Dimanche de saint Thomas, par Ysabel de Andia

L'Apôtre S. Thomas, Duccio di Buoninsegna, DP

L’Apôtre S. Thomas, Duccio Di Buoninsegna, DP

Dimanche de saint Thomas, par Ysabel de Andia

Par  YSABEL DE ANDIA

« Heureux ceux qui croiront sans avoir vu »

Heureux ceux qui croiront sans avoir vu

L’envoi des disciples

Le soir venu, en ce premier jour de la semaine, Jésus vint auprès de ses disciples et leur dit : « La paix soit avec vous ». La salutation de Jésus est en même temps un don, le don de la paix messianique, non la suppression des conflits et des guerres en ce monde, comme l’attendaient les Juifs, mais la paix qui vient d’en haut. Dans le discours après la Cène, il avait dit à ses disciples : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne » (Jn 14,27). La paix, chez Jean, est liée à la personne du Christ, c’est « sa » paix.

« Après cette parole il leur montra ses mains et son côté » (Jn 20,20). Dans l’évangile de Luc, Jésus dit : « Regardez mes mains et mes pieds : c’est bien moi ! » (Luc 24,39).

« Jésus leur dit de nouveau : “La paix soit avec vous”. De même que le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie !” Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et leur dit : “Recevez l’Esprit Saint. A qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis, à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus“ » (Jn 20,21-23).

Les évangiles de Matthieu et de Marc s’achèvent par l’envoi, par le Ressuscité, des disciples en mission (Mt 28,16-20 ; Mc 16,15) et la promesse de l’Esprit Saint (Luc 24,49). Mais aucun ne met en parallèle l’envoi en mission des disciples avec l’envoi du Fils par le Père, la mission temporelle de l’Église et la « mission » éternelle du Fils par le Père. Une théologie de la mission se fonde sur la théologie trinitaire des missions divines du Fils et de l’Esprit.

Le défi de Thomas

« Or l’un des Douze, Thomas, appelé Didyme, n’était pas avec eux quand Jésus était venu. Les autres disciples lui disaient : “Nous avons vu le Seigneur !”. Mais il leur déclara : “Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirais pas !” » (Jn 20,20).

Thomas ne veut pas croire que Jésus est ressuscité s’il ne touche pas ses plaies. Les plaies de Jésus sont le signe de son identité : « c’est bien moi ! », le même qui a été crucifié et qui est ressuscité. Le corps du Ressuscité a les mains percées et le cœur transpercé, c’est donc bien le corps du Crucifié dont les mains furent percées par les clous et le cœur transpercé par la lance du centurion et non un autre corps. Les plaies de Jésus sont, selon le mot d’Irénée de Lyon, symbola sarkos, les signes de la chair, des signes de reconnaissance.

Thomas demande de « toucher ». Il ne lui suffit pas de « voir » comme les disciples qui lui assurent avoir « vu » Jésus, il lui faut encore mettre sa main dans la plaie de son côté. Le toucher est une preuve directe sans intermédiaire, sans illusions, alors que la vision peut être un mirage.

Le côté transpercé

Et Jésus lui dit : « Mets ta main dans mon côté et ne sois plus incrédule, mais croyant ».

Dans ses apparitions à ses disciples, Jésus leur reproche leur incrédulité (Mc 16,14), alors que, par trois fois, il leur avait annoncé sa mort et sa résurrection. Leur « cœur est lent à croire » (Luc 24,25). L’incrédulité est un frein, un recul devant ce qui semble incroyable, la foi, un bouleversement de tout l’être qui perd ses repères et s’en remet à Celui en qui il croit.

Thomas obéit à l’ordre de Jésus et plonge sa main dans son côté.

Thomas a touché le cœur transpercé de Jésus et il a confessé sa divinité. La confession de foi de Thomas est la plus achevée de l’évangile : « Mon Seigneur et mon Dieu ». Il reconnaît en Jésus son « Dieu ». La déité était cachée dans l’humanité de Jésus en Croix : « in cruce latet Deitas », « dans la Croix, la Déité était cachée », dit l’hymne liturgique ; elle resplendit dans sa résurrection.

Thomas voulait toucher les plaies du Christ pour le croire ressuscité et, en touchant son humanité, il confesse sa divinité. Il fait un acte de foi qui va au-delà de la simple reconnaissance du Ressuscité et atteint sa divinité.

« Heureux ceux qui croiront sans avoir vu », ajoute Jésus.

Ils sont « heureux » tous ces chrétiens qui ont cru sans avoir vu que Jésus !

Sa vie temporelle ne recommencera plus. Ce mystère d’irréversibilité fascinait Charles Péguy : « Heureux ceux qui l’ont vu passer dans son pays ; heureux ceux qui l’ont vu marcher sur cette terre, dit-il dans le Mystère de la charité de Jeanne d’Arc, … Quand on pense, mon Dieu, quand on pense que cela n’est arrivé qu’une fois… ». Mais Jésus appelle « heureux » ceux qui ne l’ont pas vu, car leur foi repose sur la parole de Jésus lui-même, transmise par son Église.

Car la foi de ceux qui n’ont pas vu se fonde en effet sur le témoignage des apôtres qui l’ont vu ressuscité et dont le témoignage est scellé par le martyre. Ils meurent en sachant qu’ils meurent dans le Christ et qu’ils ressusciteront en lui et avec lui. Fondée sur les apôtres, l’Église est sainte et « apostolique » et la foi de l’Église est partagée par tous ses membres.

« Heureux ceux qui croiront », ceux qui sont plongés dans la piscine baptismale et qui sont nourris de son Corps et abreuvés par son Sang, qu’il nous a donnés la veille de sa Passion. Le corps de Jésus qu’ils « touchent » par la foi est celui qu’ils reçoivent dans l’eucharistie. « Qu’il est grand le mystère de notre foi », dit le prêtre après la consécration, et ce mystère est en même temps une béatitude, la béatitude de la foi.

Saint Léon le Grand, commentant cette phrase : « Heureux ceux qui croiront sans avoir vu », dit qu’il faut « fixer son désir là où ne peut arriver le regard, car comment serions-nous justifiés par la foi si notre salut ne se trouvait qu’en ce qui tombe sous les yeux ? » La foi n’est pas de l’ordre de l’évidence, sa certitude se fonde sur la parole de Dieu lui-même. Et c’est parce que la foi est obscure que nous sommes « justifiés par la foi ». La foi d’Abraham comme celle de la Vierge Marie, qui ont donné leur fils à Dieu qui le leur a rendu, est une confiance absolue en Dieu et un abandon total à sa volonté. Et la foi nous fait passer de la mort à la vie, du tombeau à la résurrection.

Thomas l’Apôtre

Qui est l’apôtre Thomas selon la tradition ?

Diverses traditions présentent Thomas comme envoyé (apostolos) en Adiabène à Nisibe, puis dans le Royaume indo-parthe du Taxila. Il aurait porté la « bonne nouvelle » jusqu’en Inde du Sud, sur la côte de Malabar, dans l’état moderne du Kerala, où il est considéré comme le fondateur de l’Église. Arrivé en Inde en 52, il y serait mort, martyr, aux environs des années 70, sur la colline qui s’appelle aujourd’hui Mont Saint-Thomas, près de Mylapore. Son tombeau présumé se trouve dans la crypte de la basilique Saint-Thomas de Chennai-Madras.

L’apôtre Thomas est présent dans la plupart des textes chrétiens antiques, et deux apocryphes lui sont attribués : l’évangile de Thomas et les Actes de Thomas.

Ce que nous voulons retenir c‘est que Thomas est considéré comme l’apôtre de l’Inde et il est beau de penser que la foi de cet apôtre qui se fonde sur le toucher du cœur transpercé de Jésus a ouvert l’Asie au message évangélique.

Saint Éphrem le Syrien, un diacre chargé de l’école théologique de Nisibe, au IVe siècle, fait ainsi le portrait de l’apôtre Thomas dans ses Hymnes (madrāšê) IV :

« C’est dans une terre de gens sombres qu’il a été envoyé, pour les vêtir, par le baptême, de robes blanches. Son aube reconnaissante a dissipé les pénibles ténèbres de l’Inde. C’était sa mission d’épouser l’Inde à l’ultime. Le marchand est béni d’avoir un si grand trésor. Édesse [où il mourut en 373] devint ainsi la ville bénie en possédant la plus grande perle que l’Inde pouvait produire. Thomas accomplit des miracles en Inde et à Édesse, Thomas fut destiné à baptiser des peuples plongés dans les ténèbres, et cela au pays de l’Inde. »Docteur en philosophie (Sorbonne), agrégée de philosophie et docteur en théologie (Rome), vierge consacrée du diocèse de Paris, Ysabel de Andia est l’auteur de nombreux livres notamment en patristique.

On peut retrouver ses huit premières méditations de carême et de Pâques 2021 ici: 

Entrée en carême: « Cendres et parfums »

« L’épreuve du désert et la découverte du cœur profond »

La Transfiguration ou « Jésus seul. Avec eux… »

« Le Temple de Jérusalem et le sanctuaire de son corps »

Dimanche du « Laetare »: « Jésus, lumière de la vie »

« Père, glorifie ton Nom ! »: « le Christ élevé de terre »

Dimanche de la Passion: « La condamnation à mort »

Dimanche de Pâques: « Il vit et il crut »

Source: ZENIT.ORG, le 10 avril 2021

« L’épreuve du désert et la découverte du cœur profond », par Ysabel de Andia

Dunes dans le désert @ Pixabay CC0 - TTS_Adliswil

Dunes Dans Le Désert @ Pixabay CC0 – TTS_Adliswil

« L’épreuve du désert et la découverte du cœur profond », par Ysabel de Andia

Méditation pour le premier dimanche de carême 2021

« L’Esprit le poussa au désert » (Mc 1,12)

L’épreuve du désert et la découverte du cœur profond

L’Esprit est descendu sur Jésus comme une colombe, lorsqu’il fut baptisé par Jean dans le Jourdain et une voix venant des cieux a dit : « Tu es mon Fils bien-aimé, tu as toute ma faveur » (Mc 1, 9-11).

– Et « aussitôt» dit l’évangéliste Marc, « l’Esprit le pousse au désert » (Mc 1,12).

Cet « aussitôt » marque une relation forte entre la scène du Jourdain et celle du désert.

C’est dans le même mouvement que l’Esprit descend sur Jésus au Jourdain et le pousse au désert. Marc centre son attention sur l’Esprit et omet ou ignore le détail des trois tentations que mentionnent Matthieu et Luc : chercher sa nourriture en dehors de Dieu, le tenter pour se satisfaire et le renier pour suivre les faux dieux (Mt4,1-11 et Lc 4,1-13).

L’Esprit qui a oint Jésus pour sa mission messianique, va désormais le conduire : « Dieu l’a oint de l’Esprit Saint et de puissance – dit Pierre dans son discours chez le centurion Corneille –, lui qui a passé en faisant le bien et en guérissant tous ceux qui étaient au pouvoir du diable, car Dieu était avec lui » (Ac 10,38). Car la lutte contre Satan au désert s’est poursuivie durant toute la vie publique de Jésus, où il n’a cessé de chasser les démons, et s’est achevée avec sa passion, où Jésus a vu « Satan tomber comme un éclair » (Lc 10,18).

L’épreuve du désert

– « Et il était dans le désert durant quarante jours, tenté par Satan » (Mc 1,13).

Le désert est le lieu de la soif et de la faim, un lieu de mort. Si Dieu n’avait pas fait pleuvoir la manne (Ex 16,4-17) et fait jaillir une source du rocher (Nb 20,11), le peuple serait mort de faim et de soif.

Jésus est conduit dans le désert pour y être tenté pendant quarante jours comme Israël durant quarante ans.

« Souviens-toi de tout le chemin que le Seigneur ton Dieu t’a fait faire pendant quarante ans dans le désert, afin de t’humilier, de t’éprouver et de connaître le fond de ton cœur : allais-tu ou non garder ses commandements ? Il t’a humilié, il t’a fait sentir la faim, il t’a donné à manger la manne que ni toi ni tes pères n’avaient connue, pour te montrer que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de tout ce qui sort de la bouche du Seigneur » (Dt 8,2-3).

Le désert est le lieu où Dieu met l’homme à l’épreuve pour connaître « le fond de son cœur », c’est-à-dire sa foi, sa confiance en Dieu, ou, au contraire ses « murmures », ses rébellions contre lui. L’homme va-t-il suivre les commandements de Dieu, qui sont principes de vie, et s’humilier devant lui, ou, au contraire, se dresser contre lui pour sa perte ? Y a-t-il la foi et l’humilité au fond de son cœur ?

Dieu lui fait connaître la faim, mais en même temps, il lui donne la manne à manger, car « l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de tout ce qui sort de la bouche du Seigneur ». Cette dernière phrase est celle que Jésus reprendra contre Satan dans l’évangile de Matthieu (Mt 4,4).

La manne est le banquet que Dieu offre à son peuple au désert et il faut méditer sur cette grâce eucharistique du désert.

Cette épreuve est corporelle, la faim et la soif, mais aussi spirituelle. Les nuits de saint Jean de la Croix sont autant de traversées dans le désert, mais le soleil implacable du désert a fait place à la nuit profonde, les nuits des sens et de l’esprit. Les nuits de l’âme sont des traversées du désert intériorisées.

Mais le désert est aussi le lieu des fiançailles du Seigneur [le tétragramme hébreu YHWH, ndlr] et de son peuple : « Je vais la séduire et la conduire au désert et je parlerai à son cœur » (Os 2,16). La vie au désert, durant l’Exodeapparaît comme un idéal perdu. Israël encore enfant ne connaissait pas les dieux étrangers et suivait fidèlement Dieu présent dans la nuée. Alors, Dieu « parlait au cœur » de son peuple.

Moïse conduit l’exode du peuple hébreu à travers le désert et Jésus apparaît comme le nouveau Moïse qui conduit le nouvel Exode, comme le Messie.

Les bêtes sauvages et les anges

– « Et il était avec les bêtes sauvages et les anges le servaient » (Mc 1,13).

Le désert est aussi le lieu où habitent les « bêtes sauvages ». Ces bêtes ou ces animaux impurs, comme les porcs, représentés dans les tentations de saint Antoine ou caricaturés par Jérôme Bosch.

La mention des « bêtes sauvages » évoque l’idéal messianique annoncé par les prophètes, d’un retour à la paix paradisiaque associé au thème de la retraite au désert. « Le loup habitera avec l’agneau, la panthère se couchera avec le chevreau. Le veau, le lionceau et la bête grasse iront ensemble, conduits par un petit garçon » (Is 11,6).

Dieu garde Jésus des bêtes sauvages comme il garde le Juste, et envoie les Anges pour le porter sur leurs mains :

« Il a, pour toi, donné ordre à ses anges de te garder en toutes ses voies.

Sur leurs mains, ils te porteront, pour qu’à la pierre ton pied ne heurte ; 

– C’est ce que dit Satan à Jésus en lui disant de se jeter du haut du pinacle du Temple (Mt 4,6) –

Sur le fauve et la vipère tu marcheras, tu fouleras le lionceau et le dragon » (Ps 91,11-13).

Le Juste connaîtra l’épreuve, mais, comme pour Job, Dieu l’en délivrera.

Le service des anges exprime la protection divine. Les « anges le servaient » comme à Gethsémani : « Alors lui apparut, venant du ciel, un ange qui le réconfortait » (Lc 22,43) ou à la Résurrection où « deux hommes se tenaient devant elles [les femmes] en habits éblouissants » (Lc 24,4).

Les tentations de Satan 

Le désert n’est pas seulement le lieu de l’épreuve de Dieu, il est aussi celui de la tentation de Satan.

Le premier dimanche de carême situe le combat spirituel dans sa dimension proprement spirituelle : la tentation de l’homme par Satan. Le cadre n’est plus le paradis, où Satan a tenté Adam et Eve, ni le ciel ou les armées célestes s’affrontent, dans le livre de l’Apocalypse (Ap 12,7-12), mais le désert, où Jésus fut tenté par Satan.

« Et il était dans le désert durant quarante jours, tenté par Satan, dit Marc (1,12).

Au bout de quarante jours, ce qui correspond aux quarante ans du peuple hébreu dans le désert, Jésus eut faim. C’est lorsque qu’il fut affaibli dans son corps que Satan s’approcha de lui pour le tenter. Satan ne sait pas exactement qui est Jésus : « Si tu es le Fils de Dieu… ». Il s’approche du Fils de l’Homme, comme il s’est approché de l’homme et de la femme au paradis. Satan les tentait en leur disant qu’ils seraient comme des dieux, connaissant le bien et le mal – et n’y a-t-il pas, dans toute tentation, la prétention de décider ce qui est le bien pour nous sans se référer à la loi divine ? –, alors qu’il demande à Jésus de l’adorer comme dieu. Dans les deux cas, le péché ou la tentation est l’idolâtrie.

Le combat spirituel

Le désert est le lieu où n’y a pas d’hommes, mais des esprits célestes, mauvais (Satan) ou bons (les Anges). « Lorsque l’esprit impur est sorti de l’homme, il erre par des lieux arides en quête de repos et il n’en trouve pas » (Mt 12,43).

Le combat spirituel se place d’abord dans le monde des esprits. Comme dans l’Apocalypse.

« Alors il y eut une bataille dans le ciel, Michel et ses Anges combattirent le Dragon. Et le Dragon riposta avec ses Anges, mais ils eurent le dessous et furent chassés du ciel. On le jeta donc l’énorme Dragon, l’antique Serpent, le Diable ou le Satan, comme on l’appelle, le séducteur du monde entier, on le jeta sur la terre et ses Anges furent jetés avec lui » (Ap 12,7-9).

Satan dominait le monde, la mort de Jésus affranchit le monde de sa tyrannie.

« C’est maintenant le jugement de ce monde ; maintenant le Prince de ce monde va être jeté dehors, et moi, une fois élevé de terre, j’attirerai tous les hommes à moi. Il signifiait par là de quelle mort il allait mourir » (Jn 12,31-32)

La Croix est la victoire de Jésus sur Satan : il est « élevé de terre » et Satan « jeté à terre ».

« J’ai vu Satan, tomber comme un éclair », dit Jésus à ses disciples à qui il a « donné pouvoir de fouler aux pieds serpents, scorpions, et toute la puissance de l’Ennemi » (Lc 10,18-19).

Le carême est aussi pour nous le temps du combat spirituel entre les forces démoniaques qui nous détournent de Dieu en nous exaltant comme des dieux, et les forces angéliques qui triomphent par la vérité et l’amour. Ce combat est de nos jours occulté car notre monde met en doute l’existence d’esprits purs. Nous sommes dans un monde matérialiste qui ne croit pas à l’existence d’esprits purs, et même souvent à l’existence de l’âme. Il faut mesurer sur ce point la différence entre le monde de l’Antiquité païenne, celui des philosophes grecs ou des religions orientales, et le nôtre.

Le carême est pour nous le temps de ce combat spirituel dont saint Ignace de Loyola a donné les « Règles » dans ses Exercices spirituels. Reconnaître les différentes motions des différents esprits, les bons et les mauvais esprits, dans le désert de notre cœur et se laisser conduire par Jésus, nouveau Moïse et par l’Esprit.

Le fond du cœur

Le désert dévoile le « fond du cœur ». C’est le cœur qui est pur ou impur et non les aliments :

« Ce qui sort de l’homme, c’est ce qui souille l’homme. Car c’est du dedans, c’est du cœur des hommes, que sortent les mauvaises pensées, les adultères, les impudicités, les meurtres, les vols, les cupidités, les méchancetés, la fraude, le dérèglement, le regard envieux, la calomnie, l’orgueil, la folie. » (Mc 7,20-22).

Certes l’homme peut souiller son corps, mais la source de l’impureté est dans le cœur et dans le regard : « Quiconque regarde une femme pour la désirer a déjà commis, dans son cœur, l’adultère avec elle » (Mt 21, 31-32).

« Le cœur est tortueux plus que tout, et il est incurable. Qui peut le connaître ? », demande le prophète Jérémie (17,9). Dieu seul « connaît les secrets du cœur » (Ps 44,22) et Jésus « n’avait pas besoin d’un témoignage sur l’homme, car il savait lui-même ce qui est dans l’homme » (Jn 2,24-25).

Et de même que Dieu seul connaît le cœur de l’homme, ce n’est que lui qui peut toucher le cœur et le purifier. C’est la supplication du psaume 50, le miserere, psaume du carême :

« Tu aimes la vérité au fond de l’être…

Dieu crée pour moi un cœur pur,

Restaure en ma poitrine un esprit ferme » (Ps 51 (50) 8.12).

Le parcours des catéchumènes

L’entrée en carême est aussi l’accompagnement, par toute l’Église, des catéchumènes qui se préparent au baptême à Pâques. Pendant cette quarantaine, ils suivent Jésus jusqu’à sa mort et sa résurrection, dans laquelle ils seront plongés dans les eaux baptismales.

L’initiation baptismale leur fait revivre l’exode du peuple hébreu et de toute l’Église jusqu’à la nuit pascale où ils proclameront leur « renonciation » à Satan et « confesseronnt » leur foi en Dieu.

Source: ZENIT.ORG, LE 20 Février 2021