François chez les autochtones du Canada, fouler des terres traumatisées

Vue sur le pensionnats d'Ermineskin, où le Pape François se rendra lundi 25 juillet 2022. Vue sur le pensionnats d’Ermineskin, où le Pape François se rendra lundi 25 juillet 2022. (AFP or licensors)

François chez les autochtones du Canada, fouler des terres traumatisées

Ces dernières années, au fur et à mesure que des sépultures d’enfants ont été découvertes dans des pensionnats autochtones aux quatre coins du Canada, le monde découvre le traumatisme d’une population qui a souffert pendant des décennies d’un système visant à «tuer l’indien au sein de l’enfant». C’est sur des terres martyrisées que le Pape François effectue un pèlerinage pénitentiel, du 24 au 30 juillet.

Marine Henriot – Envoyée spéciale à Edmonton, Canada

En 1990, le chef Phil Fontaine, de l’Assemblée des Premières Nations, crevait l’abcès et dénonçait pour la première fois publiquement les cas d’abus dans les pensionnats autochtones gérés par le gouvernement fédéral canadien, soutenus par l’Église catholique. Dans le courant des années 2020, les découvertes de sépultures de centaines d’enfants aux abords de ces établissements ont provoqué une vague d’indignation et éveillé l’opinion canadienne et mondiale aux réalités des communautés autochtones du Canada. «On passe depuis quelques années d’une très grande ignorance et indifférence de la population canadienne à l’égard des autochtones, à une ouverture»,constate Jean-François Roussel, chercheur rattaché à l’Université de Montréal, anthropologue et spécialiste des cultures autochtones.

C’est donc une population traumatisée que le Pape François vient rencontrer sur leurs terres en cet été 2022. Une violence vécue dans les pensionnats, qui traversent les générations. «Certains autochtones ont décidé de couper les ponts avec leurs familles, avec la communauté, parce que c’est trop difficile, poursuit Jean-François Roussel, d’autres n’ont jamais compris pourquoi leurs parents démontraient si peu d’amour, et l’insécurité se reproduit entre les générations. Il est très difficile de composer avec cette histoire-là, avec des réflexes que finalement l’on ne comprend pas très bien». D’autres encore, n’avaient pas les mots pour parler de ce qu’ils subissaient: «Il y a la honte et la colère retournée contre soi-même», explique l’anthropologue.

Être autochtone et catholique

L’Église catholique entretient des relations avec les populations autochtones du Canada depuis le XVIIe siècle. En 1998, le Conseil autochtone catholique du Canada est créé au sein de la conférence des évêques catholiques du Canada (CECC) pour offrir informations et recommandations à propos des communautés autochtones et ainsi débuter un chemin de guérison.

En 2009, lors d’une audience exceptionnelle, Benoît XVI recevait des représentants autochtones en privé, le Pape bavarois avait alors fait part de ses regrets pour le rôle de l’Église dans l’assimilation forcée des enfants autochtones: «Le Saint-Père a exprimé ses regrets pour l’angoisse causée par la conduite déplorable de certains membres de l’Église et a offert sa sympathie et sa solidarité dans la prière. Sa Sainteté a souligné que les gestes d’abus ne sauraient être tolérés dans la société», détaille le communiqué de presse du Saint-Siège à l’époque.

L’Église canadienne de son côté a présenté officiellement ses excuses en septembre 2021, six mois plus tard elle annonçait la création d’un fonds de 30 millions de dollars pour financer différents projets de réconciliation à travers le Canada. Au printemps 2022, recevant plus de 150 membres d’une délégation autochtone venue au Vatican, François faisait part de son honte et de son indignation: «Pour la conduite déplorable de ces membres de l’Église catholique, je demande le pardon de Dieu et je voudrais vous dire du fond du cœur: je suis vraiment affligé».

Aujourd’hui, peut-on lire sur le site officiel des organisateurs nationaux de la visite papale, «l’Église catholique a la responsabilité de prendre des mesures authentiques et significatives pour accompagner les peuples autochtones de ce pays sur le long chemin de la guérison et de la réconciliation».

Elder Fernie Marty est l’aîné de l’église du Sacré Cœur des Premières Nations, il accueillera lundi 25 juillet le Pape pour sa première journée à Edmonton. Cet homme solaire, à la queue de cheval et au regard profond, se définit comme catholique et autochtone. Né à Edmonton, il appartient à la Première nation Papaschase, «Je me sens bénis de vivre dans ces deux mondes», nous dit-il lors des derniers préparatifs pour accueillir François, «ma mère s’est assurée que je sois baptisé à ma naissance, et la famille de ma mère s’est assurée que je reste proche de notre culture autochtone. J’ai pu mélanger ces deux cultures dans lesquels je suis né».  

Selon le dernier grand recensement canadien réalisé en 2011, 36% des personnes autochtones se disaient catholiques et 31% affirmaient n’appartenir à aucun groupe religieux. Un recensement non obligatoire, nuance cependant Jean-François Roussel, «l’ensemble des chercheurs s’accordent à dire que ce recensement n’est pas très fiable», mais il est actuellement l’un des seuls outils statistiques disponibles pour déterminer la proportion de catholiques parmi les autochtones: «La foi catholique reste une référence importante parmi les communautés autochtones et dans la mémoire familiale. Il y a une dimension existentielle de la foi chrétienne, un attachement au Christ avec les formes communautaires locales».  

Par ailleurs, si certains autochtones ont l’impression d’avoir été trahis par l’Église, le respect du choix des personnes et la liberté religieuse sont très valorisés dans la culture autochtone.

Attachement à la terre

La terre est intrinsèquement attachée à la loi sur les Indiens de 1876. Cette même terre sur laquelle ont été érigés les 139 pensionnats, cette même terre confisquée par le gouvernement fédéral canadien, divisée en réserves «pour régler le problème indien», explique Jean-François Roussel. Ainsi, bien que l’Alberta soit le territoire traditionnel des Premières nations, les 138 réserves ne représentent aujourd’hui qu’un peu plus de 1% de la superficie totale de la province, abritant les membres des 47 Premières nations de l’Alberta.

Des réserves gérées avec des textes humiliants. Certains stipulent par exemple que ces territoires spoliés ne doivent pas mesurer plus de 2,6 km carrés pour chaque famille de cinq personnes. De nombreuses générations d’autochtones ont grandi sur des terres convoitées, confisquées, «la terre est liée à une expérience souffrante», explique l’anthropologue, «les pensionnats ont été créés pour transformer la mentalité des enfants, pour extirper ce rapport à la terre et en faire des Canadiens bien comme les autres, qui se mêlaient aux autres Canadiens».

Enfin, la terre représente également la mère nourricière, abris des bisons, source de nourriture et base du nomadisme, avant leur disparition progressive et l’arrivée de la famine dans certaines régions. «Oui j’ai entendu les excuses du Pape à Rome, et elles furent essentielles, mais c’est beaucoup plus important précisément ici, car c’est là que tout est arrivé. Je ne sais pas à quoi ressemble guérison dont on parle, mais quoi qu’il arrive, je suis prêt à la suivre!», conclut l’aîné Fernie Marty.

Source: VATICANNEWS, le 23 juillet 2022

François à Sainte-Marie-Majeure avant son voyage au Canada

Le Pape François à Sainte-Marie-Majeure, à Rome, le 22 juillet 2022.Le Pape François à Sainte-Marie-Majeure, à Rome, le 22 juillet 2022.

François à Sainte-Marie-Majeure avant son voyage au Canada

Comme il en a l’habitude avant chaque voyage apostolique, le Pape François s’est rendu, vendredi 22 juillet, en la Basilique Sainte-Marie-Majeure de Rome, afin de confier son «pèlerinage pénitentiel» à la Vierge Marie. 

Vatican News

«Ce matin, vendredi 22 juillet, le Pape François s’est rendu à la basilique Sainte-Marie-Majeure pour prier devant l’icône de la Vierge Salus Populi Romani et lui confier son prochain voyage au Canada. Après cela, il est retourné au Vatican», indique un communiqué du Bureau de Presse du Saint-Siège publié peu après ce déplacement.

Une photo prise durant ce moment de recueillement montre le Saint-Père en fauteuil roulant, devant l’icône de la sainte patronne de la ville de Rome, conservée dans la chapelle Borghèse de la basilique papale.

Le 37e voyage apostolique de François débutera ce dimanche 24 juillet. Le Souverain Pontife quittera Rome à 9h00 – heure de Rome – pour arriver à 11h20 – heure locale, il sera 19h20 à Rome – à Edmonton, au centre-ouest du Canada, la capitale de la province de l’Alberta. François restera au Canada jusqu’au 30 juillet, visitant aussi les villes de Maskwacis, Québec et Iqaluit.

Un voyage historique, présenté comme un «pèlerinage pénitentiel», par le Pape François, qui, avait-il expliqué lors de l’angélus du 17 juillet dernier, «contribuera au cheminement de guérison et de réconciliation déjà entrepris».

Source: VATICANNEWS, le 22 juillet 2022

Canada : le voyage apostolique du pape François, du 24 au 30 juillet prochain

Premières Nations du Canada, 28 mars 2022 © Vatican Media

Premières Nations Du Canada, 28 Mars 2022 © Vatican Media

Canada : le voyage apostolique du pape François, du 24 au 30 juillet prochain

Une « visite historique », disent les évêques canadiens

Le pape François se rendra au Canada du 24 au 30 juillet 2022, annonce le directeur de la Salle de presse du Saint-Siège, Matteo Bruni, ce vendredi 13 mai : « Accueillant l’invitation des autorités civiles et ecclésiales ainsi que des communautés autochtones, lit-on dans un communiqué officiel, le Saint-Père François accomplira un voyage apostolique au Canada du 24 au 30 juillet prochain, visitant les villes d’Edmonton, Québec et Iqaluit.Le programme et les détails du voyage seront rendus publics dans les prochaines semaines. »

Mgr Raymond Poisson, président de la Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC), a salué la confirmation officielle de la visite au nom des évêques catholiques du Canada : « Nous sommes immensément reconnaissants envers le Saint-Père qu’il ait accepté notre invitation à poursuivre le chemin de la guérison et de la réconciliation avec les peuples autochtones de ce pays, lit-on sur le site de la CECC. À la fin du mois de juillet, le pape François aura l’occasion de rendre visite aux peuples autochtones ici, dans leur patrie, comme il l’a promis lorsqu’il les a rencontrés récemment à Rome. Nous prions pour la santé du Saint-Père alors que nous entreprenons la planification intensive de cette visite historique. »

Edmonton, Québec et Iqaluit

Le Vatican annonce que le pape François fera trois arrêts lors de sa visite canadienne, soit : à Edmonton, à Québec et à Iqaluit. Ces lieux, explique un communiqué de la CECC, « permettent de limiter les déplacements du Saint-Père tout en lui offrant l’occasion de faire des rencontres individuelles et publiques, tenant ainsi compte de la participation de toutes les régions du pays ».

Edmonton – capitale de l’Alberta – « compte le deuxième plus grand nombre d’Autochtones vivant dans les centres urbains au Canada. De plus, 25 pensionnats autochtones étaient situés en Alberta, soit le plus grand nombre parmi les provinces et les territoires du Canada ».

Iqaluit – la capitale et la plus grande ville du territoire du Nunavut, au nord du Canada – avec une population de 8 000 personnes, regroupe le plus grand nombre d’Inuits au Canada (environ 3 900). « Le pape François a été personnellement invité par les délégués Inuits à visiter le Nord lors de leur rencontre en mars », précise un communiqué.

D’après un communiqué des évêques, « la ville de Québec s’avère une destination accessible pour les personnes qui souhaitent voyager afin de voir le pape François, en particulier les peuples autochtones de l’Est du pays ». Dans la région se trouve « également la basilique Sainte-Anne-de-Beaupré, l’un des lieux de pèlerinage les plus anciens et les plus populaires en Amérique du Nord ».

Mgr Smith, coordonnateur général de la visite

La CECC a nommé Mgr Richard Smith, archevêque d’Edmonton, comme coordonnateur général de la visite papale « afin de guider cette immense initiative au nom des évêques du Canada ». Mgr Smith a également accompagné des délégués autochtones au Vatican et « il entretient des relations de longue date avec les dirigeants autochtones ».

Mgr Smith a émis le commentaire sur sa nomination : « Je suis honoré de servir en tant que coordonnateur général pour cette visite historique du pape François. J’ai hâte de travailler avec les peuples autochtones de partout au pays, ainsi qu’avec des partenaires locaux, provinciaux et fédéraux, alors que nous nous préparons à accueillir le Saint-Père et à continuer de marcher ensemble sur cet important chemin de guérison et de réconciliation. »

Les évêques canadiens notent que « les sites précis et le programme officiel » du voyage du pape François « seront convenus en étroite collaboration avec les partenaires autochtones aux niveaux local et national ». « Vu l’importance donnée à la guérison et à la réconciliation chez les autochtones, le Saint-Père devrait pouvoir visiter le site d’un ancien pensionnat et d’autres endroits d’une importance particulière », ajoutent-ils.

Les délégations des autochtones au Vatican

Les délégations des peuples autochtones du Canada ont été à Rome du 27 mars au 2 avril 2022, accompagnées de l’Église canadienne, pour rencontrer le pape François. Le communiqué des évêques canadiens du 13 mai rappelle que le 1er avril 2022 le pape François « s’est excusé pour le rôle joué par l’Église catholique dans le système des pensionnats autochtones du Canada ». Le pape a exprimé sa « tristesse et sa honte » pour les abus « à l’égard des identités » et « des valeurs spirituelles autochtones dans le système des pensionnats autochtones ».

« Les excuses du Saint-Père s’appuyaient sur les propos recueillis lors des rencontres privées tenues entre le 28 mars et le 1er avril avec 32 aînés autochtones, gardiens du savoir, survivants et survivantes des pensionnats autochtones et des jeunes représentant l’Assemblée des Premières Nations (APN), le Conseil national métis (CNM) et l’Inuit Tapiriit Kanatami (ITK) », note un communiqué.

Les personnes qui souhaitent en savoir davantage sur la visite papale au Canada peuvent trouver les dernières nouvelles au : www.visitepapale.ca/ www.papalvisit.ca.

Source: ZENIT.ORG, le 13 mai 2022