L’évangélisation du Togo a été atypique, selon le père Savi, SJ

Couverture du livre « Echec géopolitique et échec missionnaire ? Les missionnaires catholiques allemands au Togoland »Couverture du livre « Echec géopolitique et échec missionnaire ? Les missionnaires catholiques allemands au Togoland » 

L’évangélisation du Togo a été atypique, selon le père Savi, SJ

Le père Jean-Paul Savi Atsu, Jésuite Togolais, a rédigé l’ouvrage « Echec géopolitique et échec missionnaire ? Les missionnaires catholiques allemands au Togoland », où il parle de différentes périodes qui ont rythmé l’évangélisation du Togo. Entretien. 

Jean-Paul  SAVI
Père Jean-Paul SAVI, S.J.

Jean-Pierre Bodjoko, SJ* – Cité du Vatican

Vous venez de publier le livre « Echec géopolitique et échec missionnaire ?: Les missionnaires catholiques allemands au Togoland. 1892-1921 ». Qu’est-ce qui vous a motivé à rédiger ce livre ?

L’histoire de l’Eglise au Togo est intéressante mais pas très connue. J’ai publié ce livre, car il n’existe pas beaucoup de livres qui relatent cette histoire. Le premier livre qui parle de l’histoire de l’Eglise au Togo a été publié en 1958 et a été traduit en français, dix ans plus tard, en 1968. Soixante ans plus tard, le père Emmanuel Debé, qui est un ami, a publié un second livre sur l’histoire de l’Eglise au Togo (De la naissance à la renaissance de la mission catholique au Togo (1886-1921. NDLR). J’ai souhaité publier mon livre pour continuer cette chaîne et faire connaitre, de plus en plus, cette histoire, qui me paraît très intéressante et que tout Togolais catholique doit connaître.

Dans l’introduction, vous parlez de deux types d’évangélisation : évangélisation protestante et évangélisation catholique…

Le Togo n’a pas seulement connu l’évangélisation catholique. Les protestants sont les premiers chrétiens à être arrivés au Togo, à partir de l’actuel Ghana, dans la première moitié du 19èmesiècle. C’est vers la fin du 19ème que vont arriver les catholiques.

Vous divisez cette période d’évangélisation en quatre périodes, pourriez-vous nous les rappeler ?

La première évangélisation s’est déroulée de 1892 à 1918. C’est la période des missionnaires allemands. Les derniers missionnaires allemands sont partis en janvier 1918. Par la suite, il y a eu une période de transition de 1918 à 1921. Les Allemands étant expulsés du pays, la Mission se trouvait orpheline, suite à l’absence de missionnaires. Ces derniers venaient principalement du vicariat de la « Gold coast » (Côte de l’or, l’actuel Ghana. NDLR) et du Dahomey (actuel Bénin. NDLR).  La troisième période, qui va de 1921 à 1962, est celle que je qualifie de « deuxième évangélisation », car c’est une période qui sera marquée par d’autres types de missionnaires de la « Société des missions africaines », à qui sera confiée le Togo.

A partir de 1962, aura lieu l’ordination du premier évêque togolais. C’est le début de la quatrième étape de l’évangélisation que j’appelle la période de l’Eglise togolaise, car les Togolais vont commencer à prendre en main l’Eglise du Togo.

Dans votre livre, vous traitez spécifiquement de la période de la première évangélisation, que vous divisez en trois grandes parties…

Dans la première partie, je parle de l’environnement ainsi que du cadre historique et idéologique. Nous sommes dans la période de la colonisation et c’est dans cette ambiance politique que les missionnaires vont arriver. Il y aura, nécessairement, une certaine collaboration avec les colonisateurs. En outre, pour que les missionnaires allemands arrivent au Togo, il y a eu une demande de quelques chrétiens catholiques qui étaient déjà sur le territoire et le gouvernement allemand souhaitait également cette présence des missionnaires catholiques. C’est ainsi que les missionnaires de la « Société du verbe divin » vont arriver au Togo. Cette première partie s’inscrit donc dans cette ambiance idéologique ou ce contexte historique. La deuxième partie du livre aborde la période de l’évangélisation proprement dite, celle de l’implantation de l’Eglise catholique au Togo par ces missionnaires de la « Société du verbe divin ». Ces derniers sont arrivés au Togo en août 1892 et la première messe a été célébrée au Togo le 28 août 1892. Cet évènement va marquer le début officiel de l’évangélisation, qui va se poursuivre avec la création des postes missionnaires et leur implantation, d’abord à Lomé, puis dans le littoral. Ces missionnaires vont essayer de s’implanter dans les localités les plus importantes ainsi que dans d’autres lieux à travers le pays. De 1892 à 1900, ils vont s’implanter dans le littoral. La première station qu’ils vont créer sera à Atakpamé, la ville où je suis né. A partir de 1900, ils vont commencer les implantations à l’intérieur du pays. De 1900 à 1912, ils vont s’implanter dans ce que l’on peut appeler le « moyen Togo ».

La dernière période va débuter de 1912 à 1913, année au cours de laquelle ils ont créé la dernière station d’évangélisation, à Alédjo, au nord du pays.

La troisième partie du livre, consacrée à la période de transition, aborde cette période où les Allemands sont partis. Comment gérer une Mission qui s’est étendue dans tout le pays et dans laquelle environ 90 missionnaires, prêtres, frères et religieuses travaillaient ? Comment gérer cet héritage ?

Dans le livre, vous dites que, comme par hasard, la colonisation et le christianisme se sont retrouvés à la même époque et sur le même continent. Pourriez-vous nous expliquer votre pensée à ce sujet ?

Dans d’autres lieux, comme en Asie, cela ne s’est pas déroulé de la même manière. La christianisation n’est pas arrivée au même moment que la colonisation.

Dans la plupart des pays africains cela était peut-être le cas. Cela a-t-il eu des conséquences sur l’évangélisation ?

Oui, car on a confondu colonisation et christianisation. Le Togolais qui voit le missionnaire et le colon se pose des questions. Ce sont des gens qui viennent du même pays, mais leurs objectifs vont les différencier. Bien que les deux viennent du même pays et qu’on les voit ensemble, le missionnaire a des attitudes différentes du colonisateur.

Donc, on ne peut pas les accuser de complicité ?

C’est un peu difficile (rires).

A la page 179, vous écrivez que, dans leurs méthodes d’évangélisation, les missionnaires de la Société du verbe divin ont évité de s’installer dans les localités déjà occupées par les protestants et les musulmans, afin d’éviter les conflits. 

Oui, c’est une manière de procéder dictée par le gouvernement. Parce qu’avant que les missionnaires ne quittent l’Allemagne pour le Togo, ils ont fait un tour, où il a été question de ne pas s’installer dans les milieux déjà occupés par les protestants. Cela est consécutif à l’histoire de l’Allemagne qui a souffert de cet antagonisme ou de ce conflit de religions. Cette manière de procéder permettait ainsi à chaque confession religieuse de s’épanouir tranquillement.

A la page 181, vous écrivez que l’histoire de l’évangélisation du Togo est atypique. Que voulez-vous dire par là ?

C’est toute la question sur une mission qui a commencé avec plein d’enthousiasme et qui va connaître une rupture. La première guerre mondiale sera un évènement dramatique qui va casser le rythme de cette évangélisation. Les missionnaires allemands sont expulsés. Mais, même s’ils n’avaient jamais pensé quitter le Togo, ils ont eu la présence d’esprit de former des catéchistes, ce qui va beaucoup aider à soutenir la foi. Ainsi, quand les missionnaires allemands sont partis, les catéchistes ont eu un rôle important dans les communautés chrétiennes, où il n’y avait plus de prêtres.  Même ceux qui vont venir aider pendant la période de transition ne vont pas occuper tout le pays. Ils vont beaucoup plus être à Lomé et dans certaines villes du Sud. Dans d’autres localités, les communautés chrétiennes seront prises en charge par les catéchistes qui vont aider les chrétiens à garder leur foi. C’est dans ce sens que j’ai dit que l’histoire de l’évangélisation du Togo est atypique.

A la page 182, vous écrivez que l’impact de la religion chrétienne sur la société traditionnelle est aussi un élément à relever.

Le christianisme est arrivé dans un milieu de religion traditionnelle. Et donc, pour devenir chrétien, il fallait abandonner la religion traditionnelle. La tradition et la religion sont souvent mélangées, de sorte que le Togolais doit se débarrasser de sa religion pour adopter la religion chrétienne. Cela va avoir des conséquences dans la société et dans les familles. Par exemple, pour un enfant qui veut devenir chrétien, le père va se poser la question de la perpétuation de la religion traditionnelle que lui-même a reçue. Et si la tradition se perd, comment la société peut-elle survivre ? Je n’ai pas abordé toutes ces questions dans le livre, mais ce sont des sujets qui pourront être traités prochainement.

Quels sont les autres sujets que les lecteurs pourront découvrir dans le livre, en plus de ce que nous avons abordés ?   

J’encourage beaucoup la lecture de ce livre qui se lit facilement. Ce qui est intéressant, c’est la manière dont les évènements politiques sont liés aux évènements religieux ou à l’évangélisation du Togo. Cela ouvre beaucoup l’esprit sur l’histoire de cette évangélisation et la manière dont les choses se sont déroulées. Le chrétien ou le Togolais qui lit le livre connaîtra mieux l’histoire de son pays et l’histoire de l’Eglise catholique. Cela aide à mieux s’approprier sa religion et sa propre culture.

Source: VATICANNEWS, le 24 janvier 2021

Méditation du 30 ème dimanche ordinaire : « L’amour est la mesure de toute chose »

 Le Père jésuite Jean-Paul SAVI nous introduit à la méditation avec les lectures du 30 ième dimanche du temps ordinaire de l’année liturgique A.Le Père jésuite Jean-Paul SAVI nous introduit à la méditation avec les lectures du 30 ième dimanche du temps ordinaire de l’année liturgique A. 

Méditation du 30 ème dimanche ordinaire : « L’amour est la mesure de toute chose »

Le Père jésuite Jean-Paul SAVI nous introduit à la méditation avec les lectures du 30 ième dimanche du temps ordinaire de l’année liturgique A.

Chers frères et sœurs, en ce 30e dimanche du temps ordinaire, les lectures nous rappellent ce qui est à la base de la pratique de la loi. En effet, la loi est ce qui régit la vie des sociétés et des Hommes. Mais comment pratiquer la loi afin qu’elle ne soit pas un instrument d’oppression ?  Dans l’évangile de ce dimanche, une question précise a été posée à Jésus : « maître, dans la Loi, quel est le plus grand commandement ? » (Mt 22, 36).

Les pharisiens posent cette question pour défier Jésus. Mais à voir de plus près, leur demande ne semble pas si innocente. En fait, la manière d’agir de Jésus face à la Loi constitue un réel problème pour ces hommes très méticuleux sur des questions juridiques. Eux-mêmes dans leurs assemblées doivent être confrontés à cette même question puisque dans la loi juive, il y a 613 commandements. Face à certaines situations de la vie, il faut bien établir une hiérarchie entre les commandements. Mais Jésus ramène le débat à ce qui est essentiel : « aimer Dieu et aimer son prochain ». Dans la Loi, voilà ce qui est le plus grand : l’amour est la mesure de toute chose. Mais comment traitons-nous les autres face à la loi ?

Dans la première lecture, nous voyons que le fondement de la loi vient de l’expérience de l’esclavage en Égypte et la libération du peuple d’Israël par Dieu. Dieu s’est révélé comme celui qui écoute le cri de ceux et celles qui sont accablés et opprimés par les hommes et par la vie. Pour défendre leur liberté, leur bonheur et leur dignité, des lois ont été instituées. Les lois sont donc émises pour protéger les plus faibles. La loi n’est donc pas basée sur la punition ou la domination ; mais c’est l’amour qui l’a produite. Aujourd’hui, dans nos vies et dans nos sociétés, sur quelles bases sont émises nos lois ? Les lois sont-elles faites pour protéger et défendre le faible ? Ou c’est plutôt pour protéger et défendre nos intérêts personnels et égoïstes ? Ne l’oublions pas. Le Seigneur nous dit encore aujourd’hui : si tu accables la veuve et l’orphelin et qu’ils crient vers moi, j’écouterai leur cri. Ma colère s’enflammera et je vous ferai périr (Ex 22, 21-23).

Malheureusement, il faut encore nous menacer pour que l’amour se manifeste de plus en plus dans la pratique de la loi. Souvent au nom même de la loi qu’on prétend défendre, on oublie le commandement de l’amour. Mais Jésus nous ramène aujourd’hui à l’essentiel : « tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit…et tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Mt 22, 37-39). Jésus recadre la question des pharisiens en les invitant à sortir de tout esprit légaliste. Avec Dieu, la loi est d’abord une question d’amour. Aujourd’hui, la question des pharisiens s’adresse aussi à nous. Dans notre relation avec nous-mêmes et avec les autres en famille, en société, sur nos lieux de travail, qu’est-ce qui est le plus grand ? Saint Jean nous le rappelle : « si quelqu’un dit : « J’aime Dieu », alors qu’il a de la haine contre son frère, c’est un menteur. En effet, celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, ne peut pas aimer Dieu qu’il ne voit pas » (1Jn 4, 20).

Chers frères et sœurs, ne nous trompons donc pas de cible. Pour mieux vivre notre vie chrétienne, contemplons la vie de Jésus et comment l’amour s’est manifesté en Lui. En ce dimanche, prions le Seigneur afin que notre pratique de la loi et notre relation avec nous-même et les autres soient imprégnées de plus d’amour et de compassion. 

Méditation du 30 dimanche du Temps Ordinaire de l’année liturgique A avec le Père Jean-Paul SAVI, SJ

Jean-Paul  SAVI
Le Père jésuite Jean-Paul SAVI

Source: VATICANNEWS, le 24 octobre 2020