Malte, une île marquée par l’héritage des Chevaliers hospitaliers

L'itinéraire des Chevaliers de l'Ordre de Malte, de Jérusalem au XIIe siècle à Rome de nos jours. L’itinéraire des Chevaliers de l’Ordre de Malte, de Jérusalem au XIIe siècle à Rome de nos jours.

Malte, une île marquée par l’héritage des Chevaliers hospitaliers

Le Pape François sur la «lumineuse terre de Malte» pour son 36e voyage apostolique hors d’Italie. Dans les pas de saint Paul, apôtre naufragé sur le rivage maltais en l’an 60 de notre ère, le Saint-Père va insister sur l’évangélisation, l’hospitalité et la paix. L’évêque de Rome se rend sur une île en partie façonnée par le rôle des Chevaliers hospitaliers de Malte, présents de 1530 à 1798. Décryptage historique. 

Entretien réalisé par Delphine Allaire – Cité du Vatican

L’archipel maltais a subi les vicissitudes des guerres au fil de son histoire, de par son positionnement géostratégique convoité en Méditerranée. Un passé très riche et composite, forgé en grande partie par les chevaliers de l’Ordre de Malte, arrivé en provenance de Rhodes à Malte en 1530. Entretien avec Anne Brogini, historienne, spécialiste de l’Ordre de Malte, professeur à l’Université Côte d’Azur.

Quelle est la genèse de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem, plus tard appelé Ordre de Malte?

Comme son nom l’indique, l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem est né à Jérusalem. Il est issu de marchands amalfitains, qui peu avant les Croisades dans la seconde moitié du XIe siècle, ont décidé de bâtir une auberge attenante à une église, pour à la fois soigner et accueillir, prêter hospitalité aux pèlerins se rendant dans les Lieux saints de Jérusalem.

Progressivement, après la prise de Jérusalem par les croisés en 1099, les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, dont le saint patron est saint Jean-Baptiste, sous l’égide du bienheureux Gérard l’Hospitalier -patron de l’époque-, demandent à être transformés en ordre monastique. Le Pape l’accepte par une bulle en 1113, fondant l’Ordre hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem. L’ordre a quatre vœux: les trois vœux monastiques d’obéissance, de chasteté et de pauvreté, ainsi que le vœu d’origine d’hospitalité.

Dans le contexte des croisades, au début du XIIe siècle peu après leur fondation, les Hospitaliers se muent en ordre religieux militaire international, selon le modèle des Templiers et des teutoniques. S’ajoute un cinquième vœu: la guerre sainte. Ils quittent Jérusalem lorsqu’elle tombe en 1187, et se voient confiés la protection du comté de Tripoli, notamment du fameux Krak des Chevaliers (dans l’ouest syrien actuel). Les États latins tombent en 1291. Ils quittent alors la Terre sainte pour s’installer d’abord à Chypre, mais des conflits avec les Lusignan, la monarchie dirigeante de l’île, font qu’ils quittent aussi Chypre pour conquérir tout seuls l’île de Rhodes en 1310, avec l’aide de corsaires génois et italiens.

Ils deviennent donc l’ordre de Rhodes, appellation qu’ils conservent jusqu’en 1522, date à laquelle Soliman le Magnifique les chasse de Rhodes. Une période d’errance commence. Ils réclament au Pape une nouvelle terre, mais ce dernier leur propose de voir avec Charles Quint. L’empereur du Saint-Empire romain germanique a une géostratégie méditerranéenne en tête et leur propose l’île de Malte. En 1530, les Hospitaliers s’installent à Malte.

“En 1530, les Hospitaliers s’installent à Malte”

Qui sont à l’époque ces chevaliers hospitaliers, d’où viennent-ils?

Au XVIe siècle à leur arrivée à Malte, ils sont divisés en trois groupes. Des nobles issus de la fine fleur de l’aristocratie européenne -les familles provençales comme les Villeneuve, la dynastie des Grimaldi-, des chapelains -les chevaliers étant des moines, ils ne peuvent dire la messe et ont donc besoin de prêtres chapelains-, et enfin des servants d’armes, qui sont des roturiers qui assistent les chevaliers dans les batailles ou dans le soin et l’administration de l’Ordre.

Dès leur arrivée et lors de leur installation à Malte, qu’accomplissent les chevaliers de l’Ordre pour l’île?

Ils arrivent en 1530, peu contents de l’île car elle supporte assez mal la comparaison avec Rhodes. Elle est plus fragile, rocailleuse, sans forêts, avec très peu de ravitaillement alimentaire possible. Il y a en revanche des opportunités magnifiques avec un port en eaux profondes exceptionnel, dont les Hospitaliers vont tirer de suite parti.

Transformés en ordre maritime à l’époque de Rhodes, ils choisissent de s’établir dans le port de Malte. La noblesse maltaise s’enfuit pour s’établir dans le centre de l’île à Mdina, et l’Ordre s’installe dans le port où il développe ses activités de guerre maritime, notamment contre les musulmans. La position à Malte pour eux devient une formidable opportunité, car ils sont proches de la rive africaine, des côtes du Maghreb. Ils reprennent à leur compte leur vœu de croisade, c’est-à-dire la lutte contre les corsaires barbaresques d’Afrique du nord.   

En 1565 a lieu le Grand siège de Malte, inaugurant ensuite une période de prospérité sous l’influence des Hospitaliers. Quel est alors le poids de Malte en Méditerranée?

En pratiquant la course aux larges des barbaresques, les Hospitaliers capturent beaucoup de musulmans se rendant vers leurs lieux saints, provoquant la colère des puissants des régences barbaresques. Leur course maritime ayant aussi lieu au Levant -la caravane d’Alexandrie, lien économique le plus important pour l’empire ottoman. Cela provoque l’ire du sultan Soliman le Magnifique, désormais âgé. Il décide d’attaquer Malte pour chasser définitivement les Hospitaliers de Méditerranée. Il échoue. Lors du siège de Malte, il y a à peu près un chrétien contre trois musulmans, mais les chevaliers ont défendu l’île jusqu’au bout. Le grand maître de l’Ordre, Jean de la Valette, va faire payer au sens propre les puissances chrétiennes, demandant des dédommagements financiers au Pape, au roi d’Espagne, du Portugal, de France. Il veut transformer Malte en frontière absolue de la chrétienté. La cité de La Valette est donc bâtie et nommée d’après le grand maître qui a soutenu le siège.

“Jean de La Valette veut transformer Malte en frontière absolue de la chrétienté”

À partir de quand note-t-on à Malte un déclin, voire la disparition de l’influence des chevaliers?

Au XVIe siècle, l’Ordre de Malte a toujours refusé d’intégrer la noblesse maltaise en son sein. Sans doute, craignant que les Maltais ne prennent trop d’ascendant dans l’Ordre. La noblesse maltaise est restée à l’écart. La population qui a fait bloc pendant le grand siège, est assez solidaire jusqu’au milieu du XVIIe. À partir des années 1630-1650, une dissociation des intérêts s’opère entre l’Ordre et la société insulaire. Le milieu interlope du port de Malte d’alors, fait de corsaires et de pirates, n’est que peu préoccupé par le thème de la croisade, devenu anachronique fin XVIe siècle. Il n’y a plus que les Chevaliers pour se jeter à corps perdus dans des batailles. Le décalage se poursuit au XVIIIe siècle jusqu’à ce que la population se révolte contre l’Ordre de Malte. Lorsque Napoléon pénètre l’île en 1798, les Maltais sont très satisfaits du départ de l’Ordre, même si très mécontents de la présence française.

Aujourd’hui, l’Ordre souverain de Malte est reconnu internationalement comme une ONG, quelle est la nature de ses éventuels liens persistants avec l’archipel maltais?

Ils ont en tout cas laissé de fabuleuses traces. Malte n’aurait jamais eu cette apparence sans les chevaliers de l’Ordre. Les fortifications, les merveilles architecturales, pas tellement les églises –car elles existaient bien avant-, ils ont légué un patrimoine exceptionnel. L’église Saint-Jean de la Valette en témoigne. Longtemps, l’Ordre de Malte a espéré récupérer l’île, mais les Anglais s’emparant de l’île en 1800 et réglant le sort de l’Europe en 1815, n’ont pas voulu rendre l’île aux chevaliers.

Source: VATICANNEWS, le 1er avril 2022

Le Pape confie à Marie son voyage à Malte

La chapelle Borghèse dans la basilique Sainte-Mare-Majeure.La chapelle Borghèse dans la basilique Sainte-Mare-Majeure. (©wjarek – stock.adobe.com)

Le Pape confie à Marie son voyage à Malte

Comme c’est la tradition avant chaque voyage apostolique, le Pape François s’est rendu ce vendredi 1er avril en fin d’après-midi à la basilique Sainte-Marie-Majeure afin de confier à la Vierge son 36eme voyage apostolique à Malte. 

Ce vendredi 1er vers le Pape s’est rendu à la basilique Sainte-Marie-Majeure pour prier devant l’icône de la Vierge Salus Populi Romani : un acte de confiance qui précède toujours le départ du pape pour ses voyages à l’étranger.

Dans la chapelle Borghèse qui abrite l’icône de la Vierge à l’Enfant dans ses bras – le Salut du peuple romain qui s’est confié à elle à chaque moment de difficulté – François a d’abord déposé un bouquet de fleurs sur l’autel puis s’est recueilli en prière, comme c’est la tradition depuis son premier voyage apostolique, en juillet 2013, pour les JMJ de Rio.

Source: VATICANNEWS, le 1er avril 2022

Mgr Scicluna: à Malte, le Pape vient en héraut de paix et réconciliation

« Une fois sauvés, nous avons découvert que l’île s’appelait Malte. Les indigènes nous ont traités avec une humanité peu ordinaire. » Livre des Actes des Apôtres, chapitre 2

Mgr Scicluna: à Malte, le Pape vient en héraut de paix et réconciliation

À la veille de l’arrivée du Souverain pontife sur l’île méditerranéenne, l’archevêque de Malte, Mgr Charles Scicluna, raconte les deux ans d’attente de ce 36e voyage hors d’Italie. Selon l’archevêque maltais, le Pape nous rappelle «la radicalité de l’Évangile» et, comme saint Paul, «l’importance de la guérison».

Michele Raviart – La Valette, Malte

L’Église maltaise se prépare à l’arrivée du Pape François samedi matin à Malte, destination du 36e voyage apostolique de son pontificat. Une «occasion d’aller à la source de l’annonce de l’Évangile», a défini le Pape, dans un lieu qui a vu le début de la christianisation de l’île après le naufrage de l’apôtre Paul en 60 après J.-C. Un voyage fortement souhaité par le Pape, et déjà reporté à cause de la pandémie, qui sera également marqué par le thème de l’hospitalité, encore plus d’actualité aujourd’hui en Europe avec l’exode de centaines de milliers de réfugiés d’Ukraine.

Mgr Charles J.Scicluna, président de l’épiscopat maltais, accompagnera le Pape François lors des étapes de son voyage. L’archevêque de La Valette en poste depuis 2015 est aussi particulièrement impliqué dans le domaine des abus au sein de la Congrégation pour la doctrine de la foi, dont il est secrétaire adjoint. Entretien.

Votre Excellence, quelle est la signification de l’arrivée du Pape François pour l’Église de Malte?

Après deux ans d’attente, la visite du Pape a non seulement une signification très profonde pour les gens, mais c’est aussi une présence plus qu’appréciée, également parce que le moment présent nous tourne vers la tragédie qui se déroule en Ukraine. Le Pape vient comme un héraut de la miséricorde, de la réconciliation et de la paix; il parle depuis le sud de l’Europe, depuis le cœur de la Méditerranée, qui a toujours été un théâtre de convergence, mais aussi de conflit et dont l’histoire unit trois continents, mais les sépare aussi.

Le Pape vient également le 5e dimanche de carême où Jésus, s’adressant à la femme adultère, la sauve d’une condamnation à mort et donne à cette femme, prise en flagrant délit d’adultère, un nouveau départ. La Parole de Dieu que nous célébrerons avec le Saint-Père ce dimanche du Carême 3 avril, parle précisément de réconciliation, de miséricorde, mais aussi d’un nouveau départ. C’est le message que le Pape apporte à Malte, au cœur de la Méditerranée, mais aussi en regardant le monde entier, en particulier nos frères et sœurs d’Ukraine.

La question de l’accueil et des migrants est l’un des grands thèmes de ce voyage. Quelle est leur situation à Malte, et qu’apporteront les paroles du Pape lorsqu’il rencontrera certains de ces migrants dimanche?

Si nous regardons l’Europe orientale, la réalité des migrants qui fuient des conflits violents, agressifs et injustes est très claire, et elle nous invite à accueillir ceux qui fuient leur propre pays non pas sur un coup de tête, mais par besoin, par nécessité.

Depuis des années, à Malte, nous sommes une frontière qui ne peut être une barrière, mais qui doit être un point d’accueil. Même les mots qui proviennent des Actes des Apôtres, chapitre 28, qui parlent de l’accueil que les Maltais ont réservé à 276 naufragés, dont l’apôtre Paul, sont le fruit d’un récit très ancien. J’ai toujours été frappé par le fait que certains spécialistes nous disent que l’une des étymologies du nom «Malte» vient d’une très ancienne racine phénicienne –«malet»- qui signifie un port sûr, un refuge.

Malte a la chance d’avoir des ports vraiment sûrs où ceux qui voyageaient par la mer pouvaient aussi s’arrêter, se rafraîchir, voire accomplir des actes de culte, car Malte possède de nombreux temples de culte antérieurs à l’ère chrétienne et qui étaient -justement- non seulement un refuge personnel et psychologique, mais aussi spirituel; et c’est une vocation géopolitique à laquelle nous ne pouvons échapper.

Malte est située au centre de la Méditerranée et doit également s’occuper du couloir central de migration, mais elle considère aussi la réaction légitime, la belle réaction des pays européens face aux flux migratoires venant d’Ukraine ces jours-ci. Et entre nous, nous disons qu’il serait bien que cette solidarité européenne soit également vécue avec les pays du sud qui, depuis des années, portent un fardeau disproportionné, sans recevoir le même type de solidarité que les autres.

Le Pape François visitera -comme l’ont fait Jean-Paul II et Benoît XVI- les grottes de saint Paul. Du point de vue apostolique, que signifie l’ensemble du voyage pour la communauté chrétienne de Malte, tant pour l’Église que pour les fidèles?

Il faut admettre que l’inspiration du voyage, il y a deux ans, est venue des paroles du Saint-Père à l’époque, au début de janvier 2020, alors qu’il commentait le chapitre 28 des Actes des Apôtres. Il s’est souvenu de nous en lisant les belles paroles que Luc utilise pour commémorer et rappeler l’accueil et la bienveillance des Maltais, même de notre premier évêque qui s’appelait Publius.

Paul est resté avec nous pendant trois mois, dans cette ancienne grotte que les Papes visitent lorsqu’ils sont ici, 2 000 ans après l’arrivée de Paul. Nous vivons sous l’influence de la sécularisation, d’un monde globalisé avec une attitude très liquide vis-à-vis des engagements humains, personnels et moraux. Le Pape vient comme celui qui nous rappelle la nature radicale de l’Évangile mais aussi de la guérison, et il apporte la Parole de Jésus.

Paul a certainement parlé de Jésus, mais Luc ne nous dit pas ce qu’il a dit. Il nous raconte quelques faits de guérison. Il dit: «Ils amenèrent à l’apôtre tous les malades de l’île, et il les guérit». Au nom de Jésus. Et c’est ainsi que nous avons -du moins, nos ancêtres- rencontré Jésus dans la Parole qui sauve, qui réconcilie, qui guérit. Et c’est la Parole que nous attendons du Pape, le Successeur de Pierre.

Comment l’île se prépare-t-elle à l’arrivée du Pape sur le plan pratique, tant les citoyens que les autorités? Le nouveau Premier ministre a prêté serment il y a quelques jours. Quelle est l’atmosphère ambiante?

Il y a une grande attente. Évidemment, les élections du week-end dernier sont toujours à l’ordre du jour: le nouveau gouvernement est en cours de formation; c’est un moment de la vie civile qui ne peut être ignoré. Mais les préparatifs battent leur plein et nous prions pour qu’il fasse beau samedi et dimanche car, comme on le sait, dans les îles méditerranéennes, quand le vent souffle, il souffle très fort…

Source: VATICANNEWS, le 1er avril 2022

Le cardinal Parolin s’exprime sur voyage du Pape François à Malte

Le cardinal Pietro Parolin à l'occasion des 40 ans de relations diplomatiques entre le Saint-Siège et le Royaume-Uni, à Rome, le 29 mars 2022. Le cardinal Pietro Parolin à l’occasion des 40 ans de relations diplomatiques entre le Saint-Siège et le Royaume-Uni, à Rome, le 29 mars 2022. (Vatican Media)

Le cardinal Parolin s’exprime sur voyage du Pape François à Malte

Dans un entretien accordé à Vatican News, à la veille du 36e voyage apostolique du Pape François à Malte, le cardinal Secrétaire d’État Pietro Parolin est revenu sur les objectifs de ce déplacements du Saint-Père. Une visite axée sur les personnes dans le besoin, le phénomène de migration et sur l’espoir que cesse la guerre en Ukraine, a-t-il exprimé.

Massimiliano Menichetti – Cité du Vatican

Accueillir, protéger, promouvoir et intégrer. À l’occasion de la visite du Pape à Malte, le Secrétaire d’État du Saint-Siège, Pietro Parolin, a rappelé les quatre verbes que François a utilisé pour embrasser ceux qui fuient la guerre, les persécutions, la violence ou qui cherchent un avenir meilleur, invitant toute l’Europe à partager et à prendre ses responsabilités. La proclamation de l’Évangile est au cœur de la visite pour donner «des raisons de vivre et l’espoir dont nous avons tant besoin dans le monde d’aujourd’hui».

Ce voyage, reporté en 2020 en raison de l’épidémie de Covid-19, se déroule pendant la guerre en Ukraine. Le cardinal Parolin, qui sera comme d’habitude aux côtés du Pape, a réitéré la tristesse de François face au conflit en cours, et son espoir de voir les armes se taire.

Votre Éminence, dans quel esprit le Pape se prépare-t-il à partir ?

«Il s’agit certainement d’un voyage très attendu, parce qu’il a déjà été reporté une fois à cause du Covid. Et il a en même temps lieu dans ce contexte de guerre qui préoccupe énormément le Saint Père. J’imagine qu’il fera ce voyage avec la forte tristesse qu’il a déjà manifestée à de nombreuses reprises ces derniers mois et ces dernières semaines pour ce qui se passe en Ukraine. Et il réitérera, j’imagine, son appel à l’arrêt des combats, au silence des armes et à la poursuite du dialogue car les négociations sont déjà en cours même si elles ne semblent pas avoir abouti à un résultat concret. Ce voyage [se tiendra] donc dans d’un esprit de douleur et de participation à la souffrance de cette population et d’une invitation à mettre fin à la guerre.»

Malte se trouve au milieu du «désert bleu» comme le Pape a appelé la Méditerranée. Un lieu qui rappelle le drame de la migration. L’Europe fait beaucoup pour les réfugiés ukrainiens, que peut-elle faire de plus pour ceux qui traversent la Mare Nostrum en quête d’espoir ?

«Nous remercions le Seigneur car nous assistons à un véritable concours de solidarité avec les réfugiés d’Ukraine. Ce que les différents pays européens font pour eux est vraiment admirable. J’espère que cette expérience tragique pourra réellement aider à sensibiliser les autres migrants aussi, ceux qui viennent du sud. Et il me semble qu’à cet égard, il n’y a pas d’alternative à la coopération et au partage de la responsabilité des « fardeaux », appelons-les ainsi, entre tous les pays européens, surtout entre ceux d’arrivée, de première arrivée et ensuite ceux de transit et de destination.

Ainsi, tout d’abord, la priorité – le Pape l’a souvent répété – est de sauver des vies, de sauver des vies en mer et cela peut être fait en augmentant les routes disponibles pour la migration régulière. Et puis, plus en amont, œuvrer pour que personne ne soit contraint de quitter sa patrie en raison d’un conflit, de l’insécurité ou du sous-développement. Par conséquent, il convient d’investir dans les pays d’origine, notamment en termes de développement économique, de stabilité politique, de bonne gouvernance et de respect des droits de l’Homme. Dans un même temps, [nous devons] combiner ces quatre verbes que le Pape nous a indiqués : accueillir, protéger, promouvoir et intégrer, et le faire vraiment ensemble. Aucun État ne peut assumer seul cette responsabilité. Nous avons besoin d’un engagement commun qui doit être également partagé avec la société civile, y compris les groupes religieux et l’Église catholique en particulier.»

Après la Grèce et Chypre, le Pape arrivera sur l’île du naufrage de saint Paul. Une autre étape sur les traces du grand «Apôtre des Gentils». Nous sommes entrés dans la dixième année de ce pontificat : quel bilan peut-on dresser, en regardant notamment l’Église sortante que veut François ?

«Il me semble significatif qu’en cette dixième année de son pontificat se tienne ce voyage à Malte, car Malte est liée à la figure de saint Paul, qui est l’évangélisateur par excellence. Et s’il y a une note qui a caractérisé avec insistance le pontificat de François, c’est précisément celle de l’appel, de l’invitation de l’Église à devenir toujours plus missionnaire, à porter l’annonce de l’Évangile à tous, dans toutes les situations.

Cette action missionnaire présente donc deux caractéristiques qui, à mon avis, sont typiques du Pape François, à savoir aller vers les gens concrets et les rencontrer sur place dans les situations qu’ils vivent, qu’elles soient positives, négatives ou critiques. Bien sûr, son invitation est précisément celle d’une conversion missionnaire, et se convertir demande du temps et de la bonne volonté. Mais je crois que cet appel a eu un effet profond sur la vie de l’Église. Il y a ainsi une volonté de la plupart [de ces personnes] de s’engager dans cette direction pour annoncer l’Évangile aux gens d’aujourd’hui, et donner, surtout à travers l’annonce de l’Évangile, des raisons de vivre et d’espérer dont nous avons tant besoin dans le monde.»

Le Pape François sera le troisième pontife à se rendre à Malte, pays où l’Église est aussi confrontée aux défis classiques des sociétés occidentales. Comment les vivre en conjuguant identité et dialogue ?

«L’Église de Malte est confrontée aux problèmes auxquels l’Église de tous les pays occidentaux doit faire face. Il y a une grande tradition religieuse de proximité avec les gens et leurs besoins. Il suffit de penser aux nombreuses œuvres qui existent à Malte en termes de charité, d’attention aux plus démunis, d’attention aux malades, aux handicapés et puis toute l’éducation, le problème même de l’émigration que nous avons mentionné plus tôt et l’attention de l’Église. D’autre part, on constate un certain déclin de la pratique religieuse et un certain effritement des valeurs chrétiennes sur lesquelles la société a été fondée.

Je crois que la réponse est celle que nous avons évoquée précédemment, qui peut être – et le Pape François le propose naturellement – formulée dans le binôme disciple-missionnaire. (…) Le disciple indique l’identité, une identité chrétienne forte qui vient d’une relation personnelle avec Jésus-Christ. Le chrétien s’identifie et cette identité et au fait d »être disciple de Jésus-Christ. Et en même temps, cette ouverture doit se traduire surtout par un dialogue avec le monde d’aujourd’hui. Un dialogue à la fois accueillant et critique, même pour les aspects les moins positifs de notre réalité et de notre société.»

Quatre-vingt-cinq pour cent de la population de Malte est catholique. Le Pape va les confirmer dans la foi, quel est l’espoir ?

«Je souhaite que Malte se laisse confirmer dans la foi et que cette foi se traduise par un témoignage, par une forte conscience de la nécessité pour les chrétiens maltais de témoigner de leur foi au sens de la proclamation. Nous pourrions rappeler ce que saint Paul a dit : « Opportune et importune ». A tout moment, dans toute situation, qu’on le veuille ou non, j’annonce Jésus-Christ, j’annonce son Évangile. Donc un témoignage qui va dans ce sens et un témoignage qui va dans le sens d’incarner sa propre foi dans la charité, et dans l’accueil des autres.»

Source: VATICANNEWS, le 31 mars 2022