Le cardinal Stella promeut la réconciliation et la fraternité à Cuba
À l’occasion de la commémoration du 25e anniversaire de la visite du Pape Jean-Paul II à Cuba, le cardinal Beniamino Stella, dans son discours à l’université de La Havane, a appelé à la promotion de la réconciliation. Il a profité de son séjour dans l’île pour appeler à la libération des détenus qui ont manifesté contre le gouvernement en 2021.
Vatican News
«Je suis venu célébrer et revivre avec vous l’héritage du saint Pape Jean-Paul II, messager de la vérité et de l’espérance»: ce sont les mots du cardinal Beniamino Stella, envoyé du Pape François à Cuba, dans son discours à l’Université de La Havane le 8 février, en présence du président cubain Miguel Díaz-Canel. Le prélat est sur l’île des Caraïbes pour commémorer la visite historique de Jean-Paul II, qui eut lieu du 21 au 25 janvier 1998.
La culture est fondamentale pour cultiver les valeurs humaines
Le prélat du Vatican a rappelé le «discours éloquent» du Pape Jean-Paul II à cette université, dans lequel il partagea une définition de la culture qui nous renvoie aux enseignements du Concile Vatican II dans la constitution pastorale Gaudium et Spes: «La culture est la manière particulière dont les gens expriment et développent leurs relations avec la création, entre eux et avec Dieu, formant l’ensemble des valeurs qui caractérisent un peuple et les traits qui le définissent. Ainsi comprise, la culture revêt une importance fondamentale pour la vie des nations et pour la culture des valeurs humaines les plus authentiques.»
«La foi chrétienne s’incarne dans la culture et, de cette manière, devient aussi un fait culturel et la culture un fait religieux», a ajouté le cardinal.
Promouvoir une culture de la rencontre
«Il est nécessaire – a-t-il poursuivi – de promouvoir une réconciliation et une fraternité authentiques, non pas fondées sur la similitude des idées, mais qui vont à la rencontre des autres dans leur diversité. Pour cela, il est essentiel que chacun continue à s’engager pour éduquer aux valeurs et renforcer la maturité éthique des jeunes.»
Qu’ils s’engagent dans leur réalité et qu’ils réalisent leurs rêves et leurs projets à Cuba ; qu’il n’y ait pas de haine ou de confrontation entre frères et sœurs, mais qu’ils construisent plutôt une «culture de la rencontre» qui offre des ponts sur lesquels nous pouvons voyager à la poursuite du bien commun dont nous sommes tous responsables.
Que les enfants de Cuba soient des hommes et des femmes libres
«Il est certain que Cuba doit être libre de toute ingérence et de toute sujétion, tout comme elle doit aussi être un Cuba où ses enfants sont des hommes et des femmes libres», a-t-il déclaré. «Ce sont quelques-uns des défis qui nous attendent et cela est commun à toutes les nations et encore plus en ce changement d’ère, selon les mots du Pape François».
«Le Pape espère vivement qu’il y aura une réponse positive» du gouvernement cubain aux demandes de l’Église concernant la libération des personnes ayant pris part aux manifestations du 11 juillet 2021, a déclaré le cardinal Stella aux médias après s’être exprimé à l’Université de La Havane. À cet égard, il a jugé secondaire que la libération des manifestants soit juridiquement considérée comme une amnistie ou une clémence.
«Il est important que les jeunes qui ont autrefois exprimé leurs pensées de la manière que l’on sait puissent rentrer chez eux», a-t-il souligné. Le cardinal, qui a été nonce apostolique à La Havane de 1992 à 1999, a déclaré qu’au cours de sa visite à Cuba – qui s’achève ce vendredi – il a pu exprimer ce «désir ardent» de l’Église aux autorités cubaines, dans l’espoir que, de ce «moment utile et positif» qu’a constitué son voyage, «de nouvelles choses naissent pour le peuple cubain». Il a également souligné le rôle du dialogue, fondé sur «la gentillesse et le respect», tant dans ses entretiens avec de hauts responsables cubains que dans les relations entre La Havane et les États-Unis, car «les solutions peuvent être trouvées en discutant». Le Vatican espère que «ceux qui ont le pouvoir puissent se parler, s’écouter», car «il peut en sortir des choses qui profitent au peuple cubain», a-t-il ajouté. «J’espère qu’il (ce dialogue) aura lieu et qu’il aura lieu bientôt», a-t-il déclaré, «et qu’il deviendra une étape importante pour de nombreuses avancées dont le peuple cubain a grandement besoin. Il y a des choses qui doivent être faites et faites vite».
Le célibat des prêtres, «un signe de contradiction», par le card. Stella (2)
Célibat des prêtres et prévention des crimes d’abus
Le célibat des prêtres « est un signe de contradiction par rapport à la mentalité mondaine, comme l’est le mariage fidèle, indissoluble et ouvert à la vie », déclare le cardinal Beniamino Stella. C’est pour cette raison, entre autres, dit-il, que ce « thème » « revient de façon cyclique »au centre du débat dans l’Église.
Dans une longue interview aux médias du Vatican, le cardinal Stella présente le travail de la Congrégation pour le Clergé, dont il est préfet. Il réfléchit sur les questions du célibat des prêtres et de la prévention des crimes d’abus.
Nous avons publié le premier de trois articles sur cet entretien, hier, lundi 10 mai 2021, sur « la miséricorde » et « le courage sacerdotal ».
Le célibat c’est le signe d’un « don total à Dieu », explique le cardinal Stella: « Les pontifes du siècle dernier, explique le préfet, ont réaffirmé et motivé, même en des temps qui ne sont pas faciles, la valeur du célibat comme don total à Dieu et, par conséquent, comme espace de liberté pour le ministère. »
Le cardinal Stella raconte comment la Congrégation pour le clergé « contribue à la réaffirmation de cette valeur »: il s’agit « avant tout » d’« un travail constant d’étude interne, car les responsables – théologiens, canonistes, psychologues, formateurs – s’appliquent à un examen continu du thème … afin que le choix du célibat soit compris dans son authenticité, mais aussi dans son actualité ».
La formation au célibat
Il souligne l’importance de la formation: « Un aspect fondamental c’est la formation au célibat sacerdotal. » La formation au célibat sacerdotal, explique-t-il, « ne peut se limiter au temps du séminaire (formation initiale), mais doit se poursuivre tout au long de la vie du prêtre (formation permanente), afin que les prêtres puissent assumer et renouveler constamment la conscience d’être ‘enracinés dans le Christ Époux et totalement consacrés au service du Peuple de Dieu’», selon l’enseignement de la Ratio Fundamentalis, publiée le 8 décembre 2016.
Mais la loi est précédée par le « mystère », insiste le cardinal préfet: « Il ne s’agit toutefois pas d’observer extérieurement une discipline pure, mais de saisir et d’assimiler toujours et à nouveau », comme l’exhortait saint pape Jean-Paul II, « la motivation théologique de la loi ecclésiastique sur le célibat ». Il s’agit, poursuit-il « de vivre un mystère, qu’il n’est peut-être ‘pas donné à tous de comprendre’ (Mt 19 11-12), mais qui, précisément pour cette raison, exige une profonde maturité humaine et spirituelle. »
C’est une question qui concerne aussi la conception de l’Eglise, l’ecclésiologie. Le cardinal préfet évoque « une belle image » utilisée par le pape François dans l’exhortation apostolique post-synodale Querida Amazonia: « Jésus se présente comme l’Époux de la communauté qui célèbre l’Eucharistie, à travers la figure d’un homme qui la préside comme signe de l’unique Prêtre. »
Pour cette raison, note-t-il, « le prêtre célibataire non seulement représente, mais vit, on pourrait dire, la représentation vivante de ‘ce dialogue entre l’Époux et l’Épouse’ ».
Prévenir des abus
Le cardinal Stella affirme que laprévention des « crimes » des abus « de la part des clercs se trouve dans une formation sacerdotale soignée ». Il précise toutefois que « la formation ne signifie pas simplement la communication de concepts, du point de vue de l’information ou de l’actualisation, mais plutôt – tant au séminaire qu’après l’ordination – une formation intégrale, c’est-à-dire concernant tous les aspects de la personne ».
Le séminariste d’abord, et le prêtre ensuite, explique le préfet, « sont appelés à grandir harmonieusement en tant qu’hommes dotés d’un sain équilibre psychologique, d’une maturité affective et d’une capacité relationnelle ».
La Congrégation pour le Clergé « propose ce type d’éducation de la personnalité dans les séminaires et dans les cours de formation continue du clergé ». La Ratio Fundamentalis, rappelle le préfet, « demande ‘la plus grande attention’ dans ce domaine » « et prévoit ‘dans le programme de formation initiale et continue’ des ‘leçons, des séminaires ou des cours spécifiques sur la protection des mineurs’ ».
Le cardinal Stella affirme que « la figure du prêtre proposée par la Ratio Fundamentalis, à cet égard, est celle d’un Père et Pasteur qui prend soin des fidèles, défenseur des plus pauvres et des plus faibles ».
Le Card. Beniamino Stella, préfet pour la congrégation du clergé, à la fenêtre de son bureau, devant la place St-Pierre
La miséricorde, un axe central dans la formation des prêtres
Les dicastères du Saint-Siège racontés de l’intérieur: histoire, objectifs et budget, comment fonctionnent les structures qui soutiennent le ministère du Pape. Cette semaine, le cardinal Beniamino Stella présente la Congrégation pour le Clergé.
Alessandro De Carolis – Cité du Vatican
Le « laboratoire » est le séminaire, où l’on construit non seulement l’intellect mais surtout le cœur, la fibre même, humaine plus encore que chrétienne, de l’homme appelé à devenir un pasteur d’âmes. La Congrégation pour le Clergé prend en charge ce parcours de formation sacerdotale, dans le cadre d’une activité qui embrasse et administre tous les aspects de la vie des ministres de Dieu dans ses diverses articulations, avec un budget annuel de mission d’environ deux millions d’euros (chiffre de 2021). Le cardinal Beniamino Stella, préfet de ce dicastère, explique le travail de ses collaborateurs dans la voie indiquée par le Pape François, celle d’une Église servie et animée par des intelligences et des bras qui font revivre, partout dans le monde, la figure du bon Samaritain.
La lettre écrite le 4 août 2019, à l’occasion du 160e anniversaire de la mort du curé d’Ars, représente une petite « somme« pastorale et spirituelle du magistère du Pape François sur le sacerdoce; quel est l’identité du prêtre qui en est tirée?
R. – Le Pape François est toujours très attentif aux prêtres et à leur ministère. En fait, il s’est adressé à eux à plusieurs reprises, en soulignant certains aspects de la vie sacerdotale. La lettre pour le 160e anniversaire de la mort de Saint Jean Marie Vianney est un cadeau spécial du Saint-Père, qui s’adresse aux prêtres en partant, avant tout, de leur propre expérience de vie. En lisant le texte du Pape, il semble qu’il voit ses «frères prêtres», qui «sans faire de bruit» quittent tout pour s’engager au service des communautés et travaillent «dans les tranchées», exposés aux situations les plus variées, en montrant «leur visage», mais sans se donner «trop d’importance, afin que le peuple de Dieu soit soigné et accompagné».
Le Pape François offre ainsi un identité «existentielle» du prêtre. Il ne parle pas, en effet, d’un prêtre idéal, qui n’existe pas, mais il s’adresse en réalité à la multitude des prêtres qui «en de nombreuses occasions, de manière silencieuse et sacrifiée», en s’engageant «au service de Dieu et de son peuple», dans l’annonce de l’Évangile, dans la célébration des sacrements et dans le témoignage de la charité, écrivent «les plus belles pages de la vie sacerdotale». Malgré les péchés et même parfois les crimes de certains membres du clergé, que le Saint-Père ne passe pas sous silence, il souligne qu’il existe «de nombreux prêtres qui, de manière constante et intégrale (…), font de leur vie une œuvre de miséricorde».
C’est précisément la miséricorde, dit le Saint-Père, après le don de sa propre vie, qui est une autre «qualité exquise» du prêtre, qui le configure au Christ Bon Pasteur. C’est une attitude joyeuse, qui puise sa force dans la prière et les sacrements, qui prend forme dans la communion avec l’évêque et ses confrères, qui se réalise dans l’enthousiasme pour l’évangélisation et qui, dans la persévérance et la «longanimité», devient proximité et proximité «de la chair du frère qui souffre».
Une autre caractéristique indiquée par le Saint-Père est le «courage sacerdotal», que la Ratio Fundamentalis Institutionis Sacerdotalis place dans la nécessaire maturité humaine requise des candidats aux ordres sacrés. Le Pape François explique que le ministère sacerdotal n’est pas à l’abri «de la souffrance, de la douleur et même de l’incompréhension», qui sont des moyens de configuration au Christ, lorsqu’ils sont assumés et intégrés dans le parcours de foi et de prière, à travers lequel le prêtre, en évitant l’acédie – que le Pape appelle «tristesse douce» – reste «devant le Seigneur», qui guérit son cœur blessé et lave ses pieds souillés par la «mondanité».
Enfin, l’identité offerte par la lettre, qui décrit, sans la citer, l’expérience de sainteté du Curé d’Ars, rend explicites «deux liens constitutifs de l’identité sacerdotale: le lien personnel, intime et profond avec Jésus, et le lien avec le Peuple de Dieu». L’attitude que le Saint-Père propose en conclusion, à l’exemple de la Mère de Dieu, est la louange. Nous pourrions dire, en résumant les traits de la vie sacerdotale présentés dans la lettre, que le Pape François demande aux prêtres d’aujourd’hui d’être des prêtres du Magnificat.
La salle de réunion de la Congrégation pour le Clergé.
Pour le Souverain pontife, «le renouveau de la foi et l’avenir des vocations ne sont possibles que si nous avons des prêtres bien formés». Quelles places occupent les thèmes de la pastorale des vocations et de la formation continue du clergé dans le travail de la Congrégation?
R. – La Congrégation pour le clergé a consacré du temps et de l’énergie à la rédaction de la nouvelle Ratio Fundamentalis Institutionis Sacerdotalis, publiée le 8 décembre 2016, qui, par conséquent, à la fin de 2021, aura été en vigueur pendant cinq ans. C’est précisément le «don de la vocation au presbytérat, placé par Dieu dans le cœur de certains hommes, qui engage l’Église à leur offrir un sérieux parcours de formation». Le Pape François, rencontrant la Congrégation à l’occasion de l’Assemblée plénière de 2014, a défini la formation comme «garder et faire grandir les vocations pour qu’elles portent des fruits mûrs». Ils sont en effet un diamant brut, à travailler avec soin, dans le respect de la conscience des personnes, et avec patience, afin qu’ils brillent au milieu du peuple de Dieu. Dans la perspective de la Ratio, la formation sacerdotale est unique, elle commence au séminaire (formation initiale) et se poursuit tout au long de la vie du prêtre (formation continue).
La Congrégation accompagne donc les Conférences épiscopales, et parfois aussi les différents diocèses, dans la promotion de la formation initiale et continue du clergé. Les visites périodiques ad limina constituent une occasion propice au dialogue avec les évêques des différents pays du monde, un moment où, en plus d’aborder divers autres sujets liés aux compétences du Dicastère, une large place est accordée au thème des séminaires et des parcours de formation continue du clergé. La Congrégation incite à la mise en œuvre de projets de formation et accompagne les parcours engagés en offrant des indications tant sur la méthode que sur les contenus.
Enfin, la Congrégation accorde une attention particulière aux vocations sacerdotales, en encourageant la création et la promotion dans chaque diocèse, ou au niveau régional ou national, de centres appropriés, en encourageant les initiatives de prière et, enfin, en soutenant les évêques en tant que premiers responsables des vocations au sacerdoce. C’est une conviction partagée, en effet, que la présence dans les communautés d’un clergé formé humainement, spirituellement, intellectuellement et pastoralement, selon les quatre dimensions bien connues présentées par Pastores dabo vobis, contribuera de manière significative à créer un climat spirituel propice à la croissance de nouvelles vocations.
La chapelle de la Congrégation pour le Clergé.
Comment est structurée l’activité du dicastère et quels sont les coûts de gestion qui vous permettent de soutenir les objectifs de la mission qui vous est confiée?
R. – Comme le suggère le mot Congrégation, le Dicastère est composé d’une pluralité de personnes qui collaborent au service du clergé. Des cardinaux, des archevêques et des évêques, désignés par le Saint-Père tant à l’intérieur de la Curie romaine que dans différentes parties du monde, sont appelés à être membres de la Congrégation, garantissant ainsi sa portée universelle. Un cardinal-préfet préside la Congrégation, assisté de deux archevêques secrétaires, dont l’un est chargé des séminaires, et d’un Sous-Secrétaire. Au sein du dicastère, il y a 27 prêtres et 4 laïcs. En outre, lorsque cela est nécessaire, un certain nombre de consulteurs (théologiens, canonistes, psychologues, juristes), clercs et laïcs, collaborent avec le dicastère.
L’activité de la Congrégation pour le Clergé est divisée en quatre bureaux. Le bureau du clergé, outre les nombreux cas disciplinaires et les cas de soutien aux Églises particulières, examine les plaintes et répond aux demandes des évêques et des clercs. Un domaine important est celui des recours hiérarchiques, par exemple contre la suppression de paroisses, en tant qu’expression de la liberté des fidèles de dialoguer avec l’autorité lorsqu’ils se sentent accablés par un acte de gouvernement et qu’il n’est pas possible, malgré les tentatives, de trouver une solution pacifique autrement.
Par le biais des «facultés spéciales» accordées au dicastère, la Congrégation peut écarter, pour des raisons très graves, les prêtres et les diacres de l’état clérical. Du travail et de l’expérience du bureau du clergé est née la récente Instruction La conversion pastorale de la communauté paroissiale au service de la mission évangélisatrice de l’Église (20 juillet 2020).
Le bureau des séminaires s’occupe de la promotion des vocations et soutient les évêques diocésains et les conférences épiscopales dans le domaine de la formation sacerdotale, initiale et continue, notamment dans les séminaires. Elle promeut la connaissance et l’application de la Ratio Fundamentalis Institutionis Sacerdotalis et accompagne les épiscopats locaux dans la rédaction de la Ratio Nationalis, qui doit ensuite être approuvée par la Congrégation pour le Clergé. Elle est également responsable des collèges et des internats sacerdotaux de Rome.
Le bureau administratif, considérant que la propriété de tous les biens ecclésiastiques est de toute façon «sous l’autorité suprême du Pontife Romain», est l’un des instruments que le Saint-Père utilise pour veiller à la bonne administration du patrimoine de l’Église. Le dicastère exerce également cette fonction lorsqu’il s’agit d’accorder la licence ad validitatem nécessaire pour certains actes d’aliénation de biens. Le bureau des dispenses s’occupe des clercs qui ont abandonné l’exercice du ministère et entendent se réconcilier avec Dieu, avec la communauté ecclésiale et aussi avec leur propre histoire. L’octroi de la dispense – une décision réservée au Saint-Père – n’est pas un droit, mais une grâce, accordée au cas par cas, en signe de miséricorde, lorsque la situation d’abandon du ministère et de perte d’identité de la part du clerc semble désormais irréversible.
En ce qui concerne les frais de gestion, ils sont imputables aux salaires du personnel et aux frais de fonctionnement, et sont couverts par les revenus des activités institutionnelles (octroi de rescrits relatifs à la mise en ordre des biens ecclésiastiques, dispenses des obligations sacerdotales et diaconales, et application des facultés spéciales). Enfin, les cours de formation proposés par le dicastère sont financés en partie par une contribution symbolique des étudiants, et pour le reste par la générosité d’autres entités, dont, pour l’essentiel, la Fondation Pontificale « Aide à l’Église en Détresse ».
La question du célibat des prêtres revient cycliquement au centre du débat dans l’Église. Le Pape François a réaffirmé à plusieurs reprises sa valeur en tant que «don» et – faisant sienne une position claire de saint Paul VI – a toujours exclu un changement de la discipline ecclésiastique actuelle. En quoi la Congrégation relance-t-elle le magistère du Pape et favorise-t-elle la réflexion des prêtres sur la valeur du choix du célibat?
R. – Le thème du célibat des prêtres revient de façon cyclique, également parce qu’il est un signe de contradiction par rapport à la mentalité mondaine, comme l’est le mariage fidèle, indissoluble et ouvert à la vie. En outre, les incohérences et parfois même les crimes des prêtres pourraient faire penser que le problème réside précisément dans le fait que le prêtre est célibataire. Cependant, les Pontifes du siècle dernier ont réaffirmé et motivé, même en des temps qui ne sont pas faciles, la valeur du célibat comme don total à Dieu et, par conséquent, comme espace de liberté pour le ministère.
La Congrégation pour le Clergé contribue à la réaffirmation de cette valeur avant tout par un travail constant d’étude interne : les responsables – théologiens, canonistes, psychologues, formateurs – s’appliquent à un examen continu du thème, avec la contribution des membres et des consulteurs, afin que le choix du célibat soit compris dans son authenticité mais aussi dans son actualité. Le fruit de ce travail est présenté dans les cours promus par le dicastère et partagés avec les conférences épiscopales, avec les formateurs des séminaires et avec les universités. Un aspect fondamental est la formation au célibat sacerdotal.
La formation au célibat sacerdotal, en effet, ne peut se limiter au temps du séminaire (formation initiale), mais doit se poursuivre tout au long de la vie du prêtre (formation permanente), afin que les prêtres puissent assumer et renouveler constamment la conscience d’être «enracinés dans le Christ Époux et totalement consacrés au service du Peuple de Dieu», précisément en comprenant «le célibat comme un don spécial de Dieu», selon l’enseignement de la Ratio, n. 110.
Il ne s’agit toutefois pas d’observer extérieurement une discipline pure, mais de saisir et d’assimiler toujours et à nouveau, comme l’exhortait déjà saint Jean-Paul II dans Pastores dabo vobis, n. 29, «la motivation théologique de la loi ecclésiastique sur le célibat». Il s’agit, pour ainsi dire, de vivre un mystère, qu’il n’est peut-être «pas donné à tous de comprendre» (Mt 19 11-12), mais qui, précisément pour cette raison, exige une profonde maturité humaine et spirituelle, que la Congrégation s’engage à promouvoir à travers les différents canaux de formation et de soutien aux Églises locales.
Il y a une belle image utilisée par le Pape François dans l’exhortation apostolique post-synodale Querida Amazonia, au n. 101: «Jésus se présente comme l’Époux de la communauté qui célèbre l’Eucharistie, à travers la figure d’un homme qui la préside comme signe de l’unique Prêtre.» Pour cette raison, le prêtre célibataire non seulement représente, mais vit, on pourrait dire, la représentation vivante de «ce dialogue entre l’Époux et l’Épouse».
Le cardinal Stella et le lectionnaire dans la chapelle de la Congrégation pour le Clergé.
La question des abus commis par des prêtres sur des mineurs reste une plaie ouverte au cœur de l’Église. Quelle est la contribution spécifique que votre dicastère peut offrir au travail de prévention et d’éradication de ce phénomène douloureux?
R. – La prévention de ces crimes de la part des clercs se trouve dans une formation sacerdotale soignée. Il convient toutefois de préciser que la formation ne signifie pas simplement la communication de concepts, du point de vue de l’information ou de l’actualisation, mais plutôt – tant au séminaire qu’après l’ordination – une formation intégrale, c’est-à-dire concernant tous les aspects de la personne, y compris également la dimension humaine dans les aspects de l’affectivité, de la sexualité et de la volonté. Le séminariste d’abord, et le prêtre ensuite, sont appelés à grandir harmonieusement en tant qu’hommes dotés d’un sain équilibre psychologique, d’une maturité affective et d’une capacité relationnelle.
La Congrégation pour le Clergé propose ce type d’éducation de la personnalité dans les séminaires et dans les cours de formation continue du clergé. La Ratio, en effet, demande «la plus grande attention» dans ce domaine, exclut des ordres sacrés ceux qui «ont été impliqués de quelque manière que ce soit dans des délits ou des situations problématiques dans ce domaine», et prévoit «dans le programme de formation initiale et continue» des «leçons, des séminaires ou des cours spécifiques sur la protection des mineurs», en se penchant également sur les «domaines d’exploitation ou de violence possibles» comme le trafic de mineurs ou le travail des enfants (Ratio, 202). La figure du prêtre proposée par la Ratio Fundamentalis, à cet égard, est celle d’un Père et Pasteur qui prend soin des fidèles, défenseur des plus pauvres et des plus faibles.
En 2013, la Congrégation s’est vu confier la responsabilité des séminaires. Dans quels domaines et de quelles manières ce travail est-il effectué?
R. – Le Saint-Père Benoît XVI, avec le motu proprio Ministrorum Institutio, du 16 janvier 2013, a voulu que la Congrégation pour le Clergé s’occupe de tout ce qui concerne la formation, la vie et le ministère des prêtres et des diacres, en vue de l’unité de la matière. Depuis 1992, en effet, l’exhortation apostolique Pastores dabo vobis avait permis de dépasser une conception de la formation identifiée presque exclusivement à l’aspect intellectuel, et visant à passer des examens et à obtenir des titres. La nouveauté du document, par contre, consistait à présenter une formation intégrale, c’est-à-dire incluant, en harmonie, quatre dimensions: intellectuelle, spirituelle, pastorale et humaine. La formation est donc unique et continue, divisée en deux phases. La première est au séminaire, comme formation initiale qui se poursuit ensuite tout au long de la vie du prêtre dans la deuxième phase, c’est-à-dire la formation continue.
Dans cette optique, le transfert de compétences a vu le jour en 2013, suivi, en 2016, de la nouvelle Ratio Fundamentalis Institutionis Sacerdotalis. Par conséquent, les quatre bureaux de la Congrégation, qui se distinguent par les exigences de travail, travaillent ensemble au nom du clergé. De manière particulière, les demandes qui émergent de la vie concrète des prêtres contribuent à structurer des parcours de formation plus conformes à la réalité et répondant aux expériences du temps présent.
En pratique, le dicastère accompagne les Conférences épiscopales dans l’élaboration d’une Ratio Nationalis, c’est-à-dire d’orientations pour la formation des prêtres qui, sur la base des indications pour l’Église universelle contenues dans la Ratio Fundamentalis, reflètent de manière plus adéquate l’histoire, la culture et les défis de chaque pays. En outre, la Congrégation est compétente pour les séminaires interdiocésains, pour leur érection, suppression et unification, ainsi que pour l’approbation de leurs statuts et la nomination de leur recteur, sur proposition de l’épiscopat local.
Un domaine particulièrement important à cet égard est celui des Visites Apostoliques ordinaires aux Séminaires, qui sont nécessaires pour maintenir un dialogue et un échange constants entre les Églises particulières et l’Église universelle. Afin de garantir cet esprit, le bureau des séminaires favorise le dialogue avec les Commissions épiscopales appropriées, ainsi qu’avec les associations nationales des séminaires.
En plus de ce contact étroit avec les Églises locales, le dicastère promeut régulièrement des cours de formation pour formateurs dans les Séminaires, généralement par zones linguistiques. Il organise un cours de droit canonique pour les prêtres étudiants à Rome qui seront appelés à être des juristes dans leurs diocèses d’origine, ainsi qu’un cours de formation pratique pour ceux qui se consacreront plutôt aux activités éducatives, en particulier dans les séminaires. L’idée de base est de penser et de construire des séminaires qui prépareront des prêtres selon le Cœur du Christ, adaptés aux besoins du monde contemporain.
Le champ d’activité de la Congrégation comprend également le diaconat permanent. Quelle est la réalité de ce ministère dans l’Église aujourd’hui? Et quelle place spécifique donner aux diacres pour éviter le risque que leur rôle reste suspendu entre celui de prêtre et celui de laïc?
R. – Le Pape François l’a dit ouvertement: «Nous devons faire attention à ne pas considérer les diacres comme des demi-prêtres et des demi-laïcs». Et il a identifié leur principale caractéristique: ils sont «les gardiens du service dans l’Église». Pour certains, appelés diacres transitoires, l’ordination diaconale est une étape sur la voie du sacerdoce ministériel, dans laquelle l’attitude du Christ Serviteur est assumée pour la vie, en imitant le Seigneur Jésus également dans le célibat.
Le Concile Vatican II, dans le sillage de la tradition de l’Église, a aussi rétabli la possibilité du diaconat permanent, c’est-à-dire d’hommes, même mariés, ordonnés non pas pour le sacerdoce, mais précisément pour le service dans l’Église. En effet, ils exercent leur ministère dans les célébrations et la prédication, dans les œuvres de charité, dans le soin des pauvres et dans la collaboration compétente à l’administration des biens de l’Église.
La Congrégation pour le Clergé, dans sa récente Instruction sur le Renouveau de la Communauté Paroissiale (nn. 79-82), présentant une vision ministérielle de l’Église, et dans le sillage de l’enseignement du Concile et des Papes, a souligné la tâche des diacres permanents comme prophètes du service. Leur ministère, en outre, doit dépasser les limites de la communauté ecclésiale; en effet, ils sont envoyés aux «périphéries» et sont marqués par un charisme missionnaire, surtout pour la «première annonce» de l’Évangile dans les lieux frontaliers et dans les milieux de la vie ordinaire des gens. Je pense aux diacres permanents engagés dans les hôpitaux, les prisons, dans l’accueil des migrants, dans le monde de l’éducation et dans les centres d’écoute de Caritas: ils poursuivent aujourd’hui, au nom de toute l’Église, l’œuvre du Bon Samaritain.
Pour réaliser cette vocation spécifique, il faut une formation qui ne concerne pas seulement la dimension intellectuelle, mais aussi la maturité humaine et spirituelle, en vue de l’évangélisation. Pour cette raison, le Dicastère accompagne les Conférences épiscopales dans l’élaboration d’une Ratio pour la formation des diacres permanents, afin de réaliser pleinement le potentiel inhérent à leur vocation. En outre, la Congrégation est en dialogue avec les épiscopats locaux afin que soit institué dans le monde entier l’ordre des diacres permanents, qui n’a pas encore été restauré dans certaines Églises locales. Il incombe en fait aux conférences épiscopales de veiller à la promotion du diaconat permanent dans les différents pays.
En outre, un aspect unique du diaconat permanent est le fait que des hommes mariés peuvent également être admis à ce ministère. Cette option les distingue clairement des prêtres, qui sont toujours célibataires dans l’Église latine. En outre, le diacre permanent qui a une famille et exerce une profession est un témoin privilégié de l’appel universel à la sainteté dans la vie ordinaire. Cependant, il existe, bien qu’en plus petit nombre, des diacres permanents célibataires, qui témoignent de la valeur de la virginité pour le Royaume des Cieux, en prenant l’engagement du célibat au moment de l’ordination, afin de se consacrer avec plus de liberté aux exigences du ministère.
La Congrégation pour le Clergé s’engage à promouvoir le diaconat permanent dans toute sa richesse et sa pertinence : Ces hommes, en effet, ne sont pas des «enfants de chœur avec des étoles», mais des chrétiens engagés à manifester – en communion avec l’évêque et le presbytère diocésain – le visage de Jésus, qui n’est pas venu pour être servi mais pour servir et donner sa vie, à l’exemple de saint François d’Assise, qui fut diacre permanent et qui, motivant le service par la fraternité, nous enseigne à nous adresser aux autres en les appelant Fratelli tutti.
La miséricorde et « le courage sacerdotal », par le card. Stella (1
L’identité sacerdotale
L’identité du prêtre est caractérisée avant tout par « la miséricorde » et « le courage sacerdotal » affirme le cardinal Beniamino Stella citant les paroles du pape François.
Dans une longue interview aux médias du Vatican, le cardinal Stella présente le travail de la Congrégation pour le Clergé, dont il est préfet. Il réfléchit sur les vocations et la formation des prêtres ainsi que sur des « liens constitutifs de l’identité sacerdotale ».
« De nombreux prêtres », écrivait le pape dans une lettre au clergé pour le 160e anniversaire de la mort de saint Jean Marie Vianney (le 4 août 2019), « de manière constante et intégrale », « font de leur vie une œuvre de miséricorde ».
L’identité du prêtre
L’identité du prêtre expliquée dans la lettre du pape au clergé, « rend explicites ‘deux liens constitutifs de l’identité sacerdotale: le lien personnel, intime et profond avec Jésus, et le lien avec le Peuple de Dieu’ », note le cardinal. L’attitude que le pape propose, « à l’exemple de la Mère de Dieu, est la louange ». En résumant les traits de la vie sacerdotale présentés dans la lettre, poursuit le préfet, « nous pourrions dire » « que le pape François demande aux prêtres d’aujourd’hui d’être des prêtres du Magnificat ».
Le pape François, explique le préfet, « ne parle pas, en effet, d’un prêtre idéal, qui n’existe pas, mais il s’adresse en réalité à la multitude des prêtres qui ‘en de nombreuses occasions, de manière silencieuse et sacrifiée’, en s’engageant ‘au service de Dieu et de son peuple’ … écrivent ‘les plus belles pages de la vie sacerdotale’ »
Le cardinal cite les paroles du pape sur la miséricorde, qui est « après le don de sa propre vie », « est une autre ‘qualité exquise’ du prêtre, qui le configure au Christ Bon Pasteur ». C’est « une attitude joyeuse, explique le card. Stella, qui puise sa force dans la prière et les sacrements, qui prend forme dans la communion avec l’évêque et ses confrères, qui se réalise dans l’enthousiasme pour l’évangélisation et qui, dans la persévérance et la ‘longanimité’, devient proximité et proximité ‘de la chair du frère qui souffre’ ».
Le préfet souligne que « le courage sacerdotal » est une « autre caractéristique » indiquée par le pape qui « explique que le ministère sacerdotal n’est pas à l’abri ‘de la souffrance, de la douleur et même de l’incompréhension’ ».
La formation sacerdotale
Le préfet évoque la rencontre des membres de la Congrégation avec le pape pendant l’Assemblée plénière de 2014. Lors de cette rencontre, rappelle-t-il, le pape « a défini la formation comme ‘garder et faire grandir les vocations pour qu’elles portent des fruits mûrs’ ». La formation sacerdotale, poursuit le cardinal, « est unique, elle commence au séminaire (formation initiale) et se poursuit tout au long de la vie du prêtre (formation continue) ».
La Congrégation, explique le card. Stella, accompagne les Conférences épiscopales « dans la promotion de la formation initiale et continue du clergé ». Les visites périodiques ad limina constituent « une occasion propice au dialogue avec les évêques des différents pays du monde, un moment où … une large place est accordée au thème des séminaires et des parcours de formation continue du clergé ». La Congrégation soutient « les évêques en tant que premiers responsables des vocations au sacerdoce ». « C’est une conviction partagée, souligne le cardinal, que la présence dans les communautés d’un clergé formé humainement, spirituellement, intellectuellement et pastoralement … contribuera de manière significative à créer un climat spirituel propice à la croissance de nouvelles vocations. »
Le cardinal Beniamino Stella, préfet de la Congrégation pour le clergé. (Vatican Media)
Cardinal Stella: «un nouveau désir d’évangélisation s’est éveillé chez les prêtres»
Dans un entretien à l’Osservatore Romano, le Préfet de la Congrégation pour le clergé revient sur la signification du Jeudi Saint et l’impact de la pandémie de coronavirus sur les prêtres, qui, malgré les difficultés, essaient d’exercer pleinement leur ministère pastoral.
Entretien réalisé par Nicola Gori – L’Osservatore Romano
C’est un Jeudi Saint différent des autres, celui de l’année de la pandémie de Covid-19. Ce jeudi 9 avril, le Pape, qui n’a pas célébré la messe chrismale le matin, préside l’après-midi la messe de la Cène du Seigneur à l’autel de la chaire de la basilique Saint-Pierre, mais sans le rite du lavement des pieds, déjà facultatif, ni la procession de l’offertoire, ni enfin la reposition du très saint sacrement. Comme lui, tous les prêtres, surtout en ces temps de Triduum, expérimentent de nouvelles façons d’être proches du peuple de Dieu, en utilisant également les réseaux sociaux. Ils essaient de vivre pleinement leur ministère pastoral, sans oublier que l’histoire biblique enseigne que même dans les moments les plus sombres et les plus dramatiques, le Seigneur suggère des espaces alternatifs pour le louer et le servir. Le cardinal Beniamino Stella, préfet de la Congrégation pour le clergé, en parle dans cet entretien avec L’Osservatore Romano, espérant que les gens – une fois l’urgence passée – se tourneront vers les prêtres avec la même gratitude que celle manifestée pour l’engagement héroïque des médecins, des infirmières, des agents de santé et des forces de l’ordre.
Cette année, en raison de la pandémie, la messe chrismale du Jeudi Saint n’est pas célébrée dans de nombreux diocèses, mais reportée à une date à fixer. Comment renouveler les promesses sacerdotales dans un contexte d’urgence dramatique ?
L’histoire biblique nous raconte tant de fois des situations de grande crise et des drames pour le peuple, dans lesquels même le Temple est détruit et il devient impossible de pratiquer le culte. À cet égard, les paroles de Jérémie sont inquiétantes : « Même le prophète et le prêtre parcourent le pays et ne savent pas quoi faire » (14:18). Pourtant, dans ces circonstances apparemment sans espoir, Dieu suggère d’autres espaces pour le louer et le servir ; de cette façon, il nous purifie aussi de certains de nos schémas pastoraux aduratiques et de certaines formes trop extérieures, qui peuvent parfois obscurcir la beauté de l’Évangile et la fraîcheur du rite liturgique.
Il est bien connu que dans la messe chrismale, ainsi appelée parce que l’évêque consacre les huiles pour les sacrements du baptême, de la confirmation, de l’ordre sacré et de l’onction des malades, le rite prévoit le renouvellement des promesses sacerdotales, qui rendent explicites les engagements pris le jour de l’ordination en relation avec la vie et le ministère de chacun. Maintenant, si ces promesses veulent exprimer l’identité profonde du prêtre, c’est-à-dire qu’il ne reçoit pas l’ordination à sa propre satisfaction, mais qu’il est un signe vivant du Christ Bon Pasteur qui offre sa vie pour ses frères, le Jeudi Saint nous avons l’occasion de les renouveler non seulement par nos lèvres et dans la prière de la messe chrismale, mais cette fois en portant sur nos épaules l’immense souffrance du peuple et de l’humanité chrétienne, en nous offrant comme intercesseurs devant le cœur de Dieu.
Tout en respectant les distances de précaution qui nous sont demandées, nous avons de nombreuses possibilités d’exprimer une proximité humaine et spirituelle et de témoigner de manière appropriée de l’offrande de notre vie pour le troupeau. Dans le silence du cœur, c’est une authentique prière qui plaît au Père et qui tombe sur le peuple de Dieu comme un baume qui apaise la solitude, la peur et le mal. Je suis certain que le matin du Jeudi Saint, souffrant intérieurement de l’absence du geste liturgique, aucun prêtre n’a oublié de se placer devant le Seigneur en renouvelant humblement et profondément les promesses d’ordination.
Comment les prêtres peuvent-ils exercer leur ministère pendant cette période ?
Je suis convaincu que c’est une bonne occasion pour le prêtre, lorsqu’on le lui demande devant Dieu et le peuple chrétien, de s’arrêter, de discerner et d’évaluer la tragédie que nous vivons, dans le cadre de sa responsabilité ministérielle. J’observe que précisément ces semaines-ci, un nouveau désir d’évangélisation et de soin pastoral du peuple de Dieu s’est éveillé chez les prêtres et, par conséquent, une créativité émerge qui nous rend proches des personnes qui ressentent, à notre surprise, la « faim » de l’Eucharistie. Jamais peut-être les communautés n’ont perçu dans leur cœur cette véritable nostalgie de leur église, des rencontres fraternelles qui s’y tiennent et surtout de la célébration de la messe. Les prêtres, notamment grâce à l’utilisation des réseaux sociaux et aux nombreux outils de communication numérique, ont ensuite pris part à une série d’initiatives qui se déroulent sur le web, en essayant d’offrir une riche variété de messages, de prières, d’homélies et de méditations sur la Parole de Dieu, et plus encore. C’est ainsi qu’ils peuvent exercer un véritable ministère, même en temps de pandémie, en restant proches, même s’ils sont éloignés.
Avez-vous trouvé des moyens intéressants pour le ministère pastoral ?
En réponse à une situation de grande fatigue et de souffrance, qui a paralysé nos énergies et contraint les gens à un isolement forcé, d’autres initiatives pastorales de présence, non seulement virtuelles, ont été activées, qui par des gestes et des paroles atteignent le cœur des fidèles. Aussi dans ces nouveautés créatives, le Saint-Esprit agit et soutient le voyage des croyants, à l’heure de la traversée du désert. Il y a cependant un aspect à ne pas négliger, qui appelle les prêtres à une attention pastorale particulière : ce moment difficile peut aider les gens à redécouvrir la dimension de l’Église domestique, la beauté de la prière en famille, l’importance de la lecture de l’Évangile dans leur propre maison. Afin d’aider le peuple chrétien à redécouvrir la profondeur de sa relation avec Dieu, je suis conscient que de nombreux curés, par exemple, préparent pour les familles des dépliants similaires à ceux de la messe, dans lesquels sont également indiqués, outre les lectures dominicales et une brève réflexion, un signe à placer au centre de la table, un geste chrétien à partager, la récitation du Notre Père ou une prière mariale. Nous avons également vu de petites branches d’olivier et des dessins bibliques des enfants exposés à l’extérieur des maisons comme autant d’expressions vivantes de la foi de la famille.
Comment le prêtre peut-il éviter la tentation – dont le Pape l’a mis en garde ces derniers jours – « d’être Don Abbondio » ? (Personnage d’un roman italien qui par peur refuse de célébrer des sacrements, NDLR)
Tout d’abord, la conviction intérieure, pour tout prêtre, doit être la suivante : la suspension des liturgies et les distances de sécurité ne doivent jamais devenir un alibi pour l’isolement ou le repos. Je ne doute pas que les prêtres aient été touchés par le sacrifice de tant de frères morts dans la contagion ; dans leur souffrance et dans l’isolement des services médicaux, regardant l’éternité en face, ces prêtres auront prié et offert leur vie pour leurs communautés, portant devant le Seigneur dans le tourment de la maladie, les besoins matériels et spirituels de leur peuple. Avec leur cœur, ils auront vu les visages de leurs jeunes en crise de foi et de tant de mères qui peinent et souffrent pour soutenir la fatigue et le labeur de leurs familles. En parlant avec certains prêtres, j’ai été ému d’entendre au téléphone la voix brisée par un véritable hoquet en raison de l’impossibilité humaine d’aider les fidèles dans le drame actuel.
J’ai donc perçu la valeur de la prière d’intercession pour le peuple de Dieu, soulignée à maintes reprises par le Pape François, comme lorsqu’il a demandé aux prêtres de « lutter avec Dieu » en faveur de leurs fidèles. J’ai aussi recueilli le labeur des prêtres, épuisés par les conversations avec les gens sur le téléphone portable, qui ressentent l’importance de ce soutien spirituel dans le désespoir de tant de cœurs. Contrairement au « Don Abbondio » fermé dans le presbytère dont le Pape a parlé, je vois aussi le prêtre sur les bancs de son église, attendant la visite de quelques fidèles, prêt à donner sa bénédiction et à dire un mot d’espoir et de consolation.
Comme le Pontife nous l’a recommandé au début de cette douloureuse tragédie, j’imagine que dans certains cas, les pasteurs ont également pu apporter l’onction des malades ou le saint Viatique à la maison d’un mourant. J’ai été fortement impressionné par l’exemple des fidèles laïcs – médecins ou infirmières – qui ont pu manifester leur foi en Jésus ressuscité en dessinant le signe de la croix sur le front des mourants. Nous ne pourons jamais oublier le geste des prêtres qui sont passés devant les cercueils de leurs fidèles avec la bénédiction de l’Église, confiant les morts, passés à la vie éternelle, au cœur miséricordieux de Dieu le Père, apportant dans leur propre personne, ne pouvant faire autrement, la présence de toute la communauté. Tout bon prêtre aura su inventer sa propre formule, ses propres gestes, en recueillant l’impulsion intérieure de son être de pasteur et celle de la voix de l’Esprit Saint qui le conduit à être actif et vigilant auprès de son peuple, selon les coutumes culturelles et liturgiques de chaque pays. J’aimerais vraiment qu’un jour, lorsque nous sortirons de cette pandémie infinie, nous pensions aux prêtres avec une gratitude et une affection semblables à celles avec lesquelles tant de gens parlent aujourd’hui des médecins, des infirmières, des travailleurs de la santé, des forces de police présentes sur le terrain jusqu’à l’héroïsme.