06.08.2023 – HOMÉLIE DU 18ÈME DIMANCHE ORDINAIRE – FÊTE DE LA TRANSFIGURATION DU SEIGNEUR – MT 17, 1-9

Publié par le Fr Raphaël Devillers

Évangile de Matthieu 17, 1-9

Le visage de lumière

Cas unique dans son évangile, Matthieu rapporte la scène de la transfiguration de Jésus en référence précise avec l’épisode précédent : « 6 jours après… ». Il y a donc un lien entre les deux. Que s’est-il donc passé alors ? Un événement considérable, qui marque le grand tournant de la vie de Jésus.

Alors que Pierre venait de dire sa conviction que Jésus était le Messie, Matthieu précise que ce moment marque un nouveau « commencement » dans la mission de Jésus :

« A partir de ce moment, Jésus Messie commença à montrer à ses disciples qu’il lui fallait aller à Jérusalem, souffrir beaucoup de la part des Anciens, des Grands Prêtres et des Scribes, être mis à mort et, le 3ème jour, ressusciter ».

Coup de tonnerre ! Le Messie exécuté par les autorités religieuses ? Pierre, incrédule, ose réprimander son maître d’envisager pareille éventualité mais Jésus rejette sèchement son apôtre: « Arrière, Satan ! Tu es pour moi un scandale ! Tu penses comme un homme et pas comme Dieu ! ». Et au lieu de se rétracter, il proclame : « Si quelqu’un veut me suivre, qu’il renonce à lui-même, prenne sa croix et me suive ».

Convertir le monde ou l’Église

Matthieu a précisé le lieu de cette révélation : au nord d’Israël, dans un des plus beaux endroits de Galilée, la région verdoyante des sources du Jourdain, où le roi Philippe a fait surgir une ville nouvelle, Césarée, signe de la grandeur et du rayonnement de la civilisation gréco-romaine.

Cette civilisation païenne avec ses temples, ses statues d’idoles, son luxe, ses écoles de philosophie, ses gymnases, ses théâtres, ses champs de course fait frémir de rage les orthodoxes juifs excédés de voir ces maudits païens souiller la Terre sainte depuis plus de 90 ans. Mais Jésus, au lieu d’appeler sur cette ville la terrible colère de Dieu, n’en dit pas un mot et se tourne vers la capitale de son peuple, Jérusalem, où se dresse le Temple, la Maison de Dieu. C’est elle qu’il va appeler à la conversion. Pourquoi ?

Parce qu’il ne faut pas maudire la lourdeur de la pâte mais activer la force fermentatrice du levain. Parce qu’il ne faut pas pester contre les ténèbres mais augmenter la lumière. Parce que c’est sans doute au cœur du pouvoir (religieux et politique) qu’est serré le frein qui empêche l’évangélisation.

Evidemment cet appel à l’auto-conversion bute sur des résistances bétonnées: Jésus en a eu des signes depuis longtemps et beaucoup l’ont prévenu : si tu viens faire ta mission à Jérusalem, les responsables du Temple refuseront ton message, verront en toi un blasphémateur et décideront ta perte.

Mais Jésus a pleine confiance en son Père : puisqu’il lui a déclaré : « Tu es mon Fils bien aimé », il ne peut absolument pas l’abandonner. Lui-même vient de « faire sa conversion » : après avoir, pendant des mois, donné des enseignements, des gestes de pardon, des soins de guérison, maintenant il doit SE DONNER. Pour que le monde passe de l’égoïsme à l’amour, de la guerre à la paix, il est nécessaire d’abord que lui, le Messie, PASSE PAR LA MORT DANS LA VRAIE VIE.

Résolu, en toute conscience, il prend le chemin de Jérusalem : il a accepté la croix, il va recevoir la Lumière glorieuse.

6 jours après : la Transfiguration

Six jours après, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère, et il les emmène à l’écart, sur une haute montagne. Il fut transfiguré devant eux ; son visage devint brillant comme le soleil, et ses vêtements, blancs comme la lumière. Voici que leur apparurent Moïse et Élie, qui s’entretenaient avec lui.

Entré sur ce chemin dont il connaît l’issue épouvantable, Jésus sent plus que jamais la nécessité de s’accrocher dans la prière : c’est bien dans ce but qu’il monte dans la solitude (Luc 9, 28). Alors que la nuit descend sur la montagne, ses trois apôtres le voient changer : ses traits tendus s’apaisent, son visage crispé s’illumine. La transfiguration n’est pas un prodige gratuit, un miracle spectaculaire mais le rayonnement de la Présence divine qui l’habite. Son intimité avec Dieu est telle qu’elle l’imprègne totalement. Son Père lui offre un présage de sa victoire finale : oui il le sortira de l’abîme de la mort et lui donnera la Vie divine.

On comprend donc le lien : « 6 jours avant », il avait annoncé sa mort inéluctable : aujourd’hui il reçoit la lumière de la résurrection. Au centre de l’évangile palpite la prophétie de Pâques.

C’est par cette « pâque », ce passage de la mort à la lumière qu’aboutira le projet de Dieu du salut des hommes. L’apparition de Moïse et d’Elie signifie que la Loi et la Prophétie conduisent à la Pâque de Jésus. Ce que nous appelons « Ancien Testament » n’est pas dépassé : il est le chemin que nous avons à parcourir pour, enfin, comprendre ce qu’est l’amour de Dieu.

Faire la maison de Dieu ou être dans sa maison ?

Pierre alors dit à Jésus : « Seigneur, il est bon que nous soyons ici ! Si tu le veux, je vais dresser ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie ». Il parlait encore, lorsqu’une nuée lumineuse les couvrit de son ombre, et voici que, de la nuée, une voix disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie : écoutez-le ! » Quand ils entendirent cela, les disciples tombèrent face contre terre et furent saisis d’une grande crainte. Jésus s’approcha, les toucha et leur dit : « Relevez-vous et soyez sans crainte ! » Levant les yeux, ils ne virent plus personne, sinon lui, Jésus, seul. En descendant de la montagne, Jésus leur donna cet ordre : « Ne parlez de cette vision à personne, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts. »

Pierre est bien notre portrait. Il était désemparé et scandalisé par l’annonce de la croix : maintenant il voudrait s’installer dans le bonheur du camping à la montagne, tout fier de dresser des abris pour Jésus et les Saints. Mais Dieu lui apprend que l’essentiel n’est pas d’abord de construire des églises mais d’être englobé dans l’unique Demeure divine.

Quand Jésus accepte de donner sa vie pour les hommes et qu’il apparaît dans la lumière de la résurrection, l’Esprit de Dieu – symbolisé par la Nuée – descend et rassemble autour de Lui les hommes et les femmes de l’Ancienne et de la Nouvelle Alliance. Dans l’obscurité de la foi, tous forment une unique Eglise, une unique communauté où tous sont illuminés par le Visage de Jésus Seigneur.

Pas la vision mais l’audition : écouter et suivre

La voix de Dieu répète ce qu’elle disait au baptême : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé » mais elle ajoute à l’intention des disciples: « Ecoutez-le ». Qu’a-t-il dit ? Ce qu’il a dit « 6 jours avant » : il faut monter à Jérusalem, annoncer l’Evangile, être tué par les hommes et être ressuscité par le Père. Et celui qui veut être disciple doit prendre ce même chemin.

Le Père confirme donc l’annonce stupéfiante et met fin à ce moment d’extase dans la solitude : les disciples retrouvent Jésus dans son état naturel.

La vision était éphémère : comme toujours dans la Bible, l’essentiel c’est l’écoute en son sens profond : faire attention, assimiler un message et décider de le mettre en pratique. L’écoute n’est pas une information, un passe-temps, une distraction mais l’obéissance, l’engagement à vivre tout de suite la volonté de Dieu.

Il faut redescendre dans la plaine et poursuivre le chemin vers Jérusalem. Ce serait peine perdue que de raconter cette vision à la foule : la vérité, la lumière, c’est le chemin à prendre derrière lui.

Conclusion

Pour aller jusqu’au bout de notre chemin et affronter les difficultés, pour suivre Jésus en portant notre croix comme il nous l’a demandé, il nous est nécessaire de prier, de nous enfoncer dans la solitude et là, dans le silence, tremblant de peur encore, regarder le Visage de Lumière.

Mais la vision béatifique ne dure pas. Le Père nous invite à suivre son Fils bien-aimé et à l’écouter, à obéir à son enseignement, à aller là où nous ne voudrions pas aller.

A travers la croix, nous le retrouverons ressuscité et nous serons avec Lui dans le temple de son corps de Lumière.

Fr. Raphaël Devillers, dominicain

Source : RÉSURGENCES.BE, le 25 juillet 2023

30.07.2023 – HOMÉLIE DU 17Ème DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – MATTHIEU 13,44-52

Évangile de Matthieu 13, 44-52

Le Trésor caché des Paraboles

Par le Fr. Raphaël Devillers

Nous terminons aujourd’hui la série des 8 paraboles ( et non 7 comme j’avais écrit par erreur) : en plein centre de l’évangile de Matthieu, elles tentent de révéler ce qu’est ce mystérieux « Règne de Dieu » que Jésus annonce. Contrairement à ce que dit la lecture liturgique, les 4 dernières sont adressées non à la foule mais aux disciples, en privé, « à la maison » (13, 36) : la foule incrédule ne pourrait comprendre.

5ème Parabole : Le Trésor

Le Royaume de Dieu est comparable à un trésor qui était caché dans un champ et qu’un homme a découvert. Il le cache à nouveau et, dans sa joie, il s’en va, met en vente tout ce qu’il a et il achète le champ.

Aujourd’hui encore, à l’occasion de fouilles ou de grands travaux, on met à jour des amas de pièces de monnaie que des propriétaires avaient jadis enfouies dans un coin de leur propriété pour les protéger des voleurs et dont ils n’avaient pas révélé l’endroit de la cachette à leurs descendants. C’est ainsi, raconte Jésus, qu’un ouvrier agricole a été engagé dans un domaine et tout à coup, alors qu’il est seul, sa charrue heurte une jarre contenant un trésor énorme. Fou de joie devant cette trouvaille exceptionnelle et imprévue, l’homme vend tout ce qu’il a et achète le champ.

La Loi prévoyait que, dans ce cas, découvreur et propriétaire du champ se partagent la valeur mais Jésus, sans l’approuver, écarte le problème de la malhonnêteté afin de centrer sur l’idée qui lui importe. Dans le flux des événements qui se bousculent, une réalité nouvelle est cachée, invisible, mais celui qui a la grâce de la découvrir, celui qui accueille la semence de la Parole de Jésus est bouleversé par cette valeur infinie qui le transporte d’une joie folle. Sa foi nouvelle ne se range pas, comme une opinion religieuse, à côté des autres. La plénitude qui le submerge le pousse à renoncer à tout. Il n’entre pas dans le Royaume de Dieu à coup de sacrifices et de renoncements : au contraire il découvre le Royaume au sein de son travail comme un don gratuit et il en est tellement comblé qu’il abandonne tout le reste.

Ainsi les pêcheurs du lac avaient écouté l’appel de Jésus : « Venez à ma suite… » et ils avaient tout laissé, famille et métier, pour le suivre (4, 20). Au contraire, plus tard, le jeune homme qui possédait de grands biens n’aura pas le courage de vendre ses biens et il se détournera de Jésus, l’air tout triste (19, 22). Respect scrupuleux de Dieu pour notre liberté.

Est-ce à dire que la conversion à l’Évangile oblige toujours au dépouillement total ? Tout le Nouveau Testament manifeste que, sauf l’exception des collaborateurs missionnaires, les convertis continuaient à assumer leurs obligations conjugales, familiales et professionnelles. Toutefois la parabole du semeur les mettait en garde contre la pression des sollicitations mondaines et l’obsession de la richesse qui empêchent la fructification du bon grain.

6ème Parabole : La Perle

Le Royaume de Dieu est comparable à un négociant qui recherche des perles fines. Ayant trouvé une perle de grande valeur, il va vendre tout ce qu’il possède et il achète la perle.

Cette parabole fait paire avec la précédente mais ici il s’agit d’un riche négociant qui tient un commerce de luxe pour la clientèle huppée et qui circule partout à la recherche des plus belles perles. Jusqu’au jour de la plus bluffante des découvertes : il en avait vu des belles, des admirables, mais jamais comme celle-ci. Extraordinaire. Évidemment le prix est astronomique ! Qu’importe. Emporté par l’enthousiasme, il décide de vendre tous ses biens afin de se procurer cette merveille.

Découvrir le Règne de Dieu dans la personne de Jésus, être empoigné au fond du cœur par la révélation des profondeurs infinies de l’Évangile, être appelé à recevoir la Vie du Père : seuls les convertis qui ont longtemps erré dans la boue et les ténèbres peuvent, dans les larmes et l’allégresse, bégayer leur stupeur devant la découverte des Béatitudes et de la croix glorieuse. La Bonne Nouvelle appelle au don total.

« Aussitôt que je crus qu’il y avait un Dieu, je compris que je ne pouvais faire autrement que de ne vivre que pour Lui …Dieu est si grand. Il y a une telle différence entre Dieu et tout ce qui n’est pas Lui ». (Charles de Foucauld)

Beau soufflet pour ceux qui considèrent la foi comme un peu de confiture pour adoucir les moments difficiles de la vie, avec des rites que l’on pratique sans raison et que l’on abandonne sans regret.

Damien qui débarque chez les lépreux, Kolbe qu’on laisse mourir de faim et de soif dans un bunker nazi, Soljenitsyne envoyé casser des cailloux dans l’hiver impitoyable de Sibérie, les 21 jeunes chrétiens coptes décapités parce qu’ils refusaient d’adhérer à l’islam, ne sont pas des héros. Celui qui a découvert la perle incomparable de Jésus est prêt à tout perdre car la mort la lui donne pour l’éternité.

7ème Parabole : Le Filet

Le Royaume est encore comparable à un filet qu’on jette dans la mer et qui ramène toutes sortes de poissons. Quand il est plein, on le tire sur le rivage, on s’assied, on ramasse dans des paniers ce qui est bon et on rejette ce qui ne vaut rien. Ainsi en sera-t-il à la fin du monde : les Anges viendront séparer les méchants des justes et les jetteront dans la fournaise : là il y aura des pleurs et des grincements de dents.

Le Royaume est une réalité dynamique, en cours perpétuel de construction car Dieu veut que tous les hommes soient sauvés (1 Tim 2, 4) et son projet est de nous rassembler tous ensemble dans son amour. Mais l’histoire sera toujours le lieu d’affrontements de nos tensions contraires. Les premières paraboles du semeur et de l’ivraie ont déjà expliqué que des hommes gardent leur cœur endurci, ne se laissent pas convertir par l’Évangile, qu’ils se livrent au travail destructeur, hostilité, haine, égoïsme. Bons et mauvais se côtoient, la liberté fait basculer d’un côté ou de l’autre. Le temps autorise vraie conversion ou dépérissement.

Jésus réitère sa mise en garde contre la tentation d’opérer le tri nous-mêmes et tout de suite. Nous n’en avons pas le droit. Le jugement aura bien lieu mais au moment fixé et selon un discernement dont nous sommes incapables. L’histoire reste le temps du travail de la pêche et non du rejet des pécheurs, le temps de la patience et non de la condamnation, le temps de la miséricorde et non du mépris. N’oublions pas que le bon Berger cherche sans relâche à retrouver la brebis égarée (18, 12), car il est venu appeler non pas les justes mais les pécheurs (9, 13)

8ème Parabole. : Le Scribe du Royaume

Jésus dit aux disciples : « Avez-vous compris tout cela ? ». – Oui, répondent-ils. Et il ajoute : «  C’est ainsi que tout scribe devenu disciple du Royaume de Dieu est comparable à un maître de maison qui tire de son trésor du neuf et de l’ancien ». Quand Jésus eut achevé ces paraboles, il partit de là.

Matthieu conclut ce chapitre par une 8èmecomparaison non plus à propos du Royaume mais, très discrètement, à propos de son propre travail. Depuis la destruction du 1er temple et l’invasion des puissances étrangères, la Torah, le livre des Écritures, avait pris une importance centrale dans la foi d’Israël : des experts, appelés scribes, l’étudiaient sans arrêt et l’expliquaient au peuple afin qu’il la pratique fidèlement.

Matthieu serait donc un scribe, « devenu disciple du Royaume » et qui a mis toute son intelligence et sa perspicacité à montrer comment l’histoire d’Israël se prolonge bien dans celle de Jésus, comment celui-ci, loin d’être un blasphémateur qui démolit la Loi, au contraire « l’accomplit ». D’où les nombreuses citations de son évangile : « ..ceci arriva afin que s’accomplit… ». Torah, Prophètes, Jésus constituent ensemble un trésor inépuisable dont Matthieu est fier d’extraire des explications toujours nouvelles.

« Avez-vous compris ? » : ce verbe a une énorme importance chez Matthieu et il signifie beaucoup plus qu’une simple connaissance ou même une érudition intellectuelle. Il s’agit de prendre-en soi, comme un sillon accueille le grain, comme le levain pénètre la pâte, avec la volonté de se laisser travailler par le message. Si je me permets une nouvelle parabole : il ne suffit pas d’être au courant mais de se brancher sur un courant qui va changer la vie.

Conclusions

« Avez-vous compris ? » : à présent la question nous est adressée, à vous et à moi. Ces historiettes apprises au catéchisme et écoutées dans la routine liturgique n’ont pour beaucoup guère d’importance. Or il s’agit bien de l’annonce centrale de Jésus : « Convertissez-vous : le Règne de Dieu s’approche » et c’est pour cette raison que Matthieu les a placées au cœur même de son livre. Apprenez-en la liste, faites-vous une synthèse. Pas plus que Matthieu vous ne pourrez donner une définition précise du Règne de Dieu mais vous verrez que les projecteurs des paraboles éclairent le sens de l’histoire et la vôtre. Il nous faut encore et toujours écouter, ouvrir les sillons de nos cœurs endurcis, arracher le mal qui s’insinue, laisser croître les jeunes pousses de la foi et, pour cela, écarter tout ce qui nous encombre. Seul celui qui accepte le renouveau « comprend ». Car le Règne de Dieu est toujours en train de venir.

Fr. Raphaël Devillers, dominicain

Source : RÉSURGENCES.BE, le 25 juillet 2023

02.07.2023 HOMÉLIE DU 13ÈME DIMANCHE ORDINAIRE – MATTHIEU 10,37-42

Évangile de Matthieu 10, 37-42

Par le Fr. Raphaël Devillers, dominicain

Nous sommes des Envoyés

Les instructions sur la mission constituent le 3ème des 5 grands enseignements du Seigneur dans s. Matthieu: c’est dire l’importance du sujet avec tous les détails pour en souligner la valeur et mettre en garde contre de fausses manières de la concevoir.

Très vite Jésus a prévenu les disciples que leur mission se heurtera toujours à des opposions. Si des personnes offriront l’hospitalité à ceux qui leur annoncent la Bonne Nouvelle, au contraire, et bien plus souvent, les envoyés buteront sur des refus nets, non seulement de simples moqueries mais une hostilité endurcie.

« Je vous envoie comme des brebis au milieu des loups ». Comme Caïphe et Pilate l’ont fait contre Jésus, le pouvoir religieux et le pouvoir politique se ligueront pour arrêter les envoyés. Ne craignez pas, console Jésus : ce sera pour vous l’occasion de rendre témoignage de moi car l’Esprit inspirera votre défense.

Et même au coeur des familles, la foi brisera les liens : « Je ne suis pas venu apporter la paix mais le glaive ».

Et finalement ( c’est la lecture de ce dimanche-ci), le discours se termine par une série de 10 petites phrases construites de la même manière : « Celui qui … » – qu’il faut traduire aujourd’hui « celui ou celle qui » . Cela signifie qu’il n’y a pas de différence de culture, de richesse, de sexe, d’âge : quiconque est concerné sans exception. Donc que la répétition de la formule ne cache pas la gravité des effractions.

L’amour pour Jésus l‘emporte sur l’affection familiale

Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi ;
celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi.

L’appel à la foi s’adresse à toute personne et exige une réponse libre. Or les membres d’une même famille peuvent donner un réponse différente. Si bien que la peur des brouilles familiales et le désir de demeurer bien unis forment parfois un terrible obstacle. Dès la première génération, on a des exemples de parents qui ont dénoncé leur enfant qui s’était converti. La foi en Jésus provoque parfois de douloureuses déchirures.

Suivre Jésus entraîne de perdre sa vie

Celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas n’est pas digne de moi.
Celui qui a trouvé sa vie la perdra ;
celui qui a perdu sa vie à cause de moi la gardera.

L’option pour Jésus peut entraîner de devoir porter sa croix, de supporter des souffrances pénibles. En effet la foi n’est pas une vague piété intérieure : croire c’est suivre c.à.d. lire l’évangile et le mettre en actes selon sa condition. Les exemples des autres et le martèlement de la publicité exercent une énorme pression pour offrir les multitudes de biens qui nous sont proposés en surabondance. Tant de chrétiens tombent dans la tentation : ils trouvent leur vie dans la pratique répandue chez tant d’autres….et ils la perdent ! On ne joue pas avec les exigences de l’évangile. Des refus sont obligatoires. Mais « qui perd gagne ».

L’accueil d’un missionnaire est celui même du Christ

Celui qui vous accueille m’accueille ;
et celui qui m’accueille accueille Celui qui m’a envoyé.

Celui qui accueille un prophète en sa qualité de prophète recevra une récompense de prophète ;
celui qui accueille un homme juste en sa qualité de juste recevra une récompense de juste.

Et celui qui donnera à boire, même un simple verre d’eau fraîche,
à l’un de ces petits en sa qualité de disciple, amen, je vous le dis : non, il ne perdra pas sa récompense.

Un missionnaire n’est pas un « représentant de commerce », un porteur d’un message. Celui qui l’accueille accueille le Seigneur en personne et même, en recevant le Fils, il reçoit le Père.
La foi ne se dégrade pas au fil des générations : nous avons la même foi que les premiers apôtres. Si bien que les croyants d’aujourd’hui auront la même récompense. Même celui qui offrira un verre d’eau par compassion pour un missionnaire s’en verra récompensé. Cette finale du discours souligne la valeur essentielle de tout écho d’Evangile.

Ensuite le récit de Matthieu reprend en montrant Jésus repartant pour aller prêcher : « Or quand Jésus eut achevé de donner ces instructions, il partit enseigner et prêcher ». Si bien que la grande instruction est encadrée par la mission de Jésus son grand modèle.

La Bonne Nouvelle n’est pas annoncée

Tous les médias (journaux, radios, tv …) sont remplis des mauvaises nouvelles que l’actualité nous jette à profusion : guerres, séismes, inondations, crise climatique, hausse des prix….Mais quand même et toujours, ils nous rapportent des bonnes nouvelles : Renault sort un nouveau modèle, le prix des piscines est en baisse, les agences de tourisme proposent des voyages dans des lieux mirifiques, l’équipe de football a remporté un championnat, le marché du luxe en France a généré 1400 milliards de revenus en 2022. Ainsi console-t-on un public qui, sans cela, serait écrasé par les malheurs.

Et les médias chrétiens ? Eux aussi sont remplis des mauvaises nouvelles mais où les voit-on proclamer « LA BONNE NOUVELLE » ? Ils parlent de nouvelles méthodes de catéchisme, de pèlerinages, de séjours en abbaye, de nominations d’évêques, de scandales ecclésiastiques, de chute des pratiquants…

Mais quand annoncent-ils : « Jésus a offert sa vie sur la croix, son Père l’a ressuscité. Croyez-le et vous serez pardonnés de vos pêchés, l’Esprit-Saint vous remplira de sa vie et de sa lumière, nous entrerez en communion et vous deviendrez le Corps du Christ, promis à la résurrection ».

Voilà bien la plus surprenante, la plus formidable annonce de l’histoire et elle doit atteindre le plus de personnes possibles.

Oui mais c’est là, direz-vous, la prédication à faire dans les églises. Pas du tout. Pourquoi faudrait-il aller à la messe pour entendre l’Evangile ? Alors ceux qui ne voient que les médias ordinaires seraient condamnés à n’entendre que les malheurs des crises ? Beaucoup n’ont donc même pas l’occasion d’offrir un verre d’eau à celui qui évoque le nom de Jésus ? Cela montre que nous restons encore en régime de chrétienté, quand le christianisme imbibait encore la vie sociale et qu’il suffisait de gérer l’Eglise et de distribuer les sacrements.

Le verbe essentiel est « Proclamer la Bonne Nouvelle ». Donc ce n’est pas un message déjà connu, ni une recommandation rituelle ou morale, ni une annonce triste.

Le kérygme (proclamation publique d’une nouvelle ) n’est jamais vu comme « déjà fait ». Sinon Coca Cola, Rolex, Arial et autres firmes cesseraient de tambouriner leurs marques.

Fr. Raphaël Devillers, dominicain

Source : RÉSURGENCES.BE, le 27 juin 2023

18.06.2023 – HOMÉLIE DU 11ÈME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – MATTHIEU 9,36-38.10,1-8

Évangile de Matthieu 9,16 – 10,8

Mission Urgente

Il y a deux semaines (fête de la Trinité), j’avais rapporté quelques chiffres de la dernière enquête INSEE sur la pratique religieuse en France. La part des catholiques chute encore : de 43 % en 2012 à 20 % en 2022. Le déclin se marque autant dans beaucoup d’autres pays occidentaux. C’est pourquoi notre cher pape François multiplie sans arrêt les appels à la mission et, en dépit de sa santé déclinante, il n’hésite pas à entreprendre de nouveaux voyages où sa passion, disait un cardinal, était de rencontrer les jeunes.

Le temps de la chrétienté où notre société était très marquée par les pratiques catholiques est terminé. La foi n’est plus un héritage qu’il suffit de transmettre et la sécularisation a liquidé ce qui nous semblait des certitudes éternelles. Devant ce fait, nous ne pouvons capituler pas plus que nous ne devons rêver d’une Eglise majoritaire qui s’impose à tous. Mais si nous ne plantons pas les germes du Royaume de Dieu, c’est le royaume du mal qui nous fera basculer dans l’abîme.

Or en ce dimanche, après le cycle des grandes célébrations pascales, nous reprenons la lecture suivie de l’évangile de Matthieu qui précisément nous donne les consignes du Seigneur pour la mission.

Mission n’est pas prosélytisme

Jésus parcourait toutes les villes et tous les villages, enseignant dans leurs synagogues, proclamant l’Évangile du Royaume et guérissant toute maladie et toute infirmité.
 Voyant les foules, Jésus fut saisi de compassion envers elles parce qu’elles étaient désemparées et abattues comme des brebis sans berger.  Il dit alors à ses disciples :
« La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson. »

Les 4 évangiles concordent : l’activité principale de Jésus a été de circuler sans arrêt afin de parler aux hommes : moyen sans violence, proposant sans forcer, s’adressant aux gens du peuple et aux villageois dans leur langage. Qu’est-ce qui l’animait ? Non le prosélytisme, le désir de recruter, la passion de commander mais uniquement l’amour. Nous, les terribles malheurs qui frappent l’humanité nous font un peu de peine, nous arrachent une plainte mais nous laissent dans la torpeur. Mais pour Jésus, Mathieu emploie un verbe très fort : il ne dit pas que Jésus a pitié, qu’il ressent de la condescendance mais qu’« il était pris aux entrailles », comme une femme étreinte devant son enfant moribond. Il ressent comme une souffrance maternelle.

Ces foules qui s’agitaient en tout sens, savaient-elles où elles allaient ? Quel était le sens de leur existence ? Pour Jésus elles ressemblaient à des brebis dispersées, égarées et il venait vers elles pour les guider, soigner les blessées, être leur bon pasteur qui les rassemble et les conduit au but.

Et il y avait une seconde raison qui le pressait et que lui avait révélé son baptême : le moment final de l’histoire était arrivé, c’était, comme disaient les prophètes, le « temps de la moisson », le moment du jugement définitif. Il devait annoncer que Dieu allait ouvrir son Royaume. Non par une explosion fulgurante mais avec les cœurs qui allaient accepter de changer de mode de vie.

D’où les quatre verbes employés par Matthieu : Jésus circule, il rejoint les gens dans leur vécu – tel un héraut, il proclame non une morale mais une nouvelle, La Bonne Nouvelle, l’Evangile du Règne de Dieu – il enseigne c.à.d. il explique, invente des histoires, se fait pédagogue inlassable – et il opère des guérisons, par miséricorde et non pour séduire le peuple par des merveilles.

Devant ce qui presse, que faut-il donc faire ? Non s’élancer dans des initiatives intrépides mais d’abord prier : prier le Père de choisir et d’envoyer ceux et celles qu’il voudra car le salut du monde ne sera jamais œuvre humaine mais œuvre divine.

Le choix des premiers envoyés

Alors Jésus appela ses douze disciples et leur donna le pouvoir d’expulser les esprits impurs et de guérir toute maladie et toute infirmité. Voici les noms des douze Apôtres : le premier, Simon, nommé Pierre ; André son frère ; Jacques, fils de Zébédée, et Jean son frère ;  Philippe et Barthélemy ; Thomas et Matthieu le publicain ;Jacques, fils d’Alphée, et Thaddée ;  Simon le Zélote et Judas l’Iscariote, celui-là même qui le livra.

La mission se diversifiera dans l’univers mais elle est unique et Pierre restera toujours le premier : un simple pêcheur de Capharnaüm, qui reniera son maître mais qui sera rétabli berger grâce à sa miséricorde. La responsabilité dans l’Eglise n’est pas basée sur l’impeccabilité. Et même certains deviendront des renégats. La chute scandaleuse de certains guides empêchera l’Eglise de se gonfler d’orgueil et lui rappellera que son œuvre essentielle est le pardon. Mais tous sont des « envoyés », sens du mot « apôtres », donc tenus à remplir l’œuvre de Dieu, et de se présenter comme plénipotentiaires de leur Seigneur sans s’évader dans des inventions de leur crû.

L’enseignement sur la mission

Ces douze, Jésus les envoya en mission avec les instructions suivantes : « Ne prenez pas le chemin qui mène vers les nations païennes et n’entrez dans aucune ville des Samaritains. Allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d’Israël. Sur votre route, proclamez que le royaume des Cieux est tout proche.     Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, expulsez les démons.
Vous avez reçu gratuitement : donnez gratuitement. »

Ici commence le 3ème grand discours de Matthieu, celui consacré à la mission ; ce jour nous n’en écoutons que le début lequel nous étonne en sélectionnant uniquement les Juifs mais c’est bien à partir d’Israël que l’Evangile va se répandre. On verra par la suite que la mission s’ouvrira au monde entier (Matt 28,19)

Jésus transmet son propre comportement : marcher, ne pas attendre que des gens se présentent mais prendre part à leur vie – surtout proclamer la venue proche du royaume de Dieu : il s’agit d’un événement qui va survenir et qu’il faut annoncer comme nouveau : « la Bonne nouvelle ». Et les apôtres doivent montrer par leur vie ce dont il s’agit – combattre le mal par le don reçu du Seigneur, purger les cœurs de la rapacité, de la haine, de l’égoïsme et même, parfois, libérer les corps.

Cette tâche essentielle doit s’effectuer sans demander de rétributions. Voyant votre pauvreté et votre sincérité, les gens vous soutiendront et ainsi feront-ils un pas d’entrée dans le Royaume.

L’infidélité dans l’histoire

Il n’a pas fallu beaucoup de siècles pour que ces prescriptions connaissent la dérive.

Jésus n’avait institué qu’une chose : des envoyés itinérants (apôtres) mobilisés entièrement par la Parole à proclamer à temps et à contretemps. On a cru que ce temps de l’annonce première était clos et qu’il suffisait dès lors d’entretenir l’héritage par des rites, des institutions et la morale. Or l’annonce demeurera à jamais l’action fondamentale. Il ne faut pas moraliser vos enfants mais les évangéliser, leur montrer que vous êtes heureux de vivre selon l’Evangile.

Nous sommes bombardés sans arrêt par des pubs : « Nouvelle Renault, Nouvelle Rolex…etc… ». Combien peuvent entendre « la pub de l’Evangile » ? Un séminariste, à la veille de son ordination, me confiait : « Sur toute notre formation, nous n’avons pas eu un seul cours sur la prédication ».

Dès le début des « Actes des apôtres », on voit le but que les apôtres cherchent à réaliser : de petites communautés locales où patron et ouvrier, dame professeur et cancre, grand-mère âgée et jeune sportif comprennent que les différences de culture, de classe, d’âge peuvent converger dans une charité réciproque. A Corinthe, à Ephèse, à Thessalonique, à Rome, Paul savait, au fond des prisons où il était parois jeté, que, ici et là, des germes d’évangile poussaient irrésistiblement et qu’il fallait se réjouir.

Cette charité n’était possible que parce que tous ces petits groupes se réunissaient le premier jour de la semaine chez l’un d’eux afin d’écouter des passages d’évangile, de discuter librement afin d’approfondir leur connaissance de Jésus et puis de partager son Pain de Vie et le Vin de l’allégresse. La joie de l’Esprit les saisissait, les portait à se pardonner sans cesse, à s’entraider, à venir en aide aux plus démunis.

Or l’apôtre itinérant a fait place au prêtre ritualiste : la simple maison d’église est devenue édifice sacré. Au lieu de consacrer tous les efforts à créer et conserver la communion des membres du Christ, on a voulu époustoufler par la grandeur, le hiératisme des démarches, la solennité des rites.

L’histoire bouge, les crises se succèdent, des idéologies apparaissent. De grandes secousses bousculent l’Eglise aujourd’hui. Beaucoup les déplorent, s’inquiètent, et même prophétisent son écroulement.

Et si nous prenions exemple sur le pape François ? On n’ignore plus le dur combat qu’il mène depuis le début d’abord pour remettre de l’ordre au coeur du Vatican gangrené par l’amour de l’argent de certains prélats, ses efforts incessants pour nous « faire sortir » des sacristies et devenir comme un « hôpital de campagne » qui rejoint les blessés de la vie, tous les pauvres écrasés par la misère. Sa lutte est dure, les adversaires sont nombreux. Mais le vieil homme continue : Prêcher à temps et contretemps. Se taire sur le Fils de Dieu qui a donné sa vie sur une croix est un épouvantable scandale.

Fr. Raphaël Devillers, dominicain.

Source : RÉSURGENCES.BE, le 13 juin 2023

04.06.2023 – HOMÉLIE – FÊTE DE LA SAINTE TRINITÉ – JEAN 3,16-18

Fête de la Sainte Trinité – 4 juin 2023 – Évangile de Jean 3, 16-18

Homélie du Fr. Raphaël Devillers

Révélation de l’Amour

L’année liturgique n’est pas une ritournelle rythmée par une cérémonie : elle raconte la découverte progressive la plus essentielle pour l’histoire des hommes et elle nous y entraîne. Y a-t-il un dieu ou des dieux ? Aujourd’hui, après l’évocation successive de Jésus, de sa mort, de sa résurrection, de son Ascension et de la Pentecôte, l’Église proclame la conviction dans laquelle ces événements l’ont ancrée : Dieu est unique en trois Personnes. « Trinité » : le mot est bien abstrait pour désigner le foyer de la Vie, il ne dit rien à la multitude. Le philosophe Emmanuel Kant écrivait au 18e siècle : «  De la doctrine de la Trinité prise à la lettre, il n’y a absolument rien à tirer pour la pratique ». Est-ce exact ? !

Dans l’antiquité, tous les peuples étaient religieux, ils avaient leurs dieux, les nommaient, érigeaient leurs statues, les priaient avec ferveur. Un seul se distinguait : le petit peuple Israël, tant de fois écrasé, assurait que tous ces faux dieux étaient des idoles creuses et inertes, qu’il n’y avait qu’un Dieu, irreprésentable, et qui avait fait une Alliance avec lui. Basée sur les dix Paroles fondamentales, cette Alliance devait être répandue dans le monde entier.

Ce Dieu s’était révélé comme une personne qui parle, il avait dit son nom : « Je suis qui je suis – YHWH » qu’on ne pouvait prononcer. Aussi chaque hébreu était – et reste aujourd’hui encore – tenu d’affirmer deux fois par jour la confession de foi (le shemah) : «  Écoute, Israël ! Le Seigneur notre Dieu est le Seigneur Dieu. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton être, de toute ta force…Tu répéteras ces paroles à tes fils… »( Deuter 6,4). Beaucoup d’autres lois suivaient avec notamment : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ».

Hélas, la contagion de l’idolâtrie, toujours dénoncée violemment par les prophètes comme un danger mortel, demeura toujours présente au sein du peuple élu.

Qui est Jésus ?

Un jour, au milieu de ce peuple, « né d’une femme », membre d’une famille, artisan de village, paraît Iéshouah-Jésus de Nazareth. il se fait baptiser par le prophète Jean-Baptiste. Après une retraite au désert, il remonte en Galilée et commence à circuler à travers les villages en annonçant : « Le Royaume de Dieu s’approche : changez de vie ». Les foules peu à peu se pressent : on écoute cet enseignement nouveau, on implore les guérisons de malades, des disciples se joignent à lui. Qui est-il ? Tout de lui est d’un homme : il a soif, il est fatigué, il se fâche, il pleure son ami défunt, il prie.

Mais du neuf stupéfie : s’il est fidèle à la récitation du shemah, Jésus confie qu’il prie Dieu comme son Père et dit : « Tout m’a été remis par mon Père. Nul ne connaît le Fils si ce n’est le Père, et nul ne connaît le Père si ce n’est le Fils et celui à qui le Fils veut bien le révéler »(Matt 11, 27). Confidence inouïe : quelle est donc cette relation privilégiée ?…

Jésus soutient les plus pauvres, il conjoint les deux commandements : « Tu aimeras Dieu de tout ton être » et « tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Mais il ne se révolte jamais contre les Romains païens. Par contre il dénonce l’hypocrisie du culte au temple de Jérusalem qui ne fait pas respecter le droit et la justice, il critique l’arrogance des scribes, la vanité et l’enrichissement des grands prêtres. L’hostilité contre lui se durcit. A la fête de la Pâque, il brave le danger, l’étau se referme sur lui, il tremble d’agonie. Arrêté, condamné, il est exécuté sur une croix. Tous les disciples, en dépit de leurs belles déclarations, s’enfuient. La pierre est roulée. Tout est fini. Était-ce un prophète martyr ? …Au lendemain des festivités pascales, les milliers de pèlerins retournent dans leurs pays. Caïphe et Ponce Pilate sont contents : on a évité l’insurrection. Tout est calme à Jérusalem.

Rebondissement : Il est ressuscité !

Maintenant il nous faut sauter plusieurs années et arriver aux « Actes des Apôtres » de Luc (années 85 ?) et aux textes de Jean ( fin du 1er s. ?) en regrettant la brièveté de ces souvenirs qui évoquent la révolution la plus profonde qui vient de se produire et qui va changer l’histoire du monde.

Peu de temps après le drame, les disciples réapparaissent sur la scène publique et proclament la nouvelle stupéfiante, inouïe, incroyable : « Jésus qui était mort est ressuscité, et non réanimé : il est revenu vers nous en nous montrant ses plaies, source de son pardon, il est le Fils du Père, il nous a promis l’Esprit. Il a disparu en retournant vers son Père qui l’avait envoyé, l’Esprit nous a saisis et nous a chargés d’annoncer cette nouvelle à toutes les nations. Celui qui croit est pardonné de ses fautes et il devient réellement fils du Père ».

Ces gens ne sont pas des érudits capables d’élaborer une théorie théologique, ce sont des gens du peuple, sans éloquence et sans moyens. Ce sont des Juifs farouchement attachés à la confession d’un Dieu unique mais qui proclament sans contradiction: « Que toute la maison d’Israël le sache avec certitude : Dieu l’a fait et Seigneur et Christ ce Jésus que vous, vous aviez crucifié » (Ac 2,36). Traduit devant le haut tribunal où siègent Hanne et Caïphe, Pierre lance : « Jésus, il n’y a aucun autre nom offert aux hommes qui soit nécessaire à notre salut ». Là est le salut du monde.

Les juges sont sidérés par l’assurance de cet homme sans instruction et on lui interdit d’enseigner le nom de Jésus mais Pierre répond : « Nous ne pouvons pas taire ce que nous avons vu et entendu » (Ac 12)

Les apôtres parviennent à convertir certaines personnes et notamment ceux que l’on appelle « les craignant Dieu », des païens qui admiraient la grandeur de la foi juive supérieure au paganisme et sont frappés par l’assurance des disciples. Les obstacles qui les rebutaient – circoncision, nourriture casher – ne leur sont plus imposés.

Par contre la grande majorité du peuple refuse d’accepter ce message qui lui paraît contradictoire : on lance des sarcasmes, on s’irrite contre ces fabulateurs qui paraissent introduire trois dieux et renversent le monothéisme farouche d’Israël. Très vite certains apôtres sont arrêtés, menés au tribunal, jugés, flagellés, condamnés. Luc raconte qu’ils sont très honorés de partager le sort de leur Seigneur.

Les apôtres ne cherchent pas les classes aisées, les esprits distingués, les gouvernants : ils s’adressent à tous, aux gens les plus simples. Ils ne comptabilisent pas le nombre des convertis, ils ne s’inquiètent pas d’accroître leurs revenus, ils mènent une vie dangereuse. Certes des convertis apostasient mais bon nombre tiennent bon. Et que font-ils ? Ils fondent des petites communautés locales. On entre dans l’Eglise par le baptême qui très vite se fait « au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit » (Matth 28,19). La mission est universelle : des groupes de disciples se dispersent dans les nations voisines. Rien n’arrête l’élan missionnaire ni ne parvient à éteindre la joie profonde des disciples convaincus de vivre avec le Père, le Fils, et. l’Esprit, la révélation suprême.

La foi évangélique crée la paix du monde

Il est faux d’affirmer que la foi en la Trinité est inutile : cette révélation est en effet essentielle. Les apôtres proposaient leur message sans aucune pression, en respectant la liberté de chacun. Mais ils appelaient les convertis à faire une communauté fraternelle. Pour eux, « aller à l’église » ne signifiait nullement se rendre dans un bâtiment sacré pour y vivre des rites hiératiques puisqu’ils n’ont jamais bâti ni chapelle, ni église : mais cela signifiait « je me rends à la réunion de la communauté » qui se tenait dans la maison de l’un d’entre eux. Et puisque Jésus était réapparu le lendemain du sabbat, cette réunion hebdomadaire se faisait le premier jour de la semaine, jour du Seigneur, donc dimanche. « Eglise » en effet veut dire « ceux qui sont appelés hors ». Hors de chez eux, hors de la manière païenne de vivre. Le jour où le corps de Jésus était vivant, la communauté des croyants dispersés se reconstituait en « corps vivant de l’Église ».

Dans cette communion, chacun sait qu’il est pardonné de ses péchés, que Dieu est son Père, qu’il a reçu l’Esprit d’amour divin et que tous les autres, si différents soient-ils de lui, sont ses frères et sœurs qui, comme lui, ressusciteront. L’amour trinitaire l’étreint afin qu’il aime chacun de ses frères de la même manière.

Silencieusement mais de façon réelle, alors le Royaume est commencé et chacun est membre du Corps du Christ. Les « églises » fraternelles partagent le Pain de Vie qui les rend un. Elles sont des cellules de paix, les prémices de la paix mondiale. Trop peu d’entre nous en prennent conscience et ne vivent qu’une habitude rituelle sans impact social.

Comment chercher la foi trinitaire ?

Être scandalisé par une société régie par la violence, qui favorise les grands et écrase des millions de pauvres. L’histoire est-elle une histoire de fous, sans signification ?(Shakespeare). Acceptons-nous de rester sous le règne animal ?…Lire et relire les évangiles : s’interroger sans cesse sur le personnage unique qu’est Jésus de Nazareth. Comment expliquer cette assurance, cette audace des premiers disciples, leur joie sous les attaques ? Ne pas craindre d’oser se démarquer de l’opinion courante aujourd’hui. Pourquoi la foi chrétienne est-elle la plus persécutée ? Pourquoi compte-t-elle plus de martyrs que jamais ?

Un concile a proclamé un dogme mais les disputes continuèrent. Les débats et les recherches se poursuivront toujours.

Fr. Raphaël Devillers, dominicain

Source : RÉSURGENCES.BE, le 30 mai 2023

21.05.2023 – HOMÉLIE DU 7ÈME DIMANCHE DE PÂQUES – JEAN 17, 1B-11A

Évangile de Jean 17, 1b-11a

La Grande Prière de Jésus

Par le Fr. Raphaël Devillers, dominicain

Chaque année, après avoir célébré le départ de Jésus (Ascension) et en attendant la venue de l’Esprit (Pentecôte), à juste titre nous écoutons la grande prière finale de Jésus à son Père du chapitre 17 de s. Jean. Ce dimanche, nous en entendons la première partie mais il est fortement recommandé d’en prier l’entièreté.

La nuit du grand enseignement

Après avoir ainsi parlé, Jésus leva les yeux au ciel et dit :

Pendant 4 chapitres (de 13 à 16), Jésus a longuement enseigné ses disciples parce qu’il voulait les aimer jusqu’à la fin, aux deux sens du mot : sens temporel (jusqu’au terme de sa vie) et sens qualitatif (l’intensité extrême).

A ces pauvres hommes, il a montré son amour en s’agenouillant devant chacun et en leur lavant les pieds et il leur a enjoint de faire de même entre eux. Il leur a annoncé l’imminence de son départ, il les a prévenus qu’ils allaient connaître refus et persécutions mais l’Esprit-Saint qu’ils allaient recevoir leur donnerait la force de tenir. La sortie subite de Judas jeta un froid et laissa présager la tragédie tandis que le présomptueux Pierre se faisait renvoyer à sa faiblesse.

Oui il les aime, ces quelques jeunes qu’il a appelés dans leurs divers milieux et qui, malgré tout, ne l’ont pas quitté. Après les avoir longuement regardé, tout à coup Jésus se tait. Levant la tête vers le haut (symbole du ciel), Jésus exprime une longue prière. Car l’horizontale de la fraternité ne tient que tenue par la verticale divine.

Père, l’heure est venue !

Jésus n’a jamais tracé sa vie selon ses plans et les circonstances. Dès son appel au baptême et lors de sa longue retraite au désert, son Père lui a confié la plus grande mission de l’histoire. La prière constante le mettait sans arrêt au diapason de son Père sans jamais manquer d’un iota.

Ce plan du Père était marqué par des étapes. Dès le début, à Cana, le don du vin de l’alliance n’était qu’un signe, ce n’était pas l’heure ; de même, à la 2ème Pâque, lorsque la foule, rassasiée de son pain, voulait le couronner roi, Jésus se déroba. Ici à présent, Jésus en est conscient : au cadran de l’histoire telle que Dieu la veut, l’Heure a sonné. L’ombre de la croix se profile mais il fera de son exécution la « Glorification ».

Glorifie ton Fils afin que le Fils te glorifie.
Ainsi, comme tu lui as donné pouvoir sur tout être de chair,
il donnera la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés.
Or, la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu,
et celui que tu as envoyé, Jésus Christ.

Cette croix dont il sait l’inexorable certitude, il faut le répéter, n’est pas le châtiment d’un Dieu courroucé mais l’obéissance du Fils qui ne peut ni fuir ni se taire et qui se donne. Jésus en est sûr : le Père va glorifier son Fils en même temps que le Fils va glorifier son Père. L’horrible et infâme mise à mort sera l’authentique et définitive « Pâque » : le passage à la vraie vie quand l’amour va jusqu’à se laisser mettre en croix.

Cette Révélation ultime du Dieu Père et de Jésus son Fils offrira aux croyants la Vie éternelle. Non la longévité ni la réanimation mais « la Vie » qui consiste à connaître, c.à.d. à communier au Père et au Fils.

Merveille : l’ignominie du pire supplice et la peur de la mort vont devenir, au regard de la foi, le foyer de l’Amour du Père, de l’amour du Fils pour son Père et de son Amour pour les hommes.

Moi, je t’ai glorifié sur la terre en accomplissant l’œuvre que tu m’avais donnée à faire. Et maintenant, glorifie-moi auprès de toi, Père, de la gloire que j’avais auprès de toi avant que le monde existe.

Jésus, sans vanité, peut l’affirmer : son « oui » donné au baptême, il ne l’a jamais repris. En toute fidélité, il a, de jour en jour, exécuté l’œuvre que son Père lui proposait et qu’il approfondissait sans cesse dans une inlassable prière.

C’est pourquoi nous avons toujours à lire, relire, méditer l’évangile. Car certains se targuent trop facilement de « connaître » Jésus et Dieu.

Mais maintenant, par sa Pâque, le Fils peut demander à son Père de lui offrir cette Gloire qu’il avait avant l’existence du monde. Dès la première page, le Prologue l’affirmait : «  Au commencement était le Logos…et le Logos était Dieu…Tout fut par lui… » (Jn 1 1). « Maintenant je vais à celui qui m’a envoyé » avait-il déjà dit (16, 5).

J’ai manifesté ton nom aux hommes que tu as pris dans le monde pour me les donner.
Ils étaient à toi, tu me les as donnés, et ils ont gardé ta parole.
Maintenant, ils ont reconnu que tout ce que tu m’as donné vient de toi,
 car je leur ai donné les paroles que tu m’avais données :
ils les ont reçues, ils ont vraiment reconnu que je suis sorti de toi,
et ils ont cru que tu m’as envoyé.

Impossible de ne pas remarquer la répétition du verbe « donner » (pas moins de 16 fois dans ce chapitre 17). Indicible humilité de Jésus libre de tout instinct de propriété ! Il sait que tout lui est donné, il reçoit et il donne. Ses paroles sont celles que son Père lui a soufflées ; ses disciples ne sont pas le fruit de son choix mais un don de son Père ; il ne se vante pas de ses enseignements ni de ses guérisons…Joie du coeur simple, conscient de tout recevoir et heureux de donner tout.

Prière pour les disciples

Moi, je prie pour eux ; ce n’est pas pour le monde que je prie,
mais pour ceux que tu m’as donnés, car ils sont à toi.
Tout ce qui est à moi est à toi, et ce qui est à toi est à moi ;
et je suis glorifié en eux.
Désormais, je ne suis plus dans le monde ; eux, ils sont dans le monde,
et moi, je viens vers toi. »

La foi n’est pas un acquis définitif qu’il suffirait de gérer. Jésus sait par quelle terrifiante épreuve ces hommes vont passer et dont ils n’ont aucune idée, il présage leur désarroi, leur fuite en dépit de leurs belles déclarations de fidélité. Ils vont traverser une tourmente dans laquelle leur foi va manquer de sombrer. Ensuite beaucoup les traiteront de lâches…puis de mythomanes. Aussi Jésus supplie le Père pour eux.

Comprenons bien pourquoi Jésus dit ne pas prier pour le monde : il ne s’agit pas de l’humanité comme telle mais des individus blindés dans leur égoïsme, leur dureté de coeur, leur cupidité.

Jésus prie pour les disciples car ils sont un cadeau du Père : ils ont reconnu la valeur divine des paroles de Jésus, ils ont fini par voir en Jésus plus qu’un homme, plus qu’un prophète, mais le Messie Seigneur.

Maintenant Jésus prend son départ, le mécanisme de la trahison est en route, les autorités sont décidées. Jésus vient vers son Père : eux demeurent dans le monde. Donc ils vont devoir témoigner de tout ce qu’ils vont vivre.

Et l’essentiel – ce sera le sujet de la suite de la prière – ce sera qu’ils restent unis. « Père, qu’ils soient UN comme nous sommes UN » (17,11)

Prière pour la multitude des croyants

Et enfin la prière de Jésus s’évasera aux confins de l’histoire et du cosmos ; Il prie pour tous ceux qui croiront en lui.

« Je prie aussi pour ceux qui, grâce à leur parole, croient en moi : que tous soient UN comme toi, Père tu es en moi et que je suis en toi : qu’ils soient en nous, eux aussi pour que le monde croie que tu m’as envoyé « (17, 20)

Conclusions

Nous prions mal, nous prions trop peu mais le Seigneur Jésus prie sans interruption pour nous afin de nous attirer dans la Gloire du Père. Quelles babioles, les « gloires » de la terre !

Croire trouver la paix par des conquêtes, des victoires, des traités de paix, des armes sophistiquées, des inventions… : tout cela est un leurre. C’est le coeur de l’homme qui doit être guéri. Et personne ne peut s’engager pour les autres.

Indispensable condition première de la mission : notre unité dans l’amour du Père et du Fils. « Qu’ils soient UN comme le Père et le Fils sont UN ». On est loin des poignées de main et des belles proclamations. Ce n’est qu’à cette profondeur divine que la paix du monde est possible.

Fr. Raphaël Devillers, dominicain

Source : RÉSURGENCES.BE, le 16 mai 2023

30.04.2023 – HOMÉLIE DU 4ÈME DIMANCHE DE PÂQUES – MT 1, 18-24

Évangile de Jean 10, 1-10

Par le Fr. Raphaël Devillers, dominicain

Je suis le Berger … 
Je suis la Porte

L’évangile lu ce dimanche fait qu’on l’appelle « le dimanche du bon Pasteur », ce qui évoque tout de suite des images doucereuses d’un beau Jésus serrant sur son coeur un agneau mignon. Le contexte montre au contraire qu’il s’agit d’une scène dure, polémique, qui fait suite à la guérison de l’aveugle-né que Jésus a « fait sortir » de l’enclos pharisien pour l’attirer à lui. Son importance est marquée par son début solennel.

Être berger était un métier très répandu en Israël, bien plus rude que nous ne l’imaginons. Il fallait guider le troupeau vers de bons pâturages, trouver des sources d’eau, aller à la recherche des bêtes qui s’étaient égarées, soigner celles qui étaient blessées, protéger le troupeau à la merci des attaques des prédateurs. L’unité était un souci permanent. Le soir venu, les pasteurs gagnaient un enclos protégé, gardé par des veilleurs, dans lequel les bêtes seraient mélangées mais à l’abri. Dans la pâle lueur de l’aube, chaque berger se présentait à l’entrée et appelait ses brebis par leur nom afin de reconstituer son troupeau et s’en aller pour une nouvelle journée.

Une parabole difficile

Amen, amen, en vérité je vous le dis : celui qui n’entre pas par la porte dans l’enclos des brebis mais escalade par un autre côté, celui-là est un voleur et un brigand. Mais celui qui entre par la porte est le berger des brebis. Celui qui garde la porte lui ouvre, et les brebis écoutent sa voix. Les brebis qui lui appartiennent, il les appelle, chacune par son nom, et il les emmène dehors. Lorsqu’il les a toutes fait sortir, il marche à leur tête et elles le suivent parce qu’elles connaissent sa voix. Jamais elles ne suivront un étranger ; bien plus elles le fuiront parce qu’elles ne connaissent pas la voix des étrangers.

Jésus leur dit cette parabole mais ils ne comprirent pas ce qu’il voulait leur dire.

Dans l’antiquité il était courant d’appeler « bergers » les rois et les chefs : les hommes n’étaient-ils pas comme des brebis fragiles qu’il fallait guider et défendre ?

Combien sont-ils, et seront-ils encore, à désirer s’emparer des hommes en prétendant être les meilleurs dirigeants ? Sans arrêt nous entendons les discours enflammés, les proclamations véhémentes : « Suivez-moi…Je vous apporterai les meilleures conditions…Avec moi nous serons les plus forts…Je suis le Führer ». Et, plus bêtes que les brebis, nous écoutons ces belles promesses, nous ne décelons pas les mensonges, la volonté de puissance cachée.

Méfiez-vous, nous prévient Jésus, des voleurs et des brigands ! Moi, dit-il, pauvre, démuni, sans nulle ambition mondaine, je me présente à la porte de l’humanité et je parle dans la paix et la vérité, sans flatterie ni rodomontade. Je connais mes brebis et j’appelle chacune par son nom c.à.d. selon son identité, sa situation. Ainsi l’évangile nous raconte comment Simon, Jean, Philippe, Nicodème, la samaritaine, la femme adultère…ont été appelés de façons différentes. Sans hurlement ni menace. Et chacun de nous pourrait raconter à son tour comment il a perçu une voix douce et miséricordieuse qui le rattrapait dans les mille détours de ses errements.

Hélas combien de fois avons-nous fait la sourde oreille ! Mais Jésus, le bon berger, ne cesse jamais de chercher la brebis perdue, car elle lui appartient.

Deux mots surprennent. Au lieu d’employer le mot habituel pour « enclos », Jésus utilise un mot qui désigne la « cour » du temple ! En outre il précise qu’il « les pousse dehors », ce qui paraît excessif mais c’est le verbe utilisé juste avant, lorsque les pharisiens ont jeté hors de la cour du temple l’aveugle né qui s’était mis à croire à Jésus.

L’homme qui se convertit au Seigneur Christ peut être rejeté par son milieu : dans cette blessure qu’il sache reconnaître l’appel de son berger véritable. Ainsi à travers les affres horribles de sa passion, Jésus a su reconnaître l’appel de son Père à accomplir sa volonté (annoncer la venue du Royaume) jusqu’au don total de soi (la passion). Donc l’image pastorale éclaire la situation.

Jésus leur dit cette parabole mais ils ne comprirent pas ce qu’il voulait leur dire.

On ne s’étonne pas que ces pharisiens ne comprirent pas du tout la portée de cette déclaration. Tous les chrétiens la comprennent-ils aujourd’hui ?

Jésus unique Sauveur

C’est pourquoi Jésus reprit la parole : « Amen, amen, je vous le dis : je suis la porte des brebis. Ceux qui sont intervenus avant moi sont tous des voleurs et des bandits mais les brebis ne les ont pas écoutés.

Moi je suis la porte. Si quelqu’un entre en passant par moi, il sera sauvé. Il pourra aller et venir et il trouvera un pâturage. Le voleur ne vient que pour voler, égorger et détruire.

Le 2ème tableau de la parabole commence aussi de façon très solennelle : le sujet traité est vraiment d‘une importance essentielle.

Les prédécesseurs de Jésus ne désignent évidemment pas les patriarches, les prophètes et Jean-Baptiste mais tous ceux qui se sont targués d’apporter bonheur, grandeur, consommation et qui finalement ont conduit leur peuple à la ruine.

Jésus prétend que lui seul donne accès à l’humanisme plénier. Il est la Porte et celui qui, par la foi et la confiance, passe par lui obtiendra « le salut ». Au fond que signifie ce dernier mot que l’Eglise emploie si souvent ? Jésus le décrit par deux images reprises au contexte pastoral :

« il pourra aller et venir » : dans la bible ce couple désigne la liberté. Si l’esclave est bridé par mille contraintes, si l’addiction au péché nous enchaîne, la foi au Seigneur Jésus nous libère totalement puisque son pardon fait sauter nos chaînes. La modernité prétend qu’elle a mis fin à l’aliénation religieuse : quel mensonge ! Jamais l’idolâtrie de l’argent, le prurit de la consommation et du loisir, l’esclavage des alcools et des drogues n’ont fait autant de ravages.

« il trouvera un pâturage » : nous sommes des êtres de besoins et de désirs, nous cherchons sans cesse non seulement des aliments mais des affections, des conversations, des biens culturels, des soins et des protections. Plus profondément nous avons soif du pardon, de l’eau vive qui gît au fond de notre coeur assoiffé, de la vérité, de la paix, de l’amour d’un Dieu qui nous délivre de la mort. Jésus nous assure solennellement qu’il est venu dans ce but.

Moi je suis venu pour que les hommes aient la vie, pour qu’il l’aient en abondance.

Jésus est conscient de n’être pas seulement un être comme les autres : il a reçu mission unique de son Père afin d’accomplir sa mission.

« Au commencement était la Parole et la parole était de Dieu. Et la Parole s’est faite chair…A ceux qui croient en son Nom, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu…Si la Loi fut donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ….Personne n’a jamais vu Dieu : le Fils unique l’a dévoilé » (Jean 1)

Le Bon Berger

La lecture du jour se termine ici mais le texte poursuit par la déclaration célèbre :

Je suis le bon berger : le bon berger donne sa vie pour ses brebis. Le mercenaire, voit-il venir le loup, abandonne les brebis et le loup s’en empare…Je suis le bon berger : je connais mes brebis et mes brebis me connaissent comme mon Père me connaît et que je connais mon Père. Et je donne ma vie pour mes brebis.

J’ai d’autres brebis qui ne sont pas de cet enclos, et celles-là aussi il faut que je les mène. Elles écouteront ma voix et il y aura un seul troupeau et un seul berger. Le Père m’aime parce que je donne ma vie pour la reprendre ensuite…. » (10, 11-18)

Enfin on comprend pourquoi Jésus se dit « bon » : parce que, au contraire des chefs et des dictateurs, il ne fuit pas le danger mais offre sa vie tellement il aime ses brebis que le Père lui a confiées. En Israël, Jésus, par sa croix, a fait sortir quelques disciples de « l’enclos de la Loi » qui enfermait dans un tas d‘observances et dans la culpabilité. A leur tour, les disciples se sont élancés vers d’autres enclos. Trop souvent ils ont usé de violence, cherché le prestige alors que pour être de bons bergers, ils devaient devenir de doux agneaux.

Renversement inouï de la parabole : par amour, le berger se fait agneau immolé. « Voici l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » : l’Agneau se fait Pain et se donne en nourriture à ses brebis pour les conduire vers la Maison du Père. Quel bonheur de découvrir comment nous sommes libérés, à quel point nous sommes aimés et de suivre le Berger à la rencontre du Père pour la Paix éternelle.

Fr. Raphaël Devillers, dominicain

Source : RÉSURGENCES.BE, le 24 avril 2023

16.04.2023 – HOMÉLIE DU 2ÈME DIMANCHE DE PÂQUES – JEAN 20,19-31

HOMÉLIE

Par Fr. Raphaël Devillers, dominicain

Évangile de Jean 20, 19-31

Croire pour Vivre

Comment une nouvelle aussi incroyable que la résurrection d’un crucifié dont on a bien constaté la mort a-t-elle pu être admise et se soit répandue avec une telle rapidité dans un monde qui n’avait pas notre système de communications ? Déjà en 51 (20 ans après la mort de Jésus), Paul, de retour à Corinthe, s’émerveille de la foi des Thessaloniciens qui croient en Jésus mort pour le pardon des péchés, ressuscité, Seigneur, Messie qui reviendra pour le jugement final. Tous partagent la joie de la Bonne Nouvelle et acceptent de souffrir pour l’Evangile. En 64, à Rome, l’empereur Néron fait brûler les chrétiens comme des torches.

Pourtant il semblait si aberrant d’accepter pareille information ! N’était-ce pas une fabulation des disciples déçus par la disparition de leur maître ? Oui mais dans ce cas, pourquoi l’avaient-ils inventée ? Dès le début ils furent critiqués, menés au tribunal, flagellés, mis à mort. Leurs familles se déchiraient, ils étaient rejetés des synagogues, surveillés par les Romains qui craignaient une insurrection.

Et en relisant les Actes puis les Lettres suivantes des apôtres, il est tout aussi stupéfiant de constater à quelle vitesse le mystère de Jésus s’est déployé : il n’était pas un prophète condamné et revenu à la vie.

« Jésus, de condition divine, s’est dépouillé…devenant obéissant jusqu’à la mort sur une croix…Et Dieu l’a élevé afin que toute langue proclame que le Seigneur, c’est Jésus-Christ » (Phil 2,06) …

« Vous n’êtes qu’un en Jésus-Christ » (Gal 3, 28)… 

« Dieu a voulu réunir l’univers entier sous un seul chef, le Christ » (Eph 1, 10)…

Jusqu’ à l’Apocalypse qui se termine par l’appel : « Amen, viens, Seigneur Jésus » (22, 20).

Pour nous faire comprendre comment parvenir à croire sans voir, Jean termine son évangile par le célèbre épisode de Thomas. Celui-ci est le prototype des multitudes infinies qui, comme nous, n’ont pas bénéficié d’une apparition : comment nous instruit-il encore aujourd’hui ?

Le Ressuscité retrouve son Eglise

C’était après la mort de Jésus, le soir du premier jour de la semaine. Les disciples avaient verrouillé les portes du lieu où ils étaient car ils avaient peur des Juifs. Jésus vint et il était là au milieu d’eux.

Complètement sidérés par ce qu’ils viennent de vivre et qui était à mille lieux de ce qu’ils auraient jamais pu imaginer, les disciples cependant ne se sont pas dispersés dans la nature. Ils se sont rassemblés dans une maison, toutes portes closes, la peur au ventre car ils soupçonnent que les autorités sont à leur recherche. Tout à coup le Maitre est présent au milieu d’eux. Pas de fulgurance. Mais c’est bien lui. Il n’était pas là, il n’est pas leur fabrication, il est au milieu. Il devient leur milieu.

Il leur dit : «  La paix avec vous » et il montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur. Il leur dit : « La paix avec vous. De même que le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie ». Ayant ainsi parlé il répandit sur eux son souffle : «  Recevez l’Esprit-Saint. Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis ; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus ».

Celui qui n’a pas vu

Thomas, un des douze, n’était pas avec eux quand Jésus était venu. Les autres lui disaient : « Nous avons vu le Seigneur ! ». Mais il leur déclara : «  Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt à l’endroit des clous et la main dans son côté, non, je n’y croirai pas ». Huit jours plus tard, les disciples se trouvaient dans la maison et Thomas était avec eux ; Jésus vient, toutes portes closes, il était là au milieu d’eux ; il dit : « La paix avec vous ». Il dit à Thomas : « Avance ton doigt ici et vois mes mains ; avance ta main et mets-la dans mon côté. Cesse d’être incrédule mais croyant. Thomas lui dit : « Mon Seigneur et mon Dieu ». Jésus lui dit : «  Parce que tu m’a vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu ».

Remarquons que, à la différence du tableau du Caravage, il n’est pas dit que Thomas a touché les plaies : il les a vues et il a cru. Jésus lui reproche son incrédulité : il aurait dû faire confiance à l’affirmation unanime de ses confrères. Comment donc cet épisode nous apprend-il à être heureux de croire sans voir ?

Depuis longtemps peut-être, vous avez abandonné la pratique chrétienne inculquée dès votre jeune âge : comme la majorité aujourd’hui vous avez estimé que c’était une histoire dépassé. Et voilà que curieusement la question de la foi peu à peu vous interpelle : la figure de Jésus est tellement belle, son message si évidemment vrai. Mais vous achoppez sur la fin : comment accepter la résurrection ? Que vous apprend Thomas ? Bardé de vos réticences et de vos refus, osez rejoindre la communauté des pratiquants du dimanche. Car saint Jean insiste fortement sur ces conditions.

Les discussions de Thomas avec ses collègues ayant échoué, ils lui ont prescrit de rejoindre la communauté, qui se réunit dans un local le premier jour de la semaine. Donc dès le début, les chrétiens, qui étaient en majorité des Juifs célébrant le sabbat, ont effectué une révolution. Pour eux désormais, puisque Jésus était apparu le lendemain du sabbat, c’est donc en ce jour qu’il fallait se retrouver pour l’accueillir et ils l’appelèrent « domenica dies » qui donna le mot « dimanche ». Pour nous chrétiens, le week-end est vendredi-samedi. Et le dimanche inaugure la semaine nouvelle. Comme une nouvelle création : « Que la lumière soit : premer jour ».

Et qu’a vu Thomas ? Ses collègues auraient pu craindre de subir un terrible châtiment puisqu’ils venaient d’abandonner lâchement Jésus et même de le renier. Mais voilà qu’il leur était présent et leur montrait ses plaies : son horrible crucifixion étaient la source de son pardon. « Shalom …et il leur montra ses plaies ». Il ne les obligeait même pas à lui demander pardon. Leur honte d‘avoir péché se muait en ravissement du pardon immérité. D’un coup la miséricorde infinie les renouvelait, les re-suscitait. Les endeuillés sautaient de joie !!

Comme Dieu avait soufflé sur Adam et Eve pour les rendre vivants, le Seigneur Jésus maintenant envoyait son souffle sur les apôtres. Il ne fallait plus attendre des apparitions sporadiques mais être habités par l’Esprit-Saint. Non pour jouir d’une présence mais pour être emportés dans le monde, à destination de tous les hommes afin de leur offrir ce même don de l’Esprit qui les pardonnait. A condition évidemment qu’ils acceptent ce don, car il n’y a pas d’automatisme du salut : Dieu respecte notre liberté qui va jusqu’à pouvoir refuser Dieu !

Ainsi l’humanité qui avait été, par la création, soufflée hors de Dieu et qui avait péché, commence son retour à lui. Car il n’’y a qu’une mission : le Père envoie le Fils qui envoie l’Esprit sur quelques hommes et femmes afin qu’eux-mêmes envoient cet Esprit. La foi est un privilège mais qui impose un devoir. L’histoire est spirituellement l’expansion de l’Amour à tous les peuples. Si les hommes restent tentés de se déchirer et de se combattre, les chrétiens sont tenus de s’immiscer dans tous les milieux afin d’apporter la Paix.

Ne répliquons pas que nous sommes pécheurs donc incapables. Pierre, Thomas et les autres l’étaient avant nous. C’est pourquoi il n’est pas normal de commencer nos messes avec toutes ces répétitions : « Je confesse…Prends pitié… ». Elles restent inefficaces puisque nos assemblées ne montrent pas qu’elles sont transfigurées par la joie. La piété ne consiste pas à prendre un air compassé de carême.

Fin et But de l’Evangile

Les dernières lignes, essentielles, de ce chapitre 20 constituent la conclusion de l’évangile de Jean car le chapitre 21 est manifestement une addition de certains disciples.

Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence de ses disciples et qui ne sont pas mis par écrit dans ce livre. Mais ceux-là ont été écrits afin que vous croyiez que Jésus est le Messie, le Fils de Dieu, et afin que, en croyant, vous ayez la vie en son nom.

Jean ne se prétend pas un historien, il ne raconte pas la vie de Jésus. Il est un de ses disciples qui témoigne de certaines paroles et activités de Jésus. Il a compris que ces faits étaient des « signes » qui dépassaient souverainement leur simple compte-rendu. C’est pourquoi seul un témoin qui a compris leur signification peut tenter de les mettre par écrit.

Jean a fait un choix, il n’a pas voulu raconter tout car il ne s’agit pas de connaître Jésus et de lire l’évangile avec curiosité comme on lit la vie d’un hommes célèbre.

L’enjeu en effet en énorme, il s’agit en toute liberté de conduire le lecteur afin qu’il découvre peu à peu la personnalité de l’homme de Nazareth qui s’est montré comme un prophète mais qui dépasse infiniment ce titre pour être confessé comme « Messie », « Fils de Dieu ». Ainsi de Thomas qui longtemps incrédule a fini par exprimer la plus haute confession de foi : « Mon Seigneur et mon Dieu ». Parfois l’incrédule tenace monte plus loin que le pratiquant routinier.

Alors ce lecteur a la Vie éternelle. Et il est « heureux ».

Fr. Raphaël Devillers, dominicain.

Source : RÉSURGENCES.BE, le 11 avril 2023

02.04.2023 – DIMANCHE DES RAMEAUX ET DE LA PASSION – MT 26,14-75.27,1-66

L’entrée de Jésus à Jérusalem

Évangile de Matthieu 21, 1-11

Par le Fr. Raphaël Devillers

Lorsque Jésus a décidé de monter à Jérusalem après une longue mission à travers la Galilée, il a veillé à y parvenir juste en ces jours avant la grande célébration de la Pâque et il a prévenu ses disciples sur le sort qui l’y attendait. En effet le rituel pascal prescrit à toute famille juive de se procurer un agneau mâle d’un an, de l’observer pendant quelques jours pour constater s’il n’a pas un défaut caché, puis l’immoler le 14 nisan et le consommer, le soir, accompagné de pains azymes. C’est le signal que Moïse avait donné avant de s’enfuir dans la nuit et quitter l’esclavage d’Egypte : aussi ce mémorial de la libération devra-t-il être observé jusqu’à la fin des temps.

Fils élu du Père, Jésus que Dieu n’a nul besoin de sacrifices d’animaux. C’est lui, l’agneau innocent que les hommes vont exécuter mais qui va s’offrir en toute liberté et avec amour afin de faire miséricorde aux hommes de toutes nations. Si la perspective de la crucifixion qu’il entrevoit le terrifie, ses horreurs indicibles ne sont dues ni à lui ni à son Père mais à l’ignorance et à la haine des hommes. Jésus ne veut pas la souffrance comme si elle était nécessaire : il veut de tout son être accomplir la mission reçue de son Père. Si elle l’entraîne dans la mort, c’est à cause de notre méchanceté. La croix, sommet ignoble de notre péché, poussera Jésus au paroxysme de l’amour. Ainsi la Pâque deviendra à jamais, et pour tous, la fête de la libération de l’esclavage du péché.

L’Entrée à Jérusalem

Quelques jours avant la Pâque, Jésus et ses disciples arrivent à Bethfagué, sur les pentes du mont des Oliviers. Il envoya deux disciples : «  Allez au village : vous trouverez une ânesse attachée avec son petit. Détachez-la et amenez-la moi. Si l’on vous dit quelque chose, répondez : « Le Seigneur en a besoin, il les renverra ». Cela s’est passé pour accomplir la prophétie : « Dites à la fille de Sion : voici ton roi qui vient vers toi, humble, monté sur une ânesse et son ânon ». Les disciples obéirent, amenèrent l’ânesse et son petit, disposèrent sur eux leurs manteaux et Jésus s’assit dessus.

Jésus n’invente pas sa conduite, il réalise ce que Dieu lui dit à travers les Ecritures : se jucher sur une bête qui n’a vraiment rien d’un cheval de guerre. Le royaume viendra  au pas de l’âne , lentement, sans violence, chez les hommes qui ont de grandes oreilles pour bien écouter la parole de Dieu. Mais la mention du mont des Oliviers évoque déjà le lieu où, dans quelques jours, le roi adulé sera seul, tordu de souffrances. Pour l’instant personne ne comprend le signe de l’humilité. On veut un chef puissant.

Dans la foule, la plupart étendirent leurs manteaux sur le chemin ; d’autres coupaient des branches aux arbres et en jonchaient la route. Les foules qui marchaient devant Jésus et celles qui le suivaient criaient : «  Hosanna au fils de David ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Hosanna au plus haut des cieux ! ». Comme Jésus entrait en ville, l’agitation gagna toute la ville, on se demandait : « Qui est cet homme ? ». Et les foules répondaient : « C’est le prophète Jésus, de Nazareth en Galilée ».

Matthieu exagère sans doute un peu car Jésus est toujours resté en Galilée ; la capitale ne le connaît que par la rumeur, et encore moins les pèlerins qui affluent des pays étrangers, pris par la joie de revenir à la ville sainte et de retrouver leurs familles. En tout cas une procession se forme autour de celui que certains tiennent pour le roi messie. Ne s’appelle-t-il pas Iéshouah, qui signifie Sauveur ? N’est-il pas un lointain descendant du roi David ? Ses miracles ne manifestent-ils pas sa puissance ? Emportés par l’enthousiasme, tout fiers, les disciples sont ravis. Pâle, amaigri, Jésus cache un sourire devant ce triomphe ambigu et ces gens qui bientôt demanderont sa mort : « Toujours leur volonté de grandeur et de faste ! ».

Suspense !

Quand Jésus entra dans Jérusalem, toute la ville fut en émoi : « Qui est-ce ? » disait-on : les gens répondaient «  C’est le prophète Jésus de Nazareth en Galilée ».

Ponce Pilate, le préfet, qui vit habituellement au port de Césarée, est monté à Jérusalem avec sa troupe d’élite et surveille tout à partir de la forteresse Antonia qui jouxte le temple. Ordre a été donné de rester sur ses gardes : avec ces sales Juifs, une étincelle peut mettre le feu aux poudres. Dans son palais, le grand prêtre Caïphe enrage : « Ce menteur a osé venir ?! ». Suspense ! Que va faire cet intrus ? Foncer dans les quartiers malfamés et foudroyer ces voyous, ces dévergondés qui souillent la sainteté du lieu ? Mais non puisque le messie vient pour pardonner aux pécheurs. Rejoindre les équipes de zélotes qui ont accumulé des armes dans des caches secrètes en vue de l’insurrection ? Mais non puisque le messie vient pour sauver tous les peuples. Déclencher la déflagration suprême et mettre fin au monde ? Non puisque le Royaume doit venr lentement, dans la douceur et la paix, par la collaboration de Dieu et des hommes.

Purifier le Temple

Jésus entra dans le temple et chassa ceux qui vendaient et achetaient ; il renversa les tables des changeurs et les sièges des marchands de colombes. Et il cria : « Il est écrit : « Ma Maison sera appelée maison de prière et vous en faites une caverne de bandits ». Des aveugles et des boiteux s’avancent vers lui et il les guérit. Voyant ces choses étonnantes et ces enfants qui criaient : « Hosanna au fils de David ! », les grands prêtres et les scribes furent indignés : «  Tu entends ce qu’ils disent ? ». Jésus répond : «  N’avez-vous pas lu ce texte : «  Par la bouche des tout petits tu t’es préparé une louange »’?. Il les planta là et sortit de la ville.

Jésus fonce sur l’immense esplanade que les grands prêtres avaient transformée, pour les grandes fêtes, en marché – alors qu’il y avait des marchés en ville. Location des stands et vente des peaux de mouton rapportaient de plantureux bénéfices à ces prélats connus pour leur train de vie et leurs tenues ostentatoires. Jésus ne reproche pas aux petits marchands d’augmenter leurs prix : il attaque les prélats qui dissimulent leurs méfaits dans un lieu saint où ils pontifient avec majesté mais dont ils interdisent l’entrée aux handicapés et aux enfants. On n’achète pas la grâce de Dieu par des simagrées hiératiques et en payant des sacrifices d’animaux.

Cet esclandre de Jésus est grave, c’est la goutte qui fait déborder le vase : désormais les grands prêtres et les scribes seront d’accord de supprimer au plus tôt ce perturbateur.

Pourtant Jésus a l’audace de revenir au temple les jours suivants et il enseigne, comme il le fait depuis le début. Les diverses catégories de ses ennemis vont venir le cribler de questions pour le désarçonner et montrer à la foule qu’il est un faussaire dangereux. Peine perdue : Jésus prouvera qu’il est fidèle aux Ecritures.

Finalement on cessera de le questionner (22, 46). Mais à ses disciples, il annoncera que « tout cela sera détruit » (24, 02). En effet en 66 les zélotes déclencheront la révolte et en l’an 70, la ville et son Temple seront détruits par les Romains. Qui se sert du glaive périra par le glaive.

Conclusion

Emporter chez soi un rameau béni signifie que nous laissons entrer un Messie qui n’est pas dupe des cérémonies et qui vient avec la ferme volonté d’inaugurer le Royaume. Au lieu de s’en prendre aux scandales du monde et aux méfaits des puissants, il dénonce les dérives de l’organisation religieuse.

Remarquons que si notre cher pape François est follement applaudi par des foules de tous pays, son œuvre principale est sans doute sa volonté de réformer la Curie où se décident les grandes orientations. Là où ses prédécesseurs n’ont pas eu le courage d’agir, François met les pieds dans le plat et ne craint pas de critiquer des dérives graves. On se souvient de son célèbre discours où il dénonçait les 15 maladies qui sévissaient dans les couloirs du Vatican (22 déc.14) : quelques éminences rouges ne le lui ont guère pardonné et lui souhaitent un successeur, le plus vite possible.

La désaffection de la messe dominicale, la chute des baptêmes et des sacrements, la fermeture des couvents, l’écartement général des jeunes générations ne doivent pas être pour nous des sujets de lamentations mais des indices que nous aussi, nous avons à agir. Comme Jésus, quels marchés devons-nous chasser ? Comme François quelles maladies devons-nous dénoncer ?

Il est faux de vouloir à tout prix sauvegarder le visage que l’Eglise avait depuis un temps. Maintenant je sais que l’Eglise de ma jeunesse était absolument différente de celle de Pierre, Paul et Jean. Et que si le concile Vatican II a fait un travail de réforme, celle-ci se révèle aujourd’hui très insuffisante.

Oui l’entrée des Rameaux n’est pas un fait banal  et le petit rameau fait réfléchir à ce qui s’est passé ensuite : « la semaine sainte » ! Le refus des triomphes, l’exclusion du lucre, du cléricalisme, du hiératisme, des grands apparats a conduit Jésus au Golgotha. Mais il le faut pour que vienne une Eglise simple, ouverte à tous, qui lutte pour que tout être humain jouisse de ses droits fondamentaux : nourriture, logement, soins. Et qui déjà réalise cet idéal en son sein.

Certes nous allons apprendre que porter sa croix ne se cantonne pas dans des petites privations mais qu’elle est le retour de manivelle d’un pouvoir qui se croit fidèle parce qu’il est immobile. Mais nous reprendrons nos rameaux à Pâques pour applaudir celui qui va en effet devenir Roi, Seigneur du monde, Vivant pour toujours.

Fr. Raphaël Devillers, dominicain.

Source : RÉSURGENCES.BE, le 27 mars 2023

19.03.2023 – HOMÉLIE DU 4ÈME DIMANCHE DE CARÊME – JEAN 9,1-41

HOMÉLIE PAR LE F. RAPHAËL DEVILLERS

Évangile de Jean 9, 1-41

Ah maintenant je vois !!

Les premiers évangiles racontent que Jésus annonçait la venue proche du Règne de Dieu et accomplissait quelques miracles, dont des guérisons d’aveugles. Quelques dizaines d’années plus tard, grâce à l’Esprit-Saint, la réflexion sur la personnalité de Jésus s’est approfondie : Jean a compris que ces faits passés étaient des « signes », des actions symboliques qui manifestaient toujours le salut apporté par le Seigneur Jésus. Ainsi le récit de Jean 9 « chef d’œuvre du récit dramatique de Jean » dit le grand exégète R. Brown.

Jésus vit sur son passage un homme aveugle de naissance. Ses disciples l’interrogent : « Rabbi, pourquoi est-il aveugle ? Il a péché ou ses parents ? ». Jésus répond : « Ni lui ni ses parents. Mais l’action de Dieu doit se manifester en lui. Il faut réaliser l’action de Celui qui m’a envoyé pendant qu’il fait clair car déjà la nuit approche. Tant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde ». Il cracha sur le sol et avec la salive il fit de la boue qu’il appliqua sur les yeux de l’aveugle. « Va te laver à la piscine de Siloé, mot qui signifie Envoyé ). L’aveugle y alla, se lava et quand il revint il était guéri.

Qui sommes-nous ? Que devons-nous faire ? Quel est le sens du monde ? Aucun homme ne le sait. De naissance, nous ne voyons pas, nous sommes aveugles. Ce n’est pas un péché, il n’y a pas de notre faute. Des philosophes, des savants tentent des réponses : elles sont approximatives, partielles, fausses. Mais au cœur de cette histoire obscure, apparaît l’homme Jésus. Avec la boue, il renvoie l’homme à sa condition native : « Tu es poussière… ». Il va le re-créer.

Mais il profère la prétention inouïe d’être « la Lumière du monde ». Cette affirmation nous stupéfie, nous paraît folle, nous n’osons y croire. Mais si nous faisons confiance à cette parole, si nous acceptons la plongée dans l’eau offerte par Jésus l’envoyé de Dieu – comprenons : si nous faisons la démarche du baptême – alors nous commençons le processus de guérison. Ce sera un rude chemin.

Les gens habitués à le rencontrer dirent : « N’est-ce pas le mendiant ? ». Les uns disaient : « En effet ». Les autres : « Pas du tout. C’est son sosie ». L’homme, lui, affirmait : « C’est bien moi ». On lui demandait : « Comment tes yeux se sont-ils ouverts ? – L’homme qu’on appelle Jésus a fait de la boue et m’a dit d’aller me laver à Siloé. Je suis allé, je me suis lavé et j’ai vu ! ». On lui demande : « Où est-il ? ». « Je ne sais pas ».

Un vrai converti ne change pas d’apparence mais il commence une transformation. La lumière vient dans son coeur : le monde n’est pas absurde, je puis y travailler, je découvre ma personnalité profonde, le sens de ma vie. « C’est bien moi » !!! « L‘homme ne se connaît que par Jésus-Christ » disait Pascal.

Mais du coup son entourage s’étonne : « Quel curieux changement ! Et où est-il ce Jésus ? ». La foi commence par une décision libre mais elle inaugure alors une recherche : tout n’est pas automatique, il ne suffit pas d’être inscrit sur un registre. Jésus a offert une aurore qui déclenche la recherche à tâtons de la pleine lumière. Ce n’est pas une théorie fulgurante ni une découverte scientifique mais une personne : Jésus. Sa découverte ne va pas sans de sérieux problèmes : après la stupeur, l’opposition se dresse.

On amène l’homme aux pharisiens. Car c’était un sabbat que Jésus avait fait de la boue et lui avait ouvert les yeux. Ils l’interrogent : « Comment se fait-il que tu vois ? ». Il répond : « Il m’a mis de la boue sur les yeux, je me suis lavé et maintenant je vois ». Certains pharisiens disaient : « Ce type n’est pas de Dieu puisqu’il n’observe pas le repos du sabbat ». D’autres répliquaient : « Oui mais comment un pécheur pourrait-il accomplir des signes pareils ». Ainsi donc ils étaient divisés.

Quel scandale ! Si votre voisin aveugle revient guéri de Lourdes, naturellement vous sautez de joie, vous vous réjouissez avec lui, vous partagez son allégresse. Eh bien les adeptes d’une religion légaliste, eux, froncent les sourcils. La Loi est formelle : il est interdit de faire tout travail en sabbat, donc ce Jésus qui a malaxé de la terre  est un pécheur. Quelle idiotie ! Sous prétexte de sauver l’observance de la Loi, les pharisiens (en tout cas certains d’entre eux) en font un joug intolérable, un carcan, une prison.

Les pharisiens disent à l’aveugle : « Et toi, que dis-tu de Jésus ? ». Il répond : « C’est un prophète ». Ils ne voulaient pas croire que cet homme avait été aveugle : ils convoquent ses parents : « Cet homme est-il bien votre fils ? Vous dites qu’il est né aveugle. Comment se fait-il qu’il voit ? ». Les parents répondent : « Oui c’est notre fils et il est né aveugle. Mais comment voit-il, nous ne savons pas non plus. interrogez-le : il est assez grand pour s’expliquer ».

Ses parents parlaient ainsi parce qu’ils avaient peur des Juifs. En effet les Juifs s’étaient mis d’accord pour exclure de la synagogue tous ceux qui déclareraient que Jésus est le Messie. Voilà pourquoi les parents avaient dit : «  Il est assez grand : interrogez-le ».

On sait par les Actes des apôtres et les lettres de Paul que la conversion à Jésus scandalisait les autorités juives. L’hostilité grandit de plus en plus surtout après la défaite de l’an 70 et la destruction de Jérusalem et du temple : si bien qu’on en vint à interdire l’entrée dans les synagogues à ceux qui confessaient Jésus comme le Messie.

Comme c’est curieux : Jésus apporte la paix et l’amour et, en fait, il provoque la division. D’abord chez les voisins, puis chez les autorités, maintenant dans la famille. Mais ne l’avait-il pas annoncé : « On se dressera les uns contre les autres… » ?…La foi est une démarche tout à fait personnelle et elle doit s’attendre à être incomprise, à lézarder même les liens les plus chers. Le pauvre aveugle perd même l’appui de ses propres parents et est seul devant ses juges.

Pour la seconde fois, les pharisiens convoquent l’homme : « Rends gloire à Dieu ! Nous savons, nous, que cet homme est un pécheur. – Moi je sais une chose : j’étais aveugle et maintenant je vois. – Comment a-t-il fait ? – Je vous l’ai déjà dit et vous n’avez pas écouté. Pourquoi voulez-vous m’entendre une seconde fois ? Vous voulez devenir ses disciples ? – Toi, tu es son disciple ; nous, nous sommes disciples de Moïse car Dieu lui a parlé. Celui-là nous ne savons pas d’où il est. – Voilà l’étonnant. Vous ne savez pas d’où il est et pourtant il m’a ouvert les yeux. Chacun sait que Dieu n’exauce pas les pécheurs mais seulement celui qui fait sa volonté ! Si cet homme ne venait pas de Dieu, il ne pourrait rien faire – Tu es tout entier plongé dans le péché depuis ta naissance et tu nous fais la leçon ? ». Et ils le jetèrent dehors.

Les juges exigent du prévenu qu’il jure de dire toute la vérité et eux-mêmes affirment que de toutes façons leur opinion est faite : Jésus est un pécheur puisqu’il a « travaillé » en sabbat ! Et autre infamie : lorsque l’homme simple explique pourtant son raisonnement logique, ils l’enferment dans le mal : un handicapé est dans le péché. Et ils l’excluent. La lamentable scission Israël/Eglise se creuse !

Jésus apprit qu’ils l’avaient expulsé et il vient le trouver : « Crois-tu au Fils de l’homme ? – Qui est-il, Seigneur, pour que je croie en lui ? – Tu le vois, c’est lui qui te parle – Je crois, Seigneur ». Et il se prosterna devant lui.

Le baptisé, comme l’aveugle, a d’abord eu comme un appel et s’est présenté au baptême. Commençant à sortir de la nuit où il était plongé, il n’a cependant pas eu d’extase. Pas de présence sensible de ce mystérieux Jésus : au contraire la solitude, les interrogations, la méfiance, puis la lâcheté de ses parents et l’hostilité violente des juges. Mais ces épreuves l’ont mûri, ont approfondi sa foi pour pénétrer l’identité de Jésus : il est plus qu’un rabbi, un homme, un thérapeute doué, quelqu’un qui vient de Dieu, la Lumière qui éclaire la marche du monde : il est le mystérieux « Fils de l’homme » que le prophète Daniel annonçait, celui qui, à la fin des temps, devait venir dans la gloire de Dieu pour opérer le jugement définitif de l’humanité. Et c’est pourquoi l’aveugle se prosterne dans le geste d’adoration.

Alors Jésus déclara : « Je suis venu en ce monde pour une remise en question : pour que ceux qui voient puissent voir et que ceux qui voient deviennent aveugles ». Des pharisiens entendirent ces paroles : « Serions-nous des aveugles, nous aussi ? – Si vous étiez des aveugles, vous n’auriez pas de péché ; mais du moment que vous dites « nous voyons », votre péché demeure ».

Attention : Jésus n’est pas un juge impitoyable qui comptabilise nos péchés sur un grand livre. Seigneur, Lumière divine, il connaît à fond les moindres secrets de nos histoires, il renverse nos propres jugements comme superficiels et faux. Et en outre il est la miséricorde divine en personne.

Ainsi pour lui l’aveugle-né n’est pas un pécheur et, au contraire ces pharisiens qui s’estimaient les modèles d’observances et de piété tout en excluant les handicapés du culte du temple, sont des fourbes, des hypocrites, des faux croyants. Ah s’ils reconnaissaient leur erreur !…Jésus leur offre la possibilité de changer mais s’ils s’enferrent dans leurs convictions : « Nous, nous savons », ils se condamnent eux-mêmes.

Conclusion

Oui cette page est un chef-d’œuvre à méditer longuement. L’homme ne naît pas pécheur mais aveugle sur son identité et son histoire. S’il consent, Jésus lui apporte la lumière : « Ah maintenant je vois ! ». Cette lumière est Quelqu’un : donc la foi est recherche, approfondissement.

Qui est donc ce Jésus ? Un homme, un rabbin, un guérisseur, un disparu, un pécheur (il enfreint la Loi), il provoque la division, l’hostilité….Enfin le baptisé « voit » : Jésus vient de Dieu…Il est Seigneur…le seul Juge authentique de l’humanité.

Dans une société qui, en pleine explosion des progrès, titube vers le précipice, voit-on des baptisés éclairés, heureux de l’être, pleins d’assurance afin d’accomplir leur mission essentielle ?…

Fr. Raphaël Devillers, dominicain

Source : RÉSURGENCES.BE, le 14 mars 2027