France – Rouvrir les églises, pour quoi faire ?

Guy Aurenche, ancien président du CCFD-Terre solidaire, Laurent Grzybowski, journaliste et chanteur, Monique Hébrard, ancienne journaliste à Panorama, René Poujol, ancien directeur de la rédaction de Pèlerin, Jean-Pierre Rosa, ancien délégué général des Semaines sociales de France, Gérard Testard, ancien président de Fondacio

Rouvrir les églises, pour quoi faire ?

Dans un communiqué publié mardi 28 avril, en réaction aux annonces du premier ministre concernant le déconfinement, le Conseil permanent de la Conférence des évêques de France regrette, au nom de la liberté de culte, que les célébrations ne puissent reprendre dans les églises avant le 2 juin.

Nous nous interrogeons : pourquoi ne voir dans cette nouvelle contrainte qu’un obstacle à la vie chrétienne ? Et si ce confinement prolongé était l’occasion de redécouvrir le vrai culte à rendre à Dieu, de réexpérimenter le sens profond de l’eucharistie, pain partagé. L’Évangile ne nous invite-t-il pas à porter un regard positif sur les êtres et sur les choses ? Dieu nous parle à travers les événements de ce monde. À nous d’en lire les signes !

Oui, la crise que nous traversons nous apparaît comme une occasion pour notre christianisme qu’il retrouve sa pleine dimension domestique et accepte de vivre la grâce de la fragilité de façon créative. Comme le dit le prêtre et théologien tchèque Tomas Halik : « Nous devrions accepter l’actuel sevrage des services religieux et du fonctionnement de l’Église comme un kairos, une opportunité pour nous arrêter et nous engager dans une réflexion approfondie devant Dieu et avec Dieu. Cet “état d’urgence” est un révélateur du nouveau visage de l’Église. »

Nourrir la vie communautaire

Loin de toute polémique, en ce temps d’épidémie mondiale, les baptisés ont inventé de nouvelles formes de vie communautaire : rassemblements autour des nombreuses retransmissions de célébrations, rendez-vous vidéo de groupes de prière, de partage d’évangile où l’on a vu surgir les exigences et la densité du culte domestique et de l’intériorité personnelle.

Les catholiques, comme tous les Français, ont aussi continué le service des frères dans de nombreuses associations et initiatives diverses de solidarité.

Service de l’autel, service des frères

Se retrouver en communauté est constitutif de la foi. Mais pour rendre quel culte, à quel Dieu ? Dans l’eucharistie, les chrétiens font mémoire de la mort et de la résurrection du Christ. Et du don de sa vie. Dans un même élan, ils s’engagent à donner la priorité absolue au service du frère. Il s’agit de conjuguer « intériorité et engagement », « lutte et contemplation »…

Jadis, l’abbé Pierre vilipendait vertement les catholiques pour qui la « Présence » du Christ était « réelle » dans l’hostie mais seulement « symbolique » dans le pauvre auquel Jésus s’identifie pourtant dans l’Évangile de Matthieu.

L’appétit spirituel

La spiritualité a toute sa place en ce temps de refondation. Abandonnons le terme négatif de « non-croyants » et ouvrons-nous à la diversité des aspirations spirituelles de nos contemporains. Le partage des convictions, des croyances, de la foi exige que chaque communauté s’ingénie à être compréhensible et crédible.

Comment ne pas constater que nombre de discours catholiques paraissent étrangers à nos contemporains. Plus graves ont été les silences face aux déviances pédocriminelles et aux lenteurs de notre Église à se réformer. Comment, en se retrouvant à nouveau dans leur église, les communautés s’interrogeront-elles sur cette exigence de clarté, de cohérence et de vérité ?

Avancer autrement

Certains aspects du fonctionnement de la communauté catholique peuvent également être interrogés. Quels moyens se donner pour avancer – dans les paroisses, les diocèses… – de manière plus collégiale ? Comment mieux articuler les différents ministères (existants ou à inventer). Comment mieux associer les femmes à la gouvernance de nos communautés ? Quelle conception du prêtre, du rôle du curé ? Quel rapport au sacré, aux rites ? Quels débats possibles, enfin apaisés, autour de la liturgie ?

Ne restons pas confinés dans de vieilles approches théologiques et pastorales. Ne restons pas enfermés derrière nos murs ! Partons sur les routes d’un monde blessé, pour faire de nos églises non pas des douanes ou des forteresses de vérité, mais des lieux d’ouverture et de liberté. Des lieux véritablement déconfinés.

Source : La Croix, le 3 mai 2020

L’Église italienne insatisfaite suite au nouveau décret de Giuseppe Conte

Giuseppe Conte présente les modalités de la phase 2 du confinement, Rome, Palais Chigi, le 26 avril 2020Giuseppe Conte présente les modalités de la phase 2 du confinement, Rome, Palais Chigi, le 26 avril 2020  (ANSA)

L’Église italienne insatisfaite suite au nouveau décret de Giuseppe Conte

Le président du Conseil italien, Giuseppe Conte, a annoncé dimanche 26 avril une série de mesures pour alléger le confinement auquel sont soumis les Italiens depuis le 9 mars. De nombreuses activités devraient reprendre progressivement. En revanche, les messes avec participation des fidèles restent interdites, ce qui a suscité le mécontentement de la Conférence Épiscopale Italienne (CEI). 

Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican

Le volet ecclésial de la phase 2 du confinement présentée ce dimanche soir a déçu l’épiscopat italien, qui planchait depuis quelques temps sur la manière dont les catholiques du pays pourraient retrouver leurs églises après une longue privation. Le nouveau décret de Giuseppe Conte apporte tout de même un changement important: dès le 4 mai prochain, les funérailles seront à nouveau autorisées, avec des assemblées de 15 personnes maximum, limitées à l’entourage proche du défunt.

«Les évêques italiens ne peuvent accepter de voir l’exercice de la liberté de culte compromis. Il devrait être clair pour tous que l’engagement au service des pauvres, si important dans cette situation d’urgence, découle d’une foi qui doit être nourrie à sa source, en particulier la vie sacramentelle», explique une note de la CEI publiée dans la foulée de l’intervention du président du Conseil.

À chacun ses responsabilités

Après «des semaines de négociations qui ont vu la CEI présenter des lignes directrices et des protocoles permettant d’aborder une phase transitoire en pleine conformité avec toutes les réglementations sanitaires, le décret de la présidence du Conseil des ministres adopté ce soir exclut arbitrairement la possibilité de célébrer la messe avec le peuple, peut-on lire encore. Il est rappelé à la Présidence du Conseil et au Comité technico-scientifique qu’ils ont le devoir de distinguer entre leur responsabilité – donner des indications précises de nature sanitaire – et celle de l’Église, appelée à organiser la vie de la communauté chrétienne, dans le respect des mesures prévues, mais dans la plénitude de leur autonomie».

Le quotidien Avvenire, dans un article publié ce dimanche, rapporte que Giuseppe Conte a reconnu des «rigidités» au sein du comité technico-scientifique. Ce comité, cité par l’agence ANSA, explique pour sa part que «la participation des fidèles aux services religieux implique, à l’heure actuelle, des problèmes critiques inéliminables qui incluent le déplacement d’un nombre important de personnes et un contact étroit pendant l’Eucharistie». Selon les experts, à partir du 4 mai et «pour les trois semaines suivantes», «l’impact des réouvertures partielles et de l’assouplissement progressif des mesures actuellement en vigueur sur la dynamique épidémique n’étant pas encore prévisible», il serait «prématuré de prévoir la participation des fidèles aux services religieux». Un avis, soulignent-ils cependant, qui pourrait être révisé «à partir du 25 mai, dans le sens d’une prévision vers la participation des fidèles aux services religieux, en respectant strictement les mesures de distanciation sociale sur la base des tendances épidémiologiques».

Une solution à l’étude

Mais la CEI rappelle que la ministre de l’Intérieur Luciana Lamorgese avait déclaré au quotidien Avvenire que «de nouvelles mesures étaient à l’étude par le gouvernement pour permettre l’exercice le plus large possible de la liberté de culte». Des propos encourageants tenus le 23 avril dernier «après une discussion continue et disponible entre le Secrétariat général de la CEI, le ministère de l’Intérieur et la présidence du Conseil elle-même». Au cours de cet échange, l’Église italienne avait «accepté, avec souffrance et sens des responsabilités, les limites gouvernementales assumées pour faire face à l’urgence sanitaire». Et elle avait aussi souligné «de manière explicite qu’au moment où les limites supposées pour faire face à la pandémie seraient réduites, l’Église exige de pouvoir reprendre son action pastorale».

Jusqu’à présent, tout rassemblement liturgique et pastoral est en effet interdit dans la péninsule italienne. Les fidèles peuvent se rendre dans les églises restées ouvertes – en général les paroisses – pour la prière individuelle, et parfois pour recevoir la communion ou se confesser.

L’exaspération des évêques italiens n’est toutefois pas restée sans effets. «La présidence du Conseil, lit-on dans une note du Palais Chigi publiée dans la nuit, prend note de la communication de la CEI et confirme ce qui a déjà été anticipé dans la conférence de presse du Président Conte. Dans les prochains jours déjà, nous allons étudier un protocole qui permettra dès que possible la participation des fidèles aux célébrations liturgiques dans des conditions de sécurité maximale».

La pandémie de Covid-19 a fait déjà près de 27 000 morts en Italie, le pays le plus durement touché en Europe. Parmi les victimes figurent plus d’une centaine de prêtres.

La situation s’améliore lentement. Si baisse du nombre de morts se confirme – 260 décès en 24 heures annoncés le 26 avril, soit le chiffre le plus bas depuis le 14 mars -, le nombre de personnes positives au coronavirus continue d’augmenter. Plus de 106 000 personnes sont actuellement contaminées. 

Source: Vaticannews, le 27 avril 2020