24.12.2023 – HOMÉLIE DU 4ÈME DIMANCHE DE L’AVENT – LUC 1,26-38

Quand vie et mort s’embrassent

Pa le Fr. Laurent Mathelot

Les icônes de la Nativité représentent souvent l’enfant Jésus emmailloté dans un linceul funéraire. C’est leur manière profonde de dépeindre le paradoxe de cette nuit de Noël où vie et mort s’embrassent pour l’éternité. Mort de cette humanité livrée à elle-même – à l’esclavage du péché – et vie de Dieu parmi les hommes. Le linceul du nouveau-né est la mise en abîme, dans l’icône de la Nativité, de la nuit de Pâques où cet enfant sera crucifié. Le nouveau-né dans un linceul est ici, déjà, symbole de résurrection.

Tout est dit : ce soir, la vie rejoint la mort pour l’éternité. Voilà ce que nous allons fêter. Le Christ ne vient pas seulement rejoindre les pécheurs, les publicains, les prostituées, les voleurs, les paralytiques et les lépreux. Le Christ, ce soir, rejoint encore plus misérable que les misérables ; il rejoint la mort. La divinité embrasse d’amour l’humanité jusqu’à assumer, déjà, être sacrifiée.

C’est une des plus belles images du christianisme que celle d’un enfant emmailloté dans un linceul, bien que vivant. Tout est dit de la vie, de la mort et de la résurrection : Dieu rejoint l’humanité comme un petit enfant qui sera crucifié. Il n’y a, à la fois, pas image plus fragile de la divinité et image plus forte. On retrouve le paradoxe de l’incarnation : c’est au sein de notre faiblesse que Dieu se révèle le plus fort, dira Paul (2 Co 12, 7-10)

L’orient ancien conserve la tradition des hébergements nomades dans des grottes, les animaux en bas ; les gens en haut. C’est une structure qu’on voit encore dans nos vieilles fermes, pour profiter de la chaleur animale durant la froideur de la nuit. Les récits nous disent que Marie n’a pas trouvé de place à l’étage des humains ; qu’elle a dû enfanter parmi le bétail et que l’enfant fut mis dans une mangeoire. Même parmi les plus rustres, il se trouve des gens pour céder leur place à une mère qui accouche. Ici, personne. Pas un ne se lève pour aller dormir avec les bêtes. Au moment de naître, personne ne fait de la place au Christ, alors que tous, en ces temps d’occupation romaine, implorent Dieu pour la venue d’un sauveur. Que celui qui nous révélera notre humanité naisse parmi les bêtes et on comprend à nouveau que le paradoxe est révélateur.

La nuit de Noël, c’est la nuit des paradoxes. Dans la rue les mendiants vont croiser des gens pressés de se rendre à de riches banquets. Et plus tard, ceux qui ont faim recroiseront d’autres qui se sont rendus malades, à trop boire et manger.

La nuit de Noël, c’est la nuit des paradoxes. Les familles se rassemblent et celles et ceux qui souffrent de solitude l’éprouveront d’avantage : unetelle devant sa télé ; untel accoudé seul à un bar. Qui a-t-il de plus triste qu’une personne abandonnée de tous le soir de Noël. C’est pourtant ce que nous fêtons.

La nuit de Noël, c’est la nuit des paradoxes, où les plus belles illuminations vont remplir d’éclat la fête d’une naissance passée totalement inaperçue, sauf de pauvres bergers alentour et de quelques sages guidés de loin.

Dieu se fait homme, tout puissant dans un nouveau-né, lumière du monde qu’à peine on aperçoit. Le paradoxe de la nuit de Noël port un nom : kénose, qui vient du grec qui signifie se vider, s’effondrer, s’anéantir – personnellement, je conserve l’image de Dieu qui endosse l’humanité comme un costume beaucoup trop étroit. La kénose s’est s’apetisser jusqu’à devenir méconnaissable pour rendre paradoxalement éclatante sa grandeur. Et c’est ce qu’on retrouvera tout au long de l’enseignement de Jésus : le plus petit parmi vous est le plus grand ; celui qui s’abaisse sera élevé ; les premiers seront les derniers et les derniers premiers ; faites du bien à ceux qui vous persécutent ; aimez vos ennemis. Toutes ces phrases sont le reflet de ce paradoxe de la nuit de Noël, de la grandeur qui survient dans les plus basses conditions, parmi les plus humbles et, même, face aux plus grands dangers.

C’est le paradoxe de l’Évangile d’aujourd’hui, le paradoxe de l’Annonciation. Marie est une jeune fille – si on se reporte aux mœurs de l’époque, elle ne doit pas avoir plus de quatorze ans – une jeune vierge, promise en mariage à un homme nommé Joseph. Elle se retrouve enceinte et tous deux savent pertinemment que l’enfant n’est pas de lui. Voilà exactement comment l’enfant Jésus apparaît au monde.

Joseph aurait pu – parce que c’était à l’époque la loi – faire lapider Marie. Il lui suffisait de la dénoncer, puisqu’elle-même reconnaissait ne pas être enceinte de lui. C’étaient alors les mœurs de lapider les vierges tombées enceintes.

Il n’y a pas plus radical abaissement, de la part de Dieu, que d’arriver au monde par l’innocence d’une jeune fille que la résolution du cœur d’un seul homme pouvait condamner à mort ou laisser vivre.

Il n’y a pas plus fragile naissance que celle soumise à la fragilité de cœur des hommes. Voilà qui dit tout du Christ et de l’incarnation de Dieu dans notre vie.

Fr. Laurent Mathelot OP

Source : RÉSURGENCE.BE, le 20 décembre 2023

24.12.2023 – HOMÉLIE DU 4ÈME DIMANCHE DE L’AVENT – LUC 1,26-38

4ème dimanche de l’Avent

Dieu avec nous

Pistes pour l’homélie


Textes bibliques : Lire


En cette période de l’Avent, nous célébrons la venue de Jésus. L’Avent c’est l’avènement, c’est Jésus qui vient. Nous nous rappelons qu’il est venu dans des conditions misérables lors du premier Noël. Il est venu dans un pays opprimé par une armée étrangère. Il continue à venir dans le monde tourmenté qui est le nôtre aujourd’hui. Il ne vient pas pour résoudre nos problèmes terrestres immédiats mais pour nous libérer de l’esclavage du péché qui nous détourne de Dieu.

Cette venue de Dieu était déjà annoncée dans le livre de Samuel (1ère lecture). À l’époque, l’arche de l’alliance était le symbole de la présence de Dieu au milieu de son peuple. Mais le roi David n’avait pas compris. Il souhaitait pour Dieu une maison grandiose. Alors Dieu lui fait comprendre qu’il n’a pas besoin d’un temple grandiose. À la lumière des Évangiles, les chrétiens comprendront que le seul vrai temple c’est Jésus lui-même. En lui, c’est Dieu qui se rend présent en chacun de nous.

Dans la seconde lecture, l’apôtre Paul s’adresse à des chrétiens persécutés. Malgré les nombreuses épreuves qui les accablent, ils ont dû apprendre à faire confiance. Ils ne doivent jamais oublier ce Dieu qui s’est fait homme en la personne de Jésus. Cette bonne nouvelle a été “portée à la connaissance des peuples païens pour les conduire à l’obéissance de la foi”. En Jésus, c’est Dieu qui vient à eux pour les sortir de la vie sans but qui était la leur jusque-là. À la suite de Paul et de toute l’Église, nous rendons grâce à Dieu pour cette merveille.

Dans l’Évangile de ce jour, nous avons entendu le récit de l’Annonciation ou plutôt celui de la vocation de Marie. L’ange Gabriel se rend chez elle pour lui annoncer qu’elle a été choisie par Dieu pour être la mère de son Fils. Et Marie répond librement : “Je suis la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole”. Cet Évangile est une réponse à la première lecture. Dieu ne veut pas habiter une maison grandiose. Son grand désir c’est d’habiter le cœur des hommes. Il est “Emmanuel”, Dieu avec nous. Il veut que nous devenions familiers de sa présence et que nous cheminions ensemble vers son Royaume d’éternité. Il nous invite à être en communion d’amour avec lui et avec tous nos frères. Tout cela a commencé très humblement, à Nazareth, un petit village dont personne n’avait jamais entendu parler. Marie a répondu oui à l’appel de Dieu. Elle a accepté librement d’être la “servante du Seigneur”. Elle a servi l’humanité en lui donnant Celui qui est venu dans le monde pour le salut de tous les hommes.

Le même Christ veut venir habiter en nous ; c’est là tout le message de Noël. Vivre Noël, ce n’est pas d’abord faire un réveillon. Noël, c’est Jésus qui vient. Il frappe discrètement à notre porte et il attend notre réponse. Le plus beau cadeau de Noël c’est Jésus qui vient demeurer en nous. Accueillir Dieu et le donner au monde, c’est quelque chose d’extraordinaire. Nous y trouvons une joie que personne ne peut nous enlever. Avec lui et avec la Vierge Marie, toutes nos visites deviennent des visitations.

Ce cadeau que nous avons reçu, nous ne pouvons pas le garder pour nous. C’est comme une lumière qui doit être mise sur le lampadaire pour qu’elle éclaire notre monde. Le Seigneur compte sur nous pour lui préparer une place dans le cœur des hommes. Il a besoin de nos mains pour continuer les siennes. Il a besoin de nos lèvres pour prononcer ses paroles. Il a besoin de nos yeux pour voir la souffrance humaine et la soulager. Quelle que soit la question qu’il nous pose, il nous invite à lui dire oui. Avec lui, c’est une grande aventure qui commence. Accepter le Christ et l’offrir au monde c’est vraiment LA chance de notre vie. Comme Paul, nous pourrons dire : “Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi”.

En nous rassemblant à l’église, nous avons répondu à l’appel du Seigneur. Chaque dimanche, il rejoint les communautés réunies en son nom. En nous nourrissant de sa Parole et de son Corps, il vient habiter en nous. Il veut être avec nous et en nous pour nous conduire vers le Royaume qu’il est venu annoncer. En ce jour, nous pouvons lui adresser cette prière : “Dieu qui veux habiter les cœurs droits et sincères, donne-nous de vivre selon ta grâce, alors tu pourras venir en nous pour y faire ta demeure. Amen”

Source : PUISERALASOURCE.FR