13.11.2022 – HOMÉLIE DU 33ÈME DIMANCHE ORDINAIRE – LUC 21,5-19

Acclamez le Seigneur car il vient !

Homélie


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Nous approchons de la fin de l’année liturgique. Chaque année, la liturgie nous annonce le basculement vers le monde nouveau. Le prophète Malachie (1ère lecture) s’adresse à des croyants qui ne savent plus très bien où ils en sont. Les hommes ont longtemps cru pouvoir espérer une justice immédiate, une rétribution de leur vivant. Mais il a bien fallu se rendre à l’évidence : les justes qui restent fidèles au Seigneur sont persécutés. Par contre, les impies et les partisans du mal prospèrent.

Mais Dieu a une bonne nouvelle pour nous : le mal n’aura pas le dernier mot. Les croyants ne doivent pas désespérer. Un jour, Dieu manifestera qu’il sait faire la différence : il l’emportera sur les forces de destruction qui agitent les hommes et le monde. Ce sera l’établissement tant espéré de la justice de Dieu. Elle marquera sa victoire sur les ténèbres, sur le mal et sur la mort. Plus tard, Jésus annoncera que ce salut n’est pas que pour les fidèles ; il est offert à tous les hommes. Le Seigneur attend patiemment que tous se convertissent à son amour.

À l’époque de saint Paul, on pensait que ce retour du Seigneur était pour bientôt. Pour certains, c’était devenu un prétexte pour ne rien faire. On estimait que cela ne servait à rien de faire des projets, d’entreprendre ou de travailler. Dans sa lettre, Paul vient les recadrer ; lui-même se donne comme exemple : il a toujours exercé une activité pour ne pas peser sur les ressources de la communauté. Il les invite à travailler pour manger le pain qu’ils auront eux-mêmes gagné. Les chrétiens doivent être présents dans le monde par une vie de travail exemplaire. L’apôtre a des paroles dures pour les paresseux : “Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus.”

Dans l’Évangile de ce jour, nous avons entendu parler de catastrophes : il y aura la ruine du temple de Jérusalem, des guerres, des famines, des persécutions. En cette journée des pauvres, le pape nous appelle à une vraie solidarité envers les personnes déplacées ou exilées : « La guerre en Ukraine est venue s’ajouter aux guerres régionales qui sèment la mort et les destructions. À cause d’une superpuissance qui entend imposer sa volonté, des millions de gens sont déracinés… Ceux qui restent dans les zones de conflit vivent chaque jour avec la peur, le manque de nourriture, d’eau et de soins médicaux. » Saluant « la disponibilité des populations qui ont ouvert leurs portes pour accueillir des millions de réfugiés, au Moyen Orient, en Afrique centrale et maintenant en Ukraine, le pape reconnaît les difficultés pour assurer la continuité du secours, mais souligne le devoir chrétien de persévérer : « Pour nous, la générosité trouve sa motivation la plus forte dans le Fils de Dieu. De riche qu’il était, dit saint Paul, il s’est fait pauvre, pour nous enrichir par sa pauvreté. »

Le Seigneur est toujours bien présent au cœur de nos vies. Aucune épreuve ne peut nous séparer de son amour. Quand tout va mal, il est celui qui nous donne le courage de travailler à la construction d’un monde plus juste et plus fraternel. En ce temps de violences et dans nos jours de faiblesse, nous avons du mal à le reconnaître. Le jour du Seigneur semble tarder. Mais n’oublions jamais : Il n’y a pas d’autre sauveur à attendre que Jésus mort sur la croix et ressuscité.

Ceux qui se réclament de lui seront victimes de persécutions. Depuis de nombreux mois, nous voyons bien qu’elles ont pris une ampleur effrayante, surtout dans les régions de culture islamique. Nous pensons aussi aux chrétiens de Chine, de Corée du Nord et de bien d’autres pays. Et même dans nos pays d’Europe, le fait d’être chrétien est de plus en plus souvent motif d’exclusion.

Jésus nous annonce des temps difficiles. Nous aurons à lutter contre les forces du mal qui cherchent à nous détourner de lui. Le danger viendra également des “divertissements de ce monde” qui risquent d’en égarer beaucoup. Ce sont là des idoles qui viennent piéger notre attention et nous avaler tout entier. “Prenez garde !” nous dit Jésus. La seule attitude qui convient, c’est celle du veilleur. Nous sommes appelés à être ceux qui guettent l’aube du jour du Seigneur.

La liturgie de ce dimanche nous rappelle que nous sommes invités à avancer humblement et avec courage en nous ressourçant chaque jour à la Parole de Dieu. Cette Parole est “lumière pour nos pas”. Chaque dimanche, le Seigneur nous donne rendez-vous pour l’Eucharistie source et sommet de toute vie chrétienne. Puis il nous envoie pour agir comme lui et avec lui au service des autres. C’est avec lui que nous pourrons rester en éveil pour témoigner de l’espérance qui nous anime.

“Fais paraître ton jour… Seigneur !” À ce monde que tu fais chaque jour avec tendresse, donne un cœur de chair, donne un cœur nouveau. Sur les hommes qu’il t’a plu de créer à ton image, envoie ton Esprit, un Esprit nouveau. Amen

Père Jean Compazieu

Source: DIMANCHEPROCHAIN.ORG, le 6 novembre 2022

13.11.2022 – HOMÉLIE DU 33ÈME DIMANCHE ORDINAIRE – LUC 21, 5-19

Évangile de Luc 21, 5-19

Le jour du Seigneur

Avez-vous entendu parler de la « collapsologie » ? Du latin collapsus – évanouissement –, c’est la science des effondrements. C’est aujourd’hui très à la mode. C’est elle qui étudie l’effondrement des espèces, mais aussi des économies et, au-delà, de nos modes de vies et civilisations. Il y a, derrière la notion de collapsologie, la crainte d’un château de carte qui s’écroule.

Les lectures d’aujourd’hui sont un traité de collapsologie, qui parlent du « Jour du Seigneur », de la fin des temps, de l’Apocalypse, de l’effondrement final de tout ce qui ne résiste pas face à Dieu.

Les livres d’Histoire nous racontent les récits de civilisations qui se sont effondrées, d’époques millénaristes où tous pensaient la fin des temps arrivée. On pense aux grandes invasions, aux grandes famines, aux grandes pestes. On pense aux guerres mondiales. On pense peut-être à aujourd’hui où le dérèglement climatique inquiète.

Si on est loin d’atteindre encore la crainte suscitée par la peste noire, quand en quelques mois l’Europe a perdu la moitié de ses habitants – il faut imaginer ce que c’est : voir mourir autour de soi une personne sur deux ! – si on est loin de la panique suscitée par l’arrivée de la peste, ou de la guerre, aujourd’hui beaucoup s’inquiètent d’un prochain effondrement, sinon de l’humanité, en tous cas de nos modes de vies.

Notre religion croit qu’il y a une fin des temps. Le Christ affirme qu’elle sera précédée de violents combats, même de persécutions ; et qu’elle sera le lieu de la Révélation de qui nous sommes vraiment. C’est ça le jugement final, le « jour du Seigneur » : lorsque, dans le combat pour la Vie, nous apparaissons finalement tels que nous sommes.

Elles révèlent la nature des hommes les pestes, les famines, les guerres et les persécutions quand elles arrivent. Au fur et à mesure que s’approchent les catastrophes, les comportements changent. On a des récits terribles d’actes atroces lors des grandes peurs collectives : que ce soit une invasion, une épidémie ou tout cataclysme qui s’annonce. Toujours, l’odeur de la fin révèle la nature humaine.

C’est exactement le sens du mot Apocalypse, qui ne signifie pas d’abord toute une série de catastrophes, de guerres ou de combats. Apocalypse, littéralement, signifie Révélation : du grec apokálupsis – enlever le voile, dévoiler. L’Apocalypse c’est avant tout la Révélation de la véritable nature humaine – celle du Christ et la nôtre – dans le combat final pour la vie.

On se doute bien que face aux tensions les plus vives, notre humanité en effet se révèle. C’est le cas des immenses joies de la vie : la naissance d’un enfant ou d’ une relation d’amour. C’est le cas hélas des circonstances les plus tragiques, des catastrophes, des épidémies, des guerres, de la mort quand elle survient, individuellement ou en masse. L’Apocalypse ce n’est pas d’abord un ensemble d’événements terribles ; l’Apocalypse c’est la révélation des comportements humains face à de tels événements.

Finalement, face à des catastrophes, c’est la nature du Christ en nous qui se révèle, comme elle se révèle sur la Croix, face à la persécution et à la mort. Si confrontés à une guerre qui s’annonce, vous prônez l’amour fraternel, si voyant surgir la famine vous persister à défendre le partage équitable, si quand survient une épidémie vous continuez à vouloir embrasser le lépreux, c’est sûr : on va vous persécuter. Même au sein de nos communautés, de nos familles si, face à l’ennemi qui nous assaille, nous prêchons encore l’amour, il s’en trouvera pour vouloir nous faire taire, et peut-être nous livrer à la mort.

Le Livre de Malachie présente le jour du Seigneur, c’est à dire Dieu qui se révèle à la fin des temps, comme un Soleil brûlant qui se lève, consumant comme la fournaise les arrogants – c’est-à-dire les impies – et guérissant de son rayonnement ceux qui craignent Dieu – c’est-à-dire les fidèles qui gardent ses commandements.

Mais qui ici ne se sent pas parfois arrogant ? Qui ici peut prétendre être resté fidèle, en toutes circonstances, au commandement d’aimer ? Et comment réagirions-nous face à l’imminence d’un cataclysme, d’une guerre ou d’un effondrement de masse ? Même préoccupés par l’état climatique de la planète, nous sommes loin d’un état de panique généralisé, où le frère dispute le pain au frère et les gens s’entre-tuent pour survivre. Mais face à la mort qui s’approche, face au combat pour la vie, serons-nous de ceux que terrorise la peur ou de ceux qui maintiendront jusqu’au bout l’amour ? Serons-nous des lâches ou des justes ? Avez-vous déjà été confrontés à un moment de panique ?

Être arrogant, c’est avant tout se croire supérieur – supérieur aux autres et supérieur à Dieu. Et que ça nous arrive à tous, parfois, de nous croire supérieurs. C’est précisément cette arrogance que l’Apocalypse vient dramatiquement révéler, car il arrive toujours un moment où la mort gagne et notre supériorité s’effondre. A mesure que nous y avons cru, ce sera la panique. Les arrogants d’aujourd’hui seront les lâches de demain face à l’adversité. Comme ce sont les humbles face à la mort, qui seront les forts au moment venu. Le Christ, en premier.

Tous nos Temples s’effondreront. Tous nos édifices aussi grands et beaux soient-ils tomberont en ruine, à commencer par l’édifice de notre propre vie. Le Temple, cette magnifique construction à la gloire du Dieu d’Israël, était à l’époque de Jésus flambant neuf et même pas encore totalement achevé : une merveille prête à rivaliser avec tous les édifices de l’Empire, à l’image de l’arrogance d’Hérode. Le Temple fonctionne ici comme l’image forte de tous nos édifices humains, de toutes nos constructions personnelles, de nos phantasmes spirituels.

Que viennent les catastrophes, la mort comme un fléau ou la fin des temps, et ils s’effondrent nos beaux idéaux sur la famille, la fraternité entre tous, et peut-être même le bel idéal que nous avons de nous-même. Que surgissent les malheurs, les famines et les guerres, que vienne la panique et nous verrons l’humanité s’effondrer. De quel coté serons-nous alors ? De celui des bourreaux, des arrogants apeurés ou de celui des victimes livrées à l’amour malgré tout ? Comment savoir ? Comment savoir comment moi, face à une situation apocalyptique, je réagirais ?

« Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus » (2 Th 3, 10) dit Paul aux Thessaloniciens. Face à l’ampleur des problèmes, l’oisiveté n’est pas acceptable. Comme le disait le pape François aux dernières JMJ, on ne peut plus être aujourd’hui un jeune qui reste affalé sur son divan. L’indice pour savoir comment nous nous comporterons en situation de grande détresse est notre volonté présente de ne pas rester passifs face aux défis du monde, aux urgences qui déjà se présentent à nous. Le Christ le dit à la fin de l’Évangile : « C’est par votre persévérance que vous garderez votre vie.»

Et en effet, si nous voulons vivre, quels que soient les défis, les drames, les catastrophes et la mort même qu’il nous faudra affronter, si nous avons su ne pas être arrogants et laisser l’amour du Christ lui-même prendre à travers nous notre défense, malgré la souffrance ou les persécutions, nous entendrons alors Dieu, son Père, nous dire, comme le disait l’antienne de l’Évangile : « Redresse-toi et relève la tête, car ta rédemption approche ». Il n’y a que le Christ en nous qui résistera à l’effondrement de tous les temples.

Ce sera alors pour nous l’Apocalypse, la véritable Révélation à travers nous de la puissance d’aimer de Dieu. Il suffit de persévérer à simplement aimer. Jusqu’à voir dramatiquement s’approcher la mort, les guerres, les souffrances et même les persécutions : aimer.

Si vous persistez à aimer, et Dieu et l’humanité, quels que soient les défis qui se présentent à vous, vous n’aurez jamais peur – c’est cet amour qui parlera pour vous – et vous serez sauvés.

Fr. Laurent Mathelot, dominicain

Source : RÉSURGENCES.BE, le 8 novembre 2022