Papes et Jubilés: l’ouverture de la Porte Sainte dans l’Histoire


Ouverture de la Porte Sainte lors du Jubilé de la Miséricorde (8 décembre 

Papes et Jubilés: l’ouverture de la Porte Sainte dans l’Histoire

Partant des chroniques de L’Osservatore Romano et des archives sonores de Radio Vatican, nous retraçons quelques moments des cérémonies d’ouverture de la Porte Sainte depuis l’an 1900. Rituels, moments de silence et d’émotion au cours desquels le Souverain pontife franchit, «seul et le premier», le seuil de la Porte Sainte et ouvre le Jubilé.

Amedeo Lomonaco – Cité du Vatican

L’une des images symboliques de chaque Jubilé est celle du Pontife franchissant le seuil de la Porte Sainte. Il s’agit d’un cliché profondément ancré dans le Moyen-Âge. Le premier pèlerin à franchir le seuil est toujours l’évêque de Rome. Selon la description faite en 1450 par Giovanni Rucellai, c’est le Pape Martin V qui, en 1423, a ouvert la Porte Sainte pour la première fois dans l’Histoire des années jubilaires. À cette occasion, le décor était la basilique Saint-Jean-de-Latran. Dans la basilique vaticane, l’ouverture de la Porte Sainte est attestée pour la première fois à Noël de l’an 1499. Le Pape Alexandre VI souhaitait qu’elle soit ouverte non seulement à Saint-Jean-de-Latran, mais aussi dans les autres basiliques romaines.

“Je suis la porte: si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé; il entrera et sortira et trouvera un pâturage. (extrait de l’Évangile selon Jean)”

L’ouverture de la Porte Sainte

L’ouverture de la Porte Sainte par le Pape, marque le début du Jubilé. L’Année Sainte 2025 qui s’ouvre prévoit, après ce rite, la célébration de la Sainte Messe dans la nuit de Noël, à l’intérieur de la basilique Vaticane. Le mur qui scelle la Porte de l’intérieur a été démonté ces derniers jours et la boîte métallique qui contenait la clé permettant d’ouvrir la Porte a été retirée.

Le Pape pousse les portes de manière symbolique et, pour des raisons de sécurité, l’utilisation du marteau utilisé pour frapper le diaphragme en briques qui la fermait autrefois sur le côté extérieur de la basilique, a été abandonnée. Après le rite présidé par le Pape, la porte reste ouverte toute l’année pour permettre aux pèlerins de la franchir. Ce geste permet de profiter pleinement de l’indulgence liée à l’Année Sainte. Franchir ce seuil signifie aussi que le chemin de conversion est scellé par la rencontre avec le Christ, la «Porte» qui nous unit au Père. Les Jubilés s’inscrivent dans une profonde histoire de foi qui ouvre largement ses portes au monde. Un voyage où les pas du Pontife rejoignent ceux du peuple de Dieu, sur les chemins du pardon. Retraçons les années saintes du XXe siècle et du troisième millénaire.

Les deux côtés de la Porte Sainte de Saint-Pierre avant son ouverture (photo d'archive).

Les deux côtés de la Porte Sainte de Saint-Pierre avant son ouverture (photo d’archive).

Le Jubilé de 1900

Relever le défi de la modernisation. Tel était l’un des principaux objectifs du Jubilé de 1900. Le 24 décembre 1899 fut le jour de l’ouverture de la Porte Sainte. Dès les premières heures du matin, écrit L’Osservatore Romano dans son édition de Noël, on assiste à une «animation inhabituelle» dans toutes les parties de la ville. Des carrosses majestueux de cardinaux, d’évêques, de diplomates et de princes se dirigent «vers le plus grand temple de la chrétienté». De nombreux pèlerins arrivent également à pied ou dans des voitures «omnibus» pour le service public. Sur la place, le spectacle devient «impressionnant en raison du flux des calèches provenant des villages qui font face à la basilique». Le Pape Léon XIII franchit «seul et en premier» la porte et entre dans la basilique. Une fois l’office terminé, les portes s’ouvrent, permettant l’accès aux fidèles.

L’Année Sainte 1925

Le 24 décembre 1924, veille de Noël, «l’ouverture de la Porte Sainte dans la basilique vaticane a été faite par Pie XI». Avec cette fonction solennelle, écrit le journal du Saint-Siège relatant cette journée, «l’Année Sainte a commencé». Le rite se déroule sous le portique de la basilique Saint-Pierre: à gauche de la porte sainte se trouve le trône papal devant les tribunes royales. Au bout du portique se trouve le chœur de la Chapelle musicale pontificale. Devant la statue de Constantin, avant d’entrer dans le portique de la basilique, le Souverain pontife monte sur la chaise gestatoire, surmontée du baldaquin. Après le chant du «Veni Creator», Pie XI s’approcha de la Porte Sainte et, recevant le marteau offert par l’épiscopat du monde catholique, frappa trois fois la Porte Sainte en prononçant les paroles rituelles. Il franchit ensuite le seuil et débute ainsi le Jubilé.

Pie XI ouvre le Jubilé de 1925.

Pie XI ouvre le Jubilé de 1925.

Le Jubilé de 1933

À l’occasion du 1900e anniversaire de la mort de Jésus, un Jubilé extraordinaire a été proclamé. Pour l’Année Sainte 1933, plus de deux millions de pèlerins sont arrivés à Rome. Le 3 avril de cette année-là, l’ouverture de la Porte Sainte marqua le début du Jubilé de la Rédemption. Tout au long de la journée, rapporte L’Osservatore Romano, «l’affluence à Saint-Pierre, Saint-Jean, Saint-Paul et Sainte-Marie-Majeure a été énorme». Quelques heures après la cérémonie d’ouverture, Pie XI reçoit en audience spéciale 500 pèlerins de l’archidiocèse de Milan, venus à Rome pour assister à l’ouverture de la Porte Sainte. De ce premier pèlerinage de l’Année Sainte, rappelle le quotidien du Saint-Siège, il y avait «des représentants des activités professionnelles les plus diverses», dont des cheminots, des employés de bureau, des électriciens.

L’Année Sainte 1950

Nous sommes le 24 décembre 1949. Le monde chrétien, titreL’Osservatore Romano en première page le jour de Noël, «se réjouit du don exceptionnel de la grâce»: le Pape Pie XII ouvre la Porte Sainte avec trois coups de marteau. Le Pontife porte le rabat, une tunique de soie blanche, l’aube, l’étole, la cape et la mitre blanche. Précédé par le Sacré Collège, il se rend d’abord à la chapelle Sixtine pour l’adoration du Saint-Sacrement. Il entonne ensuite l’hymne «Veni Creator» et descend, par la Scala Regia, (un imposant escalier du Palais apostolique du Vatican) jusqu’à la statue de Constantin.

Pie XII ouvre le Jubilé de 1950

Pie XII ouvre le Jubilé de 1950

Pie XII entre ensuite sous le portique de la basilique et reçoit le marteau. Il frappe pour la première fois la Porte Sainte en chantant le verset: «Aperite mihi portas Justitiae». Le Pontife frappe ensuite une seconde fois la Porte en chantant «Introibo in domum tuam, Domine». Le coup de marteau suivant est accompagné des mots: «Aperite portas quoniam nobiscum est Deus». Après ce troisième coup, le mur de la Porte Sainte s’écroule. Le Pontife, qui tient dans sa main gauche un cierge symbolisant la foi et la charité, s’avance tête non couverte et entonne le «Te Deum». Le Pape Pie XII franchit le seuil en premier. Il est 10h55 et le Jubilé s’ouvre.

De la place Saint-Pierre retentit l’écho d’un tonnerre d’applaudissements. Dans la chapelle de la Très Sainte Trinité, Pie XII adresse ensuite un discours aux représentants des archiconfréries et des confréries de la ville: «Selon une antique coutume, nous vous confions, enfants bien-aimés, la garde des Portes Saintes, durant l’année jubilaire, qui vient de s’ouvrir. Vous aurez ainsi la chance d’être les témoins immédiats d’un de ces temps de grâce privilégiés, où la Ville éternelle et l’univers catholique se trouvent unis dans le baiser fraternel de la paix du Christ».

Première page de l'Osservatore Romano sur l'ouverture du Jubilé de 1950.

Première page de l’Osservatore Romano sur l’ouverture du Jubilé de 1950.

Le Jubilé de 1975

L’année sainte 1975 a été consacrée à la réconciliation. Le rite de l’ouverture de la Porte Sainte, dans la nuit de Noël 1974, s’ouvre avec l’entrée du Pape Paul VI, précédé du clergé, dans l’atrium de la Basilique. Après le chant d’invocation à l’Esprit Saint, rapporte L’Osservatore Romano, ce jour-là, le Pontife s’approcha de la Porte Sainte. Le cardinal major de la pénitencerie lui tendant le marteau. Paul VI frappa trois fois sur la Porte et chantait, en alternance avec l’assemblée: «Ouvrez-moi les portes de la justice».

Le chant terminé, le Pape retourna à la cathèdre et, à ce moment-là, fut retirée le mur de la Porte Sainte. Les montants des portes sont polis à l’eau bénite par les quatre pénitenciers de la basilique vaticane. Le choeur entonne ensuite un psaume et le Pontife chante l’ancienne oraison «Deus qui per Moysem». Le Pape s’agenouille au seuil de la Porte Sainte et, tenant la Croix Pastorale à la main, franchit le seuil. Au moment de l’ouverture, comme le montre la vidéo de l’époque, des débris tombèrent d’en haut, touchant Paul VI, heureusement sans conséquences. Cette circonstance a conduit à une modification du rite, et le mur qui fermait la porte a depuis été construit à l’intérieur de la basilique.

Le Pape Paul VI ouvre le Jubilé de 1975.

Le Pape Paul VI ouvre le Jubilé de 1975.

L’Année Sainte de 1983

1983 a été l’année du Jubilé de la Rédemption, un pont vers le troisième millénaire. Jean-Paul II a invité le monde catholique à célébrer cette Année Sainte pour commémorer l’événement de la mort et de la résurrection du Seigneur.

Le 25 mars, solennité de l’Annonciation du Seigneur, Jean-Paul II a inauguré l’Année Sainte en suivant le rite traditionnel de l’ouverture de la Porte Sainte, située dans l’atrium de la basilique Saint-Pierre. Il s’agit d’un Jubilé extraordinaire car il est célébré en dehors du cycle de 25 ans. Dans son homélie lors de la cérémonie d’ouverture, le Pape Jean-Paul II a rappelé que la porte est «un symbole» par lequel on entre non seulement dans la basilique vaticane mais aussi «dans la dimension la plus sainte de l’Église, dans la dimension de grâce et de salut qu’elle puise toujours dans le Mystère de la Rédemption ».

Jubilé de l’an 2000

Dans la nuit de Noël, le 24 décembre 1999, Jean-Paul II, revêtu d’une chape aux couleurs iridescentes, ouvre la porte du grand Jubilé de l’an 2000. Dans le long silence qui accompagne les gestes du Pontife, l’histoire de deux millénaires semble condensée. Agenouillé, les mains jointes à la Croix, le Pape ouvre l’Année Sainte. C’est l’aube du troisième millénaire.

Les yeux du monde, fixés sur les seize tuiles de bronze qui composent la Porte Sainte, s’illuminent d’espérance. Jean-Paul II, précédé des cardinaux concélébrants, monte sur la cathèdre pour ouvrir la célébration solennelle. Après le chant de l’Évangile, le Pape entra vers la Porte Sainte et, arrivé devant celle-ci, il dit en latin: «Voici la porte du Seigneur». À pas lents, Jean-Paul II se dirigea ensuite vers la Porte qu’il ouvre à 23h25. Ce sont des moments de grande émotion: le Pontife s’agenouilla au seuil et pria pendant quelques minutes. On entendit ensuite des applaudissements prolongés, de l’assemblée réunie à Saint-Pierre et dans l’atrium. À l’extérieur, sur la place Saint-Pierre, plus de 50 000 personnes suivent l’événement sur les écrans géants situés dans les différents coins de l’hémicycle du Bernin. Et dans le monde entier, des millions et des millions de personnes étaient à l’écoute.

Jean-Paul II ouvre le Jubilé de l'an 2000.

Jean-Paul II ouvre le Jubilé de l’an 2000.

Année Sainte 2015

L’ouverture du Jubilé extraordinaire de la Miséricorde en 2015, à l’occasion du 50e anniversaire de la fin du concile Vatican II, est liée à deux dates: le 29 novembre, jour où le Pape François ouvre la Porte sainte de la cathédrale Notre-Dame de Bangui, à l’occasion de son voyage apostolique en Afrique, et celui du 8 décembre. Le jour de la solennité de l’Immaculée Conception, la silhouette rétroéclairée du Pape François, filmée par le monde entier, brise la pénombre dans laquelle est plongée la basilique vaticane. L’ouverture de la Porte Sainte, rapporte L’Osservatore Romano, suit un rite ancien, riche en symboles, caractérisé par une image inédite: celle de François et de son prédécesseur Benoît XVI, alors Pape émérite, qui franchissent «le seuil l’un après l’autre, non sans avoir échangé une accolade affectueuse dans l’atrium».

Le Pape François ouvre le Jubilé 2015.

Le Pape François ouvre le Jubilé 2015.

Le Jubilé est un don de grâce. L’Année sainte 2025, qui s’apprête à s’ouvrir, s’inscrit dans la continuité de ces temps particuliers de grâce, dont les origines sont liées à 1300 et au pontificat de Boniface VIII. «Maintenant – souligne le Pape François dans la bulle d’indiction «Spes non confundit» – le moment est venu d’un nouveau Jubilé, pour ouvrir à nouveau la Porte Sainte pour offrir l’expérience vivante de l’amour de Dieu, qui suscite l’espérance dans les cœurs certains du salut en Christ.»

Source : VATICANNEWS, le 24 décembre 2024