Cardinal Erdö: la venue du Pape a renforcé la solidarité et la dignité de l’identité

Cardinal Erdö: la venue du Pape a renforcé la solidarité et la dignité de l’identité

Le Danube, les roses de sainte Elisabeth, les portes, les ponts et les frontières. Autant de lieux et de métaphores ayant ponctué le 41e voyage pontifical dans une nation fière de son identité chrétienne malgré la sécularisation patente -autant de baptêmes qu’en France en 2022. Un voyage où le successeur de Pierre a confirmé dans la foi le peuple héritier du roi Etienne, saint commun à tous les chrétiens-, et exhorté à une Europe d’âme et de charité. 

Delphine Allaire – Envoyée spéciale à Budapest, Hongrie

Köszönöm, Isten fizesse! Merci, que Dieu vous récompense! Le Pape François a exprimé toute sa gratitude devant les 50 000 fidèles sur la place Kassuth Lajos baignée de soleil à l’issue de la messe et de la prière du Regina Cæli. Durant ces 60 heures en terre magyare, le Pape a manifesté son attachement et sa proximité au «noble et bien-aimé»peuple hongrois, qui lui semble cher. L’évêque de Rome a souhaité encourager le peuple de saint Etienne, qui vit un œcuménisme et un dialogue interreligieux particulier dans ce cœur centre-européen. La présence des gréco-catholiques, et de cinq églises orthodoxes -grecque, russe, roumaine, serbe et bulgare- en dit long sur la position centrale de l’Église hongrois dans le chemin vers l’unité des chrétiens. La métropole abrite également la plus grande communauté juive d’Europe.

«Après avoir payé ce lourd tribut aux dictatures, Budapest porte en elle la mission de garder le trésor de la démocratie et le rêve de la paix», a assuré François aux autorités hongroises. Une paix qui passe par l’accueil prophétique des étrangers, «richesses» et non danger. Telle est la mission confiée par François à cette terre orientale de la chrétienté occidentale, que va porter le cardinal Peter Erdö, archevêque de Budapest-Esztergom, ancien président des épiscopats européens.

Quels sont les moments de ce voyage apostolique qui vous ont le plus touché droit au cœur?

La tournée du Pape en papamobile sur la place Kossuth Lajos, lors de la messe de dimanche, car les Hongrois étaient très enthousiastes. Ils ont tous souhaité faire toucher les bébés par le Pape, qui a béni les enfants. C’était presque un geste évangélique. Les gens ont accompagné le Pape avec beaucoup de sympathie. Je pourrais dire que l’on a vu dans la personne du Pape, Jésus-Christ. De façon symbolique, car nous croyons très bien que Jésus se rencontre dans la messe et les sacrements, que nous pouvons rencontrer aussi dans les pauvres, mais dans la figure du Pape de façon tout à fait extraordinaire et spéciale. Ce n’est pas un hasard que l’on appelle historiquement le Pape vicaire du Christ. Cela a été une grande émotion, très symbolique. Les Hongrois ont été profondément touchés.

En l’église Sainte-Élisabeth de Hongrie, le Pape a appelé à conjuguer l’identité, vérité et charité, pensez-vous que cela soit le défi de l’Église hongroise aujourd’hui?

Nous avons beaucoup de grands défis à affronter, aussi des défis positifs. D’un coté, il y a les réfugiés, très nombreux car la Hongrie compte moins de dix millions d’habitants. Or, l’année dernière, nous avons accueilli un million de réfugiés arrivés chez nous, surtout de l’Ukraine. Beaucoup ont continué le voyage vers l’Occident, mais beaucoup sont restés en Hongrie. Ce fut une grande période d’intégration lors de laquelle nous avons cherché pour eux logements, alimentation, travail et écoles avec des cours en ukrainien ou en russe. Naturellement, nous avons recueilli des donations envoyées en Ukraine. Nous misons beaucoup sur les relations humaines, et cherchons à procurer aux réfugiés une assistance spirituelle. Beaucoup sont chrétiens de rite oriental, nous avons organisé des liturgies régulières en langue ukrainienne. Autre grand défi, la jeunesse que le Pape a rencontré samedi soir. Nous avons de nombreuses écoles, trois universités catholiques. Cette jeunesse n’est pas entièrement croyante, mais là réside toute la dimension missionnaire, qui est vitale. 

Encouragée par ce voyage, qu’est-ce que la Hongrie peut apporter à l’Europe, en tant que «peuple à la frontière orientale de la chrétienté occidentale» selon votre terme?

La personne de saint Étienne émerge pour cela. Notre premier roi chrétien qui a introduit les Hongrois dans le monde européen à travers les liaisons avec le Pape. À l’époque d’Étienne, en 1038, l’Église chrétienne était encore unie. Nous sommes avant le schisme de 1054 d’Orient et d’Occident. C’est pourquoi saint Etienne est un symbole de l’unité des chrétiens en Europe. Il est vrai que la notion d’Occident et d’Orient n’a de sens qu’en Europe et dans le monde méditerranéen. Nous avons la nécessité de poursuivre le dialogue avec les chrétiens orientaux. Nous avons à Budapest des gréco-catholiques, et cinq patriarcats orthodoxes dotés d’une organisation propre: Moscou, Constantinople, Belgrade, Bucarest et Sofia. Il y a beaucoup de possibilités de rencontres et de dialogue, mais nous connaissons aussi nos limites. Sur les questions dogmatiques plus centrales, le Saint-Siège est plus compétent pour ce dialogue. Dans le domaine social et moral en revanche, nous pouvons largement collaborer avec les chrétiens chez nous, grâce à Dieu.

Quelles traces va laisser cette seconde visite de François dans le paysage ecclésial et sociétal hongrois?

Le Pape a encouragé la famille, l’éducation des enfants et le respect de la vie. Nous travaillons comme Église et société à renforcer les familles. Une tâche fondamentale pour laquelle le Pape s’est montré solidaire. Il appuie les efforts de la société hongroise. En outre, il a souligné la solidarité entre les peuples, mais aussi la dignité à l’identité de chacun. C’est un équilibre réconcilié d’une importance centrale.

Source : VATICANNEWS, le 1er mai 2023

François: le Saint-Siège œuvrera pour le retour des enfants ukrainiens emmenés en Russie

François: le Saint-Siège œuvrera pour le retour des enfants ukrainiens emmenés en Russie

«C’est une question d’humanité». Lors de sa conversation avec les journalistes dans l’avion qui le ramenait de Budapest à Rome, François a parlé de l’accueil, de la paix qui «se fait toujours en ouvrant les mains, jamais en les fermant» et de la mission en cours pour faciliter une trêve. Et à propos de sa récente hospitalisation à la polyclinique Gemelli de Rome: «Je n’ai pas perdu connaissance».

Vatican News

Les efforts du Saint-Siège pour faciliter le retour des enfants ukrainiens emmenés en Russie pendant la guerre, la paix, les contacts avec le Kremlin et le dialogue œcuménique, avec quelques mots sur son état de santé après son hospitalisation la semaine précédant le dimanche des Rameaux; tels ont été les thèmes abordés lors du bref échange avec les journalistes sur le vol entre Budapest et Rome. Le Pape François a aussi évoqué la restitution des vestiges du Parthénon à la Grèce, un exemple pour d’autres gestes similaires à l’avenir.

Antal Hubai (Rtl Klub, Hongrie): Quelle est votre expérience personnelle des rencontres faites en Hongrie ?

J’ai vécu cette première expérience de rencontre dans les années 1960. A l’époque, de nombreux jésuites hongrois avaient été chassés de leur pays. Puis des écoles sont arrivées…, une école située à vingt kilomètres de Buenos Aires, à laquelle je rendais visite deux fois par mois. J’ai également eu des relations avec une compagnie de laïcs hongrois qui travaillaient à Buenos Aires. Je ne comprenais pas la langue. Mais je comprenais bien deux mots: Gulash et Tokai (rires). Ce fut une belle expérience. J’ai été très touché par la douleur d’être réfugié et de ne pas pouvoir rentrer chez soi. Les religieuses de Maximilien Marie Kolbe sont restées là, cachées dans des appartements pour que le régime ne les chasse pas. Ensuite, j’en ai appris davantage sur toute l’affaire visant à convaincre le cardinal Mindszenty de venir à Rome. J’ai aussi connu le bref enthousiasme de 1956, puis la déception.

Antal Hubai: Votre opinion a-t-elle changé depuis?

Elle n’a pas changé, elle s’est enrichie. Dans le sens où les Hongrois que j’ai rencontrés ont une grande culture….

Antal Hubai: Quelle langue parliez-vous ?

Ils parlaient généralement l’allemand ou l’anglais. Le hongrois n’est pas parlé en dehors de la Hongrie. Seulement au paradis, parce qu’on dit qu’il faut une éternité pour l’apprendre (rires).

Eliana Ruggiero (AGI, Italie): Saint-Père, vous avez lancé un appel à ouvrir – à rouvrir – les portes de notre égoïsme aux pauvres, aux migrants, à ceux qui ne sont pas en règle. Lors de votre rencontre avec le Premier ministre hongrois Viktor Orbán, lui avez-vous demandé de rouvrir les frontières de la route des Balkans qu’il avait fermées? Puis, ces derniers jours, vous avez également rencontré le métropolite Hilarion: Hilarion et Orbán lui-même peuvent-ils devenir des canaux d’ouverture vers Moscou pour accélérer un processus de paix pour l’Ukraine, ou rendre possible une rencontre entre vous et le président Poutine? Je vous remercie.

Je crois que la paix se fait toujours en ouvrant des canaux, on ne peut jamais faire la paix en les fermant. J’invite tout le monde à ouvrir des relations, des canaux d’amitié… Ce n’est pas facile. Ce même discours, je l’ai fait en général avec Orbán et je l’ai fait un peu partout. Sur les migrations, je pense que c’est un problème que l’Europe doit prendre en main, parce qu’il y a cinq pays qui souffrent le plus: Chypre, la Grèce, Malte, l’Italie, l’Espagne, parce que ce sont les pays méditerranéens et que la majorité y débarque. Et si l’Europe ne s’occupe pas de cela, d’une répartition équitable des migrants, le problème ne concernera que ces pays. Je pense que l’Europe doit faire sentir qu’elle est l’Union Européenne même face à cela. Il y a un autre problème qui est lié à la migration, c’est le taux de natalité. Il y a des pays comme l’Italie et l’Espagne qui ne font pas d’enfants. L’année dernière, j’ai parlé de ce problème lors d’une réunion des familles et j’ai constaté que le gouvernement, ainsi que d’autres gouvernements, en parlaient également. L’âge moyen en Italie est de 46 ans, en Espagne il est encore plus élevé et il y a de petits villages déserts. Un programme migratoire, mais bien mené, reprenant le modèle que certains pays ont adopté en matière de migration – je pense par exemple à la Suède à l’époque des dictatures latino-américaines – peut aussi aider ces pays qui ont un faible taux de natalité. Et puis, finalement, quel est le dernier point? Ah, oui, Hilarion: Hilarion est quelqu’un que je respecte beaucoup, et nous avons toujours eu de bonnes relations. Il a eu la gentillesse de venir me voir, puis il est allé à la messe et je l’ai aussi vu à l’aéroport. Hilarion est une personne intelligente avec laquelle on peut parler, et ces relations doivent être maintenues, car si nous parlons d’œcuménisme – j’aime ceci, je n’aime pas cela – nous devons tendre la main à tout le monde, et même recevoir [leur] main. Avec le patriarche Kirill, je n’ai parlé qu’une seule fois depuis le début de la guerre, 40 minutes par Zoom, puis par l’intermédiaire d’Anthony, qui remplace Hilarion, qui est venu me voir: c’est un évêque qui a été prêtre à Rome et qui connaît bien le milieu. C’est toujours par son intermédiaire que je suis en relation avec Kirill. Nous devions nous rencontrer à Jérusalem en juillet ou juin de l’année dernière, mais la rencontre a été suspendue à cause de la guerre. Mais nous devrons la faire. Avec les Russes, j’ai de bonnes relations avec l’ambassadeur qui s’en va maintenant, et qui a été ambassadeur pendant sept ans au Vatican, c’est un grand homme, un homme comme il faut. Une personne sérieuse, cultivée, très équilibrée. La relation avec les Russes se fait surtout avec cet ambassadeur. Je ne sais pas si j’ai tout dit…

Eliana Ruggiero: Si Hilarion et Orbán pouvaient d’une manière ou d’une autre accélérer le processus de paix en Ukraine et rendre possible une rencontre entre vous et Poutine, s’ils pouvaient agir – entre guillemets – en tant qu’intermédiaires?

Vous imaginez bien que lors de cette rencontre, nous n’avons pas seulement parlé du Petit Chaperon Rouge, n’est-ce pas? Nous avons parlé de toutes ces choses. Nous en avons parlé parce que tout le monde est intéressé par la voie de la paix. Je suis prêt à le faire. Je suis prêt à faire tout ce qui doit être fait. Par ailleurs, une mission est en cours, mais elle n’est pas encore publique. Voyons comment… Quand elle sera publique, je le dirai.

Aura Maria Vistas Miguel (Rádio Renascença, Portugal): Votre prochaine étape sera Lisbonne, comment vous sentez-vous par rapport à votre santé? Nous avons été pris par surprise lorsque vous êtes allé à l’hôpital, vous avez dit que vous vous étiez évanoui, alors vous sentez-vous plein d’énergie pour aller aux JMJ? Et souhaiteriez-vous un événement avec des jeunes Ukrainiens et Russes, comme un signe pour les nouvelles générations?

Tout d’abord, la santé. Je n’avais pas envie de déjeuner, je me suis allongé un peu, je n’ai pas perdu connaissance, mais j’ai eu une très forte fièvre et à trois heures de l’après-midi, le médecin m’a immédiatement emmené à l’hôpital. J’ai eu une forte pneumonie aiguë, dans la partie inférieure du poumon, Dieu merci, je peux vous le dire, parce que l’organisme, le corps, a bien réagi. Dieu merci. Voilà ce que j’avais. À propos de Lisbonne: la veille de mon départ, j’ai parlé à Mgr Américo (Américo Aguiar, évêque auxiliaire de Lisbonne, ndlr) qui est venu voir comment les choses se passaient là-bas, j’irai, j’irai. J’espère y aller, vous voyez que ce n’est pas la même chose qu’il y a deux ans, avec la canne, maintenant c’est mieux, pour l’instant le voyage n’est pas annulé. Puis il y a le voyage à Marseille, le voyage en Mongolie, puis le dernier je ne sais plus où… Le programme des voyages me fait encore bouger.

Aura Maria Vistas Miguel: Et sur les jeunes de Russie et d’Ukraine?

Mgr Américo a quelque chose en tête, il prépare quelque chose, il me l’a dit. Il est en train de bien préparer cela.

Nicole Winfield (AP, USA) : Saint-Père, je voulais vous poser une question un peu différente: vous avez récemment fait un geste œcuménique très fort, en donnant trois fragments des sculptures du Parthénon à la Grèce, par l’intermédiaire des musées du Vatican. Ce geste a également eu un écho en dehors du monde orthodoxe, car de nombreux musées occidentaux discutent précisément de la restitution de la période coloniale, en tant qu’acte de justice à l’égard de ces peuples. Je voulais vous demander si vous êtes également disponible pour d’autres restitutions, je pense aux peuples et aux groupes autochtones du Canada qui ont demandé la restitution d’objets des collections du Vatican dans le cadre du processus de réparation des dommages subis pendant la période coloniale

C’est le septième commandement: si tu as volé, tu dois rendre. Mais il y a toute une histoire qui fait que parfois les guerres et la colonisation conduisent à des décisions de prendre les biens d’autrui. C’était un geste juste, il fallait le faire: le Parthénon, il fallait donner quelque chose.

Et si demain les Égyptiens viennent demander l’obélisque, que ferons-nous? Mais là, il faut faire un discernement, dans chaque cas. Et puis la restitution des biens indigènes est en cours, avec le Canada, en tout cas nous avons accepté de le faire. Je vais demander à présent comment cela se passe.

L’expérience avec les aborigènes au Canada a été très fructueuse.

Même aux États-Unis, les jésuites font quelque chose, avec ce groupe d’autochtones aux États-Unis. Le général (de la Compagnie de Jésus, ndlr) me l’a dit l’autre jour.

Mais revenons à la restitution. Dans la mesure où vous pouvez restituer, que c’est nécessaire, que c’est un geste, mieux vaut le faire. Parfois, on ne peut pas, il n’y a pas de possibilité politique, réelle, concrète. Mais dans la mesure où l’on peut donner en retour, il faut le faire. C’est bon pour tout le monde, afin de ne pas s’habituer à mettre la main dans la poche des autres.

Eva Fernandez (Cope, Espagne): Le premier ministre ukrainien a demandé votre aide pour le retour des enfants emmenés de force en Russie. Pensez-vous que vous allez l’aider ?

Je pense que oui, car le Saint-Siège a servi d’intermédiaire dans certaines situations d’échange de prisonniers. Par l’intermédiaire de l’ambassade, ça s’est bien passé. Je pense que ça peut bien se passer cette fois aussi. C’est important, le Saint-Siège est prêt à le faire parce que c’est bien, c’est une chose juste et nous devons aider, pour que ce ne soit pas un casus belli, mais un cas humain. Il s’agit d’une question d’humanité avant d’être une question de butin de guerre ou d’un déplacement de guerre. Tous les gestes humains aident. Au contraire, les gestes de cruauté n’aident pas. Nous devons faire tout ce qui est humainement possible.

Je pense aussi, je veux le dire, aux femmes qui viennent dans nos pays: Italie, Espagne, Pologne, Hongrie, tant de femmes qui viennent avec des enfants et des maris, qu’elles soient des épouses… ou qu’elles se battent contre la guerre. Il est vrai qu’en ce moment elles sont aidées, mais nous ne devons pas perdre l’enthousiasme de le faire, parce que si l’enthousiasme diminue, ces femmes restent sans protection, avec le risque de tomber entre les mains des vautours qui sont toujours à l’affût de ces situations. Soyons attentifs à ne pas perdre cette attention à l’aide que nous offrons aux réfugiés. Cela concerne tout le monde.

(traduction de travail, non officielle)

Source : VATICANNEWS, le 30 avril 2023

30.04.2023 – Rencontre du pape François avec le monde de l’université et de la culture en Hongrie

Devant le monde universitaire hongrois, le Pape invite à développer l’humanisme

Pour son dernier discours public en Hongrie, François a rencontré les universitaires et le monde de la culture à l’université catholique Péter Pázmány de Budapest. Il a mis en garde contre les limites d’un monde technocratique et vanté l’université comme un lieu du partage du savoir.

Olivier Bonnel – Cité du Vatican

C’est la faculté d’informatique et de sciences bioniques de l’Université catholique Péter Pázmány qui a été choisie comme cadre du dernier événement public de ce voyage apostolique de François en Hongrie. Une faculté de pointe en Europe, qui vient de fêter ses 25 ans, où l’on étudie en particulier les neurosciences. Une université qui porte le nom du cardinal jésuite Pázmány (1570-1637), ancien primat de Hongrie. 

«La culture, en un certain sens, est comme un grand fleuve», a d’emblée souligné le Pape en prenant l’image du Danube, «elle parcourt les différents lieux de la vie et de l’histoire. En les reliant, elle permet de naviguer dans le monde et d’embrasser des pays et des terres lointaines, elle désaltère l’esprit, irrigue l’âme, fait croître la société». Citant le grand théologien catholique Romano Guardini (1885-1968), sur les deux formes de connaissance, l’une consistant à se plonger dans l’objet et son contexte, l’autre à le décomposer à l’infini pour le posséder, le Pape a mis en avant le contraste entre «une connaissance humble et relationnelle», et «une autre manière de connaître qui ne s’immerge plus dans l’objet, mais qui le saisit».

Les dangers du technicisme

Cette seconde manière de connaître conduit vers une unique finalité: la machine, a expliqué François. À l’image de Guardini, il ne s’agit pas de diaboliser la technique, qui permet de mieux vivre, mais de mettre en garde «contre le risque qu’elle devienne régulatrice, sinon dominatrice, de la vie». Le Pape a ainsi développé sa réflexion en posant cette question: «la vie peut-elle rester vivante?» et d’inviter à penser les limites. 

«Pensons au manque de limites, à la logique du “on peut le faire donc c’est licite”. Pensons aussi à la volonté de mettre au centre de tout, non pas la personne et ses relations, mais l’individu centré sur ses besoins, avide de s’enrichir et de s’emparer de la réalité»

François a déploré les individus très « social » et peux « sociaux », qui ont recourt aux consolations de la technique pour remplir le vide qu’ils ressentent et succombent ainsi à un capitalisme sauvage. «En disant cela, je ne veux pas engendrer du pessimisme–ce serait contraire à la foi que j’ai la joie de professer, a poursuivi le Souverain pontife, mais réfléchir sur cette “arrogance d’être et d’avoir” que déjà, à l’aube de la culture européenne, Homère voyait comme menaçante et que le paradigme technocratique accentue, avec une certaine utilisation des algorithmes qui peut représenter un risque supplémentaire de déstabilisation de l’humain».

«La vie commune se raréfie»

Poursuivant sa réflexion, le Pape a mis en garde contre «un nouvel “humanitarisme” qui annule les différences, en réduisant à zéro la vie des peuples et en abolissant les religions». «L’homme s’aplatit de plus en plus au contact des machines, alors que la vie commune se raréfie et devient triste», a-t-il souligné, en citant l’écrivain catholique britannique Robert Hugh Benson (1871-1914). C’est dans ce sombre tableau que le rôle et l’importance de l’université ressortent davantage. 

«Comme son nom l’indique, l’université est le lieu où la pensée naît, grandit et mûrit, ouverte et symphonique. Elle est le “temple” où la connaissance est appelée à se libérer des limites étroites de l’avoir et de la possession pour devenir culture, c’est-à-dire “cultivation” de l’homme et de ses relations fondatrices: avec le transcendant, avec la société, avec l’histoire, avec la création», a rappelé François. 

Le Pape a rendu hommage aux grands intellectuels qui ont la qualité d’être humbles. «D’ailleurs, le mystère de la vie se révèle à ceux qui savent entrer dans les petites choses. Ainsi comprise, la culture représente vraiment la sauvegarde de l’humain. Elle immerge dans la contemplation et façonne des personnes qui ne sont pas à la merci des modes du moment, mais bien enracinées dans la réalité des choses». 

Porter une saine inquiétude 

Celui qui aime la culture a encore souligné le Pape «ne se sent jamais arrivé, mais porte en lui une saine inquiétude, (…) il sait sortir de ses certitudes pour s’aventurer avec humilité dans le mystère de la vie». François a aussi salué l’université Péter Pázmány pour ses efforts à partager le savoir, notamment avec des étudiants d’autres régions du monde comme la Syrie. «C’est en s’ouvrant aux autres qu’on se connaît le mieux», a-t-il relevé.

La culture enfin, selon les racines de la pensée classique, «nous accompagne dans la connaissance de nous-mêmes» a expliqué le Saint-Père, proposant deux phrases-guides en guise de conclusion et leur signification: «connais-toi, toi-même» à savoir reconnaître ses propres limites, et la parole du Christ «la vérité vous rendra libres»qui permet de découvrir la véritable liberté. Une liberté qui en Hongrie résonne de façon particulière face aux «-ismes» de l’histoire, qui ont une fausse idée de la liberté: le communisme dans le passé, et le consumérisme aujourd’hui. 

«La clé pour accéder à cette vérité c’est une connaissance jamais détachée de l’amour relationnel, humble et ouvert, concret et communautaire, courageux et constructif, a conclu le Pape, c’est ce que les universités sont appelées à cultiver, et la foi à nourrir».

Source : VATICANNEWS, le 30 avril 2023

Sœur « Pepsi », de business woman à dominicaine

Sœur Laura est une religieuse dominicaine hongroise. Surnommée « sœur Pepsi » en raison de son expérience professionnelle au sein de l’entreprise « Pepsi Cola », elle a choisi de consacrer sa vie à Dieu après la mort de sa mère. 

En Hongrie, on la surnomme « sœur Pepsi » en référence à son parcours professionnel précédant sa vie consacrée : avant d’embrasser sa vocation religieuse dans l’ordre des dominicains, sœur Laura Baritz travaillait en tant que responsable développement des ventes pour Pepsi-Cola Hongrie. Une carrière prospère, qui a duré six ans, de 1988 à 1994.

Véritable femme d’affaires, Laura Baritz voyage alors beaucoup et dort peu. Pourtant, en 1992, la maladie qui touche de plein fouet sa mère freine ses ambitions. Le diagnostic tombe, sans appel : un cancer des os et un an à vivre. Laura décide alors de lui consacrer le plus de temps possible. « Je l’ai emmenée avec moi aux États-Unis, à New York, quand Pepsi m’a envoyée là-bas pour une formation », relate-t-elle auprès duNational Catholic Register.« Pendant cette période, ma foi a commencé à s’approfondir. Je me sentais de plus en plus proche de Jésus. Je priais davantage, j’avais une vie de foi beaucoup plus active. »

La conversion après la mort de sa mère

C’est lorsque sa mère meurt que Laura « bascule » définitivement dans la foi. « Le moment où ma mère est décédée a changé ma vie. J’étais avec elle, je la tenais dans mes bras, et quand la lumière a quitté ses yeux, j’ai vraiment senti que Jésus la prenait, qu’elle passait de mes bras aux siens. Elle était avec lui », se souvient sœur Pepsi. « Après cela, je n’étais plus la même. Je ne voulais plus me contenter des choses éphémères de ce monde, de ce matérialisme. Je voulais suivre le Christ. » 

La jeune femme contacte alors un de ses amis dominicains. Elle trouve dans cet ordre son directeur spirituel et visite un couvent dominicain en Hongrie. « Je m’y suis tout de suite sentie chez moi », affirme-t-elle. « C’était comme un signe de Jésus que c’était ma place. Je suis entrée dans ce couvent un an tout juste après la mort de ma mère. »

Mettre ses compétences au service de l’enseignement

Sœur Pepsi continue de se former : après son entrée au couvent, elle étudie la théologie et la philosophie, ainsi que l’éthique. En voyage à Rome, elle rencontre sœur Helen Alford, dominicaine anglaise, elle aussi de formation économiste. « Je lui ai dit que j’étais économiste, mais que je m’étais éloignée de cette discipline en devenant religieuse. Elle m’a dit que la meilleure chose à faire, c’était de combiner l’économie et la théologie. » Ni une, ni deux, dès son retour en Hongrie, sœur Pepsi se lance dans l’étude de l’enseignement social de l’Église en matière économique. 

Après un doctorat, elle fonde KETEG, un programme d’enseignement qui promeut une pensée économique basée sur l’éthique et la pensée sociale catholique, dans une approche « centrée sur l’humain ». « Je pense que nous sommes allés trop loin dans l’approche utilitariste, et il est temps de remettre l’humain au centre de tout ces mécanismes », déclare sœur Pepsi. Se réclamant de saint Thomas d’Aquin, sœur Pepsi considère la propriété privée comme une excellente chose, tout en préconisant la redistribution équitable des richesses en fonction des gains supplémentaires gagnés par chacun. 

Ses cours, pleins à craquer, attirent toujours plus de monde. Et sont même parfois à l’origine de conversions. « Récemment, un jeune homme a reçu le baptême après avoir suivi notre cours. Un autre étudiant a quitté son emploi parce qu’il s’est rendu compte que son environnement de travail était corrompu, et il a créé sa propre entreprise pour mieux contribuer au bien commun », rapporte-t-elle non sans fierté. 

« L’Église catholique en Hongrie est solide »

Alors que le Pape est en Hongrie du 28 avril au 1er mai, sœur Pepsi « espère qu’avec cette visite pontificale, les médias prendront le temps de vraiment se pencher sur les réalités de notre pays. C’est l’occasion pour le Pape de diffuser un message positif à ce sujet. La Hongrie est un endroit sûr pour les chrétiens en ce moment. C’est une période merveilleuse pour être chrétien en Hongrie ! Les conditions sont « optimales » pour permettre la diffusion du message de l’Évangile », lance-t-elle. « Je pense que l’Église catholique en Hongrie est solide, grâce aux évêques et aux prêtres qui défendent le message de l’Église, mais aussi grâce au Premier ministre qui affirme les valeurs chrétiennes de notre pays. Tout ceci montre que le christianisme reste la boussole de notre société. »

Source : ALETEIA, le 29 avril 2023

François en Hongrie : éloges inattendus et quelques avertissements

De Nico Spuntoni sur le site web de la Nuova Bussola Quotidiana :

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 » Le pape dépoussière les principes non négociables et désigne même Budapest comme modèle pour le reste de l’Europe sur la famille et la natalité, questions sur lesquelles le pays est isolé de l’UE, ainsi que sur le conflit en Ukraine. Mais il n’y avait pas que du miel, il y avait aussi du tonnerre sur les migrants et sur le rapport à la société sécularisée :

Le pape utilise la carotte et le bâton le premier jour de son 41e voyage apostolique. En effet, dans la Hongrie d’Orban, rencontre avec les autorités , François dépoussière les principes non négociables et le fait en s’en prenant implicitement à l’Union européenne, coupable de vouloir transformer l’Europe en une « réalité fluide, sinon gazeuse », ce qu’il définit significativement comme un « supranationalisme abstrait, oublieux de la vie des peuples ».

Ce sont des paroles importantes aussi parce qu’elles ont été prononcées devant les autorités hongroises qui sont presque en guerre ouverte avec Bruxelles. Et comment se déroule cette tentative de transformation ? À travers, dit le pape, « la voie néfaste des » colonisations idéologiques « , qui éliminent les différences, comme dans le cas de la soi-disant culture de genre, qui élimine précisément les différences ou place les concepts réducteurs de liberté avant la réalité de la vie, par exemple en vantant comme une conquête un « droit à l’avortement » insensé, qui est toujours une défaite tragique». Des propos qui vont plaire au gouvernement hongrois qui s’est retrouvé sur le banc des accusés de l’UE pour la loi de propagande anti-LGBT.

François réserve des éloges imprévisibles, désignant même Budapest comme un modèle pour le reste de l’Europe sur certaines questions spécifiques , notamment la lutte contre l’hiver démographique. Cela a été vu avec des compliments pour les « politiques efficaces pour la natalité et la famille, soigneusement menées dans ce pays ». Et puis, comme le prévoyaient les reconstitutions qui anticipaient ce voyage, la référence au conflit proche en Ukraine sur lequel Budapest danse seule par rapport au reste des pays de l’UE ne manquait pas.

Rappelant les souffrances passées de la Hongrie sous la dictature communiste, François a reconnu la « mission de garder le trésor de la démocratie et le rêve de paix ». Et sur cette question, le pape ne s’est pas retenu et a parlé explicitement : « Je me demande, même en pensant à l’Ukraine tourmentée, où sont les efforts créatifs pour la paix ? Où sont-ils ? », a-t-il fustigé, critiquant également « l’infantilisme de guerre ». Des tons qui démontrent l’harmonie sur le sujet avec les autorités hongroises. En effet, dans son discours de bienvenue, le président Katalin Novak lui a demandé « d’intercéder personnellement pour une paix juste dans les plus brefs délais ». Et à son tour, François, dans leur conversation, lui a demandé d’être « une ambassadrice de la paix ». S’il y avait des doutes sur la faveur avec laquelle le Pape considère la position décalée de Budapest, cette première journée n’a pu que les dissiper.

Mais ce n’était pas que du miel pour le gouvernement hongrois. En effet, François s’est fait entendre et a tonné contre le populisme et le nationalisme, rappelant Budapest à sa nature de « ville de ponts » et rappelant que « les valeurs chrétiennes ne peuvent pas être témoignées à travers la rigidité et les bouclages ». L’intention est claire : un avertissement sur l’accueil des migrants sur lequel le gouvernement hongrois a toujours adopté la ligne dure. Un gouvernement qui ne cache pas ses appels au christianisme dans le débat public. Et le pape, qui n’aime pas non plus « la laïcité généralisée, qui se montre allergique à tout aspect sacré et s’immole ensuite sur les autels du profit », ne se tait pas sur l’invitation toutefois « à ne pas se prêter à une sorte de collatéralisme avec la logique du pouvoir ».

Dans le cadre des relations entre l’Église et l’État  – question qui  était au centre d’une enquête auprès des fidèles des jésuites hongrois –, il souhaite « une saine laïcité » où « quiconque se professe chrétien , accompagné de témoins de la foi, est appelé principalement à témoigner et à cheminer avec tous». Plus tard, François sera encore plus dur dans sa rencontre avec les évêques et le clergé hongroisavec lesquels il dénonce la tentation d’une « attitude ‘combattante' » face à une laïcité qui n’épargne pas non plus la Hongrie « .

Ref. François en Hongrie : éloges inattendus et quelques avertissements

Bref : la carotte et le bâton…

Source : La Nuova Bussola Quotidiana, le 29 avril 2023

«Nous avons besoin d’une Église qui parle couramment le langage de la charité»

Le Pape François lors de sa rencontre avec les pauvres et réfugiés dans l'église Sainte Elisabeth de Hongrie, le samedi 29 avril 2023. Le Pape François lors de sa rencontre avec les pauvres et réfugiés dans l’église Sainte Elisabeth de Hongrie, le samedi 29 avril 2023. (VATICAN MEDIA Divisione Foto)

«Nous avons besoin d’une Église qui parle couramment le langage de la charité»

Depuis l’église Sainte Elisabeth de Hongrie à Budapest, le Souverain Pontife a rencontré samedi matin les pauvres et les réfugiés ainsi que les structures d’Église qui leur viennent en aide comme la Caritas. Le Saint-Père a remercié l’Église hongroise pour son travail auprès des plus vulnérables et invité les chrétiens hongrois à «apporter toujours le parfum de la charité dans l’Église et dans votre pays».

Olivier Bonnel – Cité du Vatican

Premier temps fort de cette deuxième journée du Pape François en Hongrie, sa rencontre samedi matin 29 avril avec les pauvres et réfugiés dans l’église Sainte Élisabeth de Hongrie. Le Saint-Père a été accueilli par le curé et le directeur de la Caritas locale accompagnés de deux enfants pauvres. Après avoir remonté la nef dans son fauteuil roulant et salué les fidèles réunis dans l’église puis béni des personnes handicapées, François a écouté plusieurs témoignages, parmi lesquels une famille de réfugiés ukrainiens qui a fui la guerre.

Prenant la parole, le Pape n’a pas caché sa joie d’être heureux de partager ce temps et remercier ses hôtes pour leur accueil. «Les pauvres et les nécessiteux – ne l’oublions jamais – sont au cœur de l’Évangile, a d’emblée rappelé le Saint-Père, ils nous renvoient donc à un défi passionnant, pour que la foi que nous professons ne soit pas prisonnière d’un culte éloigné de la vie et ne devienne pas la proie d’une sorte d' »égoïsme spirituel », c’est-à-dire d’une spiritualité que je construis pour ma propre tranquillité intérieure et ma propre satisfaction». François a ainsi rappelé que la «vraie foi» est ainsi «celle qui dérange, qui risque, qui fait sortir à la rencontre des pauvres et qui rend capable de parler à travers la vie le langage de la charité».

Sainte Elisabeth et le langage de la charité

Ce langage de la charité est justement celui que parlait Sainte Elisabeth, a poursuivi le Souverain Pontife, la sainte hongroise «à qui ce peuple voue une grande dévotion et une grande affection». Le Pape à cette occasion a mentionné la statue de la sainte qui figure sur la place devant l’église, la représentant en train de recevoir le cordon de l’ordre franciscain et en même temps donnant de l’eau pour désaltérer un pauvre. Sainte Elisabeth, a poursuivi François, «a rapidement ressenti un rejet des richesses et des vanités du monde, et a éprouvé le désir de s’en dépouiller et de s’occuper de ceux qui étaient dans le besoin»

Touché par les témoignages entendus, le Pape a remercié l’Église hongroise qui a sû prendre soin de ces personnes vulnérables. François a rappelé combien l’engagement caritatif de l’Église de Hongrie était capillaire: «vous avez créé un réseau qui relie beaucoup d’agents pastoraux, beaucoup de bénévoles, les Caritas paroissiales et diocésaines, mais aussi des groupes de prière, des communautés de croyants, des organisations appartenant à d’autres confessions mais unies dans cette communion œcuménique qui jaillit justement de la charité». 

Le Pape François écoutant les enfants d'une famille réfugiée ukrainienne - 29 avril 2023.

Le Pape François écoutant les enfants d’une famille réfugiée ukrainienne – 29 avril 2023. 

La «peste» de l’indifférence

Même dans la douleur et l’indifférence, a poursuivi le Pape, on trouve le courage d’avancer quand on a reçu le baume de l’amour. «L’amour que Jésus nous donne et nous commande de vivre contribue alors à éradiquer les maux de l’indifférence et de l’égoïsme de la société, des villes et des lieux où nous vivons, et ravive l’espoir d’une humanité nouvelle, plus juste et fraternelle, où chacun puisse se sentir chez lui». François a dénoncé l’indifférence comme une «peste», et rappelé combien la charité n’était pas qu’une simple aide matérielle, mais procédait bien de la Parole vivante, qui permet à la personne de «se reconstruire de l’intérieur».

«La charité n’est pas une simple assistance matérielle et sociale, a encore dit le Pape, elle se préoccupe de toute la personne et veut la remettre debout grâce à l’amour de Jésus: un amour qui aide à retrouver beauté et dignité». Il a rappelé aussi le miracle le plus connu de sainte Elisabeth, quand Dieu transforma le pain qu’elle donna aux pauvres en roses. «C’est la même chose pour vous, quand vous vous engagez à apporter du pain à ceux qui ont faim, le Seigneur fait fleurir la joie et parfume votre existence avec l’amour que vous donnez. Je vous souhaite d’apporter toujours le parfum de la charité dans l’Église et dans votre pays», a t-il-conclu avant de réciter la prière du Notre-Père avec les fidèles présents et de donner sa bénédiction apostolique.

En vidéo: rencontre du Pape François avec les pauvres et les réfugiés

Source : VATICANNEWS, le 28 avril 2023

29.04.2023 – Rencontre du pape François avec les jeunes en Hongrie

François aux jeunes: la vie ne se passe pas «sur un écran, mais dans le monde»

Le Saint-Père a rencontré ce samedi après-midi des jeunes catholiques hongrois au Palais des sports de Budapest. Il leur a donné des conseils sur la manière dont avancer dans la vie à la suite du Christ, en faisant preuve d’audace, d’authenticité et d’esprit de service. 

Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican

C’est avec la jeunesse hongroise que le Pape avait rendez-vous au terme de la seconde journée de son voyage apostolique en Hongrie. Vers 16 heures, François est arrivé au Papp László Budapest Sportarena, le Palais de sports de la capitale, où près de 12 000 jeunes catholiques l’attendaient.

Après une allocution de Mgr Ferenc Palánki, évêque en charge de la pastorale des jeunes, des danses traditionnelles hongroises ont été exécutées devant le Souverain pontife, puis quatre jeunes ont proposé leur témoignage.

Avoir de grands objectifs de vie

Dans son discours, le Pape a parlé de Jésus, «l’Ami, le meilleur des amis, (…) le Frère, le meilleur des frères», celui qui «pardonne toujours, (…) prêt à nous relever à chaque chute». «Avec Lui, nous ne devons jamais avoir peur de marcher et d’avancer dans la vie», a-t-il assuré aux jeunes.

Le Christ ne vient brider personne, a-t-il poursuivi, mais il veut que ses disciples soient «des jeunes libres et en chemin, compagnons de route d’un Dieu qui écoute leurs besoins et qui est attentif à leurs rêves». «Il accepte leur désir d’atteindre les sommets», à condition qu’ils conduisent vers l’humilité. Le Seigneur «nous veut vivants, actifs, protagonistes. Et il ne dévalorise jamais nos attentes mais, au contraire, il élève la barre de nos désirs», a souligné le Saint-Père.

Sous le regard de Dieu, il s’agit donc pour les jeunes de «viser haut», sans mettre de côté ses talents ou ce qui habite son cœur. «Tu sens au fond du cœur que tu as une capacité qui peut faire grand bien? Sens-tu qu’il est bon d’aimer le Seigneur, de fonder une famille nombreuse, d’aider ceux qui sont dans le besoin? Ne pense pas que ce sont des désirs inaccessibles, mais investis dans les grands objectifs de la vie!», a encouragé François. L’important est aussi de ne jamais avancer seul mais «avec les autres, dans l’Église, dans la communauté, ensemble, en vivant des expériences communes». Et le Pape d’avertir: «Aujourd’hui, la tentation est grande de se contenter d’un téléphone portable et de quelques amis. Mais, même si c’est ce que beaucoup font, même si c’est ce que tu as envie de faire, ce n’est pas bon».

Cultiver le silence

Le Souverain pontife a aussi mis en garde contre les appels du monde à la vitesse, à la perfection, à la rapidité, «comme des machines», jusqu’à se retrouver «en panne d’essence», ne sachant plus quoi faire. Au contraire, il est essentiel de préserver le silence, «le terrain sur lequel on peut cultiver des relations bénéfiques, parce qu’il nous permet de confier à Jésus ce que nous vivons», d’entretenir sa vie spirituelle. «Mais le silence n’est pas fait pour rester collé aux téléphones portables et aux réseaux sociaux; non, s’il vous plaît: la vie est réelle, pas virtuelle, elle ne se passe pas sur un écran, mais dans le monde!», a lancé le Pape aux jeunes hongrois.  

Le silence, a-t-il poursuivi, est «la porte de la prière», qui est elle-même «la porte de l’amour». «La prière est dialogue, elle est vie», a-t-il insisté en évoquant le musicien Franz Liszt qui mêlait prière et pratique de son instrument.

Être en vérité

Le Saint-Père a aussi invité les jeunes à ne pas craindre l’authenticité, qui passe par le partage de ses vulnérabilités. Autrement dit, «avoir le courage de la vérité, qui ne consiste pas à montrer que l’on n’a jamais peur, mais à s’ouvrir et à partager ses fragilités avec le Seigneur et avec les autres, sans cacher, sans déguiser, sans porter de masques». «Le Seigneur, comme nous le dit l’Évangile à chaque page, ne fait pas de grandes choses avec des personnes extraordinaires, mais avec des personnes vraies», a-t-il rappelé, une vérité creusée en nous par l’amour et l’Esprit Saint. «Et nous avons tellement besoin de personnes vraies aujourd’hui!»

Enfin cet appel du Pape à «aimer selon Jésus, c’est-à-dire à servir», en se préoccupant des besoins de l’Église et de la société. Pour les jeunes hongrois, il s’agit de ne pas se replier dans le confort tandis qu’à quelques kilomètres de leur pays, «la guerre et la souffrance sont à l’ordre du jour».

Nous sommes aimés et précieux

S’appuyant sur un passage de l’Évangile – celui de la multiplication des pains et des poissons –, François a invité à la confiance et au partage. «Voilà où mène la foi: à la liberté de donner, à l’enthousiasme du don, au dépassement des peurs, à l’implication! Mes amis, chacun de vous est précieux pour Jésus, et pour moi aussi!», s’est exclamé le Souverain pontife. «Rappelle-toi que personne ne peut prendre ta place dans l’histoire de l’Église et du monde: personne ne peut faire ce que tu es le seul à pouvoir faire. Aidons-nous donc mutuellement à croire que nous sommes aimés et précieux, que nous sommes faits pour de grandes choses», a-t-il souhaité à la fin de ce discours.

Les participants à cette rencontre ont ensuite récité la prière du Notre Père avec le Pape, avant de recevoir la bénédiction apostolique.

Source : VATICANNEWS, le 28 avril 2023

29.04.2023 – Visite du pape François à la communauté gréco-catholique hongroise

Ce samedi 29 avril 2023 à 11h30 (UTC+2), le pape François rend visite à la communauté gréco-catholique de Hongrie. Les origines de cette communauté relevant du rite byzantin sont très diverses. Cette rencontre aura lieu dans l’église de la Protection de la Mère de Dieu. C’est l’un des plus anciens lieux de rencontre des gréco-catholiques de la capitale Budapest. Dans cette même église, d’autres communautés catholiques orientales célèbrent des messes, en langues arabes ou slaves.

29.04.2023 – Visite privée du pape François aux enfants de l’Institut Bienheureux László Batthyány-Strattmann

À Budapest, le Pape François rencontre des enfants handicapés

Avant de se rendre dans l’église Sainte Elisabeth, le Saint-Père a fait une brève étape samedi matin, dans un institut venant en aide à des enfants handicapés, fondé par la « Mère Teresa » de Hongrie.

Vatican News

Le Pape François a commencé sa journée de samedi en visitant l’Institut bienheureux Laszlo Batthyany-Strattmann de Budapest, qui accueille 72 enfants handicapés. Un institut fondé en 1980 par sœur Anna Fehér, surnommée la « Mère Teresa de Hongrie », décédée en 2021. Le travail de cet institut permet de donner un avenir et un espoir à ces enfants malvoyants ou souffrant d’un handicap moteur. La Maison est gérée depuis 2016 par l’organisation « Kolping », également connue sous le nom de « KOSZISZ », qui est dirigée par la Conférence épiscopale hongroise.

Le Pape François à l'Institut bienheureux Laszlo Batthyany-Strattmann de Budapest

Le Pape François à l’Institut bienheureux Laszlo Batthyany-Strattmann de Budapest

«Merci beaucoup à vous tous pour votre accueil et votre tendresse. Merci pour vos chants, vos gestes, vos regards» a lancé le Saint-Père dans un discours improvisé. Cette rencontre a commencé par la lecture, par le directeur du centre, de la prière de Saint-François d’Assise, «un programme de vie» a souligné François. «Jésus est venu pour prendre la réalité telle qu’elle était et la faire avancer. Il aurait été plus facile de prendre des idées, des idéologies, et de les faire avancer sans tenir compte de la réalité. C’est la voie évangélique, c’est la voie de Jésus» a encore expliqué le Pape. 

Cette rencontre joyeuse s’est achevée par un échange de cadeaux et la prière du Notre-Père. En quittant les lieux, le Souverain Pontife a brièvement salué les volontaires travaillant à l’InstitutLaszlo Batthyany-Strattmann. 

«Nous avons besoin d'une Église qui parle couramment le langage de la charité»

Source: VATICANNEWS, le 28 avril 2023

La visite du pape rompt l’isolement de la Hongrie

De Nico Spuntoni sur la Nuova Bussola Quotidiana :

La visite du pape rompt l’isolement de la Hongrie

28-04-2023

La deuxième visite de François en Hongrie : un choix à contre-courant alors que le pays est isolé de l’Union européenne. Budapest et le Saint-Siège se rejoignent à la fois dans leur condamnation de l’agression russe et parce qu’en même temps, pour eux, le mot « paix » et surtout « négociation » ne sont pas tabous.

Il y a environ un an, François a entamé son voyage en Hongrie. En avril 2022, fraîchement réélu, Viktor Orbán avait été reçu en audience privée au Vatican et y avait trouvé plus d’un point d’accord avec le pape, qui avait fait l’éloge du modèle d’accueil des réfugiés ukrainiens mis en place par le gouvernement hongrois. À cette occasion, le président a officiellement invité son interlocuteur à se rendre en Hongrie et lui a demandé de soutenir ses « efforts de paix ».

Le souverain pontife a dû prendre très au sérieux la position de Budapest sur la guerre en Ukraine, au point de citer Orban dans une interview désormais célèbre accordée quelques jours plus tard à Luciano Fontana et Fiorenza Sarzanini de la Corsera. La décision d’Orban d’accepter cette invitation et de se rendre en Hongrie, deux ans à peine après sa dernière visite, le confirme d’ailleurs quelque peu. Bien qu’en 2021, il ne soit arrivé à Budapest que pour la célébration finale du 52e Congrès eucharistique international, la Hongrie est le seul pays, avec la Grèce, à avoir eu le privilège d’accueillir le pape deux fois au cours des dix dernières années. 

François fait un choix peu conventionnel en se rendant en Hongrie à un moment où l’isolement de ce pays par rapport au reste de l’UE est palpable. Mais il est probable que le pape soit plus en phase avec Orban qu’avec les autres dirigeants européens sur la situation en Ukraine. Tous deux ont condamné l’agression russe, mais en même temps, le mot « paix » et surtout le mot « négociation » ne sont pas tabous pour eux. Mais ce n’est pas seulement la conviction personnelle de Bergoglio qui est en jeu ici : le Saint-Siège, historiquement promoteur d’une approche multilatérale en politique étrangère et également conscient des implications œcuméniques des relations avec la Russie, n’a pas l’intention de suivre la ligne majoritaire du monde occidental. Une ligne dont la Hongrie s’est manifestement distanciée, comme l’a affirmé Orban lui-même dans une déclaration où il affirmait que son pays était « le seul à être pour la paix » alors que « le reste de l’UE alimente la guerre ». 

Un séjour de trois jours. Le Pape n’a pas voulu s’en priver malgré sa récente hospitalisation. Sa visite doit probablement être interprétée comme une reconnaissance des efforts de la Hongrie pour accueillir les Ukrainiens fuyant la guerre. Depuis le début de l’invasion, plus d’un million de réfugiés ont franchi les frontières de la Hongrie et y ont trouvé refuge, mais seuls 35 000 d’entre eux ont ensuite choisi de demander le statut de réfugié en Hongrie. François les rencontrera le deuxième jour, en même temps que les pauvres, dans l’église Sainte-Élisabeth de Hongrie. La première étape de la journée de demain sera l’institut dédié à la mémoire du bienheureux László Batthyány-Strattmann, où il aura l’occasion de saluer les enfants aveugles hôtes de l’établissement. Le même jour, il y aura également une accolade avec la communauté gréco-catholique, qui compte 300 000 fidèles dans le pays, ou plutôt avec les paroissiens de l’église « Protection de la Mère de Dieu », également dans la capitale.

Après la rencontre avec les jeunes dans un stade de onze mille places, il y aura aussi la désormais traditionnelle conversation du pape avec les membres de la Compagnie de Jésus dans le pays. Pour l’occasion, les jésuites hongrois ont lancé une campagne intitulée « Dites-le au pape » et ont recueilli 150 questions de fidèles, principalement axées sur les relations entre l’Église et l’État. Il sera donc intéressant de connaître les réponses de François aux questions qui porteront sur ce thème. Et à propos d’Eglise et d’Etat, les yeux et les oreilles de ceux qui suivent ce voyage seront certainement braqués aujourd’hui sur le discours que le Pape prononcera devant les autorités hongroises après ses salutations officielles à la Présidente Katalin Novák et au Premier Ministre Orban. Le dernier jour, en revanche, sera consacré d’abord à la messe célébrée sur la place Kossuth Lajos, puis à la rencontre avec les acteurs de la culture et du monde universitaire. La Hongrie attend avec impatience le débarquement du Pape et lui est probablement aussi reconnaissante d’avoir rompu avec cette visite l’isolement en Europe qui semblait presque inexorable après le désengagement de Budapest sur le conflit ukrainien.

Source : la Nuova Bussola Quotidiana, le 28 avril 2023