13.03.2022 – ÉVANGILE DU JOUR

Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 9,28b-36.

En ce temps-là, Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il gravit la montagne pour prier.
Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage devint autre, et son vêtement devint d’une blancheur éblouissante.
Voici que deux hommes s’entretenaient avec lui : c’étaient Moïse et Élie,
apparus dans la gloire. Ils parlaient de son départ qui allait s’accomplir à Jérusalem.
Pierre et ses compagnons étaient accablés de sommeil ; mais, restant éveillés, ils virent la gloire de Jésus, et les deux hommes à ses côtés.
Ces derniers s’éloignaient de lui, quand Pierre dit à Jésus : « Maître, il est bon que nous soyons ici ! Faisons trois tentes : une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. » Il ne savait pas ce qu’il disait.
Pierre n’avait pas fini de parler, qu’une nuée survint et les couvrit de son ombre ; ils furent saisis de frayeur lorsqu’ils y pénétrèrent.
Et, de la nuée, une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi : écoutez-le ! »
Et pendant que la voix se faisait entendre, il n’y avait plus que Jésus, seul. Les disciples gardèrent le silence et, en ces jours-là, ils ne rapportèrent à personne rien de ce qu’ils avaient vu.

Acclamons et partageons la parole de Dieu !

COMMENTAIRE :

Saint François de Sales (1567-1622)

évêque de Genève et docteur de l’Église

Sermon pour le deuxième dimanche de carême , le 20 février 1622. (Œuvres de Saint François de Sales, Édition complète, Tome X : Sermons-Volume IV; Annecy Imprimerie Niérat 1898 p.240-243; rev.)

« Il est bon d’être ici. »

Les Apôtres virent donc alors la face du Seigneur plus reluisante et éclatante que le soleil, et cette clarté, cette gloire, s’épancha jusque sur ses vêtements pour nous montrer qu’il n’en était pas si chiche qu’il n’en fit part à ses habits mêmes et à ce qui était autour de lui. Il nous fit voir un petit échantillon du bonheur éternel et une goutte de cet océan et de cette mer d’incomparable félicité pour nous la faire désirer tout entière ; si bien que le bon Saint Pierre, qui parlait pour tous, comme devant être leur chef, s’écria tout ému de joie et de consolation : « Ô qu’il est bon d’être ici », j’ai vu, voulait-il dire, beaucoup de choses, mais il n’y a rien de si désirable que d’être en ce lieu. Les trois disciples virent encore Moïse et Élie qu’ils n’avaient jamais vus et qu’ils reconnurent cependant très bien (…). Tous deux s’entretenaient avec notre divin Maître de son départ qui devait arriver en Jérusalem (Lc 9,31), départ qui n’est autre que la mort qu’il devait souffrir par amour ; puis soudain, après cet entretien, les Apôtres entendirent la voix du Père éternel disant : « C’est ici mon Fils bien aimé, écoutez-le. » Je remarque premièrement qu’en la félicité éternelle nous nous connaîtrons tous les uns les autres, puisqu’en ce petit échantillon que le Sauveur donna à ses Apôtres il voulut qu’ils reconnussent Moïse et Élie qu’ils n’avaient jamais vus. Si cela est ainsi, ô mon Dieu, quel contentement recevrons-nous en voyant ceux que nous avons si chèrement aimés en cette vie ! (…) Les amitiés qui auront été bonnes dès cette vie se continueront éternellement en l’autre. Nous aimerons des personnes particulièrement, mais ces amitiés particulières n’engendreront point de partialités, car toutes nos affections prendront leur force de la charité de Dieu qui, les conduisant toutes, fera que nous aimerons chacun des Bienheureux de cet amour éternel dont nous aurons été aimés de la divine Majesté. (…) Mais, en la Jérusalem céleste, de quel sujet parlerons-nous ? (…) Celui des miséricordes que le Seigneur nous a faites ici-bas, par lesquelles il nous a rendus capables d’entrer en la jouissance d’un bonheur tel que, seul, il nous suffit. Je dis seul, parce qu’en ce mot de félicité sont compris toutes sortes de biens, lesquels ne sont pourtant qu’un unique bien, qui est celui de la jouissance de Dieu en la félicité éternelle.

LECTURES :

Livre de la Genèse 15,5-12.17-18.

En ces jours-là, le Seigneur parlait à Abraham dans une vision. Il le fit sortir et lui dit : « Regarde le ciel, et compte les étoiles, si tu le peux… » Et il déclara : « Telle sera ta descendance ! »
Abram eut foi dans le Seigneur et le Seigneur estima qu’il était juste.
Puis il dit : « Je suis le Seigneur, qui t’ai fait sortir d’Our en Chaldée pour te donner ce pays en héritage. »
Abram répondit : « Seigneur mon Dieu, comment vais-je savoir que je l’ai en héritage ? »
Le Seigneur lui dit : « Prends-moi une génisse de trois ans, une chèvre de trois ans, un bélier de trois ans, une tourterelle et une jeune colombe. »
Abram prit tous ces animaux, les partagea en deux, et plaça chaque moitié en face de l’autre ; mais il ne partagea pas les oiseaux.
Comme les rapaces descendaient sur les cadavres, Abram les chassa.
Au coucher du soleil, un sommeil mystérieux tomba sur Abram, une sombre et profonde frayeur tomba sur lui.
Après le coucher du soleil, il y eut des ténèbres épaisses. Alors un brasier fumant et une torche enflammée passèrent entre les morceaux d’animaux.
Ce jour-là, le Seigneur conclut une alliance avec Abram en ces termes : « À ta descendance je donne le pays que voici, depuis le Torrent d’Égypte jusqu’au Grand Fleuve, l’Euphrate, soit le pays des Qénites, des Qenizzites, des Qadmonites, des Hittites, des Perizzites, des Refaïtes, des Amorites, des Cananéens, des Guirgashites et des Jébuséens. »

Psaume 27(26),1.7-8.9abcd.13-14.

Le Seigneur est ma lumière et mon salut ;
de qui aurais-je crainte ?
Le Seigneur est le rempart de ma vie ;
devant qui tremblerais-je ?

Écoute, Seigneur, je t’appelle !
Pitié ! Réponds-moi !
Mon cœur m’a redit ta parole :
« Cherchez ma face. »

ne me cache pas ta face.
N’écarte pas ton serviteur avec colère :
tu restes mon secours.
tu restes mon secours.

Mais, j’en suis sûr, je verrai les bontés du Seigneur
sur la terre des vivants.
« Espère le Seigneur, sois fort et prends courage ;
espère le Seigneur. »

Lettre de saint Paul Apôtre aux Philippiens 3,17-21.4,1.

Frères, ensemble imitez-moi, et regardez bien ceux qui se conduisent selon l’exemple que nous vous donnons.
Car je vous l’ai souvent dit, et maintenant je le redis en pleurant : beaucoup de gens se conduisent en ennemis de la croix du Christ.
Ils vont à leur perte. Leur dieu, c’est leur ventre, et ils mettent leur gloire dans ce qui fait leur honte ; ils ne pensent qu’aux choses de la terre.
Mais nous, nous avons notre citoyenneté dans les cieux, d’où nous attendons comme sauveur le Seigneur Jésus Christ,
lui qui transformera nos pauvres corps à l’image de son corps glorieux, avec la puissance active qui le rend même capable de tout mettre sous son pouvoir.
Ainsi, mes frères bien-aimés pour qui j’ai tant d’affection, vous, ma joie et ma couronne, tenez bon dans le Seigneur, mes bien-aimés.

Homélie du dimanche 13 mars

Dimanche 13 mars 2022

2éme dimanche de Carême

Références bibliques :  

Lecture du livre de la Genèse : 15, 5. 12 à 18 : “Le Seigneur parlait à Abraham dans une vision.”  

Psaume 26 : “C’est ta face, Seigneur que je cherche.”  

Lettre de saint Paul aux Philippiens : 3. 17 à 4. 1 : “Nous sommes citoyens des cieux… nous attendons comme sauveur le Seigneur Jésus-Christ.”  

Evangile selon saint Luc : 9. 28 à 36 : “Son visage apparut tout autre, ses vêtements devinrent d’une blancheur éclatante.”   

 ***

L’ITINERAIRE DE LA FOI D’ABRAHAM.

Nous avons déjà vu, dimanche dernier, le départ de l’araméen errant que Dieu lance sur les pistes du pays de Canaan. C’est une autre étape de la vie de notre Père dans la foi dont nous recevons le message aujourd’hui : Dieu lui ouvre une promesse, la bénédiction pour lui-même et pour ses descendants, ou plus exactement tous ceux qui seraient en communion avec lui, une descendance si ample qu’elle constituera un peuple.

Délai, impatience et foi.

Dieu, auteur de la promesse et de l’alliance, met Abraham en possession de la Terre promise après l’avoir arraché à son errance en Chaldée. Ce n’est plus la foi du premier élan, c’est la foi affrontée à l’épreuve du délai. Cela nous le percevons mieux si nous lisons les chapitres 12 à 14. Ce à quoi nous sommes invités. La foi d’Abraham est victorieuse, mais il y a aussi l’impatience humaine : “Comment vais-je savoir ?” Nous nous sentons proche d’Abraham quand nous n’avons plus la foi du premier élan et que surgit en nous l’impatience.

Il nomadise, lui et son clan, dans le pays de Canaan. Certes il a déjà des alliés dans ce pays. Quand Lot est fait prisonnier lors d’une campagne menée par quelques rois locaux, Abraham est capable de lever un groupe de partisans, 318 dira même la Genèse. Il peut libérer son neveu et récupérer ses biens. (Genèse 14. 13 à 16) Mais il est sur la terre des autres. La réalisation tarde mais “Abraham eut foi dans le Seigneur. ” Il accepte pour garantie le seul engagement de Dieu. Il veut seulement savoir s’il en a possession.

Ceux qui voulaient sceller solennellement un accord, selon les traditions que nous connaissons de ce temps, tuaient un animal, le séparaient en deux et passaient au milieu. Si l’un ou l’autre des contractants venait à rompre le serment ainsi juré, il acceptait d’avance de subir le sort de la victime. L’étrange dans ce passage biblique, c’est que seuls les symboles de la présence divine passent ainsi entre les quartiers d’animaux. Et non pas Abraham ; rien ne lui est demandé sinon de croire.

S’éveiller à la lumière.

Abraham fut plongé dans un sommeil mystérieux. C’est une torpeur analogue à celle d’Adam au jour où Dieu lui donna la femme comme “aide qui lui soit assortie”. (Genèse 2. 21) Devant une grande oeuvre de Dieu, les facultés de l’homme terrestre “psychique” comme dirait saint Paul, sont comme suspendues.

Il en est ainsi des trois disciples sur la montagne. Ils sont atteints par le sommeil quand une gloire, la gloire de Dieu trop forte pour eux, se manifeste en Jésus transfiguré. Ils ne verront la gloire du Fils que quand eux-mêmes se seront éveillés, c’est-à-dire quand ils commenceront d’avoir part à la résurrection de leur Seigneur. Lire ainsi Philippiens 3. 20 et 21. “Il transformera nos pauvres corps à l’image de son corps glorieux.”

LA TRANSFIGURATION

Une semaine avant la Transfiguration, selon saint Luc, Pierre avait confessé sa foi en la divinité de Jésus :”Tu es le Messie de Dieu.” (Luc 9. 20) Jésus leur parla, à ce même moment, de sa passion, de sa mort et de sa résurrection.

Il invite Jacques, Pierre et Jean à prier, c’est-à-dire, à partager avec lui ces moments d’intense intimité avec son Père, ce dialogue qu’ils n’auront pas le courage de partager au Jardin des Oliviers au moment de l’agonie. Jacques sera le premier à mourir pour le Christ. Pierre vient de confesser sa foi en la divinité et Jean sera le témoin de la gloire divine et de la lumière de Dieu :”Nous avons vu le Verbe venu dans la chair, la Parole, le Logos de Dieu.” Le premier chapitre de l’évangile de saint Jean est à relire dans ce contexte de la Transfiguration.

Jésus, lumière de Dieu.

Le visage du Christ leur manifeste la splendeur naturelle de la gloire divine, qu’il possède en lui-même et qu’il garde en son incarnation, même si cette gloire divine est cachée sous le voile de la chair. En Lui, la divinité s’est unie sans confusion avec la nature humaine. Il leur manifeste ainsi, au sommet de la montagne, non pas un spectacle nouveau le concernant, mais la manifestation, éclatante en Lui à ce moment, de la divinisation de la nature humaine, (y compris le corps, “le visage”) et de son union avec la splendeur divine.

Totalement homme, pleinement Dieu.

Quand resplendit une gloire sur le visage de Moïse au Sinaï, elle venait de l’extérieur (Livre de l’Exode 34. 29) Au Thabor, c’est le visage du Christ qui est source de lumière, source de la vie divine rendue accessible à l’homme et qui se répand aussi sur ses vêtements, c’est-à-dire sur le monde extérieur à lui-même et sur les produits de l’activité et de la civilisation humaines.

Saint Jean l’exprime dans les premiers versets de son évangile :” La Parole de Dieu était la lumière véritable qui illumine tout homme venant dans le monde… nous avons contemplé sa gloire comme étant celle du fils unique d’auprès du Père, pleine de grâce et de vérité.” (Jean 1. 9 et 14)

“Dans ta lumière, nous verrons la lumière”, chante le psaume 35 au verset 10. Quand le brasier fumant et la torche enflammée passèrent entre les quartiers d’animaux qu’Abraham avait disposés  (Genèse 15. 18), il y avait des ténèbres épaisses. “Dieu, personne ne l’a jamais vu. Le fils unique, Dieu dans le sein du Père, l’a fait connaître.” (Jean 1. 18)

Vers la Terre Promise.

Aux côtés du Seigneur se trouvent Moïse et Elie, la Loi et le Prophètes, les deux sommets de l’Ancien Testament. Il nous faut lire le texte de saint Luc dans le grec lui-même, il est d’une toute autre signification. Ils sont dans la lumière. “Etant apparus en gloire, ils s’entretiennent avec lui de son exode (“exodos” chez saint Luc) qui allait s’accomplir à Jérusalem.” (Luc 9. 31) c’est-à-dire sa Passion, sa mort et sa résurrection, comme il s’en était entretenue, une semaine auparavant avec ses disciples, en même temps qu’il leur avait parlé de sa gloire (Luc 9. 26).

Au Thabor, saint Pierre, ravi de la contemplation de la lumière divine, voudrait se contenter de la jouissance terrestre de la lumière. Jésus le détourne de ce désir trop humain. Saint Luc dira de Pierre :”Il ne savait pas ce qu’il disait.” Il est “à côté de la plaque” pour utiliser une expression courante. Nous dirons en mieux, il est à côté de la réalité essentielle qu’ils vivent en cet instant.

 ***

Ce dimanche est par excellence un jour de fête, celle de la divinisation de notre nature humaine et de la participation de notre corps corruptible aux biens éternels, qui sont au-dessus de notre nature. Tout en rappelant ce qu’est notre Chemin, notre exode, au travers les événements de sa passion et de sa mort, le Sauveur nous montre que le but de sa venue dans le monde était précisément de conduire tout homme à sa Résurrection, à sa Vie. La contemplation de la gloire divine n’est pas qu’un spectacle extérieur à nous-mêmes. Elle est participation de toute notre vie à la divinisation. “Puissions-nous être unis à la Divinité de Celui qui a pris notre humanité.” (Offertoire de la messe)

“Tu nous as dit, Seigneur, d’écouter ton Fils bien-aimé. Fais-nous trouver dans ta Parole les vivres dont notre foi a besoin et nous aurons le regard assez pur pour discerner ta gloire.” (Prière d’ouverture de la messe)

“Pour avoir communié, Seigneur, aux mystères de la gloire, nous voulons Te remercier, Toi qui nous donnes déjà, en cette vie, d’avoir part aux biens de ton Royaume.” (Prière après la communion)

C’est cela la quête de la lumière.
Source : Église catholique en France

Commentaires du dimanche 13 mars

Commentaires de Marie-Noëlle Thabut,

dimanche 13 mars 2022

2e dimanche du Carême année C

1ère lecture

Psaume

2ème lecture

Evangile

PREMIERE LECTURE – livre de la Genèse 15,5-12.17-18

En ces jours-là,

Le SEIGNEUR parlait à Abraham dans une vision.

5 Il le fit sortir et lui dit :

« Regarde le ciel,

et compte les étoiles si tu le peux… »

Et il déclara :

« Telle sera ta descendance ! »

6 Abram eut foi dans le SEIGNEUR,

et le SEIGNEUR estima qu’il était juste.

7  Puis il dit :

« Je suis le SEIGNEUR,

qui t’ai fait sortir d’Our en Chaldée

pour te donner ce pays en héritage. »

8 Abram répondit :

« SEIGNEUR mon Dieu, comment vais-je savoir

que je l’ai en héritage ? »

9 Le SEIGNEUR lui dit :

« Prends-moi une génisse de trois ans,

une chèvre de trois ans,

un bélier de trois ans,

une tourterelle et une jeune colombe. »

10 Abram prit tous ces animaux,

les partagea en deux,

et plaça chaque moitié en face de l’autre ;

mais il ne partagea pas les oiseaux.

11 Comme les rapaces descendaient sur les cadavres,

Abram les chassa.

12  Au coucher du soleil,

un sommeil mystérieux tomba sur Abram,

une sombre et profonde frayeur tomba sur lui.

17 Après le coucher du soleil, il y eut des ténèbres épaisses.

Alors un brasier fumant et une torche enflammée

passèrent entre les morceaux d’animaux.

18 Ce jour-là, le SEIGNEUR conclut une Alliance avec Abram

en ces termes :

« A ta descendance

je donne le pays que voici,

depuis le Torrent d’Egypte jusqu’au Grand Fleuve, l’Euphrate. »

REGARDE LE CIEL ET COMPTE LES ETOILES

A l’époque d’Abraham*, lorsque deux chefs de tribus faisaient alliance, ils accomplissaient tout un cérémonial semblable à celui auquel nous assistons ici : des animaux adultes, en pleine force de l’âge, étaient sacrifiés ; les animaux « partagés en deux », écartelés, étaient le signe de ce qui attendait celui des contractants qui ne respecterait pas ses engagements. Cela revenait à dire : « Qu’il me soit fait ce qui a été fait à ces animaux si je ne suis pas fidèle à l’alliance que nous contractons aujourd’hui ». Ordinairement, les contractants passaient tous les deux entre les morceaux, pieds nus dans le sang : ils partageaient d’une certaine manière le sang, donc la vie ; ils devenaient en quelque sorte « consanguins ».

Pourquoi cette précision que les animaux devaient être âgés de trois ans ? Tout simplement parce que les mamans allaitaient généralement leurs enfants jusqu’à trois ans ; ce chiffre était donc devenu symbolique d’une certaine maturité : l’animal de trois ans était censé être adulte.

Ici Abraham accomplit donc les rites habituels des alliances ; mais pour une alliance avec Dieu, cette fois. Tout est semblable aux habitudes et pourtant tout est différent, précisément parce que, pour la première fois de l’histoire humaine, l’un des contractants est Dieu lui-même.

Commençons par ce qui est semblable : « Abram prit tous ces animaux, les partagea en deux, et plaça chaque moitié en face de l’autre ; mais il ne partagea pas les oiseaux. Comme les rapaces descendaient sur les morceaux, Abram les chassa. » La mention des rapaces est intéressante : Abraham les écarte parce qu’il les considère comme des oiseaux de mauvais augure ; cela nous prouve que le texte est très ancien : Abraham découvre le vrai Dieu, mais la superstition n’est pas loin.

Ce qui est inhabituel maintenant : « Au coucher du soleil, un sommeil mystérieux tomba sur Abram, une sombre et profonde tomba sur lui. Après le coucher du soleil, il y eut des ténèbres épaisses. Alors un brasier fumant et une torche enflammée passèrent entre les morceaux d’animaux. » A propos d’Abraham, le texte parle de « sommeil mystérieux » : ce n’est pas le mot du vocabulaire courant ; c’était déjà celui employé pour désigner le sommeil d’Adam pendant que Dieu créait la femme ; manière de nous dire que l’homme ne peut pas assister à l’oeuvre de Dieu : quand l’homme se réveille (Adam ou Abraham), c’est une aube nouvelle, une création nouvelle qui commence. Manière aussi de nous dire que l’homme et Dieu ne sont pas à égalité dans l’oeuvre de création, dans l’oeuvre d’Alliance ; c’est Dieu qui a toute l’initiative, il suffira à l’homme de faire confiance : « Abram eut foi dans le SEIGNEUR et le SEIGNEUR estima qu’il était juste ».

ABRAM EUT FOI DANS LE SEIGNEUR

« Un brasier fumant et une torche enflammée passèrent entre les morceaux d’animaux » : la présence de Dieu est symbolisée par le feu comme souvent dans la Bible ; depuis le Buisson ardent… la fumée du Sinaï… la colonne de feu qui accompagnait le peuple de Dieu pendant l’Exode dans le désert… jusqu’aux langues de feu de la Pentecôte.

Venons-en aux termes de l’Alliance ; Dieu promet deux choses à Abraham : une descendance et un pays. Les deux mots « descendance » et « pays » sont utilisés en inclusion dans ce récit ; au début, Dieu avait dit : « Regarde le ciel et compte les étoiles si tu le peux… Telle sera ta descendance !… Je suis le SEIGNEUR qui t’ai fait sortir d’Our en Chaldée pour te donner ce pays en héritage » et à la fin « A ta descendance je donne le pays que voici. » Soyons francs, cette promesse adressée à un vieillard sans enfant est pour le moins surprenante ; ce n’est pas la première fois que Dieu fait cette promesse et pour l’instant, Abraham n’en a pas vu l’ombre d’une réalisation. Depuis des années déjà, il marche et marche encore en s’appuyant sur la seule promesse de ce Dieu jusqu’ici inconnu pour lui. Rappelons-nous le tout premier récit de sa vocation : « Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, et va vers le pays que je te montrerai. Je ferai de toi une grande nation… » (Gn 12,1). Et dès ce jour-là, le texte biblique notait l’extraordinaire foi de l’ancêtre qui était parti tout simplement sans poser de questions : « Abram s’en alla comme le SEIGNEUR le lui avait dit. » (Gn 12,4).

Ici, le texte constate : « Abram eut foi dans le SEIGNEUR, et le SEIGNEUR estima qu’il était juste. » C’est la première apparition du mot « Foi » dans la Bible : c’est l’irruption de la Foi dans l’histoire des hommes. Le mot « croire » en hébreu vient d’une racine qui signifie « tenir fermement » (notre mot « Amen » vient de la même racine). Croire c’est « TENIR », faire confiance jusqu’au bout, même dans le doute, le découragement, ou l’angoisse. Telle est l’attitude d’Abraham ; et c’est pour cela que Dieu le considère comme un juste. Car, le Juste, dans la Bible, c’est l’homme dont la volonté, la conduite sont accordées à la volonté, au projet de Dieu. Plus tard, Saint Paul s’appuiera sur cette phrase du livre de la Genèse pour affirmer que le salut n’est pas une affaire de mérites. « Si tu crois… tu seras sauvé » (Rm 10,9). Si je comprends bien, Dieu donne : il ne demande qu’une seule chose à l’homme…. y croire.

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Note

Abraham est le nom qui est passé à la postérité ; mais à l’origine son nom était Abram. Nous lisons ici le chapitre 15 de la Genèse. C’est seulement au chapitre 17 que nous lirons le nouveau nom qui lui sera donné par Dieu.

Compléments

– v.7 : « Je suis le SEIGNEUR qui t’ai fait sortir d’Our en Chaldée » ; c’est le même mot que pour la sortie d’Egypte avec Moïse, six cents ans plus tard : l’oeuvre de Dieu est présentée dès le début comme une oeuvre de libération.

– v. 12 : « Un sommeil mystérieux tomba sur Abram » (verset 12) : le même mot (« tardémah » en hébreu) sera employé pour Adam (Gn 2), Abraham, Saül (1 S 26).

PSAUME – 26 (27),1.7-8.9a-d.13-14

1 Le SEIGNEUR est ma lumière et mon salut ;

de qui aurais-je crainte ?

Le SEIGNEUR est le rempart de ma vie ;

devant qui tremblerais-je ?

7 Ecoute, SEIGNEUR, je t’appelle !

Pitié ! Réponds-moi !

8 Mon coeur m’a redit ta parole :

« Cherchez ma face. »

C’est ta face, SEIGNEUR, que je cherche :

9 ne me cache pas ta face.

N’écarte pas ton serviteur avec colère :

tu restes mon secours.

13 J’en suis sûr, je verrai les bontés du SEIGNEUR

sur la terre des vivants.

14 « Espère le SEIGNEUR, sois fort et prends courage ;

Espère le SEIGNEUR. »

C’EST TA FACE, SEIGNEUR, QUE JE CHERCHE

En peu de mots, tout est dit ; la tranquille certitude : « Le SEIGNEUR est ma lumière et mon salut, de qui aurais-je crainte ? Le SEIGNEUR est le rempart de ma vie, devant qui tremblerais-je ? » mais aussi l’ardente supplication : « Ecoute, SEIGNEUR, je t’appelle ! Pitié ! Réponds-moi ! » Et ces états d’âme sont si contrastés qu’on pourrait presque se demander si c’est bien la même personne qui parle d’un bout à l’autre. Mais oui, bien sûr, c’est la même foi qui s’exprime dans l’exultation ou dans la supplication selon les circonstances. Et nous nous sentons autorisés à tout dire dans notre prière.

Circonstances gaies, circonstances tristes, le peuple d’Israël a tout connu ! Et au milieu de toutes ces aventures, il a gardé confiance, ou mieux « il a approfondi » sa foi. Enfin, entre la première et la dernière strophes, il faut noter le passage du présent au futur : première strophe, « Le SEIGNEUR EST ma lumière et mon salut », voilà le langage de la foi, cette confiance indéracinable ; dernière strophe, « Je VERRAI la bonté du SEIGNEUR… » et la fin « ESPERE » : l’espérance, c’est la foi conjuguée au futur.

Nous avons déjà rencontré ce psaume à plusieurs reprises au cours des trois années liturgiques ; aujourd’hui, arrêtons-nous sur deux expressions, « C’est ta face, SEIGNEUR, que je cherche » et « Je verrai les bontés du SEIGNEUR sur la terre des vivants. » Tout d’abord, « C’est ta face, SEIGNEUR, que je cherche » ; voir la face de Dieu, c’est le désir, la soif de tous les croyants : l’homme créé à l’image de Dieu est comme aimanté par son Créateur. Et, plus que jamais, pendant le temps du Carême, nous cherchons la face de Dieu !

Moïse a supplié : « Je t’en prie, laisse-moi contempler ta gloire. » et le Seigneur lui a répondu : « Tu ne pourras pas voir mon visage, car un être humain ne peut pas me voir et rester en vie… Voici une place près de moi, tu te tiendras sur le rocher ; quand passera ma gloire, je te mettrai dans le creux du rocher et je t’abriterai de ma main jusqu’à ce que j’aie passé. Puis je retirerai ma main, et tu me verras de dos, mais mon visage, personne ne peut le voir. » (Ex 33,18… 23). Ce qui est magnifique dans ce texte, c’est qu’il préserve à la fois la grandeur de Dieu, son inaccessibilité, et en même temps sa proximité et sa délicatesse.

Dieu est tellement immense pour nous que nous ne pouvons pas le voir de nos yeux ; le rayonnement de sa Présence ineffable, inaccessible, ce que les textes appellent sa gloire, est trop éblouissant pour nous ; nos yeux ne supportent pas de fixer le soleil, comment pourrions-nous regarder Dieu ? Mais en même temps, et c’est la merveille de la foi biblique, cette grandeur de Dieu n’écrase pas l’homme, bien au contraire, elle le protège, elle est sa sécurité. L’immense respect qui envahit le croyant mis en présence de Dieu n’est donc pas de la peur, mais ce mélange de totale confiance et d’infini respect que la Bible appelle « crainte de Dieu ».

DE QUI AURAIS-JE CRAINTE ?

Ceci peut nous permettre de comprendre le premier verset : « Le SEIGNEUR est ma lumière et mon salut, de qui aurais-je crainte ? » ; cela veut dire deux choses, au moins : premièrement, le peuple croyant n’a plus peur de rien ni de personne, y compris de la mort. Deuxièmement, aucun autre dieu ne lui inspirera jamais plus ce sentiment religieux de crainte. Le verset suivant ne fait que redire la même chose : « Le SEIGNEUR est le rempart de ma vie, devant qui tremblerais-je ? »

Cette confiance s’exprime encore dans la dernière strophe de notre psaume : « J’en suis sûr, je verrai les bontés du SEIGNEUR sur la terre des vivants. » A la suite de Moïse, le peuple libéré par lui compte sur les bienfaits de Dieu. Mais quelle est cette « terre des vivants » ? Certainement, d’abord, la terre donnée par Dieu à son peuple et dont la possession est devenue tout un symbole pour Israël ; symbole des dons de Dieu, elle est aussi le rappel des exigences de l’Alliance : la terre sainte a été donnée au peuple élu pour qu’il y vive « saintement ».

C’est l’un des thèmes majeurs du livre du Deutéronome par exemple : « Vous veillerez à agir comme vous l’a ordonné le SEIGNEUR votre Dieu sans dévier ni à droite ni à gauche. En tout, vous suivrez le chemin que le SEIGNEUR votre Dieu vous a tracé : alors vous vivrez, vous aurez bonheur et longue vie dans le pays dont vous allez prendre possession. » (Dt 5,32-33). Les « vivants » au sens biblique, ce sont les croyants.

Ne voyons donc pas dans cette expression « terre des vivants » une allusion consciente à une quelconque vie éternelle : quand le psaume a été composé, il ne venait à l’idée de personne que l’homme puisse espérer un horizon autre que terrestre ; personne n’imaginait que nous soyons appelés à ressusciter ; on sait que cette foi ne s’est développée en Israël qu’à partir du deuxième siècle av.J.C. Mais, désormais, pour nous, Chrétiens, brille la lumière de la Résurrection du Christ ; à sa suite et avec lui, nous pouvons dire : « Le SEIGNEUR est ma lumière et mon salut, de qui aurais-je crainte ? J’en suis sûr, je verrai les bontés du SEIGNEUR sur la terre des vivants », et pour nous, désormais, cela veut dire la terre des ressuscités.

DEUXIEME LECTURE – lettre de Saint Paul aux Philippiens 3,17-4,1

3, 17 Frères,

ensemble imitez-moi,

et regardez bien ceux qui se conduisent

selon l’exemple que nous vous donnons.

18 Car je vous l’ai souvent dit,

et maintenant je le redis en pleurant :

beaucoup de gens se conduisent en ennemis de la croix du Christ.

19 Ils vont à leur perte.

Leur dieu, c’est leur ventre,

et ils mettent leur gloire dans ce qui fait leur honte ;

ils ne pensent qu’aux choses de la terre.

20 Mais nous, nous avons notre citoyenneté dans les cieux,

d’où nous attendons comme sauveur

le Seigneur Jésus Christ,

21 lui qui transformera nos pauvres corps

à l’image de son corps glorieux,

avec la puissance active qui le rend même capable

de tout mettre sous son pouvoir.

4, 1 Ainsi, mes frères bien-aimés pour qui j’ai tant d’affection,

vous, ma joie et ma couronne,

tenez bon dans le Seigneur, mes bien-aimés.

CELUI QUI CROIRA ET SERA BAPTISE SERA SAUVE

L’heure est grave, certainement, puisque, Paul l’avoue lui-même, c’est en pleurant qu’il dit aux Philippiens : « Tenez bon dans le Seigneur, mes bien-aimés. » On croit entendre « tenez bon comme moi-même je tiens bon ». Puisqu’il dit : « Frères, ensemble imitez-moi » : une telle phrase nous surprend un peu ! D’autant plus qu’au moment où il écrit, Paul est loin et il est en prison. Mais justement, le problème des Philippiens, c’est qu’en l’absence de Paul, certains autres se présentent comme modèles et Paul veut à tout prix empêcher ses chers Philippiens de tomber dans le panneau. Au début de sa lettre, il leur a dit : « Dans ma prière, je demande que votre amour vous fasse progresser de plus en plus dans la pleine connaissance et en toute clairvoyance pour discerner ce qui est important. » (1,9-10). Quel est le problème ? Pour le comprendre, il faut se rappeler le contexte ; il apparaît un peu plus haut dans cette lettre. Des « mauvais ouvriers », comme dit Paul, se sont introduits dans la communauté et sèment le trouble : ils prétendent que la circoncision est nécessaire pour tous les Chrétiens. Paul a tout de suite saisi la gravité de l’enjeu théologique : si la circoncision est nécessaire, c’est que le Baptême ne suffit pas. Mais alors que devient la phrase de Jésus : « Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé » ?

La question est fondamentale, et on sait par les Actes des Apôtres et les autres lettres de Paul qu’elle a pendant un temps divisé les Chrétiens ; de deux choses l’une : ou bien l’événement de la « Croix du Christ » a eu lieu… ou bien non ! Et quand Paul dit « Croix du Christ », il veut dire tout ensemble sa Passion, sa Mort, et sa Résurrection… Si cet événement a eu lieu…  la face du monde est changée : Christ a fait la  paix par le sang de sa Croix… On trouve de nombreuses affirmations de ce genre sous la plume de Paul ; pour lui, la Croix du Christ est vraiment l’événement central de l’histoire de l’humanité. Et alors on ne peut plus penser comme avant, raisonner comme avant, vivre comme avant. Ceux qui affirment que le rite de la circoncision reste indispensable font comme si l’événement de la « Croix du Christ » n’avait pas eu lieu. C’est pour cela que Paul les appelle les « ennemis de la Croix du Christ ».

CITOYENS DES CIEUX

Apparemment, les Philippiens sont hésitants puisque Paul les met très sévèrement en garde. Dans un passage précédent, il a dit : « Prenez garde à ces chiens, prenez garde à ces mauvais ouvriers, avec leur fausse circoncision, prenez garde. Car c’est nous qui sommes les vrais circoncis, nous qui rendons notre culte par l’Esprit de Dieu, nous qui mettons notre fierté dans le Christ Jésus et qui ne plaçons pas notre confiance dans ce qui est charnel. » Là, Paul manie un peu le paradoxe : pour lui, les « vrais circoncis », ce sont ceux qui ne sont pas circoncis dans leur chair, mais qui sont baptisés en Jésus-Christ : ils misent toute leur existence et leur salut sur Jésus-Christ ; ils attendent leur salut de la Croix du Christ et non de leurs pratiques.

A l’inverse, et c’est là le paradoxe, il traite de « faux circoncis » ceux qui, justement, ont reçu la circoncision dans leur chair, selon la loi de Moïse. Car ils attachent à ce rite plus d’importance qu’au Baptême. Quand Paul dit « leur dieu c’est leur ventre », c’est à la circoncision qu’il fait allusion. Comment peut-on mettre en balance le rite extérieur de la circoncision et le Baptême qui transforme l’être tout entier des Chrétiens en les plongeant dans le mystère de la mort et de la Résurrection du Christ ?

Nous sommes là au niveau du contenu de la foi ; mais Paul voit encore un autre danger, au niveau de l’attitude même du croyant ; là encore, de deux choses l’une : ou bien nous gagnons notre salut par nous-mêmes et par nos pratiques, ou bien nous le recevons gratuitement de Dieu. L’expression « leur dieu c’est leur ventre » va jusque-là : ces gens-là misent sur leurs pratiques juives mais ils se trompent. « Ils mettent leur gloire dans ce qui fait leur honte ; ils ne tendent que vers les choses de la terre. » Adopter cette attitude-là, c’est faire fausse route : « Ils vont tous à leur perte », dit Paul.

Et il continue, indiquant ainsi le bon choix à ses chers Philippiens : « Mais nous, nous avons notre citoyenneté dans les cieux, d’où nous attendons comme sauveur le Seigneur Jésus Christ, lui qui transformera nos pauvres corps à l’image de son corps glorieux, avec la puissance active qui le rend même capable de tout mettre sous son pouvoir. » Dire que nous attendons Jésus Christ comme sauveur, c’est dire que nous mettons toute notre confiance en lui et pas en nous-mêmes et en nos mérites. Reprenons ce qu’il disait plus haut : « Car c’est nous qui sommes les vrais circoncis, nous qui rendons notre culte par l’Esprit de Dieu, nous qui mettons notre fierté dans le Christ Jésus et qui ne plaçons pas notre confiance dans ce qui est charnel.

Et c’est là qu’il peut se poser en modèle : s’il y en avait un qui avait des mérites à faire valoir, selon la loi juive, c’était lui ; quelques versets plus haut, il écrivait : « J’aurais pourtant, moi aussi, des raisons de placer ma confiance dans la chair. Si un autre pense avoir des raisons de le faire, moi, j’en ai bien davantage : circoncis à huit jours, de la race d’Israël, de la tribu de Benjamin, Hébreu, fils d’Hébreux ; pour l’observance de la loi de Moïse, j’étais pharisien ; pour ce qui est du zèle, j’étais persécuteur de l’Église ; pour la justice que donne la Loi, j’étais devenu irréprochable. Mais tous ces avantages que j’avais, je les ai considérés, à cause du Christ, comme une perte. » (Phi 3,4-7). En résumé, prendre modèle sur Paul, c’est faire de Jésus Christ et non de nos pratiques le centre de notre vie ; c’est cela qu’il appelle être « citoyens des cieux ».

EVANGILE – selon Saint Luc, 9, 28-36

En ce temps-là,

28 Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques,

et il gravit la montagne pour prier.

29 Pendant qu’il priait,

l’aspect de son visage devint autre,

et son vêtement devint d’une blancheur éblouissante.

30 Voici que deux hommes s’entretenaient avec lui :

c’étaient Moïse et Elie,

31 apparus dans la gloire.

Ils parlaient de son départ

qui allait s’accomplir à Jérusalem.

32 Pierre et ses compagnons étaient accablés de sommeil ;

mais, restant éveillés, ils virent la gloire de Jésus,

et les deux hommes à ses côtés.

33 Ces derniers s’éloignaient de lui,

quand Pierre dit à Jésus :

« Maître, il est bon que nous soyons ici !

Faisons trois tentes :

une pour toi, une pour Moïse, et une pour Elie. »

Il ne savait pas ce qu’il disait.

34 Pierre n’avait pas fini de parler,

qu’une nuée survint et les couvrit de son ombre ;

ils furent saisis de frayeur

lorsqu’ils y pénétrèrent.

35 Et, de la nuée, une voix se fit entendre :

« Celui-ci est mon Fils,

celui que j’ai choisi,

écoutez-le. »

36 Et pendant que la voix se faisait entendre,

il n’y avait plus que Jésus, seul.

Les disciples gardèrent le silence

et, en ces jours-là,

ils ne rapportèrent à personne rien de ce qu’ils avaient vu.

UN MESSIE INATTENDU

Quelques jours avant la Transfiguration, au cours d’un temps de prière avec ses disciples, Jésus leur a posé la question cruciale : « Qui suis-je au dire des foules ? » Pierre a su répondre : « Tu es le Christ (c’est-à-dire le Messie) de Dieu ». Mais Jésus, aussitôt, a mis les choses au point : le Messie, oui, mais pas comme on l’attendait : la gloire, oui, mais pas à la manière des hommes : la gloire, c’est-à-dire la Présence de Dieu, mais sur la croix, la gloire de l’amour et aucune autre : « Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, le troisième jour, il ressuscite. » (Lc 9,22).

Environ huit jours plus tard, Jésus conduit ses disciples Pierre, Jacques et Jean sur la montagne, il veut de nouveau aller prier avec eux. C’est ce moment de prière sur la montagne que Dieu choisit pour révéler à ces trois privilégiés le mystère du Messie. Car, ici, ce ne sont plus des hommes, la foule ou les disciples, qui donnent leur opinion, c’est Dieu lui-même qui apporte la réponse et nous donne à contempler le mystère du Christ : « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi, écoutez-le ! ».

Cette montagne de la Transfiguration nous fait penser au Sinaï ; et d’ailleurs Luc a choisi son vocabulaire de façon à évoquer le contexte de la révélation de Dieu au Sinaï : la montagne, la nuée, la gloire, la voix qui retentit, les tentes… Nous sommes moins étonnés, du coup, de la présence de Moïse et Elie aux côtés de Jésus. Quand on sait que Moïse a passé quarante jours sur le Sinaï en présence de Dieu et qu’il en est redescendu le visage tellement rayonnant que tous furent étonnés.

Quant à Elie, lui aussi marcha quarante jours et quarante nuits jusqu’à la montagne ; et c’est là que Dieu se révéla à lui de manière totalement inattendue : non pas dans la puissance du vent, du feu, du tremblement de terre, mais dans le doux murmure de la brise légère.

Ainsi, les deux personnages de l’Ancien Testament qui ont eu le privilège de la révélation de la gloire de Dieu sur la montagne sont également présents lors de la manifestation de la gloire du Christ. Luc est le seul évangéliste à nous préciser le contenu de leur entretien avec Jésus : « Ils parlaient de son départ qui allait s’accomplir à Jérusalem. » (En réalité, Luc emploie le mot « Exode »). Décidément, impossible de séparer la gloire du Christ de sa Croix. Ce n’est pas pour rien que Luc emploie le mot « Exode » en parlant de la Pâque du Christ. Comme la Pâque de Moïse avait inauguré l’Exode du peuple, de l’esclavage en Egypte vers la terre de liberté, la Pâque du Christ ouvre le chemin de la libération pour toute l’humanité.

« Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi, écoutez-le ! » : « Fils », « Choisi », « Ecoutez-le » : ces trois mots exprimaient au temps du Christ la diversité des portraits sous lesquels on imaginait le Messie : un Messie-Roi, un Messie-Serviteur, un Messie-Prophète. Je les reprends l’un après l’autre.

Le titre de « Fils de Dieu » était décerné aux rois le jour de leur sacre : « Tu es mon Fils, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré » était l’une des phrases du sacre ; « Choisi », c’est l’un des noms du serviteur de Dieu dont parle Isaïe dans les « Chants du serviteur » : « Voici mon serviteur que je soutiens, mon Elu » (Is 42,1) ; quant à l’expression « Ecoutez-le », c’est une allusion à la promesse que Dieu a faite à Moïse de susciter à sa suite un prophète : « Je ferai se lever au milieu de leurs frères un prophète comme toi ; je mettrai dans sa bouche mes paroles… » (Dt 18,18). Certains en déduisaient que le Messie attendu serait un prophète.

« Ecoutez-le », ce n’est pas un ordre donné par un maître exigeant ou dominateur… mais une supplication … « Ecoutez-le », c’est-à-dire faites-lui confiance.

Pierre, émerveillé du visage transfiguré de Jésus, parle de s’installer : « Maître, il est bon que nous soyons ici ! Faisons trois tentes… » Mais Luc dit bien que « Pierre ne savait pas ce qu’il disait. » Il n’est pas question de s’installer à l’écart du monde et de ses problèmes : le temps presse ; Pierre, Jacques et Jean, ces trois privilégiés, doivent se hâter de rejoindre les autres. Car le projet de Dieu ne se limite pas à quelques privilégiés : au dernier jour, c’est l’humanité tout entière qui sera transfigurée ; comme dit Saint Paul dans la lettre aux Philippiens « nous sommes citoyens des cieux. »


Source : Église catholique en France

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