aucune laïque embauchée par elles n’avait (ni n’a jamais) demandé le remboursement de la pilule ni de l’élimination d’un fœtus jugé indésirable.

L’administration Trump s’en est mêlée, pour satisfaire son électorat « conservateur », en accordant une dispense de signer ce document en cas de convictions religieuses s’opposant à ces pratiques. C’est sur la légalité de cette intervention politique que la Cour suprême était appelée à se prononcer : elle a estimé que le gouvernement fédéral avait eu raison de protéger la liberté de conscience inscrite dans le Premier Amendement de la Constitution et que ne peut enfreindre aucune loi ultérieure. Il est à prévoir que les groupes de pression féministes et libertaires contrattaqueront, par exemple en faisant valoir que les croyances hostiles au contrôle des naissances doivent être ignorées par la loi, puisqu’elles sont puisées dans la Bible et dans des traditions étrangères à l’État laïque.

L’ambivalence du Premier Amendement

De même, dans deux affaires de femmes licenciées par des écoles catholiques en Californie, la plus haute instance judiciaire du pays a jugé que leur employeur était en droit de ne pas renouveler le contrat de personnes s’avérant ne pas correspondre au profil du poste qui leur avait été confié. Ce qui a été reconnu là est le droit d’une institution privée à but non lucratif de demander même à son personnel salarié une adhésion à ses objectifs, à sa motivation ou à sa raison d’être, et d’évaluer si cet engagement est conforme aux attentes qui en découlent. En l’occurrence, c’est l’efficacité pédagogique de ces deux éducatrices qui a été jugée insuffisante. Mais leurs avocats ont fait valoir qu’elles n’avaient pas été conservées à cause d’opinions religieuses personnelles, et que donc leur liberté de conscience n’avait pas été respectée.

Ces questions sont épineuses, car le Premier Amendement de la Constitution stipule d’un côté que ni le gouvernement fédéral ni aucun des États de l’Union ne doit cautionner aucun « culte », et de l’autre que la pratique d’aucune foi ne doit être entravées, ni son expression publique. D’autre part, comme il semble que la réélection de M. Trump soit loin d’être assurée, il ne peut être exclu que, sous le président suivant, les mesures favorables aux institutions catholiques soient rapportées et que les institutions catholiques soient obligées de retourner en justice pour demander une exemption, tandis qu’elles seront de nouveau poursuivies par des associations féministes et de « planning familial » pour rébellion contre les lois en vigueur…

Et maintenant ?

Ce qui laisse cependant espérer que les positions de la Cour suprême ne seront pas contestées est qu’elles ont été prises à une nette et rare majorité (7 contre 2), ce qui signifie que deux des juges réputés libéraux (et peu portés à soutenir les convictions religieuses) ont donné raison aux Petites Sœurs des Pauvres et à ces écoles catholiques de Californie. Les médias, par ailleurs, ont relevé que l’obligation pour les employeurs de participer au remboursement des frais de contraception et d’avortement ne figurait pas dans la loi votée par le Congrès (le Parlement américain), baptisée « Obamacare » et généralisant l’assurance-maladie, mais avait été introduite dans les décrets d’application sous la pression de groupes de pression féministes et laïcards.

Au-delà des subtilités juridiques, des interférences du politique et de la vision de la personne humaine, de ses droits et de ses devoirs découlant de convictions religieuses ou philosophiques, ce qui est ressorti de tous ces débats sur un plan strictement rationnel est qu’il ne suffit pas que la procréation soit non désirée pour qu’elle devienne une maladie à laquelle la solidarité nationale impose de remédier en donnant gratuitement accès à tous les moyens médicaux disponibles. La question, qui n’est finalement pas posée qu’aux Américains, est de savoir si la loi peut se substituer à la stricte raison et à la sagesse prudentielle pour régler les problèmes posés au discernement moral par les techniques nouvelles.

Source: ALETEIA, le 12 juillet 2020 par Jean Duchesne