N’ayez pas peur

Sanctuaire de Saint Jean-Paul II. Sanctuaire de Saint Jean-Paul II.  

N’ayez pas peur

Le nouvel article du père Federico Lombardi pour regarder l’après-pandémie: le monde est aussi plein de bonnes nouvelles. C’est un devoir de les reconnaître et de les faire connaître, car ce sont elles qui ouvrent la voie et dirigent le regard vers le haut. 

Federico Lombardi – Cité du Vatican

«N’ayez pas peur! Car je serai avec vous!» Ce sont des mots qui reviennent plusieurs fois dans toutes les Écritures. Ce sont les paroles adressées par Dieu lui-même ou en son nom à ceux qui sont appelés par lui à une mission exigeante et inattendue, par des voies encore inconnues, comme Moïse devant le buisson ardent ou Marie devant l’Ange. «N’ayez pas peur!» Ce sont des paroles adressées par les prophètes au peuple opprimé par l’angoisse, comme lorsqu’il est dans une impasse entre la mer Rouge et les chars de guerre des Egyptiens. Jésus reprend aussi ces paroles à plusieurs reprises, s’adressant à ses disciples, au «petit troupeau» qui le suit, ou à ceux qui seront persécutés en son nom. Pour ceux-ci, Jésus insiste sur le fait qu’ils n’auront pas à craindre la force humaine, parce que celle-ci peut prendre la vie du corps mais pas celle de l’âme, et parce qu’au moment de l’épreuve, Dieu ne les abandonnera pas.

La grande parole «N’ayez pas peur», comme nous nous en souvenons bien, a été reprise avec insistance en des temps plus proches de nous par Saint Jean-Paul II dès le début de son pontificat et adressée au monde entier: «N’ayez pas peur! Ouvrez les portes au Christ!». Après tout, la foi dans le Christ Sauveur est précisément – pour tous – la grande et définitive libération de la peur. 

La pandémie, même si elle est surmontée de façon permanente grâce à un vaccin efficace, nous laissera en tout cas un héritage d’insécurité, disons même de peur cachée, prête à refaire surface. Nous savons maintenant que, malgré tous les efforts et tout engagement approprié en faveur de la réduction des risques, d’autres virus ou d’autres forces capables de nous prendre par surprise et de saper notre paix et notre sécurité peuvent apparaître et échapper à tout contrôle. La sécurité absolue n’existant pas sur cette terre, elle n’est pas possible. Et elle n’existera jamais à l’avenir.

Certes, nous devons attendre de la science et de l’organisation sociale et politique, en général de la raison humaine, une aide essentielle pour retrouver la tranquillité nécessaire à une vie personnelle et sociale sereine et «normale». Mais il faut encore aller plus loin, et ces réponses ne sont donc pas suffisantes.

Pouvons-nous vivre à l’abri des craintes les plus radicales pour nous-mêmes et nos proches, pour notre avenir? Où est la clé pour vivre en paix et donc pour une vie vraiment bonne, même sur cette terre, malgré toutes les difficultés qui surgissent inévitablement chaque jour? Nous sommes bien conscients que chacun de nous a sa propre personnalité, son caractère et son histoire, qui ont un effet profond sur ses attitudes. Il y a ceux qui sont plus anxieux et fragiles, et ce n’est pas leur faute; il y a ceux qui sont plus naturellement calmes et optimistes, et c’est un don. Mais la parole du Seigneur s’adresse à tous et est une invitation pour tous à faire confiance à un amour qui nous précède, nous regarde et nous accompagne.    

Aujourd’hui, nous avons souvent tendance à ne pas parler de la «providence» de Dieu. Il nous semble que ce mot met en danger notre engagement chrétien dans le monde, qu’il nous rend passifs et moins responsables. Mais c’est un piège. Oublier la providence de Dieu, c’est perdre le sentiment que l’amour de Dieu nous enveloppe et nous accompagne, même si nos yeux sont encore souvent incapables de le reconnaître. Dans le Sermon sur la montagne, Jésus nous invite à ouvrir les yeux – «Regardez les oiseaux dans le ciel, regardez les lys dans les champs…»– et à ne pas nous laisser totalement happer par des préoccupations immédiates pour notre bien-être temporel. Outre les oiseaux et les fleurs, l’œil qui s’ouvre peut aussi voir chaque jour de nombreux autres signes d’amour et d’espérance semés sur notre chemin, dans les circonstances et chez les personnes que nous rencontrons, dans leurs paroles et leurs actes. Chacun de nous considère comme une grâce de rencontrer les personnes qui savent les voir et nous aider à les voir avec un œil pénétrant et un regard serein. Le monde est plein de mauvaises nouvelles, mais aussi de bonnes nouvelles. Il est de notre devoir de les reconnaître et de les faire connaître, car ce sont elles qui nous guident le plus loin et dirigent notre regard vers le haut, source d’amour, la moitié de l’espérance.

Jésus conclut ensuite ses paroles sur la providence par un conseil très sage: «À chaque jour suffit sa peine». Nous ne devons pas laisser les soucis d’aujourd’hui, de demain et tout l’avenir qui nous attend s’accumuler tous ensemble sur nous: ils nous écraseraient. Nous devons penser que chaque jour a sa ration de peine, mais aussi de grâce. Nous devons croire que chaque jour nous aurons la grâce nécessaire pour porter la peine. La grâce nécessaire pour rechercher le royaume de Dieu et sa justice dans cette vie et dans la vie éternelle. 

Sainte Thérèse d’Avila lance une parole qui élargit nos cœurs et nos horizons au-delà de tout obstacle: «Que rien ne te trouble, que rien ne t’effraie. Tout passe, Dieu ne change pas. Avec de la patience, on obtient tout. Celui qui a Dieu ne manque de rien. Dieu seul suffit».

Notre foi saura-t-elle nous inspirer dans le long chemin qui nous attend, afin qu’il soit un chemin d’intelligence et de sagesse, vraiment libéré des mauvais conseils des peurs profondes, libéré dans l’espérance de la peur de la mort?

Source: Vaticannews, le 9 mai 2020

« La mort vécue avec Jésus perdra son visage effrayant », par le p. Federico Lombardi

P. Federico Lombardi SJ @ Vatican Media
Federico Lombardi SJ @ Vatican Media

« Il n’y a pas d’autre moyen de nous préparer à vivre la mort que de regarder avec toute notre âme le Crucifié qui meurt avec nous et pour nous… Alors, la mort vécue avec Jésus perdra son visage effrayant et nous permettra de deviner un mystère d’amour et de miséricorde », affirme le p. Federico Lombardi, sj, dans un éditorial de L’Osservatore Romano en italien daté du 29 avril 2020.

Dans un article intitulé « Mourir dans le Seigneur », le président de la Fondation vaticane Joseph Ratzinger-Benoît XVI réfléchit sur la signification de la mort au moment où de nombreuses personnes meurent dans le monde entier à cause de la pandémie du Covid-19, souvent dans la solitude et l’abandon.

Le p. Lombardi évoque aussi « l’immense cri de douleur » d’innombrables victimes – martyrs, témoins de la foi – « et plus largement encore des femmes et des hommes de toutes races, époques et conditions qui ont perdu leur vie dans des circonstances dramatiques », « de millions et de milliards d’oubliés ». C’est un « cri de créatures qui se sentent plongées dans un abîme de vide et d’oubli », affirme le jésuite : « Pour eux et avec eux, nous voulons aussi lancer un appel à la miséricorde. »

Le père Lombardi évoque la fête de Pâque célébrée récemment, rappelant la solitude du Christ au dernier moment de sa vie terrestre: « Il y a quelques jours, nous avons eu la grâce de revivre la mort de Jésus, écrit-il, chaque jour nous la revivons en nous unissant sacramentellement ou spirituellement à Jésus dans la communion. Mais le Vendredi saint et le Samedi saint apportent avec eux une grâce spéciale. La mort de Jésus est très vraie et cruelle, elle porte toute l’expérience de l’abandon des hommes et aussi d’un abandon mystérieux de Dieu, comme le dit le verset du Psaume que Jésus déclame sur la croix. »

Il n’y a pas de morts oubliés

La mort du Christ, écrit le jésuite, a été « si vraie » qu’elle a été suivie par « la descente de Jésus aux enfers » où il « se fait proche et frère de tous ceux qui sont descendus dans l’abîme de la mort ». « Pour Jésus, affirme le p. Lombardi, il n’y a pas de morts oubliés, nulle part sur terre et dans l’histoire, dans aucun coin touché par la pandémie. Jésus est vraiment mort comme eux et avec eux. »

Après la mort et la résurrection du Christ, note le prêtre, « la mort n’est plus la même qu’auparavant » : « La mort peut désormais être vécue avec Jésus, qui révèle un amour de Dieu plus fort que la mort. Et cela va au-delà de toute solitude humaine. »

C’est aussi vrai pour « le monde sécularisé », affirme le père Lombardi, où « la mort survient, avec le coronavirus ou autrement ». « N’oublions pas, insiste-t-il, que grâce à Jésus, la mort n’a plus le dernier mot, mais que chaque mort, même la plus oubliée et la plus solitaire, ne tombe nulle part ailleurs que dans les mains du Père. »

Source: ZENIG.ORG, le 28 avril 2020, par Marina Droujinina

La communion spirituelle

Le Pape embrasse l'autel lors de la messe à Sainte-Marthe du 18 avril 2020.
Le Pape embrasse l’autel lors de la messe à Sainte-Marthe du 18 avril 2020. 

La communion spirituelle

Le deuxième article du « Regard sur la crise » du père Federico Lombardi se penche sur la communion spirituelle, en ce temps marqué par le manque d’accès à l’eucharistie.

Federico Lombardi

Quand nous, qui sommes maintenant âgés, étions enfants, au catéchisme, on nous parlait souvent de « communion spirituelle ». On nous disait que nous pouvions nous unir spirituellement à Jésus s’offrant à l’autel, même si nous ne prenions pas la communion sacramentelle en recevant physiquement l’hostie consacrée. La « communion spirituelle » était une pratique religieuse qui visait à nous faire sentir plus continuellement unis à Jésus, non seulement lorsque nous recevions la communion pendant la messe, mais aussi en d’autres lieux ou à d’autres moments. Ce n’était pas une alternative à la communion sacramentelle, mais dans un certain sens, elle nous y préparait, lors des visites au Saint-Sacrement ou d’autres moments de prière. Ensuite, nous n’en avons pratiquement plus entendu parler pendant des décennies. L’accent mis sur la participation à la messe par la prise de communion, certainement bonne, avait conduit à occulter d’autres dimensions traditionnelles de la dévotion chrétienne.

J’ai recommencé à penser avec insistance à la « communion spirituelle » en une occasion exceptionnelle. Lors des JMJ de Madrid en 2011, une tempête soudaine a détruit la plupart des tentes pendant la nuit, où avaient été préparés les emplacements prévus pour la communion des près de deux millions de jeunes présents à la messe finale du lendemain. Ainsi, lors de la grande messe présidée par le Pape, seule une petite partie des jeunes a pu prendre la communion sacramentelle car les hosties manquaient. Beaucoup étaient contrariés – du moins au début – comme si pour cette raison les JMJ avaient échoué, car il manquait quelque chose d’essentiel au moment religieux culminant de l’événement. Il a fallu beaucoup d’efforts et de temps pour faire comprendre que l’acte physique de recevoir la sainte hostie est très important, mais que ce n’est pas la seule et indispensable façon de s’unir à Jésus et à son corps qu’est l’Église.

Aujourd’hui, le pape François, lors de la messe du matin à Sainte-Marthe, exhorte les fidèles qui prient avec lui sans être physiquement présents à faire une « communion spirituelle ». Il le fait en proposant une des formules traditionnelles enseignées depuis longtemps par les bons maîtres spirituels du peuple chrétien ; des formules qui étaient familières à beaucoup de nos mères et de nos grands-mères, celles qui allaient souvent ou tous les jours à la messe du matin, mais qui savaient aussi se maintenir en union avec Dieu, à leur manière, pendant les occupations de la journée.

Parmi les souvenirs de l’époque du catéchisme, je me suis souvenu d’une petite image, dans laquelle au centre se trouvait le prêtre qui élevait l’hostie consacrée, et autour de celle-ci, comme sur le cadran d’une horloge, étaient indiquées les heures matinales des différents pays et continents dans lesquels les prêtres célébraient la messe (qui n’était alors célébrée que le matin !). Nous voulions nous rappeler que le sacrifice de Jésus qui meurt pour nous est sans cesse renouvelé dans le monde, et que nous pouvions sans cesse nous unir spirituellement à lui et à son offrande.

La « communion spirituelle », lorsque l’on ne peut pas recevoir la communion sacramentelle, est également appelée à juste titre « communion de désir ». Désirer que sa vie soit unie à celle de Jésus, en particulier son sacrifice pour nous sur la Croix. En ce temps prolongé de jeûne eucharistique obligatoire, de nombreuses personnes qui étaient habituées à la communion sacramentelle fréquente ont de plus en plus ressenti le manque de « pain quotidien » eucharistique. C’est l’Église elle-même qui a accepté, de manière tout à fait exceptionnelle, d’imposer ce jeûne aux fidèles, en signe de solidarité et de participation aux difficultés de peuples entiers contraints aux limitations, aux privations et aux souffrances par la pandémie.

Le jeûne est une privation, mais il peut être une période de croissance. De même que l’amour des époux longtemps éloignés l’un de l’autre pour des raisons de force majeure peut mûrir et s’approfondir dans la fidélité et la pureté, de même le jeûne eucharistique peut devenir un temps de croissance de la foi, de désir du don de la communion sacramentelle, de solidarité avec ceux qui, pour diverses raisons, ne peuvent en jouir, de se libérer du laisser-aller de l’habitude… De comprendre à nouveau que l’Eucharistie est un don gratuit et surprenant du Seigneur Jésus, ni évident ni banal… à désirer de tout son cœur… continuellement… Cela peut-il être aussi une conséquence de ce temps bouleversant ?

Source : Vaticannews, le 18.04.2020, par père Federico Lombardi